Les anémies mégaloblastiques sont définies par une anomalie de la synthèse de l’ADN, due dans la majorité des cas à une carence en folates et /ou en cobalamines (vitamine B12). Il existe également de rares anémies mégaloblastiques non carentielles notamment congénitales ou toxiques. Elles sont caractérisées par un gigantisme cellulaire identifié au niveau des érythroblastes médullaires appelés ainsi mégaloblastes, mais aussi au niveau de toutes les cellules à renouvellement rapide (épithélium buccal, intestinal, vaginal, etc.) .
RAPPEL SUR LES ANEMIES MEGALOBLASTIQUES CARENTIELLES
EPIDEMIOLOGIE
LES ANEMIES MEGALOBLASTIQUES EN GENERAL
Beaucoup d’études ont été effectuées dans les pays développés sur les anémies mégaloblastiques carentielles. Elles existent aussi bien chez l’homme que chez la femme, chez l’enfant et chez l’adulte à une fréquence diversement appréciée.
– Les carences en acide folique (8, 10, 17, 50) Elles sont les plus fréquentes notamment les carences d’apport. Les personnes victimes de ces carences sont les vieillards qui s’alimentent mal, les alcooliques chroniques mais aussi les femmes enceintes ou allaitantes et les enfants en bas âge de croissance. Elles sont surtout décrites chez la femme enceinte avec une fréquence de 0,01 à 5% dans les pays développés de la zone tempérée (Etats-Unis, Europe du Nord, Grande Bretagne, France). La fréquence est beaucoup plus élevée en Amérique centrale et du Sud, Asie et Proche-Orient.
– Les carences en vitamine B12 (8, 10, 12,37,50) Plusieurs études ont montré que les carences par malabsorption en vitamine B12 sont plus fréquentes que les carences d’apport et touchent surtout les personnes âgées. Par contre d’autres études menées aux USA ont montré que les carences d’apport sont plus rencontrées et touchent plus de 50% des sujets âgés américains. L’origine la plus fréquente des carences par malabsorption de la vitamine B12 est la maladie de Biermer. Elle est le plus souvent rencontrée chez les Nord Européens et les noirs américains. Elle est surtout fréquente en France. Cette affection atteint surtout les sujets âgés ayant près de 60 ans et le sexe féminin est le plus touché.
PROBLEMATIQUE DES ANEMIES MEGALOBLASTIQUES CARENTIELLES EN AFRIQUE NOIRE
Beaucoup d’études effectuées sur les anémies nutritionnelles montrent que les anémies mégaloblastiques occupent une place importante, cependant elles sont mal connues en Afrique.
– Fréquence
En Afrique de l’Ouest des études ont montré que les anémies mégaloblastiques carentielles viennent au deuxième rang des anémies nutritionnelles après les anémies par carence en fer.(17,29) Une étude menée à l’hôpital Principal de Dakar sur une durée de cinq ans a montré sur 402 myélogrammes effectués quelqu’en soit l’indication que 54 étaient des anémies mégaloblastiques soit 10, 20% (24). Une étude analogue menée à Treichville (Côte d’Ivoire) sur une durée de 19 ans a montré que sur 2595 myélogrammes effectués 904 étaient des anémies mégaloblastiques soit 34,84% (36). Une autre étude menée au Zimbabwe sur 620 patients qui ont bénéficié d’un myélogramme quelqu’en soit l’indication a montré la présence d’anémies mégaloblastiques chez 156 malades soit 25,2% (33).
– Les populations concernées
Toutes les couches de population sont touchées par les anémies mégaloblastiques carentielles, les hommes comme les femmes, les enfants comme les adultes et sujets âgés. Dans certaines études menées en Afrique notamment au Kenya et au Zimbabwe, le sexe féminin est plus touché.(32, 35). Par contre une étude menée au Sénégal a montre une prédominance masculine (5).
– Répartition géographique
La distribution géographique des anémies mégaloblastiques carentielles est variable.
. Afrique du Nord
Elles sont dominées par les anémies mégaloblastiques de la gravido – puerpéralité en rapport avec une carence folique. La carence en vitamine B12 est rare.
. Afrique de l’Est
Les anémies rencontrées en Afrique de l’Est sont identiques à celles rencontrées dans les autres Pays tropicaux du monde. Les anémies mégaloblastiques représentent 58 % des cas suivies des anémies par carence martiale 32 % des cas
. Afrique du Sud
Les anémies nutritionnelles sont dominées par les anémies mégaloblastiques. La plupart de celles-ci sont chez les bantous associées à une grossesse (77%).la maladie de Biermer a une incidence nettement plus élevée chez les blancs (72%)
. Afrique de l’Ouest
Les anémies par carence folique sont plus fréquentes. Elles intéressent les populations tant urbaines que rurales. Elles représentent 14,1% des anémies de la femme enceinte.
– Présentation clinique Les études menées en Afrique ont montré que la symptomatologie clinique est la même que dans les autres parties du monde. Seulement les symptômes en rapport avec l’anémie sont souvent au premier plan, dus le plus souvent à une carence martiale associée qui est très fréquente en Afrique. ( 29, 32) Dans la maladie de Biermer, la mélanodermie est fréquemment observée chez le sujet noir. (2, 6, 16, 42, 45, 46)
– Disponibilité des examens paracliniques Les dosages vitaminiques ne sont pas disponibles dans tous les pays d’Afrique et leur coût est très élevé. A Dakar ces dosages sont effectués à l’Institut Pasteur au prix de 20.400Frs CFA pour chaque vitamine.
La recherche d’anticorps anti -FI et anticorps anticellules pariétales est rarement demandée dans les études du fait de leur coût élevé mais aussi de leur indisponibilité dans certains pays de l’Afrique (1) L’endoscopie est devenue un examen systématique dans le bilan étiologique des anémies mégaloblastiques. Devant l’absence de moyens d’investigation, le diagnostic de la maladie de Biermer est souvent porté devant l’aspect typique de la gastrite atrophique retrouvée à l’endoscopie.
– Les étiologies
Bien que l’anémie mégaloblastique soit fréquente en Afrique, le diagnostic étiologique est souvent difficile en raison de l’insuffisance des moyens paracliniques. Des études ont montré que les carences d’apport en folates sont plus fréquentes en Afrique du fait du faible niveau de vie des populations et de la fréquence des famines. (17) Elles touchent le plus souvent les enfants en âge de croissance, les femmes enceintes, et les femmes allaitantes.( 29) Les carences en vitamine B12 sont moins fréquentes mais ne sont pas rares. Des études menées au Zimbabwe et au Kenya ont montré que les carences en vitamine B12 sont la première cause des anémies mégaloblastiques.(35, 29) Ces carences en vitamine B12 sont dominées par les malabsorptions parmi lesquelles la maladie de Biermer. Jusqu’à très récemment, elle était considérée comme rare chez les populations noires. En effet, il s’agit d’une maladie qui touche en principe le sujet relativement âgé et l’espérance de vie étant plus courte en Afrique que dans les pays européens il est normal qu’elle soit plus rarement constatée.(1, 16) La mélanodermie est fréquemment décrite chez le noir.(2,6, 42, 45) L’âge moyen de survenue de cette maladie est supérieur à 40 ans dans beaucoup d’études (2, 16, 42) Des formes juvéniles ont été rapportées en Afrique (46). Quant au sexe, une prédominance féminine est le plus souvent notée .
Toutes ces études montrent que les anémies mégaloblastiques posent un problème dans le monde entier en particulier en Afrique. Elles constituent un vrai problème de santé publique compte tenu des effets néfastes de l’anémie sur les populations, d’où la motivation de notre étude.
PHYSIOPATHOLOGIE
RAPPEL SUR LES FOLATES
Historique
Entre 1935 et 1939, divers auteurs identifient dans le foie et les levures des substances appelées vitamine M, facteurs éluat ou vitamine Bc dont l’absence provoque une anémie chez le singe Rhésus, une anémie macrocytaire chez le rat et un arrêt de croissance de certaines bactéries. L’identification de ces substances chimiquement et biologiquement très voisines, dont le substrat est appelé acide folique parce qu’il abonde dans les feuilles de certains végétaux comme les épinards (follium = feuille en latin), a été réalisée en 1941. La synthèse en a été effectuée en 1946. C’est à partir de 1950 qu’ont été développés des analogues de l’acide folique, utilisés comme antimitotiques dans le traitement de certains cancers : aminoptérine, amithoptérine (méthotrexate) .
Nomenclature
L’acide folique (vitamine Bc, vitamine B9, acide ptéroylmonoglutamique) est un terme général regroupant l’acide folique et ses dérivés réduits qui sont en fait les formes physiologiquement actives. Le terme de folate est employé préférentiellement à l’acide folique qui n’est pas une forme normalement retrouvée dans les aliments ou dans l’organisme, mais qu’on utilise en thérapeutique en raison de sa stabilité et qui ne devient biologiquement active qu’après réduction.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPEL SUR LES ANEMIES MEGALOBLASTIQUES CARENTIELLES
I- EPIDEMIOLOGIE
1- Les anémies mégaloblastiques en général
2- Problématique des anémies mégaloblastiques en Afrique Noire
II- PHYSIOPATHOLOGIE
1- LES FOLATES
1.1- Historique
1.2- Nomenclature
1.3- Structure et formes chimiques
1.4- Propriétés physiques
1.5- Sources alimentaires, besoins, réserves
1.6- Métabolismes
1.7- Fonctions
2- LA VITAMINE B 12
2.1- Historique
2.2- Nomenclature
2.3- Structure et formes chimiques
2.4- Propriétés physiques
2.5- Sources, besoins, réserves
2.6- Métabolisme
2.7- Fonctions
3- RAPPEL SUR LE ROLE DES FOLATES ET DE LA VITAMINE B 12 DANS LA SYNTHESE DE L’ADN
4- CONSEQUENCES DES TROUBLES DU METABOLISME DES FOLATES ET DE LA VITAMINE B12
III- DIAGNOSTIC
1- DIAGNOSTIC POSITIF
1.1- Anamnèse
1.2- Clinique
1.3- Biologie
13.1- Hématologie
1.3.2- Bilan biochimique
1.3.3- Dosages vitaminiques
1.3.4- Tests thérapeutiques
2- DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
2.1- Enquête étiologique
2.1.1- Interrogatoire
2.1.2- Bilan étiologique
2.2-Causes
2.2.1- Carences en folates
2.2.1.1- Carences d’apport
2.2.1.2- Carences par malabsorption
2.2.1.3- Excès d’utilisation et/ou de perte
2.2.2- Carences en vitamine B12
2.2.2.1- Carences d’apport
2.2.2.2- Malabsorptions
2.2.2.3- Augmentation des besoins
2.2.3- Troubles du transport et de l’utilisation intracellulaire
3- DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
3.1- Anémies macrocytaires régénératives
3.2- Anémies macrocytaires arégénératives
IV- TRAITEMENT
1- BUTS
2- MOYENS
3- INDICATIONS
3.1- Mesures thérapeutiques
3.2- Traitement symptomatique
3.3- Traitement étiologique
3.4- Traitement préventif
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I – OBJECTIFS
II – PATIENTS ET METHODES
1- CADRE D ETUDE
2- CRITERES D INCLUSION
3 –METHODOLOGIE
III – RESULTATS
1- INCLUSION DES PATIENTS
2- ETUDE DESCRIPTIVE
2.1- Données épidémiologiques
2.1.1- Répartition des malades selon l’âge
2.1.2- Répartition des malades selon le sexe
2.1.3- Profession des malades
2.1.4- Origine des malades
2.2- Données anamnestiques
2.2.1- Les antécédents
2.2.2- Le mode de vie
2.3- Données cliniques
2.3.1- Motifs d’hospitalisation
2.3.2- La durée des symptômes
2.3.3- Examen clinique
2.4- Données paracliniques
2.4.1- Données hématologiques
2.4.1.1- Hémogramme
2.4.1.2- Frottis sanguin
2.4.1.3-Myélogramme
2.4.2- Données biochimiques
2.4.3- Dosages vitaminiques
2.4.4- Autres examens
2.5- Données thérapeutiques
2.6- Evolution
3- ETUDE DU SUIVI A MOYEN TERME
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I-COMMENTAIRES
1- NOS METHODES
2- INCLUSION DU PATIENT
3- ETUDE DESCRIPTIVE GLOBALE
3.1- Epidémiologie
3.1.1- Répartition des malades selon l’âge
3.1.2- Répartition des malades selon le sexe
3.1.3- La profession
3.1.4- Origine des malades
3.2- Données anamnestiques
3.3- Données cliniques
3.3.1- Motif d’hospitalisation
3.3.2- La durée des symptômes
3.3.3- Examen clinique
3.4. Données paracliniques
3.4.1- Données hématologiques
3.4.2- Données biochimiques
3.4.3- Dosages vitaminiques
3.4.4- Examens à visée étiologique
3.5- Attitudes thérapeutiques
3.6- La gravité de la maladie
3.7- Evolution à court terme
4- CAUSES
4.1- Carences en folates
4.2- Carences en vitamines B12
4.3- Carences associées en folates et en vitamines B12
4.4- Causes indéterminées
5- ETUDE DU SUIVI A MOYEN TERME
II- PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
ANNEXES