Rappel de la voie canonique du TGF-β
Au niveau membranaire et cytoplasmique
Le TGF-β exerce son effet par l’intermédiaire de deux récepteurs transmembranaires à activité sérine/thréonine kinase (Fig.2). Le TGF-β se fixe sur le récepteur de type II (TβRII), ce qui permet le recrutement du récepteur de type I (TβRI). Dans ce complexe, TβRII phosphoryle TβRI au niveau de son domaine GS, riche en Glycine et Serine, ce qui entraîne son activation (Massague 1998, Shi and Massague 2003).
TβRI activé peut alors reconnaître spécifiquement des protéines R-Smads (Receptoractivated Smads). Ces protéines regroupent Smad2 et Smad3, reconnues par les récepteurs aux TGF-β et aux Activins, et les protéines Smad1, Smad5 et Smad8, reconnues par les récepteurs aux BMP (Fig.1). Les protéines R-Smads sont formées de deux domaines conservés N-terminal et C-terminal reliés par une région moins conservée appelée « linker ». Le domaine N-terminal, appelé MH1 (pour Mad Homology 1), est un domaine permettant aux R-Smads de se lier à l’ADN (Shi, Wang et al. 1998). Le domaine C-terminal appelé MH2 est le domaine responsable de l’homo et l’hétérodimérisation des protéines R-Smads. A l’état basal, les domaines MH1 et MH2 des R-Smads sont « repliés » l’un sur l’autre et exercent une répression mutuelle. Cette autoinhibition est levée par la phosphorylation des R-Smads par TβRI activé. TβRI activé phosphoryle les R-Smads sur les sérines de la séquence SSxS située à l’extrémité C-terminale du domaine MH2. Suite à cette activation, les protéines R-Smads se lient à une autre protéine Smad, appelée Co-Smad: Smad4. Smad4 a une structure similaire aux R-Smads mais ne possède pas la séquence SSxS et n’est donc pas phosphorylée par TβRI. L’interaction des R-Smads activées avec Smad4 est nécessaire à leur translocation nucléaire (Fig.2).
L’activation de TβRI et des protéines R-Smads sont les deux événements initiaux de la voie de signalisation du TGF-β et sont régulés, positivement ou négativement, par plusieurs protéines. Les protéines SARA (Smad Anchor for Receptor Activation), c pml (cytoplasmic promyelocytic leukemia protein) ou Dab2 (Disabled homolog 2) sont, par exemple, nécessaires pour que les R-Smads soient phosphorylées par TβRI activé (Massague 1998). La protéine ADAM12 (A Disentegrin And Metalloproteinase 12) a été montrée comme induisant la localisation de TβRII au niveau des endosomes primaires, ce qui permet de stabiliser TβRII et donc de favoriser la signalisation TGF-β (Atfi, Dumont et al. 2007). La protéine FKBP12 est, quant à elle, un régulateur négatif de l’activation de TβRI par TβRII. En effet, FKBP12 interagit avec TβRI au niveau de sa région GS en absence de TGF-β, inhibant ainsi une phosphorylation basale de TβRI par TβRII (Chen, Liu et al. 1997).
Au niveau nucléaire
Une fois activé et transloqué dans le noyau, le complexe R-Smad-Smad4 peut se lier à l’ADN sur des séquences SBE (Smad Binding Elements) en amont de gènes cibles du TGF-β et ainsi réguler leur transcription (Dennler, Itoh et al. 1998) (Fig.2). Il est à noter que Smad2, qui possède une insertion de 30 acides aminés dans son exon 3 par rapport à Smad3, ne peut pas se lier directement à l’ADN, contrairement à Smad3 (Yagi, Goto et al. 1999). La séquence ACAG est la première séquence SBE identifiée ; elle est suffisante pour se lier aux complexes R-Smad/Smad4, la séquence CACAG permettant, elle, une fixation optimale. Les séquences SBE étant courtes et peu spécifiques, elles ne sont pas suffisantes pour que les protéines Smads activent la transcription de gènes cibles. Les complexes de protéines Smads vont donc se lier à des protéines de liaison à l’ADN, qui vont agir comme des adaptateurs des protéines Smads, pour se lier à des séquences précises de l’ADN. Certains de ces adaptateurs ne peuvent se lier qu’à Smad2 ou Smad3, ou alors seulement à Smad1 ou Smad5, ce qui va permettre d’assurer la spécificité du signal.
Le premier cofacteur identifié pour Smad2 fut la protéine FAST1. FAST1 se lie à des séquences d’ADN ARE (Activin Responsing Elements). FAST1 peut interagir avec Smad2 ou Smad3 en complexe avec Smad4, mais pas avec les R-Smads de la voie BMP (Chen, Hata et al. 1998). Aujourd’hui, de nombreux cofacteurs liant l’ADN et les protéines Smads ont été identifiés tels que les protéines de la famille Runx, Runx1, Runx2 et Runx3 (Ito and Miyazono 2003). Ces protéines adaptatrices des différentes protéines Smads permettent leur liaison spécifique sur des promoteurs de gènes cibles. Lorsqu’ils sont fixés à l’ADN, les complexes de protéines Smads peuvent soit activer soit réprimer la transcription de gènes cibles. Cette capacité à réguler la transcription est principalement due au fait que les Smads peuvent recruter des coactivateurs ou des corépresseurs transcriptionnels (Fig.3).
Les principaux co-activateurs transcriptionnels recrutés par les Smads sont des coactivateurs généraux de la transcription : les protéines p300 et CBP (Feng, Zhang et al. 1998, Janknecht, Wells et al. 1998, Pouponnot, Jayaraman et al. 1998). Ces deux protéines possèdent une activité histone acétyl transférase (HAT) qui permet le transfert de groupements acétyl sur des résidus lysines d’histones. L’acétylation des histones entraîne la modification de la structure des nucléosomes ; la chromatine se décompacte, ce qui permet à la machinerie transcriptionnelle d’accéder à la chromatine et d’activer la transcription des gènes cibles. L’interaction entre p300 et CBP et les Smads se fait grâce au domaine MH2 de ces dernières. Les complexes de protéines Smads peuvent aussi recruter des corépresseurs transcriptionnels, tels que les protéines TGIF, c-Ski ou SnoN. TGIF est une protéine à homéodomaine qui interagit avec les protéines Smad2 et Smad3. TGIF réprime la transcription de gènes cibles en recrutant des histones déacétylases (HDAC). L’effet répresseur du TGIF vient également du fait que celui-ci est en compétition avec p300 pour se lier aux Smads. Il est à noter que l’interaction entre les Smads et TGIF est dépendante de la présence de TGF-β (Wotton, Lo et al. 1999). Deux autres corépresseurs importants de la signalisation TGF-β sont les protéines c-Ski et SnoN (Akiyoshi, Inoue et al. 1999, Luo, Stroschein et al. 1999, Sun, Liu et al. 1999). Ces deux protéines agissent comme des répresseurs des complexes comprenant Smad2 et Smad3 en recrutant des HDAC grâce à la protéine adaptatrice N-Cor. Contrairement à TGIF, c-Ski et SnoN répriment la transcription basale de gènes cibles en absence de TGF-β. Or, cette répression disparait dans les premières heures après stimulation au TGF-β. TGIF semble donc réprimer des complexes de Smads activés alors que c-Ski et SnoN protégent la transcription non spécifique des Smads à l’état basal.
Par ailleurs, c-Ski et TGIF sont aussi capables d’inhiber l’initiation de la signalisation TGF-β en supprimant la phosphorylation des Smads. c-Ski peut en effet séquestrer les protéines R-Smads au niveau de TβRI et TGIF empêcher la phosphorylation des R-Smads en séquestrant c-pml au niveau du noyau (Seo, Ferrand et al. 2006, Ferrand, Atfi et al. 2010). La signalisation TGF-β et sa régulation transcriptionnelle sont donc des mécanismes très dynamiques impliquant de nombreuses protéines. Après le stimulus TGF-β, les récepteurs membranaires sont activés, puis les protéines R-Smads. Celles-ci se complexent à Smad4 et vont dans le noyau pour réguler la transcription de gènes cibles. Ces différents niveaux de la voie de signalisation TGF-β sont finement régulés.
Régulation de la signalisation TGF-β
Les inhibiteurs
Une autre classe de protéines Smads, les Smads inhibiteurs (I-Smads), regroupant Smad6 et Smad7, régule négativement la signalisation TGF-β. Smad6 inhibe spécifiquement la voie des BMP alors que Smad7 peut inhiber la voie TGF-β ou Activin. Smad7 inhibe la signalisation TGF-β par différents mécanismes. Smad7 peut agir dans le noyau en inhibant la formation des complexes R-Smad-ADN (Zhang, Fei et al. 2007). Smad7 agit également au niveau de TβRI. Smad7 entre en effet en compétition avec les R-Smads pour leur interaction avec TβRI et inhibe ainsi leur activation (Hayashi, Abdollah et al. 1997). Smad7 peut aussi induire la déphosphorylation de TβRI en recrutant la phosphatase 1α (PP1α) (Valdimarsdottir, Goumans et al. 2006). Enfin, Smad7 permet la dégradation de TβRI en recrutant des E3 ubiquitine ligases comme Smurf1 ou WWP1 (cf. Chapitre 1/ I. B. 3). Il est à noter que le TGF-β induit la transcription de Smad7 et permet également la translocation de Smad7 du noyau vers le cytoplasme. Smad7 exerce donc un rétrocontrôle négatif sur la voie de signalisation TGF-β (Hua, Miller et al. 2000, Stopa, Anhuf et al. 2000) .
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Le TGF‐β 9
I. La signalisation TGF‐β
I. A. Rappel de la voie canonique du TGF‐β
I. A. 1. Au niveau membranaire et cytoplasmique
I. A. 2. Au niveau nucléaire
I. B. Régulation de la signalisation TGF‐β
I. B. 1. Les inhibiteurs
I. B. 2. Régulation par phosphorylation et déphosphorylation
I. B. 3. Régulation de la signalisation TGF‐β par les E3 ubiquitine ligases
I. C. Les voies non canoniques du TGF‐β
I. D. Interconnexion des différentes voies de signalisation du TGF‐β
II. TGF‐β et cancer
II. A. Rôle suppresseur de tumeur du TGF‐β
II. B. Rôle pro‐tumoral du TGF‐β
II. B. 1. Rôle sur le système immunitaire
II. B. 2. Rôle sur l’angiogenèse
II. B. 3. Rôle dans la transition épithélio‐mésenchymateuse (TEM)
II. B. 4. Rôle dans la formation des métastases
II. C. Altérations de la signalisation TGF‐β dans les cancers
Chapitre 2: Ubiquitination
I. L’ubiquitine et les Ubls
II. Réaction d’ubiquitination
III. Déubiquitination
IV. Différents types d’ubiquitination
IV. A. La monoubiquitination et la multi‐monoubiquitination
IV. B. La polyubiquitination
IV. C. Différentes chaînes d’ubiquitine
V. Les domaines de liaison à l’ubiquitine ou UBD
VI. Les E3 ubiquitine ligases
VI. A. Les E3 ligases RING
VI. B. Les E3 ligases HECT
Chapitre 3 : La E3 ubiquitine ligase WWP1
I. Structure
I. A. Le domaine C2
I. B. Les domaines WW
I. C. Le domaine catalytique Hect
II. Expression génique
III. Localisation
IV. Substrats de WWP1
IV. A. Composants de la signalisation TGF‐β
IV. B. La famille des EGFR 45
IV. C. Les protéines de la famille KLF
IV. D. Les protéines de la famille p53
IV. E. Ezrin
IV. F. Inducteurs de la différenciation ostéoblastique, Runx2, JunB et CXCR4
V. WWP1 et les pathologies
V. A. Implication de WWP1 dans des maladies infectieuses
V. B. Implication de WWP1 dans des maladies neurologiques
V. C. Implication de WWP1 dans la cancérogenèse
V. C. 1. Surexpression de WWP1 dans les cancers mammaires et prostatiques
V. C. 2. Fonctions protumorales de WWP1
V. C. 3. Fonctions anti‐métastatiques de WWP1
Chapitre 4 : La RhoGAP STARD13
I. Structure de STARD13
I. A. STARD13, une protéine à domaine START
I. A. 1. Généralités
I. A. 2. Le domaine START
I. A. 3. La sous‐famille des RhoGAP‐START
I. B. STARD13, une protéine à domaine RhoGAP
II. Localisation cellulaire de STARD13
III. Fonctions biologiques de STARD13
III. A. Régulation du cycle cellulaire
III. A. 1. Inhibition en phase G0/G1 du cycle cellulaire
III. A. 2. Inhibition du bon déroulement de la mitose
III. A. 3. Au cours du développement embryonnaire du pancréas
III. B. Régulation de la migration
III. C. Régulation de l’invasion
IV. STARD13, une protéine suppresseur de tumeur
IV. A. Cancer du foie
IV. B. Cancer du sein
IV. C. Cancer du cerveau
IV. D. Cancer du côlon
Conclusion
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