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DE QUELQUES IDรES FAUSSES
Les conduites suicidaires sont ร lโorigine de multiples idรฉes fausses quโil semble important dโinfirmer :
– ยซ Parler du suicide avec un patient risque de le faire passer ร lโacte ยป : au contraire, parler avec le sujet lui permet dโexprimer sa souffrance, ses difficultรฉs, ses peurs. Cela lui permet de se sentir รฉcoutรฉ, compris, voire soulagรฉ. Le risque de passage ร lโacte nโest pas majorรฉ ;
– ยซ Le geste suicidaire : un choix, un acte courageux, un acte de lรขchetรฉโฆ ยป : le suicide ne rรฉsulte jamais dโun choix librement consenti. Il est la consรฉquence dโune impasse existentielle et dโune souffrance devenue insupportable ;
– ยซ Les patients qui parlent dโidรฉes suicidaires ne passent jamais ร lโacte et/ ou veulent juste attirer lโattention ยป : cette affirmation ne peut รชtre soutenue. En effet, 70 ร 80 % des patients suicidants et suicidรฉs ont รฉvoquรฉ le suicide avant leur geste.
FACTEURS DE RISQUE ET POPULATIONS ร RISQUE
Les facteurs de risque suicidaire sont des facteurs existants ร lโรฉchelle dโune population donnรฉe et actuellement corrรฉlรฉs avec la survenue d’un suicide (10). Il ne s’agit donc pas de facteurs individuels. Ils sont en interaction les uns avec les autres et peuvent รชtre majorรฉs en prรฉsence d’autres facteurs dรฉcrits ci-aprรจs. Tout sujet est susceptible de prรฉsenter une certaine vulnรฉrabilitรฉ psychique en raison dโรฉvรฉnements antรฉrieurs, survenus souvent au cours de lโenfance (pertes parentales prรฉcoces, carences affectives, violence, maltraitance ou sรฉvices). Cette vulnรฉrabilitรฉ psychique est susceptible de favoriser un passage ร l’acte suicidaire sous l’influence de diffรฉrents facteurs.
Le suivi de personnes exposรฉes ร des รฉvรฉnements traumatiques a montrรฉ que ces situations peuvent permettre aux sujets de trouver des ressources mรฉconnues (individuelles, familiales, sociales, professionnelles). Ces facteurs de protection leur permettent de se dรฉgager de lโimpact traumatogรจne de lโรฉvรฉnement, de le dรฉpasser et dโacquรฉrir de cette douloureuse expรฉrience des ressources supplรฉmentaires : ceci correspond au processus de rรฉsilience. Dans une perspective pragmatique et prรฉventive, Rihmer (32) a proposรฉ de classer les facteurs de risque en 3 catรฉgories, elles-mรชmes reprises par la confรฉrence de consensus consacrรฉe ร la crise suicidaire (10).
๏ FACTEURS DE RISQUE PRIMAIRES :
Les facteurs primaires ont une valeur d’alerte importante. Ils sont en forte interaction les uns avec les autres et peuvent รชtre influencรฉs fortement par les thรฉrapeutiques. Ce sont :
– les troubles psychiatriques,
– les antรฉcรฉdents familiaux et personnels de suicide et tentatives de suicide,
– la communication ร autrui d’une intention suicidaire,
– l’existence d’une impulsivitรฉ, facilitant le risque de passage ร l’acte (tension psychique, instabilitรฉ, agitation).
๏ FACTEURS DE RISQUE SECONDAIRES :
Leur valeur prรฉdictive est faible en l’absence de facteurs primaires. Ils ne sont que faiblement modifiables par les thรฉrapeutiques. Ce sont :
– les pertes parentales prรฉcoces,
– l’isolement social : sรฉparation, divorce, veuvage, famille trรจs รฉloignรฉeโฆ,
– le chรดmage ou l’existence d’importants problรจmes financiers.
๏ FACTEURS DE RISQUE TERTIAIRES :
Les facteurs de risque tertiaires n’ont pas de valeur prรฉdictive en l’absence de facteurs primaires et secondaires et ne peuvent รชtre modifiรฉs par une thรฉrapeutique. Ce sont :
– l’appartenance au sexe masculin,
– l’รขge, en particulier l’adolescence et la sรฉnescence,
– certaines pรฉriodes de vulnรฉrabilitรฉ (exemple : pรฉriode estivale).
Au-delร de ces trois types de facteurs possibles, il est constatรฉ que des รฉvรฉnements, en apparence anodins, peuvent รชtre les dรฉclencheurs dโun passage ร lโacte (exemple : jour de congรฉ refusรฉ).
Ces facteurs dรฉclenchants, qui seuls nโauraient eu aucune rรฉsonance particuliรจre, sont ร mettre en lien avec les facteurs primaires, secondaires ou tertiaires (5, 8, 14, 48).
Premier entretien avec Fatima ร 2 jours de la TS.
Le 4 janvier 2017, un collรจgue ร moi, mโa appelรฉ pour me recommander Fatima. En disant quโelle a fait une tentative de suicide depuis environ 24 heures.
Je lโai reรงue le lendemain dans mon bureau au service de psychiatrie du centre hospitalier de spรฉcialitรฉs de Nouakchott.
Le 5 janvier 2017 ร 13h, Fatima est entrรฉe dans mon bureau. Elle est venue seule. Elle avait une tenue vestimentaire adaptรฉe. Elle sโest prรฉsentรฉe poliment. Elle รฉtait calme avec une mimique anxieuse. Elle รฉtait en meulfeu (habit mauritanien fรฉminin) beige. Le voile couvrait soigneusement un visage sans maquillage. Sa tenue รฉtait simple, elle nโavait pas de bijoux, ร part son alliance. Aprรจs un moment de silence, elle se mit en crise avec des mouvements accompagnรฉs de cris de trois types : dโabord un rejet brusque de la tรชte vers lโarriรจre comme si elle venait de recevoir un coup frontal, le second simulait un geste de dรฉpit quand elle pousse sa main droite ou gauche vers le haut comme pour repousser un objet situรฉ sur sa tรชte ร 20 cm de sa tรชte en parallรจle avec ses รฉpaules ; et le troisiรจme qui reprรฉsente un signe de grimace dรฉvoilant une asymรฉtrie de ses lรจvres. Les cris รฉtaient faits de hurlements dโintensitรฉ variable, de faibles ร trรจs forts. Les moments de pauses รฉtaient cependant plus longs. Cโรฉtait un moment difficile pour moi car jโavais peur et jโรฉtais surpris. En effet jโรฉtais pris au dรฉpourvu par la brutalitรฉ de la symptomatologie qui ne mโavait pas รฉtait racontรฉe par le collรจgue et du coup par une peur dโรชtre violentรฉ.
Aprรจs quelques petites minutes, Fatima commenรงa ร parler :
ยซ Jโen ai marre ! docteur. Je suis fatiguรฉe. Je ne peux plus regarder les gens dans le visage. Jโai honte. Je ne sais plus quoi faire ยป
Depuis la TS, le mari de Fatima est restรฉ ร ses cotรฉs : ยซ mon mari ne va plus au travail ร cause de moi malgrรฉ quโil mรฉrite bien รงa. Il est ingrat. Il mโa beaucoup nรฉgligรฉe. A lโรฉpoque de notre mariage, il nโavait pas un sou. Jโai beaucoup souffert avec lui mais je lโai supportรฉ et je lโai soutenu pour devenir richard. Et lui, au lieu de me montrer sa gratitude et me rรฉcompenser, il a fait exactement le contraire. Il commenรงa ร courir derriรจre les femmes et ร distribuer lโargent au gens. Et moi, il ne me donnait que les restes. ยป
Ma famille et la sienne, qui nโรฉtaient dโailleurs, quโune seule et mรชme famille รฉtaient furieuses contre moi. Elles disaient que je gaspillais lโargent de mon mari et que je le manipulais. Au contraire, il nโรฉcoutait jamais ce que je lui disais. Sโil mโรฉcoutait, il serait devenu un milliardaire. Son agence ne serait pas tombรฉe en faillite. Il a distribuรฉ son argent aux cousins, aux amis et aux maitresses. Finalement, il รฉtait devenu endettรฉ et les crรฉditeurs ont failli le mettre en prison, sans lโintervention de ses oncles qui ont hypothรฉquรฉ leurs maisons pour le sauver. Et moi jโai vendu tous les perles et tout lโor que jโavais et jโai presque tout donnรฉ a mon mari mais heureusement que jโai gardรฉ une petite somme avec la quelle jโai pu ouvrir ma boulangerie qui prรฉsente aujourdโhui notre principale source financiรจre. ยป
A la fin de lโentretien, je nโai pas voulu mettre Fatima sous traitement, vu ses intentions suicidaires et par ce quโelle รฉtait venue seule. Jโavais des apprรฉhensions pour une nouvelle tentative de suicide par moyen mรฉdicamenteux. Jโai cependant tentรฉ de la rassurer verbalement puis รฉmotionnellement, ensuite je lui ai donnรฉ mon numรฉro de tรฉlรฉphone, en lui promettant dโรชtre disponible ร tout moment pour venir ร son aide quand elle se sentira en difficultรฉs. Nous avons aussi exigรฉ que le mari vienne ร la prochaine consultation pour avoir un autre discours et aussi pour pouvoir faire une prescription Secure. Le rendez-vous รฉtait programmรฉ aprรจs quatre jours. Jโรฉtais cependant rassurรฉ par rapport ร son tableau qui me semblait รชtre une conversion hystรฉrique.
Deuxiรจme entretien avec Fatima ร 6 jours de la TS
A 12h du matin jโentendis les cris de Fatima derriรจre la porte de mon bureau. Cโรฉtait des crisย intenses, continus et sans rรฉpit. Jโouvris la porte, je la vis accompagnรฉe par un homme, paniquรฉ, qui se prรฉsenta comme รฉtant son mari.il expliqua que ses cris ont commencรฉ ร sโintensifier de plus en plus depuis hier pour atteindre son รฉtat actuel depuis environ une heure de temps. Les cris รฉtaient continus, le voile nโรฉtait pas bien fait sur sa tรชte, sa mimique รฉtait anxieuse et elle ne pouvait pas fixer son regard sur quelquโun ou sur quelque chose.
Nous lโinstallions dans un lit dans mon bureau et je demandai ร un infirmier de lui faire une injection intraveineuse lente de diazรฉpam. Ce qui nous avait permis de la calmer sans la faire dormir. Quelques minutes aprรจs, elle descendit du lit et vint sโasseoir sur une chaise devant moi en prรฉsence de son mari. Elle se mit ร parler de ses souffrances :
ยซ Moi, mes souffrances avaient dรฉbutรฉ des mon enfance. Mon pรจre me sรฉpara de ma mรจre alors que je nโavais que trois ans, il me confia ร mon oncle et sa femme. Ceux-ci me traitaient trรจs bien et je ne manquais de rien avec eux. Mais le fait dโรชtre loin de ma mรจre รฉtait lโรฉpreuve la plus dure pour moi. Jโen ai souffert toute ma vie. Mรชme aprรจs la rรฉconciliation de mes parents et leur remariage, je restais quelques annรฉes encore dans la maison de mon oncle. Mon pรจre ne voulait pas me retirer ร mon oncle et moi je nโinsistais pas pour que je retourne ร la maison de mon pรจre. En effet, jโavais des sentiments paradoxaux par rapport ร cette situation. Quand je venais rendre visite ร mes parents, je voyais mon pรจre frapper violemment ma mรจre. Ma petite soeur me disait que mon pรจre devenait de plus en plus agressif vis-ร -vis de ma mรจre. Alors, je mโรฉtais retrouvรฉe dans cette situation dโambivalence. Je ne voulais pas rester loin de ma mรจre mais je ne voulais pas non plus la voir souffrir tous les jours. Mon pรจre รฉtait un mouvais pรจre. Il nโรฉtait pas fidรจle ร ma mรจre. Il avait plusieurs maitresses et chaque fois que ma mรจre essayait de lโaffronter, il devenait agressif et il la frappait devant ses enfants.
Il la menaรงait de la divorcer et la priver de ses enfants.
Finalement, ma mรจre nโavait pas pu supporter lโenfer dans lequel elle vivait et elle choisit le divorce malgrรฉ les consรฉquences nuisibles pour elle et pour nous (moi, mes soeurs et frรจres).
Je sais que ce divorce รฉtait catastrophique pour nous mais je comprenais ma mรจre. Je sais quโelle avait beaucoup souffert avec mon pรจre et quโelle ne pouvait plus continuer dans cette souffrance. Ce fut mon pรจre qui รฉtait responsable de tous ce qui nous est arrivรฉ, mes frรจres, mes soeurs, ma mรจre et moi mรชme.
Ma mรจre a dรฉcidรฉ dโaller rejoindre ses grandes soeurs aux Etats Unis et de sโy exiler afin dโรชtre le plus loin possible de mon pรจre.
Lร bas, elle fit la connaissance dโun syrien qui finit par la marier. Ils obtinrent de ce mariage un seul garรงon autiste ยป.
Fatima รฉvoqua aussi sa relation avec sa belle mรจre :
ยซMa belle mรจre qui รฉtait aussi ma tante paternelle รฉtait ingrate. Jโavais tout essayรฉ avec elle mais sans rรฉsultat. Je lui avais offert tous les types de cadeaux imaginables. Je cherchais les choses quโelle adorait pour les lui offrir, mais elle ne mโavait jamais manifestรฉ la moindre gratitude. Mรชme pas sous forme dโun simple merci sec. Elle mโaccusait dโavoir gaspillรฉ lโargent de mon mari.
Mรชme lorsque jโavais vendu mon or et mes perles prรฉcieuses pour aider mon mari endettรฉ, elle ne changea pas dโavis. ยป
Fatima attaqua sa belle-mรจre devant son mari qui assistait ร notre entretien et qui dรฉfendait sa mรจre, en disant a sa femme que sa mรจre รฉtait une femme merveilleuse et que cโest parce quโelle ne la connaissait pas bien quโelle dit ces choses sur elle. Fatima rรฉfuta les allรฉgations de son mari ร propos de sa mรจre.
Ma premiรจre conviction par rapport ร ma premiรจre hypothรจse รฉtait bonne cโest โร โ dire une conversion hystรฉrique. Jโavais conclus que la crise รฉtait thรฉรขtrale et assez pour que le mari se dรฉcide ร venir. Son calme relatif aprรจs lโinjection lโavait confirmรฉ.
Nous arrรชtรขmes lโentretien qui avait durรฉ une heure de temps. Je donnai des consignes au mari et je lui dis de la ramener en cas de nouvelle crise pour une injection de valium. Jโexpliquais ร Fatima que son รฉtat รฉtait satisfaisant et je lui fixer un rendez-vous aprรจs une semaine.
Le mari revint me voir seul cette fois ci, pour me demander mon avis ร propos de la maladie de sa femme. Je lโavais rassurรฉ en lui disant que tout ira bien .
Elle nโavait pas bรฉnรฉficiรฉ dโune prescription mรฉdicamenteuse.
Troisiรจme entretien avec Fatima ร 13 jours de la TS.
Fatima est venue accompagnรฉe par son mari.
Celui-ci a pris la parole :
ยซ Deux jours aprรจs notre derniรจre rencontre, ma femme a commencรฉ a faire des crises convulsives intenses. Elle tombait par terre, faisait bouger dโune maniรจre trรจs forte les jambes. Il a fallu que je lโemmรจne aux urgences pour faire une injection intraveineuse de diazรฉpam qui par la suite lโa calmรฉe. En rentrant ร la maison, les crises ont repris. Jโai appelรฉ un infirmier pour lui faire une deuxiรจme injection de diazรฉpam ร la maison. Jโai alors dรฉcidรฉ de garder le diazรฉpam ร la maison et chaque fois quโelle tombe en crise, jโappelle un infirmier qui vient lโinjecter. ยป
En ce moment, Fatima prit la parole :
ยซ Je sais que je suis possรฉdรฉe par un djinn. Jโรฉtais allรฉ voir mon oncle paternel. Cโest un marabout. Il mโa fait lโistikhara et Il mโa confirmรฉ que mon corps est pรฉnรฉtrรฉ par un djinn.
Il a mรชme parlรฉ avec mon djinn pendant une sรฉance de chasse de djinn quโil mโa fait en prรฉsence de mon mari. La sรฉance sโest terminรฉe par la chasse du djinn avec un engagement รฉcrit par ce dernier de ne plus jamais entrer dans mon corps. ยป
Le mari confirma ce que dit sa femme en ces termes :
ยซ Au dรฉbut de la sรฉance de chasse de djinn que mon oncle faisait ร ma femme, la voix de celle-ci avait commencรฉ ร changer. Cโรฉtait comme si un homme parlait ร lโintรฉrieur dโelle. Elle faisait bouger ses lรจvres et sa langue mais la voix qui sortait nโรฉtait pas la sienne. Cโรฉtait terrifiant. Mon oncle mโavait expliquรฉ que cโรฉtait son djinn qui parlait.
A la fin de la sรฉance, mon oncle a rรฉussi ร chasser le djinn. Il lโobligea ร รฉcrire un engagement de ne plus pรฉnรฉtrer dans le corps de ma femme.
Apparemment, cโest elle qui avait รฉcrit lโengagement, mais mon oncle, mโavait dit que rรฉellement, ce nโest pas elle, cโest son djinn. ยป
Fatima รฉtait ralentie, sa verbalisation lente et pรฉnible, mise sur le compte du valium, avec sans pour autant une demande dโarrรชt.
Nous avons encouragรฉ le mari ร recourir au valium et aux soins ร domicile. Les crises renforรงaient encore une fois lโhypothรจse dโune hystรฉrie.
Durant cet entretien les mรชmes cris et mouvement avaient accompagnรฉs les sรฉances.
Un rendez-vous dโune semaine avait รฉtรฉ reconduit.
Son mari revenait nous revoir pour confirmer la vรฉracitรฉ de lโhistoire du djinn allant mรชme jusquโร imiter la voix de celui ci. Il disait รชtre รฉbahi par la scรจne dont il a รฉtรฉ tรฉmoin et sans cela il aurait รฉtรฉ difficile pour lui dโy croire. Nous avons affichรฉ notre dรฉsintรฉrรชt ร propos de ces phรฉnomรจnes et nous lui avions dit quโils pouvaient belle et bien poursuivre leur traitement avec lโoncle en question.
Quatriรจme entretien avec Fatima ร 20 jours de la TS.
Fatima est venue accompagnรฉe par son mari.
Elle nous a saluรฉs avec respect. Elle sโรฉtait prรฉsentรฉe plus ouverte, plus sereine et respectueuse.
Elle a รฉvoquรฉ sa relation avec son pรจre :
ยซ Aprรจs son divorce avec ma mรจre, mon pรจre nous a emmenรฉs, moi, mes 2 soeurs et mes 2 frรจres en Mauritanie. Il nous a dรฉposรฉs dans la maison familiale oรน vivaient ma grand-mรจre, mes tantes et mes oncles paternels.
Il nous a abandonnรฉs pour quโil puisse se libรฉrer pour ses lubies et ses aventures รฉmotionnelles. Il sโest mariรฉ une vingtaine de fois et il a eu plusieurs enfants dont je ne connais pas le nombre exact. Jโen connais seulement 4 garรงons et 5 filles.
Il y a 2 ans, aprรจs lโexpiration de ses comptes bancaires, mon pรจre est venu sโinstaller dans la maison familiale ร Nouakchott.
Il sโest rappelรฉ quโil y a laissรฉ des enfants depuis une vingtaine dโannรฉes. Il a commencรฉ ร nous donner des conseils et ร se comporter comme notre guide suprรชme
Et moi, puisque je ne cรฉdais pas ร ses dรฉsirs, il me qualifiait dโingrate. Mais, tant pi. Ce nโest pas mon problรจme.
Ma soeur nโest pas comme moi. Elle suit les instructions de mon pรจre. Elle ne peut pas sortir de la maison de son mari. Elle ne peut pas conduire une voiture. Elle souffre silencieusement. Mais un jour, elle va exploser. ยป
Fatima a รฉvoquรฉ รฉgalement son pouvoir de voir les choses dans le futur :
ยซ Je vois les choses qui se passeront dans le futur. Elles se rรฉalisent comme je les ai vus. Je peux prรฉvoir des รฉvรจnements, des accidents, la mort dโune personneโฆetc.
Je prรฉviens souvent mon mari, mais il ne mโรฉcoute pas. Finalement, il voit ce que je lui ai dit se rรฉaliser. ยป
Lโentretien รฉtait entrecoupรฉ par quelques cris et mouvements involontaires.
Un rendez-vous de 2 semaines a รฉtรฉ reconduit.
Aprรจs avoir accompagnรฉ sa femme jusquโร sa voiture, le mari de Fatima est revenu nous voir.
Il a niรฉ complรจtement les dires de sa femme en affirmant quโelle nโa jamais prรฉdit quelque chose qui sโest rรฉalisรฉ plus tard.
Il nous a dit รฉgalement que ses crises convulsives se sont nettement espacรฉes. Il avait toujours eu recours au valium, grรขce ร une infirmiรจre qui intervenait ร domicile. Ce constat รฉtait aussi observรฉ durant notre entretien oรน ils avaient รฉtรฉ moins perceptibles.
Cinquiรจme entretien avec Fatima ร 34 jours de la TS.
Fatima est venue seule ร lโentretien.
Elle รฉtait calme, souriante.
Elle รฉtait trรจs prรฉoccupรฉe par lโavenir de ses enfants et par le chemin quโils avaient pris:
ยซ Mes enfants sont gรขtรฉs. Je nโai รฉpargnรฉ aucun moyen pour quโils rรฉussissent dans leurs vies et pour garantir leur avenir.
Je les ai inscrits ร lโรฉcole franรงaise. Je payais 60 milles ouguiya (100 milles francs) par mois pour chacun dโeux. Mais leur niveau se dรฉtรฉriorait dโune annรฉe ร lโautre. Ils passent leur temps ร se promener avec les mauvais amis. A part le plus petit, qui, heureusement, nโa pas encore pris le chemin de ses ainรฉs.
Et ce qui mโรฉnerve le plus, ce que mon mari ne se sent pas gรชner par cette situation. Il ne se sent pas concernรฉ par lโavenir de ses enfants. ยป
Elle a รฉvoquรฉ รฉgalement le dรฉsordre qui rรจgne dans sa vie :
ยซ Jโaime mettre de lโordre dans ma vie. Je nโai pas lโhabitude de faire quelque chose sans le planifier. Il faut que tout soit programmรฉ et en ordre dans ma vie.
La vie que jโimaginais vivre avec mon mari, je nโai pas pu la rรฉaliser. Actuellement, tout est en dรฉsordre dans ma vie. Mon mari ne mโรฉcoute pas. Lโessentiel pour lui, est que les gens disent quโil est gรฉnรฉreux, gentil. Cโest un vantard, idiot. Et je peux le dire devant lui. Il distribue son argent aux femmes. Jโai eu vent de rumeur rรฉcemment que mon mari frรฉquentait une de mes cousines qui a la rรฉputation de voler les maris des femmes. Surtout que lorsquโon sโรฉtait rencontrรฉ dans une cรฉrรฉmonie, elle mโavait regardรฉ dโune faรงon provocatrice et menaรงante. ยป
Nous avons notรฉ une diminution de la frรฉquence des mouvements et des cris au cours de lโentretien, ainsi que leur intensitรฉ. Pendant toute la durรฉe, elle a criรฉ seulement 2 ร 3 fois. Avec 3 ร 4 mouvements.
A la fin de lโentretien, nous lโavons rassurรฉe en lui disant quโelle sโest beaucoup amรฉliorรฉe et nous nous sommes convenus dโespacer plus encore les rendez-vous.
Un rendez-vous de 7 semaines a รฉtรฉ alors proposรฉ.
Sixiรจme entretien avec Fatima ร 83 jours de la TS.
Fatima รฉtait venue seule.
Elle รฉtait joyeuse et rigolait. ยซ Docteur, voilร votre patiente folle. Je suis sรปre que vous nโavez pas sa nostalgie ยป lanรงait-elle en entrant au bureau. Son apparence accompagnait sa bonne humeur, elle รฉtait rayonnante bien habillรฉe, et bien maquillรฉe.
Elle se sentait mieux :
ยซ Aujourdโhui, je me sens mieux. Les mouvements involontaires se sont espacรฉs (un ou deux par jour), les cris ont diminuรฉs dโintensitรฉ et se sont espacรฉs aussi (quelques cris dans la semaine).
Mais dรจs fois, jโai lโimpression que quelquโun sโapproche de moi sans que je le voie. Je sens la chaleur de son corps, lโodeur de son haleine.
Je sais que lโacte que jโai fait รฉtait irresponsable et proscrit par lโislam.
Malgrรฉ ma vie toujours en dรฉsordre et mes rรชves nโont rรฉalisรฉs et mes enfants gรขtรฉs, je sais que ce nโest pas une solution.
Je sais que mon fils cadet est toujours sur la bonne voie et quโil a besoin de moi.
Ma fille aussi qui est muette a besoin de moi et je compte lโamener chez ma mรจre aux รฉtats unis pour la soigner.
Jโai aussi mon travail qui marche trรจs bien.
Je suis en voie de guรฉrison et je vais essayer de remettre de lโordre dans ma vie bien que cela soit trรจs difficile. Que dieu mโaide ยป.
Pendant lโentretien nous nโavons pas entendu de cris de Fatima. Seulement, un seul mouvement de grimace a รฉtรฉ notรฉ.
Un rendez-vous de deux mois avait รฉtรฉ reconduit.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
I- RAPPEL SUR LE SUICIDE
1- DรFINITIONS
2- DE QUELQUES IDรES FAUSSES
3- FACTEURS DE RISQUE ET POPULATIONS ร RISQUE
II- RAPPEL SUR LE STATUT DE LA FEMME MAURE AU SEIN DE LA COMMUNAUTE
III- METHODOLOGIE
IV- MATERIEL CLINIQUE
Premier entretien avec Fatima ร 2 jours de la TS
Deuxiรจme entretien avec Fatima ร 6 jours de la TS
Troisiรจme entretien avec Fatima ร 13 jours de la TS
Quatriรจme entretien avec Fatima ร 20 jours de la TS
Cinquiรจme entretien avec Fatima ร 34 jours de la TS
Sixiรจme entretien avec Fatima ร 83 jours de la TS
V- DISCUSSION
1 – Souffrance verbalisรฉe par le corps (souffrance actuelle)
2- Souffrance = souffrance actuelle et passรฉe
3- La prise en charge
CONCLUSION
REFERENCES
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