Qu’est ce qu’une formation ?
Dans la mise en œuvre d’un système multi-robots {Dudek et al., 1996}, nous pouvons distinguer deux types de comportements :
– les comportements compétitifs, où chaque robot cherche à améliorer ses performances au détriment des autres, plus ou moins volontairement ;
– les comportements collaboratifs, où les robots prennent en considération les objectifs des autres afin d’améliorer un résultat global.
Les cas qui nous intéressent sont de type collaboratif. On peut distinguer plusieurs niveaux dans la collaboration entre robots :
– La coordination est la forme la plus simple. Elle consiste essentiellement à synchroniser les actions des différents robots de façon à respecter l’ordre des tâches d’un plan global. Chaque robot a ses buts et sa liste de tâches propres. Un exemple de coordination est la régulation du trafic aérien de façon à éviter les collisions entre avions dont les plans de vol sont indépendants.
– La coopération vise à mettre en œuvre plusieurs robots pour réaliser une tâche commune. Cette situation peut venir du fait qu’un robot seul n’a pas la capacité ou les outils pour réaliser la tâche demandée. La coopération implique évidemment d’avoir une bonne coordination entre les robots. Nous verrons par la suite des situations où un système de brouillage radar est transporté par un avion et des armes par un autre, ces systèmes étant trop encombrants pour être portés par un seul engin. La coopération peut être une action ponctuelle au cours de l’exécution des missions des robots, ou s’étendre sur une plus longue période.
– La formation est un cas particulier de coopération. Au cours d’un déplacement en formation, les robots conservent un but commun en terme de position à atteindre ou de trajectoire à réaliser. De plus, ce déplacement se fait dans un espace de dimensions réduites. L’objectif est de pouvoir réaliser à tout moment des tâches en coopération, les robots assurant la coordination spatiale et temporelle. Ce type de déplacement est très bien adapté au convoyage d’un ensemble de robots.
Déplacements en formation en robotique
L’utilisation d’une formation ne se limite pas aux engins volants et il convient d’observer la diversité des systèmes où ce type de contrôle est mis en œuvre. Nous faisons ici la distinction en fonction du milieu dans lequel évoluent les robots.
Les robots terrestres
L’utilisation de la formation pour les robots terrestres a été assez peu étudiée et essentiellement pour des systèmes simples. Les robots mobiles holonomes {Balch et Arkin, 1998} ou non-holonomes {Desai et al., 1998} ont été largement utilisés pour démontrer l’efficacité de différentes méthodes. Balch et Arkin {1998} ont également proposé une expérimentation avec des véhicules militaires Hummer en environnement extérieur. La majorité des études porte sur la coordination et la coopération entre plusieurs robots autonomes comme dans le cadre du projet Martha {Alami et al., 1998b} ou dans les travaux de Svestka et Overmars {1998}. Une situation beaucoup plus intéressante se rapproche des problématiques de formation. La gestion automatique du trafic routier {Horowitz et Varaiya, 2000}, notamment le maintien de l’espacement entre les véhicules sur les voies rapides par exemple . En effet, les véhicules ont des destinations indépendantes et rien n’impose de maintenir une proximité entre eux. Cependant, maintenir un espacement optimal lors de congestion permet de fluidifier le trafic tout en assurant la sécurité des personnes. Les questions de stabilité et de contrôle sont alors similaires à celles d’une formation.
Les satellites
Les constellations de satellites sont de plus en plus utilisées dans les domaines des télécommunications, du positionnement par satellites et de l’observation spatiale. Les satellites de communication (télévision, internet. . .) sont le plus généralement placés sur orbite géostationnaire et doivent assurer un espacement constant entre eux tout en maintenant leurs antennes pointées vers la Terre. Les problématiques auxquelles sont confrontés ces systèmes relèvent purement d’un contrôle automatique. La configuration de la formation est très simple et ne change pas pendant la durée de service des satellites. Les constellations de type GPS (Global Positioning System) ou téléphone par satellites sont sur des orbites basses ou moyennes. La problématique n’est plus ici de maintenir une formation serrée, mais de placer les satellites sur des orbites décalées et synchronisées, de façon à avoir la meilleure couverture au sol pour assurer une bonne qualité de service (il faut voir au moins quatre satellites GPS simultanément pour avoir une position). Enfin, les systèmes d’observation de la Terre ou de l’espace utilisent de plus en plus des instruments placés sur des satellites différents. Dans le cas de l’interférométrie par exemple, la qualité des mesures dépend de l’espacement entre plusieurs capteurs {Beard et al., 2001}. Une formation de satellites permet d’obtenir un espacement à la fois important et variable, mais extrêmement précis, en utilisant des plateformes basiques de moindre coût. Dans l’avenir, nous verrons probablement se développer des micro-satellites pour assister les astronautes dans la construction de stations orbitales ou pour effectuer des diagnostics ou des réparations autonomes lorsque l’humain n’est pas présent ou incapable d’intervenir. La coopération, la reconfiguration et l’évitement d’obstacles seront au centre de toutes les attentions, le moindre écart pouvant être fatal {Clark et al., 2003}.
Les robots aquatiques
Les problématiques liées au contrôle de formation pour des robots marins sont très proches de celles des avions civils, avec néanmoins des dynamiques assez différentes. Les applications possibles sont le convoyage de plusieurs cargos avec des équipages réduits, la navigation automatique dans des zones de grand trafic (par exemple, le rail d’Ouessant) ou à l’approche des zones portuaires {Arrichiello et al., 2006}. Des systèmes sous-marins exploitent eux aussi les déplacements en formation {Fiorelli et al., 2004}. Il existe par ailleurs des initiatives plus originales, telles que le contrôle d’une formation de robots poissons biomimétiques {Shao et al., 2006}.
Les robots aériens
Les robots aériens ou drones (Unmanned Aerial Vehicle, UAV) offrent une très grande variété de types. Ils sont généralement classés selon leur taille et leur endurance . On peut ainsi distinguer les drones HALE (Haute Altitude Longue Endurance), les drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance), les drones de courte et moyenne portée et les mini drones. Ils peuvent également être caractérisés par leur fonction : drones stratégiques, drones tactiques ou drones de combat (Unmanned Combat Air Vehicle, UCAV). Les types d’engins vont des avions à ailes fixes aux voilures tournantes, en passant par des systèmes hybrides. Les drones stratégiques sont des drones HALE et ne sont pas vraiment concernés par les problématiques de vols en formation, car ils sont principalement destinés à des missions de reconnaissance ou de guerre électronique où un seul avion est généralement suffisant. Ils pourront néanmoins être intéressants à l’avenir dans le cas de ravitaillements en vol, où ils pourraient servir d’avions tanker. Le seul drone HALE connu aujourd’hui est le Global Hawk américain . Les drones tactiques concernent une très large gamme d’engins, allant des mini ou micro drones aux drones MALE. Ils sont donc amenés à exécuter un panel très large de missions. Le drone MALE le plus connu est le Predator américain , qui a largué plusieurs fois des bombes ou missiles en Afghanistan en 2001, par exemple.
Ces engins doivent pourtant être différenciés des drones de combat UCAV, dont les caractéristiques techniques sont très différentes, avec une endurance bien plus faible et une masse au décollage équivalente à un avion d’arme classique (soit environ 10 tonnes contre 1,2 pour le Predator A). De nombreux programmes d’UCAV sont en cours aux États-Unis, avec les demonstrateurs x45 et x47 , et en Europe, avec le projet de démonstrateur technologique nEUROn notamment . Les missions de ces avions restent à définir avec précision {Bergé-Lavigne et Nogrix, 2006}. Ils seront très certainement dédiés aux missions d’attaque au sol et de pénétration en profondeur où les risques pour des pilotes seraient trop élevés. Pour le moment, aucune mission de type combat aérien n’est prévue pour ces engins. C’est par contre le type d’engin qui se prête le mieux au vol en formation, avec deux situations possibles : la ségrégation entre les missions UCAV et celles avec des avions pilotés, ou des opérations mixtes mêlant des avions pilotés appuyés par des drones d’escorte.
Les drones tactiques de courte et moyenne portée sont destinés à surveiller le théâtre d’opération à plus petite échelle et à servir de relais de communication pour des troupes au sol ou d’autres UAVs. Ce type de drone est actuellement en service dans de très nombreux pays, dont l’armée française avec, par exemple, le Sperwer de Sagem . Il s’agit le plus souvent de drones à voilure fixe, éventuellement lancés par une catapulte depuis un véhicule. Ces engins n’ont pas vocation à voler en formation, mais peuvent travailler en coopération.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 Introduction
1.1 Motivation
1.2 Objectifs
1.3 Contributions
1.4 Organisation du document
Chapitre 2 Présentation du vol en formation
2.1 Qu’est ce qu’une formation ?
2.2 Déplacements en formation en robotique
2.2.1 Les robots terrestres
2.2.2 Les satellites
2.2.3 Les robots aquatiques
2.2.4 Les robots aériens
2.3 Pourquoi faire du vol en formation ?
2.4 Les applications du vol en formation
2.4.1 Applications militaires
2.4.2 Applications civiles
2.5 Les différentes notions liées à la formation
2.5.1 La stabilité
2.5.2 La commandabilité
2.5.3 Les communications
2.5.4 Les stratégies de commande
2.6 Bilan
Chapitre 3 Missions pour formations de drones en environnement hostile
3.1 Présentation des missions
3.1.1 Les différents types de mission
3.1.2 Les objectifs de mission
3.1.3 Organisation d’un dispositif multi-formations
3.2 Modélisation du terrain
3.3 Modélisation des menaces sol/air
3.4 Modélisation des drones et de leurs systèmes
3.4.1 Les avions
3.4.2 Le système de communication
3.4.3 Les systèmes d’auto-protection et équipements associés
3.4.4 Les armements et équipements associés
3.5 Modélisation des points de passage et des contraintes tactiques
3.5.1 Les points de passage
3.5.2 Les contraintes internes
3.5.3 Les contraintes externes
3.6 Positionnement du problème
Chapitre 4 Une approche pour la planification et le contrôle d’une formation
4.1 Une couche intermédiaire pour la formation
4.1.1 Utilité d’une couche de formation
4.1.2 Les fonctions réalisées par la couche de formation
4.1.3 Les éléments mis en œuvre dans la gestion de la configuration
4.1.4 Mise en œuvre de la couche de formation
4.2 Architecture
4.3 Bilan
Chapitre 5 Gestion autonome de la configuration
5.1 La génération de trajectoire
5.2 La phase d’initialisation
5.2.1 La timeline
5.2.2 L’allocation des brouilleurs offensifs
5.3 Le placement des slots
5.3.1 Placement paramétrique des brouilleurs offensifs
5.3.2 Placement des slots restants
5.3.3 Mouvements réactifs
5.3.4 L’allocation des brouilleurs défensifs
5.4 Les manœuvres de séparation
5.5 Bilan
Chapitre 6 Planification et contrôle des déplacements au sein d’une formation
6.1 L’affectation de slots
6.1.1 Objectifs
6.1.2 Initialisation
6.1.3 Itération
6.1.4 Performances
6.2 Les trajectoires de reconfiguration
6.2.1 Objectifs
6.2.2 L’algorithme A* multi-robots
6.2.3 Améliorations
6.2.4 Lissage
6.2.5 Performances
6.3 Le contrôle de la formation
6.3.1 Objectifs
6.3.2 Le suivi de trajectoire et le contrôle de formation
6.3.3 Les communications dans la formation
6.3.4 Performances de l’asservissement réactif
6.4 Bilan
Chapitre 7 Expérimentations
CONCLUSION