Une autre culture d’entreprise
La start-up tech
Pour comprendre la création du langage Instagram, il est nécessaire de faire un retour sur la création de l’application elle-même, sur l’environnement dans lequel elle a été développée. Si les applications s’apparentent de plus en plus à des médias, elles r e s t e n t issues d’une culture d’entreprise et d’un univers fondamentalement différents. Cet univers possède ses propres codes, ses enseignements et ses méthodologies. La Lean Start-Up, méthodologie et cadre théorique dans lequel s’insèrent nos recherches, est une parmi les nombreuses théories qui existent dans cet autre écosystème disciplinaire ; elle n’apparaît pas ex-nihilo, mais classée best seller du New York Times, elle compte parmi les plus populaires. Sa notoriété et son efficacité sont attestées par de grands succès, Instagram inclus. Ici, nous prendrons le temps de décrire cet autre univers disciplinaire.
Qu’est-ce qu’une start-up ?
Étudier les applications c’est se familiariser avec des concepts et des notions relatifs à un nouveau type d’organisation. L’encyclopédie collaborative Wikipédia décrit la start-up de la manière suivante :
Start-up, ou jeune pousse en français, désigne une entreprise innovante à fort potentiel de croissance qui fait souvent l’objet de levées de fond. On parle souvent de start-up pour une entreprise qui n’est pas lancée sur le marché commercial (ou seulement à titre expérimental). Elle est en phase plus ou moins longue de développement d’un produit, de test d’une idée, de validation d’une technologie ou d’un modèle économique. Le risque d’échec est supérieur à celui des entreprises traditionnelles.
Eric Ries, à l’origine de la méthode Lean Start-Up, parle quant à lui d’une « organisation dédiée à la création dans des conditions d’incertitude extrême». L’un des éléments communs à ces deux définitions est l’idée d’un manque de stabilité : le risque dans un cas, l’incertitude de l’autre. Les start-up, qui sont des structures jeunes évoluent dans l’inconnu, c’est le risque et l’incertitude que la méthodologie développée par Eric Ries tente d’évacuer.
La méthode Lean Start-Up
La start-up est une structure en construction, l’auteur nous dit qu’elle est en cours d’institutionnalisation. Dans sa thèse, il défend un moyen innovant pour construire un modèle profitable malgré le risque et l’incertitude. Il s’oppose principalement à un modèle plus traditionnel qu’il appelle le « just do it ». Il réfère ainsi aux start-up qui évoluent en suivant une trajectoire tracée d’avance, Ce trajectoire anticipe à la fois les résultats et les ajustements nécessaires. Avec l’idée qu’il faut avancer à tout prix et toujours s’en tenir au plan, quels que soient les obstacles. Eric Ries remet en question ce modèle en exposant cinq principes qui sont les fondements de sa méthode.
Entrepreneurs are everywhere
You don’t have to work in a garage to be a start-up. The concept of entrepreneurship includes anyone who works within my definition of a start-up: a human institution designed to create new products and services under conditions of extreme uncertainty. That means entrepreneurs are everywhere and the Lean Start-up approach can work in any size company even a very large entreprise is any sector, any industry.
Deux distinctions majeures
Une structure flexible
Le principe 4, en particulier, propose une méthode de progression cyclique, un modèle de pilotage en trois temps : Build-Measure-Learn. En d’autres termes : construire le produit, mesurer la réponse des clients, apprendre et agir en fonction de ces résultats (Le terme learn, est à comprendre au sens d’être à l’écoute). Cette méthode encourage la start-up à naviguer en fonction de ses résultats, au lieu de s’entêter à suivre un plan préétabli (cf : « just do it »). En fonction de la réaction des clients, deux issues possibles : Persévérer, maintenir le cap ; ou Pivoter, prendre un tournant radical. Le pivot ne sera jamais assimilé à un échec, mais à une occasion d’apprendre (dans bien des cas, il est même, au contraire, très positif). Eric Ries considère le changement comme une donnée positive. L’essentiel est de maintenir une vision, le nord, une destination qui change très peu. Le changement du produit est une optimisation, le changement de stratégie est un pivot . La start-up est une structure qui doit être flexible. Le seul élément constant doit être la vision, et celle-ci va s’incarner en un produit ou service que le seul le consommateur peut révéler par ses usages.
Dans l’univers tech, Instagram est connu comme un exemple de pivot remarquable. De nombreux articles de la presse spécialisée en font un cas d’école. À l’occasion de l’événement TechCrunch Disrupt 2011, une conférence annuelle dédiée à la création de start-up de technologies, une journaliste de CNN Money (actualités des affaires et de la finance) raconte sa rencontre avec Kevin Systrom, fondateur d’Instagram . Ce dernier, est présent en tant qu’intervenant dans un panel destiné aux entrepreneurs. Présent lors de la même intervention : Eric Ries. La journaliste, qui réalise un compte-rendu écrit : « go where people are, and make it fast », avant de retranscrire:
Kevin Systrom said the key reason his product was successfull was his close attention to users’ feedback. Before Instagram became a hit photo-sharing app, Systrom was working on a check-in service called Burbn .
Dans cet article, intitulé « The startup that died so Instagram could live », Kevin Systrom explique que ce qui plaisait sur l’application Burbn (une application de check-in et géolocalisation) était la possibilité de prendre des photos. Les co-fondateurs, en suivant les usages ont pris le risque de suivre cette tendance. La photographie leur est apparue comme une réponse, elle s’est imposée par l’intermédiaire des utilisateurs. C’est cette relation, cette approche customer-centric que nous mettrons en avant pour décrire la mise en place du langage.
Une communication horizontale
La relation d’Instagram à ses utilisateurs est documentée sur son blog : blog.instagram.com. Depuis son lancement, Instagram utilise cette plateforme comme journal de bord où sont décrits les progrès de l’application, les améliorations de l’outil, les parutions presse, etc. Dans un premier temps, Instagram pratique le blogging de manière non professionnalisée. Les prétextes à la communication sont aussi ponctuels que variés : une nomination pour les Crunchie Awards, l’introduction des hashtags, le cap des trois mois, une participation au salon SXSW, …. Les fondateurs partagent autant que possible. On constate un effort considérable pour entretenir une relation avec les utilisateurs et une communauté qui grandit très rapidement (plus 100 000 utilisateurs par mois dans les mois qui suivent le lancement de l’application). De de cette communication, on remarquera le ton personnel et familier. Les articles, signés par la « Team Instagram » interpellent souvent les utilisateurs pour connaître leurs avis et suggestions. Instagram encourage, p a r e x e m p l e , à utiliser l e s adresses email contact@instagr.am,ou encore l’outil de forum getsatisfaction.com qui permet de centraliser l es feedbacks utilisateurs. Blog.Instagram est une entrée dans les coulisses du développement de l’application. Le billet du 20 décembrei revient, par exemple, sur la nuit où l’application a été mise en live : date, heures, état d’esprit… Instagram livre des détails précis sur ce moment clé de son histoire. Le public est inclus dans cette grande aventure. Cette volonté d’introduire le public dans l’histoire de l’application est visible à plus d’un titre. Le blog est ouvert aux utilisateurs, aux bêta-testers, aux potentiels collaborateurs, aux futurs utilisateurs, aux curieux.. La communication se fait sur un mode horizontal et transparent, de manière aussi spontanée que possible. Depuis ces six dernières années, le blog est régulièrement alimenté. Si la communication a débuté de manière relativement aléatoire, en août 2011, l’équipe est rejointe par un nouveau membre qui sera responsable de la relation client (le chapitre suivant traitera de la construction et l’évolution de la communication sur ce blog). Le choix d’intégrer un Community Manager (gestion du blog, organisation d’événements, jeux concours …) dénote l’importance de la communication pour la start-up qui ne compte à ce moment-là que quatre employés. Le blog blog.Instagram va devenir un élément essentiel de la communication de la marque, il servira notamment à illustrer et à répandre les pratiques et les usages qui se développent au sein de l’application.
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Table des matières
Introduction
Constats initiaux
Précisions méthodologiques
Présentation du sujet et des hypothèses
I– LE LANGAGE EST MEDIUM
A – Une autre culture d’entreprise
1. La start-up tech
Qu’est-ce qu’une start-up ?
La méthode Lean Start-Up
2. Deux distinctions majeures
Une structure flexible
Une communication horizontale
B – Le langage photographique
1. La photographie : unité de sens ?
2. L’Interface : le contexte donne du sens
II – LE LANGAGE EST PRETEXTE À UNE COMMUNICATION DE MASSE
A – Discours publicitaire des marques de technologies
Quels outils de promotion ?
Une sous représentation du discours publicitaire
Disqualification du discours publicitaire au profit du discours de marque
B – Discours de marque d’Instagram
L’Identité de marque d’Instagram
L’identité médiatique d’Instagram
C – Construction d’une forme médiatique
Blog.Instagram : chemin de fer et ligne éditorial
Du blog au magazine de marque
III – LE LANGAGE EST FORMAT PUBLICITAIRE
A – Le choix de la publicité
B – Publicitarisation d’Instagram : un écrin prédestiné
Le langage publicitaire est employé par les utilisateurs
Des utilisateurs au service des marques
Le langage publicitaire est employé par les marques-utilisateurs
C – Pédagogie du langage
1. Ouverture d’Instagram
Un nouveau produit
Un nouveau positionnement
Une nouvelle offre
2. La pédagogie pour garantir efficacité et créativité
Satisfaire annonceurs et utilisateurs : une double contrainte
Instagram |Business
Une agence de communication sur mesure
Conclusion
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