Qu’est-ce qu’une addiction ?

Depuis toujours, j’ai voulu travailler dans le médical. J’ai découvert l’ergothérapie pendant le lycée et ce métier m’a tout de suite plu pour la diversité des champs d’intervention possibles, la proximité avec les patients etc. Actuellement en troisième année, j’ai dû trouver un thème qui m’intéresse et m’interpelle assez pour pouvoir construire mon mémoire de recherche. Un petit retour en arrière s’est donc imposé. Quels cours m’ont passionné ? Qu’est ce qui m’a le plus « parlé » au cours de mes deux premières années d’études en ergothérapie, par rapport à mon passé ou des situations rencontrées en stage ? Qu’est-ce que j’ai envie d’approfondir ?

Qu’est-ce qu’une addiction ? 

Avant tout, il est important de définir l’addiction.

D’après l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) les addictions sont des pathologies cérébrales qui sont définies par une dépendance à une substance (addictions à l’alcool, aux drogues, à la cigarette, aux médicaments, à la nourriture…) ou à une activité (jeux en ligne, jeux d’argent, sexe, achats compulsifs, sport…) et ayant des conséquences pouvant aller jusqu’au décès . Je vais tout d’abord me concentrer sur les addictions liées à une substance. Toutes les personnes que j’ai pu rencontrer en stage, qui avaient une problématique addictive, souffraient d’une dépendance à une substance.

La Fédération Française d’Addictologie nous dis donc qu’un comportement addictif se traduit par :
– L’impossibilité répétée de contrôler un comportement,
– La poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives,
– Et le fait que ce comportement vise à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne .

On pense que le produit le plus addictif est le tabac (32% des consommateurs sont dépendants), viennent ensuite l’héroïne (23%), la cocaïne (17%) et l’alcool (15%) . L’installation de la dépendance est plus ou moins rapide en fonction du produit ou de l’activité addictive. De plus, on trouve des facteurs de risque et de protection. Les facteurs de risque peuvent être une disponibilité des drogues dans l’environnement de la personne, une rupture difficile, l’influence des pairs, la pauvreté, la prédisposition génétique, la dépression, etc. Dans les facteurs de protection nous avons la situation économique, l’intégration sociale, les évènements positifs de la vie, la capacité à surmonter les difficultés, la perception des risques, la capacité à résister à la pression sociale, etc .

Mais pour comprendre l’addiction il est nécessaire d’avoir une vision holistique car c’est un phénomène multidimensionnel. L’interaction de plusieurs dimensions fait l’addiction : la personnalité (hérédité, plasticité neuronale, facteurs de personnalité, capacité d’adaptation…), la substance (quantité absorbée, teneur de l’agent actif, durée et fréquence de consommation…) et le contexte (culture, milieu familial, lois pénales…) .

Les critères de l’addiction

Tout utilisateur n’est pas forcément dépendant. Goodman (psychiatre) a donc publié dans le British Journal of Addiction en 1990, des critères de l’addiction :

A. « Impossibilité de résister à l’impulsion de s’engager dans le comportement
B. Tension croissante avant d’initier le comportement
C. Plaisir ou soulagement au moment de l’action
D. Perte de contrôle en débutant le comportement
E. Cinq des critères suivants ou plus :
1. Préoccupation fréquente pour le comportement ou l’activité qui prépare à celui-ci
2. Engagement plus intense ou plus long que prévu dans le comportement
3. Efforts répétés pour réduire ou arrêter
4. Temps considérable passé à réaliser le comportement
5. Réduction des activités sociales, professionnelles, familiales du fait du comportement
6. L’engagement dans ce comportement empêche de remplir des obligations sociales, familiales, professionnelles
7. Poursuite malgré les problèmes sociaux
8. Tolérance marquée
9. Agitation ou irritabilité s’il est impossible de réduire le comportement
F. [cinq des critères de l’item E ou plus pendant] Plus d’un mois ou de façon répétée pendant une longue période » .

Les travaux récents que l’on peut trouver reprennent tous les critères de Goodman malgré de légères modifications. Ces critères sont également très proches de ceux qu’on trouve actuellement dans le DSM-V. Ainsi avec le DSM-V on considère qu’une personne est atteinte de troubles addictifs quand elle présente ou a présenté, au moins deux des critères suivants, au cours des douze derniers mois :
● Besoin impérieux et irrépressible de consommer la substance ou de jouer (craving)
● Perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la prise de substance ou au jeu
● Beaucoup de temps consacré à la recherche de substances ou au jeu
● Augmentation de la tolérance au produit addictif
● Présence d’un syndrome de sevrage (ensemble des symptômes provoqués par l’arrêt brutal de la consommation ou du jeu)
● Incapacité de remplir des obligations importantes
● Usage même lorsqu’il y a un risque physique
● Problèmes personnels ou sociaux
● Désirs ou efforts persistants pour diminuer les doses ou l’activité
● Activités réduites au profit de la consommation ou du jeu
● Poursuite de la consommation malgré les dégâts physiques ou psychologiques .

Une addiction est dite faible si 2 à 3 des critères sont remplis, modérée s’il y en a 4 ou 5 et sévère pour 6 et plus . L’OMS se sert également de la CIM-10 pour détecter une dépendance en utilisant le même principe de critères que le DSM . Il faut au moins trois des critères de la CIM-10 pour être considéré comme dépendant. Mais les personnes souffrant d’addiction ne le sont pas toutes pour les mêmes raisons. Ainsi plusieurs modèles théoriques expliquent cela.

Les différents modèles théoriques des addictions 

Différents modèles expliquent le mécanisme d’une addiction.

Le modèle psychodynamique

Si le modèle neurologique décrit le phénomène du système de récompense, le modèle psychodynamique lui, compare l’addiction à un mécanisme de défense . Ainsi une personne addicte consomme pour se protéger de l’anxiété, de la dépression ou d’autres émotions considérées comme négatives par la personne. Ce serait donc un état affectif négatif qui serait la cause de l’addiction et non la conséquence. Les différents mécanismes de défenses sont expliqués dans « Les addictions » de Didier Acier (2012) et sont donc :

● Le déni : le patient veut protéger le Moi
● La pensée en tout ou rien : les patients prennent souvent leurs besoins pour des certitudes. Leurs prises de décisions ont tendance à être inflexibles voire simplistes.
● L’évitement et la minimisation du conflit : les personnes alcooliques tentent d’éviter les conflits interpersonnels.
● L’attention sélective centrée sur soi : c’est très souvent le cas chez les personnes ayant une problématique alcoolique. Mais l’introspection est bien souvent difficile à accepter.
● La focalisation obsessionnelle : les personnes ne pensent qu’à la substance qu’ils consomment .

On parle également du phénomène d’automédication. La consommation de substances psychoactives sert alors à soigner une souffrance psychologique.

Le modèle psychanalytique 

D’un point de vue psychanalytique on trouve :
● Des facteurs de vulnérabilité : c’est avant tout une fragilité narcissique et une dépressivité qui amènent des répercussions au niveau des relations et dans les capacités d’intériorisation . Certaines théories expliquent cette fragilité par le développement psychoaffectif notamment avec la théorie de l’attachement développées par J. Bowlby par exemple . « Dans certains cas, ce sont de véritables carences quantitatives de l’investissement maternel et parental qui sont retrouvées, notamment chez les toxicomanes, avec cette succession de placements-rejets reprises qu’on constate également chez nombre de sujets psychopathes » (Cf pathologie du lien).
● Des facteurs déclenchants : on considère que l’adolescence, la rencontre initiatique avec la substance addictive et la place des « pairs » sont les principaux facteurs déclenchants. En effet à l’adolescence, il y a le processus de séparation individuation, les fragilités de la personne peuvent alors être révélées. Ensuite, la rencontre avec l’objet addictif peut être déterminante dans le déclenchement de la conduite. Enfin, dans le groupe la consommation de substance est un « partage » et permet la désinhibition, qui favorise les échanges.
● Des facteurs d’entretien : l’addiction s’auto-entretient et s’auto-renforce .

Une pathologie de l’agir

● Dans l’ouvrage « les pathologies de l’agir chez l’enfant », la pathologie de l’agir est définie comme cela : « L’agir Freudien […] renvoie à l’expression et à la décharge d’un matériel psychique conflictuel par le biais d’un acte à la place d’une verbalisation. Lié au transfert, il procède d’un retour du refoulé sur un mode agi donnant lieu à répétition au lieu d’une remémoration» . Il décrit donc cela comme un mécanisme de décharge pulsionnelle anormal préformé organiquement .
● « L’agir symptomatique remplit le vide laissé par le rejet » . La personne addicte va donc consommer comme pour nier ou masquer un mal-être intérieur.

Une pathologie du lien
● « C’est l’échec de l’introjection de la fonction maternelle, d’image interne de la mère. La mère est comme une drogue calmante, et plus tard, l’enfant cherchera une solution palliative à ce manque […] » .
● De même Freud considère que « le sujet alcoolique est ainsi un dépressif, qui porte sur lui et sa misère humaine, la perte de l’objet (phallique) de complétude : maternel, familial, amoureux, travail… » . Il va consommer dans le but de combler un manque.

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Table des matières

Introduction
1. Qu’est-ce qu’une addiction ?
2. Les critères de l’addiction
3. Les différents modèles théoriques des addictions
4. Les addictions : un problème de santé publique
5. Comorbidité et troubles concomitants
6. Ergothérapie et addiction alcoolique
7. Pré-enquête et problématique
8. Cadre théorique
II. Matériel et méthode
III. Résultats
IV. Discussion des données
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Résumé et mots clefs

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