La notion de temps, sa perception, son utilisation et sa gestion ont pris une importance essentielle dans nos sociétés. Dans le domaine des transports de personnes aussi bien que de marchandises, les gains de temps constituent une motivation majeure. C’est pour cela que le problème d’estimation du temps de parcours a été un problème étudié par de nombreux chercheurs.
Le temps de parcours est considéré comme l’une des mesures du degré de performance les plus importantes dans les études de transport. La congestion du trafic est une situation inévitable dans presque toutes les grandes villes. Cette congestion croissante du réseau routier a un impact essentiel sur l’environnement. Les résultats de la congestion sont les circulations de type accordéons (« stop and go »), ce qui non seulement augmente la consommation d’énergie mais ainsi provoque de la pollution de l’air. Ainsi, en réduisant l’encombrement, on assure la fluidité du trafic et on réduit la consommation d’énergie. Le travail de cette thèse porte sur l’estimation du temps de parcours en milieu urbain. Essentiellement, l’estimation du temps de parcours peut être divisée en deux grandes catégories, à savoir, les méthodes indirectes et les méthodes directes suivant les types des sources de données utilisées.
Dans les méthodes indirectes, le temps de parcours est estimé ou calculé à partir des paramètres intermédiaires, comme par exemple la vitesse, grâce aux capteurs fixes tels que les détecteurs à boucles magnétiques (simples et doubles) qui sont les capteurs les plus utilisés. La vitesse d’un flux de trafic est égale au rapport du débit sur la concentration. Cette formule fournit une méthode de mesure possible de cette vitesse. Les boucles magnétiques simples ne fournissent ni la concentration ni la vitesse mais, en revanche, elles fournissent le débit et le taux d’occupation qui dans certaines conditions et sous certaines hypothèses peut être utilisé comme un estimateur de la concentration. Alors que les boucles magnétiques doubles fournissent directement la vitesse. Un des avantages des boucles est que les réseaux routiers européens sont équipés de ce type de détecteur. En outre, elles fournissent une base de données sur une longue période de temps. Toutefois, l’une des principales critiques sur les données des boucles est la forte probabilité d’erreur due, par exemple, à la défaillance de l’équipement. Ainsi, il est nécessaire de vérifier l’exactitude des données recueillies par les boucles avant de les utiliser. De plus, ces mesures ne représentent l’état du trafic qu’à l’endroit où le capteur est placé et non pas sur l’ensemble d’un itinéraire ni même sur un tronçon de cet itinéraire.
Dans le cas des méthodes directes, le temps de parcours est collecté directement sur le terrain à partir des capteurs mobiles tels que les véhicules sondes ou les véhicules traceurs (probe vehicles). Historiquement, la méthode manuelle a été utilisée pour le recueil des données de temps de parcours. Dans ce cas, le conducteur (ou un passager) enregistre l’information des temps de parcours entre des points de contrôle prédéfinis. Actuellement, Le GPS, Global Positioning System, est l’outil technologique le plus utilisé pour collecter les données de temps de parcours et il permet l’automatisation de la méthode manuelle précitée. Ces données expriment l’état du trafic sur l’ensemble des tronçons d’un itinéraire. L’un des désavantages principaux des véhicules traceurs est que seuls quelques véhicules jouent ce rôle dans toute la population. Il faut donc estimer le nombre minimum nécessaire de ce type de véhicules pour une estimation acceptable du temps de parcours.
Rappel sur le réseau et le trafic routier
Description d’un réseau routier et spécificité d’un réseau routier urbain
Un réseau est un ensemble d’itinéraires caractérisé par une topologie donnée, des propriétés relatives à l’écoulement telles que la demande origine-destination ainsi que les contraintes relatives à la capacité, au choix d’itinéraires, etc. Le choix d’un modèle pour étudier un tel système est lié à sa décomposition en un ensemble d’éléments et à la description de chacun de ces éléments et leurs interactions. D’un point de vue graphique, un réseau routier est considéré comme un graphe composé d’un ensemble de liens (ou tronçons) et d’un ensemble de nœuds.
Les liens désignent des routes et rues (urbaines ou inter-urbaines, avec une ou plusieurs voies). Les nœuds matérialisent les intersections et les rampes d’entrée / sortie. Les intersections se situent le plus souvent et en plus grand nombre à l’intérieur des zones urbaines et assurent le lien entre les différentes routes. Les rampes d’entrée / sortie assurent la transition entre les grands axes routiers. Dans un réseau urbain l’écoulement est sujet à des interruptions surtout aux intersections dues à des contrôles de réseau tels que les feux de signalisations, les panneaux stop, etc. Les véhicules qui circulent « en accordéon » enregistrent des retards. Ceci conduit à une variation significative dans le temps de parcours entre deux véhicules consécutifs en fonction du temps auquel ils arrivent à une intersection. Par exemple, si le véhicule de tête arrive alors que le signal est au vert et le véhicule suivant alors qu’il est au rouge, alors le véhicule suivant doit s’arrêter à l’intersection ce qui entraîne un temps de parcours plus élevé. Les retards enregistrés au niveau des intersections sont alors considérés comme une partie importante du temps de parcours en milieu urbain.
En plus des retards aux intersections, les véhicules sont également sujets à des retards dans le lien, dus à un certain nombre de raisons telles que, les piétons, les véhicules qui entrent des rues transversales, etc.
Variable du trafic
L’élaboration de la théorie du trafic a permis de mieux comprendre et prévoir les interactions inter-véhiculaires ainsi que le mouvement global du flux au niveau des réseaux routiers. Chaque niveau (véhicule ou global) est caractérisé par des variables et des paramètres spécifiques. Pour cela, on doit prendre en compte un certain nombre de caractéristiques : lorsque celles-ci concernent le véhicule individuel ou le comportement de chaque conducteur, on parle de variables « microscopiques » alors que si elles concernent la description du comportement global du flux de véhicules, cela fait appel à des variables dites « macroscopiques ». Le lecteur pourra se référer à [Buisson, 1996] pour plus de détails sur la classification des modèles.
Variables microscopiques
Pour la description du trafic au niveau granulaire, l’accent est mis sur le véhicule individuel et son interaction avec son environnement. Les variables sont donc exprimées pour chaque véhicule et sont étroitement liées à sa dynamique. La vitesse individuelle d’un véhicule est la principale variable microscopique.
Théorie du trafic
En théorie du trafic [Buisson, 1996], deux types principaux de modèles ont été développés : les modèles macroscopiques qui décrivent l’évolution du trafic comme un écoulement dans un milieu continu en établissant une relation entre le débit, la densité et la vitesse du flux [Lighthill et Whitham, 1955], [Richards, 1956], [Jiang, 2002], [Payne 1979], [Rascle, 2002], [Zhang, 2002] et les modèles microscopiques qui se fondent sur une description du comportement individuel des véhicules et l’utilisation de modèles représentant les interactions inter-véhiculaires et les interactions entre le véhicule et son environnement (modèles de poursuite) [Ben Akiva, 1994], [Yang et al., 1999]. Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéressons à l’aspect macroscopique de trafic (à l’estimation moyenne du temps de parcours et pas à l’estimation individuelle du temps de parcours). Les premiers travaux en la matière ont été ceux de [Lighthill et Whitham, 1955] et [Richards, 1956].
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Table des matières
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
1.1 Contexte et problématique
1.2 Objectif du travail de thèse
1.3 Plan du mémoire
CHAPITRE 2. RAPPEL SUR LE RÉSEAU ET LE TRAFIC ROUTIER
2.1 Description d’un réseau routier et spécificité d’un réseau routier urbain
2.2 Variable du trafic
2.2.1 Variables microscopiques
2.2.2.1 Vitesse individuelle
2.2.2 Variables macroscopiques
2.2.2.1 Débit du trafic
2.2.2.2 Densité du trafic
2.2.2.3 Taux d’occupation
2.2.2.4 Relation entre les variables : vitesse du flot
Cas isovélocique
Cas général
2.3 Théorie du trafic
2.3.1 Équation de conservation
2.3.2 Diagramme fondamental
2.3.3 Méthode analytique classique des stocks
2.3.3.1 Principe de fonctionnement
2.3.3.2 Limitation dans les réseaux urbains
2.3.3.3 Application
Estimation du temps de parcours sous la loi de conservation des véhicules
Estimation du temps de parcours d’un tronçon urbain
Effet des valeurs aberrantes
2.4 Principaux capteurs de mesure de trafic
2.4.1 Capteurs fixes : boucles magnétiques
2.4.1.1 Principe de fonctionnement
Boucles magnétiques simples
Boucles magnétiques doubles
2.4.1.2 Caractéristiques des erreurs
2.4.2 Capteurs mobiles : véhicules traceurs
2.4.2.1 Principe de fonctionnement
2.4.2.2 Caractérisation des erreurs
2.4.3 Synthèse et conclusion
CHAPITRE 3. LE TEMPS DE PARCOURS
3.1 Définition
3.2 Principales méthodes d’estimation
3.2.1 À partir des boucles magnétiques
3.2.1.1 Principes d’utilisation
3.2.1.2 Approches déterministes
Méthode de Nam et Drew
Description et procédure
Analyse et critique
Méthode d’Oh et al
Description et procédure
Analyse et critique
Méthode de Bonvalet et Robin-Prévallée (BRP)
Description et procédure
Analyse et critique
3.2.1.3 Approches stochastiques
Méthode de Dailey
Description et procédure
Analyse et critique
Méthode de Ye et al
Description et procédure
Analyse et critique
Méthode d’Hinsbergen et al
Description et procédure
Analyse et critique
3.2.2 À partir des véhicules traceurs
3.2.2.1 Principe d’utilisation
3.2.2.2 Méthode d’Herring et al
Description et procédure
Analyse et critique
3.2.2.3 Problème du nombre relatif de véhicules traceurs
3.2.3 Par fusion des données des boucles magnétiques et des véhicules traceurs
3.2.3.1 Approches déterministes
Méthode d’Ashish Bhaskar : CUPRITE
Description et procédure
i Estimation des courbes cumulées
ii Ajustement des courbes cumulées par les véhicules traceurs
Analyse et critique
Application de CUPRITE
i. Estimation du temps de parcours par CUPRITE et CUPRITE temps réel
ii. Sensibilité de CUPRITE à l’aléa des véhicules traceurs
iii. Effet des valeurs aberrantes
3.2.3.2 Méthodes stochastiques
Méthode d’El Faouzi et al
Description et procédure
Analyse et critique
Méthode de Choi et Chung
Description et procédure
Analyse et critique
3.2.4 Synthèse et conclusion
CHAPITRE 4. LE FILTRAGE DE KALMAN ET SES EXTENSIONS
4.1 Introduction
4.2 Le filtre de Kalman
4.3 Le filtre de Kalman étendu
4.4 Le filtre de Kalman sans parfum
4.4.1 La transformation sans parfum
4.4.2 Le filtrage sans parfum
4.5 Conclusion
CHAPITRE 5. CONCLUSION