Quête identitaire et thématique de l’oralité

« Parler une langue, c’est assumer Un monde, une culture  »

Depuis les indépendances, on assiste à la maturation et à l’éclosion de la littérature francophone avec une pléthore d’ouvrages dans le marché littéraire. Cette littérature témoigne l’appartenance de l’écrivain à une société où l’intérêt collectif l’emporte sur l’individualisme européen. L’écrivain essayera cette fois-ci de marquer son époque en s’inscrivant dans la praxis sociale. Et son ouvrage témoignera le sacerdoce qu’il s’est fait de porter la voix d’une société contrite et déboussolée qui se cherche par le biais d’une langue d’emprunt qui ne peut revigorer l’africain qui, pour le véhicule de sa civilisation, a pactisé avec l’oralité. L’apparition de ce type d’écriture marque non seulement l’évolution de la littérature francophone, mais elle dresse également les jalons d’une interrogation sur la reconstruction de l’identité. La littérature francophone, dans son évolution, regorge de cette forme de création. L’écrivain s’interroge le plus souvent sur son identité et son destin au moment où toutes les valeurs humaines s’entrecroisent et s’entrechoquent permettant à quelques unes d’en phagocyter d’autres. Et cette bataille ne semble toujours pas facile chez les individus. Ainsi apparaissent de plus en plus des voix personnelles résonnant pour la totalité des voix et portant l’emblème même d’un groupe social qui se mire et s’identifie à travers l’archétype proposé.

De ce fait l’instabilité identitaire favorisa l’émergence d’une littérature francophone engagée où les écrivains créent des héros pour qui, la quête identitaire constitue le mobile principal autour duquel l’itinéraire se tisse. Ainsi pour cette entreprise de quête et requête identitaire, l’oralité est bien moulue au tissu narratif. Il va falloir dès lors, pour cette partie, essayer de voir comment Ngal comme Mudimbe ont essayé d’articuler, à travers les œuvres de notre corpus, cette quête identitaire combinée à la thématique de l’oralité.

Quête identitaire

Quand on parle d’identité, il y a deux postulats : le singuler et le pluriel ; l’hérédité et l’héritage. Grossomodo c’est ce qui permet de distinguer l’individu du groupe. Elle pose sous un angle épistémologique la question du particulier et du relatif et semble de prime abord suspecter une perte ou un écart du sujet, quand il s’agit de parler de quête identitaire. Dans la littérature francophone, cette quête identitaire a toujours été prise comme mobile principal par des auteurs voulant retrouver l’originalité. Or cette recherche de l’identité est difficilement identifiable. Elle est la source des crises psychologiques dont sont victimes souvent les personnages de ces romans francophones.

Dans cette époque de la mondialisation la question de l’identité interpelle tous les esprits. L’Europe est conçue comme étant le centre de gravité de la raison humaine. Cette conception de la suprématie de la culture occidentale est une illusion que les personnages se font souvent dans les romans francophones avant de s’en rendre compte tardivement. De ce fait, ils entreprennent un voyage vers la recherche de la graine originelle et originale. Cela pousse les écrivains francophones à ne plus céder au mimétisme et ainsi trouver d’autres voies et voix pour la reconstitution d’une unique identité.

Soulignons que par cette dialectique, un nouveau discours est tenu par les écrivains francophones. Ainsi il se dessine un autre ordre thématique, sinon une autre manière d’écrire privilégiant dans l’intérêt de l’écrivain et pour la compréhension de son œuvre une fouille dans l’univers de l’oralité.

Moi par moi-même

L’Afrique a été considérée comme une table rase, barbare, sans civilisation qu’il serait nécessaire de dompter et de civiliser. La conférence de Berlin, l’ethnocentrisme raciste, n’est-ce pas là autant de facteurs qui légitiment et légifèrent le droit à l’assimilation tel revendiqué par les ethnocentristes européens ? On arrive à ce que Mudimbe appelle: « l’occidentalisation de l’Afrique ». Et l’intelligentsia nègre se réduit à l’émotion. Pourtant on pourrait soupçonner son indifférence face à sa situation. Ainsi il fut une longue période ou le blanc se sentit maitre du monde. Sartre le dit magistralement:

[…]Le blanc a joui trois milles ans du privilège de voir sans qu’on le voie ; il était regard pur, la lumière de ses yeux tirait toute chose de l’ombre natale, la blancheur de sa peau c’était un regard encore, de la lumière condensée. L’homme blanc, blanc parce qu’il était homme, blanc comme le jour, blanc comme la vérité, blanc comme la vertu, éclairait la création comme une torche, dévoilait l’essence secrète et blanche des êtres .

Tardivement en 1966 dans Portrait du colonisé, précédé de Portrait du colonisateur et d’une préface de Jean Paul Sartre, Memmi dans le chapitre « L’école du colonisé» pose la question ci-dessous : « Par quoi se transmet l’héritage d’un peuple ? ». Et dès lors sa question ne tarde pas à venir. Ainsi il renchérit :

Par l’éducation qu’il donne à ses enfants, et la langue merveilleux réservoir sans cesse enrichi d’expériences nouvelles. Les traditions et les acquisitions, les habitudes et les conquêtes, les faits et gestes des générations précédentes sont ainsi léguées et inscrites dans l’histoire. Or la très grande majorité des enfants colonisés sont dans la rue. Et celui qui a la chance insigne d’être accueilli dans une école, n’en sera pas nationalement sauvé : la mémoire qu’on lui constitue n’est sûrement pas celle de son peuple. L’histoire qu’on lui apprend n’est pas la sienne. Il sait qui fut Colbert ou Cromwell mais non qui fut Khaznadar ; qui fut Jeane d’Arc mais non la Kahena. Tout semble s’être passé ailleurs que chez lui ; son pays et lui même sont en l’air, ou n’existent que par référence aux Gaulois, aux Francs, à la Marne ; par référence à ce qu’il n’est pas, au christianisme, alors qu’il n’est pas chrétien, à l’Occident qui s’arrête devant son nez, sur une ligne d’autant plus infranchissable qu’elle est imaginaire. Les livres l’entretiennent d’un univers qui ne rappelle en rien le rien. Le petit garçon y s’appelle Toto et la petite fille Marie ; et les soirs d’hiver, Marie et Toto, rentrant chez eux par des chemins couverts de neige, s’arrêtent devant le marchand de marrons » .

Quelle contraste avec la vraie réalité, si l’on pourrait s’exclamer ainsi! Ainsi le blanc participe à un formatage de l’esprit du noir colonisé. Et ses héros les plus honorés ne sont pas cités dans ses manuelles d’histoire; l’avalanche de neige est préférée à la chaleur du soleil. On assiste à une dépossession totale des valeurs où l’esprit du petit écolier, plus apte à capter les automatismes du message en fut la première victime. Toutefois en posture de contre-discours Ngal et Mudimbe tels beaucoup d’écrivains francophones n’ont pas manqué d’apporter leur mot juste. Plus jamais d’imitation abêtissante! En ce sens ils se réclament les seuls avocats aptes à plaider pour la cause africaine. Ils ont voulu s’assumer et faire assumer le sujet africain en proposant un modèle qui prendrait en ligne de compte le sujet africain ; et n’ont plus besoin d’un interprète blanc qui parlerait au style indirect faisant, jadis, souvent quereller le message et l’expression, le sens et la raison. Ils ont élaboré de nombreuses stratégies de questionnement, fouillé tous les domaines du savoir pour faire valoir le sujet africain. Ils se sont postulés comme des adjuvants phares du nègre dans l’Odyssée de l’aventure mondiale.

Les deux auteurs procréateurs de notre corpus se sont établis comme un bloc puissant de cette pensée africaine qui remet en cause le passé vu à la loupe européenne pour dresser les barrières de l’avenir africain. Cependant, pour ces écrivains de l’époque post-indépendance, il ne faut plus assister : « béat à la décivilisation du continent ». Cette péjoration du continent est suspectée par Nara lorsqu’il constate : « La différence (…) c’est que l’Europe est avant tout une idée, une institution juridique…alors l’Afrique (…) est peut être surtout un corps, une existence multiple  ». Grosso modo il convient d’ignorer les médisances et mesquineries européennes et construire un discours qui n’est sous l’influence d’aucun autre discours. Georges Ngal développe pour sa part un mode de rébellion centré sur la prise en otage même des arts littéraires. Dès lors Giambatista renchérit: « Ce discours, il me faut l’apprivoiser ». Maintenant, l’adage est simple et il est impératif de s’approprier le discours occidental pour faire jaillir l’étincelle africaine. En ce sens, pour Giambatista, la copie n’est plus une arme mais une aliénation, une acculturation.

Dans ce sillage d’affirmation de soi, Nara, le personnage mudimbien privilégie cette fois-ci l’Histoire pour corriger les imperfections et donner à cette discipline sa vérité candide dénuée de tout mensonge partisan. Dans cette posture, il fait constater : « L’Afrique vue du dehors n’est qu’une carte…Des fleuves… Des montagnes… Des tribus… ». C’est ce qui motive son projet lorsqu’il se confie: « J’aimerais repartir de Zéro, reconstruire du tout au tout l’univers de ces peuples: décoloniser les connaissances établies sur eux, remettre à jour des généalogies nouvelles, plus crédibles, et pouvoir avancer une interprétation plus attentive au milieu et à sa véritable histoire  ». En ce sens, il faudra d’abord effacer toute l’Histoire et reconstruire les histoires. Ainsi, il n’est plus sage de se confier aux clichés de René Caillé ou aux propos racistes d’un certain Hegel. Toutefois il appartient à l’Africain de modeler d’organiser, de rationnaliser la culture africaine qui, depuis des siècles, a été ciselée par des discours européens.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
Première Partie: Quête identitaire et thématique de l’oralité
CHAPITRE I: Quête identitaire
I-1 Moi par moi-même
I-2: La recherche d’une identité bafouée
I-3: La quête identitaire le versant du tragique
Chapitre II : L’écriture à la croisée de l’oralité
II-1 L’oralité prise en charge par lécriture
II-2 De l’oralité à l’écriture, une écriture de la rupture
II-3 Un purisme incarné
DEUXIEME PARTIE LA DESINTEGRATION DU PROJET ROMANESQUE, UN NOUVEL ORDRE LITTERAIRE
CHAPITRE III : UNE AFRICANISATION DES DISCOURS LITTERAIRES
III-1 L’écriture, une symbiose des discours africains
III-2 : Jaillissement d’une poéticité africaine
III-3 Le roman africain, insatisfaction ou errance de l’entreprise littéraire
CHAPITRE IV : Esthétique de l’hétérogénéité
IV-1 L’écriture d’un entre-deu
IV-2 Une combinaison stylistique
IV-3 Le roman, modèle africain d’une littérature
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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