Radiographie de l’abdomen âpres insufflation d’air
Historique
La première description des IIA est attribuée à Paul Barbette en 1674 [1]. En 1793, à Londres, John Hunter était le premier à décrire l’IIA chez le nourrisson, il a rapporté avec précision la symptomatologie et l’évolution létale, de ce qu’il a appelé « introsusception », survenant chez un nourrisson et confirmée à l’autopsie, il a également proposé la provocation de vomissements dans de telles situations à fin d’inverser le péristaltisme intestinal [16,17]. En 1837, le terme « introsusception » est remplacé par « intussusceptions » par Rokitanski qui a également introduit les termes « intussusceptum » et « intussuscipiens »[18]. Et c’est Sir Jonathan Hutchinson, qui a eu la distinction d’être le premier chirurgien à réduire chirurgicalement une invagination iléocolique chez une fillette de 2ans en 1871 à Londres [1,19]. En 1876, Harald Hirschsprung [1,20] a publié ses premières expériences du traitement non chirurgical de l’IIA en utilisant la pression du lavement hydrostatique, cependant le succès du traitement non opératoire a été difficile à évaluer et à documenter en absence de méthodes confirmant l’exactitude du diagnostic vu que la radiographie n’était mise au point qu’en 1895. Et en 1905, il a avait rapporté une étude de 107 cas d’invagination intestinale, traités sur une période de 30 ans où il a décrit une survie globale de 70% chez les nourrissons de moins de 6 mois qui ont été traités dans les premières 24 heures. Ces résultats ont été remarquables à une époque où le taux de mortalité était à 75% après le traitement chirurgical [1].
En 1897, Holt Emmett [1] a décrit deux méthodes de réduction mécanique de l’invagination avec insufflation d’air et d’injection de fluide par le rectum, alors que Clubbe et Peterson ont effectué chacun, avec succès, la première résection d’une invagination intestinale chez un enfant. En 1913, WE. Ladd a publié la première illustration d’un LB objectivant une invagination intestinale, et il a suggéré que ce serait une procédure de diagnostic utile [21] et ce n’est qu’en 1948, que le LB a été recommandé pour le diagnostic et le traitement des invaginations intestinales aux États-Unis [1]. Dans les années 1980, les Chinois ont ressuscité la vielle technique de réduction des IIA par insufflation d’air qui a été décrite par Holt E. à la fin du 19ème siècle. En 1986, Guo et collègues [22] ont publié les résultats du lavement à l’air sous pression chez 6396 patients traités pendant une période de 13 ans; le taux de réussite était de 95%. Ces excellents résultats ont été confirmés par les centres des pays de l’Ouest et ils ont recommandé cette technique dans la PEC des IIA. En 1988, Wang et Liu ont proposé la réduction hydrostatique utilisant un guidage échographique qu’ils ont essayée sur 377 cas d’IIA chez l’enfant [23].
Physiopathologie
Dans l’hypothèse mécanique, la pathogenèse de l’invagination est probablement liée à un déséquilibre des forces péristaltiques quand une onde péristaltique normale vient buter sur un obstacle constitué par une anomalie locale de la paroi intestinale. Dans certains cas, l’anomalie est clairement définissable (tumeur, polype, hématome de la paroi) et elle est dénommée « Pathologic lead point » ou « point pathologique ». Les premières théories suggèrent que la survenue de l’invagination est due au « PLP » emporté dans le courant péristaltique, en faisant glisser la paroi intestinale avec lui. Cependant, cette hypothèse n’explique pas la grande majorité des situations où aucun cause pathologique locale n’est retrouvée définissant ainsi «les invaginations intestinales idiopathiques» ; dans ces cas, l’hyperplasie lymphoïde de la paroi intestinale produit l’équivalent fonctionnel d’un ‘’PLP’’. Cette hypothèse est étayée par le fait que la majorité des invaginations idiopathiques sont iléo-caecales, et que la densité des organes lymphoïdes (ganglions mésentériques et plaque de Peyer) décroît avec l’âge et au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la valvule de Bauhin en direction du grêle [24], en effet la région iléo-caecale est la plus riche en tissu lymphoïde associé au tube digestif (GALT). La notion d’infections préexistantes ou concomitante en particulier virale provoquant l’hyperplasie lymphoïde appuie cette hypothèse.
Quand une onde péristaltique rencontre une zone de la paroi intestinale avec des propriétés mécaniques différentes (en raison de l’hyperplasie lymphoïde ou un « PLP », le déséquilibre des forces contractiles entraine un plissement ou un froissement de la paroi intestinale, créant un repliement de la paroi qui s’étend de façon circonférentielle tout autour du mur intestinal jusqu’à ce qu’il soit entièrement impliqué. Cette bordure invaginée de la paroi intestinale initie l’invagination et devient son apex et progresse dans la lumière distale [26]. Selon l’hypothèse fonctionnelle, l’invagination peut également se produire dans des conditions caractérisées uniquement par des troubles fonctionnels de la motilité intestinale. En effet, l’accélération du péristaltisme intestinal dans le contexte d’hypoxie cérébrale du nouveau nés ou d’allaitement maternel, explique la survenue d’IIA sans qu’il y est de cause mécanique locale.
La survenue de l’invagination postopératoire serait due à la désorganisation du péristaltisme secondaire à la juxtaposition de régions intestinales contractiles et non contractiles où les ondes péristaltiques butent contre l’intestin akinétique, et dans la mucoviscidose, les sécrétions épaissies adhèrent à la paroi intestinale et modifient ses propriétés mécaniques, aboutissant dans des zones de compliance et d’élasticité anormales [26]. Ces dernières années, on s’oriente plus vers l’implication de médiateurs tels que le monoxyde d’azote (NO) (qui est un puissant neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux intestinal, qui provoque la relaxation du muscle lisse), ou de certaines cytokines dans la genèse de I’IIA dans mode le animal [29]. En conclusion, l’infection notamment virale joueraient, avec ou sans sa conséquence anatomique (l’adénolymphite mésentérique), le rôle d’épine irritative, et augmenteraient le péristaltisme intestinal aboutissant donc à la survenue de l’IIA. Ces hypothèses expliquent de façon satisfaisante l’apparition de l’invagination intestinale dans certains états pathologiques qui ne sont associés ni aux « PLP » ni à l’hyperplasie lymphoïde.
Conséquences locales : Au cours de la progression du boudin d’invagination dans le sens péristaltique, sa tête emporte le mésentère et ses vaisseaux qui se retrouvent alors étranglés en regard du collet. Cette progression n’est limitée que par la longueur de la racine du mésentère et facilitée par l’existence de fascia lâches ou de défauts d’accolements intestinaux. Cette strangulation génère une stase veineuse et lymphatique, puis un oedème qui majore la compression vasculaire et nerveuse, générant un cercle vicieux d’hyperpression veineuse et d’ischémie. Et qui expliquerait la symptomatologie paroxystique vagale (douleur, pâleur et vomissements) [26]. La muqueuse invaginée est la première à souffrir, les phénomènes ischémiques entraîne le passage en intra-luminal de sang, d’épithélium desquamé et de mucus qui se manifestant par l’émission de rectorragies (le classique signe : selles en » currant jelly » ou « gelée de framboise »). En cas de retard diagnostique, la nécrose de la paroi intestinale se constitue : 2,5 % avant 48 heures d’évolution et plus de 80 % après 72h [25] aboutissant à l’endotoxémie.
L’apport artériel est finalement compromis, l’infarctus s’étend de l’intussusceptum à l’intussuscipiens, aboutissant à la perforation, la péritonite, et le choc. C’est alors que le pronostic vital peut être engagé. Parfois, la striction au collet est peu serrée, expliquant la bonne tolérance de certaines invaginations malgré plusieurs jours d’évolution. Une désinvagination spontanée est également possible dans 4 à 10% des cas [11]. Par ailleurs, il se produit une occlusion intestinale aigue par obstruction de la lumière intestinale, qui associe une augmentation du péristaltisme intestinal, une distension gazeuse et liquidienne, une contraction des volumes liquidiens extracellulaires (secteur plasmatique et interstitiel) et une pullulation microbienne intestinale.
IIA idiopathique : Dans 90 à 95% des cas, aucune cause locale n’est retrouvée [11-15], concordant aux résultats de cette étude. Ces formes dites «idiopathiques» sont dues aux troubles du péristaltisme au cours de l’hyperplasie lymphoïde contemporaine de l’adénolymphite mésentérique [26-28]. L’origine virale est suspectée sur des données épidémiologiques (épidémies saisonnières) et sur la concomitance d’infection digestive, otorhinolaryngologique ou respiratoire dans les jours précédant l’IIA. Des données immunologiques et anatomopathologiques viennent conforter ces constatations[31,32], que ce soit dans les selles, dans des tissus prélèves lors de l’intervention chirurgicale (intestin ou ganglions) ou par les sérologies, de nombreux virus, bactéries ou parasites ont été mis en évidence lors d’IIA chez des enfants. Dans notre étude, uniquement 16% des patients ont présenté une infections concomitante ou les jours qui précédent l’IIA. Néanmoins, on déplore que cet antécédent récent n’ait pas été consigné sur les dossiers médicaux dans un nombre important de cas (30%).
L’allaitement maternel, en augmentant le péristaltisme intestinal, pourrait être également un facteur de risque. Dans une étude de Pisacane [43], le risque relatif est de 6.0 (intervalle de confiance 95%) quand il est exclusif et de 2.3 (intervalle de confiance 95%) quand il est partiel. Dans notre étude, l’allaitement maternel exclusif a été rapporté dans 32% des cas. Ces dernières années, on s’oriente plus vers l’implication de médiateurs tels que le monoxyde d’azote (NO), qui est un puissant neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux intestinal, dans la genèse de I’IIA [29,44]. Chez la souris, il a été montré que l’injection intrapéritonéale de lipopolysaccharides bactériens (LPS) peut induire la survenue d’IIA sans obstacle retrouvé mais avec une augmentation du NO.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I. OBJECTIFS DE L’ETUDE :
II. JUSTIFICATION DU SUJET D’ETUDE
1. L’IIA est un sujet d’actualité
2. Difficultés diagnostiques
3. Evolution et complications
III. PATIENTS ET METHODE
1. Type de l’étude
2. Lieu de l’étude
3. Critères d’inclusion
4. Critères d’exclusion
5. Variables étudiées
6. Mode de collecte des données
7. Analyse statistique
8. Méthode de recherche bibliographique
9. Fiche d’exploitation
RESULTATS
I. DONNEES EPIDEMIOLOGIQIQUES
II. ANTECEDANTS MEDICO-CHIRURGICAUX
III. DONNEES CLINIQUES
1. Signes fonctionnels
2. Durée d’évolution des symptômes
3. Prise en charge préhospitalière et voie d’admission
4. Signes physiques
5. Signes cliniques fonction de la durée d’évolution
IV. DONNEES RADIOLOGIQUES
1. Radiographie de l’abdomen sans préparation
2. Echographie abdominale
3. Radiographie de l’abdomen âpres insufflation d’air
4. Lavement baryte
V. DONNEES THERAPEUTIQUES
1. Traitement non opératoire
2. Traitement chirurgical
3. Données sur morbi-mortalité
DISCUSSION
I. RAPPEL FONDAMENTAL SUR L’IIA
1. Définition
2. Historique
3. Anatomopathologie
4. Physiopathologie
5. Etiopathogenie
5-1. IIA secondaires
5-2. IIA idiopathique
II. PROFIL EPIDEMIOLOGIQUE
1. Incidence
2. Age
3. Genre
4. Variabilité saisonnière
III.PROFIL ETIOLOGIQUE
1. IIA idiopathique
2. IIA secondaires
IV. PROFIL CLINIQUE
1. Signes fonctionnels
2. Signes physiques
V. PROFIL PARACLINIQUE
VI. DELAI DE RECOURS AUX SOINS
VII. PROFIL THERAPEUTIQUE
1. Mesures de réanimation
2. Traitement non opératoire
3. Traitement chirurgical
4. Durée d’hospitalisation
VIII. PRONOSTIC
CONCLUSION
ANNEXES
RESUMES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Télécharger le rapport complet