Qu’est-ce qu’un pôle de compétitivité ?

De l’idée de cluster à la constitution d’organisations 

Les textes de publicisation et de promotion de la PPC (les rapports accompagnant son lancement, les discours, etc.) attachent presque tous l’idée de pôle de compétitivité à la notion de cluster (Darmon, 2004 ; Blanc, 2004). Nous avons vu que l’idée de cluster était issue d’un processus de convergence international et représentait un bon compromis entre les acteurs de l’aménagement et des politiques industrielles. En effet, se référer au modèle du cluster permet de justifier une politique territorialisée favorisant la concentration et la spécialisation, tout en restant ouvert à plusieurs territoires et plusieurs secteurs. Tout territoire et tout secteur peuvent devenir a priori le terreau d’un cluster, ce qui favorise le compromis et le consensus. Or, l’examen du processus de mise en œuvre révèle qu’un pôle de compétitivité ne correspond pas tant que ça aux modèles de cluster (que nous avons abordés en introduction). D’une part, il ne se manifeste pas par une concentration géographique des entreprises, mais plutôt par leur mise en réseau, ce qui lui offre une assise spatiale relativement lâche. D’autre part, il ne représente pas un ordre social spontané, mais plutôt la tentative d’organisation d’un nouvel ordre.

L’ambition de créer des clusters

Les rapports et Les discours se référent au modèle de la Silicon Valley

Dans un premier temps, les rapports accompagnant la publicisation de la politique des pôles ((Darmon, 2004 ; Blanc, 2004) principalement) sont bien construits autour de la notion de cluster (et l’idée d’agglomération d’entreprises d’un même secteur). L’objectif premier de la politique des pôles,  est bien de stimuler l’économie de la connaissance (et l’innovation collaborative) dans les territoires au travers d’une politique incitant à la concentration spatiale des entreprises. L’exemple de la Silicon Valley constitue une référence commune dans les rapports participant à la définition des pôles de compétitivité comme dans les discours.

Le rapport de la DATAR, par exemple, cite explicitement les politiques de cluster de nos voisins européens comme des bonnes pratiques dans une étude de benchmark. Il réalise également un diagnostic de la situation française en matière d’agglomération des entreprises et plaide clairement pour la mise en place d’une politique de spécialisation et de concentration des entreprises : « Pour le niveau d’exigence retenu par la Datar, on peut identifier 530 agglomérations d’établissements regroupant, dans 147 des 348 zones d’emplois que compte la France, plus de 27 000 « entreprises » regroupant près de 900 000 salariés. Ces agglomérations constituent une condition nécessaire, mais non suffisante des réseaux d’entreprises » (Darmon, 2004, p. 4). Ces agglomérations sont définies comme « des concentrations d’entreprises évoluant dans de mêmes secteurs d’activités ou des secteurs complémentaires » et présentées comme une condition nécessaire à la compétitivité.

Dans le rapport de Christian Blanc, l’idée de cluster est, dans la même veine, fondamentale (bien que les recommandations pour la mise en œuvre opérationnelle de cette idée sont différentes comme nous le développons dans le paragraphe suivant). Non seulement il consacre une partie de son rapport à rappeler que la logique de cluster est un facteur décisif de compétitivité (p. 12 à 20). Mais en plus, il définit clairement le pôle de compétitivité comme un cluster en reprenant sa dimension géographique d’agglomération : « Le pôle de compétitivité, objet de ce rapport, rassemble un peu toutes ces notions [pôle d’excellence, pôle de compétence, technopole, scientipôle]. C’est l’addition d’un cluster industriel et d’une base scientifique ou la synergie d’un pôle d’excellence et d’un tissu d’industries. Il se caractérise par la dynamique d’une agglomération entière qui met à contribution tout un tissu qui suit et soutient l’industrie innovante : services de proximité, transports, secteur financier, etc. » (Blanc, 2004, p. 29).

Dans un deuxième temps, les discours qui accompagnent le lancement de la PPC font également appel à cette notion de cluster pour rattacher la nouvelle politique nationale au modèle américain que constitue la Silicon Valley. Par exemple, l’allocution du Premier ministre lors de la labellisation des pôles en juillet 2005 fait clairement référence au modèle de cluster : « Cette France des projets doit s’appuyer sur une véritable stratégie de spécialisation industrielle des territoires. C’est fondamental : l’exemple historique de la Silicon Valley montre bien que la dématérialisation de l’économie ne met pas fin à l’agglomération des activités, à la spécialisation des territoires, bien au contraire ». (Allocution de Dominique de Villepin le 12 juillet 2005.) Autre exemple, le discours du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy au moment de la labellisation des pôles rappelle également le même attachement cognitif au modèle de la Silicon Valley : « La proximité géographique est un atout majeur. (. . . ) Il faut établir des liens de confiance et connaître ses partenaires. Pour cela, la proximité physique est irremplaçable. Pourquoi certaines entreprises sont-elles prêtes à supporter des coûts supérieurs pour s’implanter dans la Silicon Valley, la City de Londres ou à proximité du MIT à Boston ? Parce que lorsque les idées bouillonnent et que les compétences se rassemblent sur un territoire (. . . ) C’est tout le sens des pôles de compétitivité : favoriser l’émergence d’un cadre de confiance propice aux rencontres et aux échanges formels, mais aussi informels ; créer, cher Christian, un écosystème de la croissance. Cela doit conduire à renouveler en partie notre approche des politiques d’aménagement du territoire ». Ces discours interviennent environ huit mois après le lancement officiel de la PPC (en juillet 2005). Ils font largement écho au rapport de Christian Blanc, qui est d’ailleurs interpellé dans le discours de Nicolas Sarkozy. Or, si ce dernier s’inscrit dans la filiation du rapport de Christian Blanc, qu’il s’adresse sept fois à Christian Blanc, et qu’il le reconnaît comme « le principal inspirateur » (ibid.) de la PPC, le reste de son discours entre en (complète) contradiction avec les préconisations de Christian Blanc .

Diversité lexicale dans les textes de mise en œuvre et relations ambiguës au(x) territoire(s)

Dans la mise en œuvre, l’assimilation des pôles au modèle de cluster est bien plus difficile que dans les discours. Comment intervenir sur les choix de localisation des entreprises ? Comment impulser le rapprochement géographique des entreprises d’un même domaine. Les discours cités précédemment sont avant tout politiques et relèvent de la promotion de l’action publique. S’ils témoignent d’une ambition de créer des clusters pour servir le développement économique, ils ne parlent pas de la complexité de sa mise en œuvre : comment inciter des entreprises à s’implanter les unes à proximité des autres – voire à les dé et re-localiser les unes à proximité des autres ? Les définitions plus techniques, qui suivent le lancement de la PPC, sont moins explicitement rattachées au concept de cluster. Et ce, d’autant plus que quasiment aucun des textes recensés ne reprend strictement la même définition spatiale d’un pôle de compétitivité. Ainsi, nous considérons que la diversité lexicale reprise dans les textes plus techniques est le signe d’une difficulté à envisager et définir la définition spatiale des pôles. Voici à titre d’exemple, comment les quatre textes fondateurs du lancement de la politique des pôles définissent (différemment) les pôles de compétitivité :

— Le dossier de presse du CIADT du 14 mai 2004 parle « d’une combinaison sur un territoire donné d’entreprises, de centres de formation et d’unités de recherche : engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets communs au caractère innovant, et disposant de la masse critique nécessaire pour une visibilité internationale » (Dossier de presse du CIADT du 14/05/2004). Ce compterendu constitue le premier document encadrant et présentant « la stratégie des pôles de compétitivité ». Il définit la manière dont se déroulera la PPC et pose les premiers éléments de définitions. Il annonce les moyens d’intervention de l’État, les mesures d’accompagnement et d’animation des projets. Il signale enfin que l’État procèdera à la labellisation des pôles de compétitivité « existants » via le lancement d’un appel à projets en novembre (texte suivant).
— La circulaire du 25 novembre 2004, relative à la mise en œuvre de la PPC, lance l’appel à projets. Elle s’adresse aux préfets de régions et de départements et présente les mesures d’accompagnement des projets et les procédures de sélection. D’après cette circulaire les pôles sont « formés sur un espace géographique donné, par des entreprises, des unités de recherche et des centres de formation engagés dans des projets innovants. » (Circulaire relative à la mise en œuvre de la PPC, 25 novembre 2004).
— Nous considérons également le texte de l’appel à projets, à destination des porteurs de projets, comme un texte fondateur de la PPC. En effet, les acteurs locaux (futurs membres des pôles, mais aussi les collectivités) se positionnent à la lumière de cet appel à projets. Il définit les pôles comme étant : « une combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation, d’unités de recherche publiques ou privées, engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets communs au caractère innovant.» (Appel à projets de novembre 2004).
— Enfin, pour clôturer le lancement de cette nouvelle politique, un article concernant la PPC est intégré à la loi o 2004-1484 du 30 décembre 2004, de finances pour 2005 (article 24). Nous considérons cette définition comme la définition officielle des pôles. D’une part, parce qu’elle a une valeur législative. D’autre part, parce que la plupart des textes de mise en œuvre font référence, par la suite, à cette définition. Elle définit les pôles comme suit : « Les pôles de compétitivité sont constitués par le regroupement sur un même territoire d’entreprises, d’établissements d’enseignement supérieur et d’organismes de recherche publics ou privés qui ont vocation à travailler en synergie pour mettre en œuvre des projets de développement économique pour l’innovation. » .

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Table des matières

Introduction générale
Le pari de la politique des pôles de compétitivité : faire converger proximité
spatiale, proximité relationnelle et innovation
Les pôles, des instruments de politique publique ?
Les pôles, des nouveaux territoires de l’action publique
Les pôles de compétitivité analysés comme une production territoriale
Un dispositif de recherche qualitatif et comparatif
Chapitre 1 Genèse de la politique des pôles : entre politique d’aménagement et politique industrielle
1 Un processus de convergence et de traduction en faveur de la compétitivité et de la spécialisation
1.1 Convergence vers les politiques néolibérales en faveur de la compétitivité
1.2 Stratégie de Lisbonne et construction de l’espace européen de la recherche
1.3 La traduction de cette injonction en France : une intervention spatiale ou sectorielle ?
2 La problématisation au niveau national : pourquoi la PPC est-elle une politique industrielle et d’aménagement ?
2.1 La politique des pôles : quelle filiation d’action publique ?
2.2 Construction collective d’une solution portée au départ par la DATAR84
2.3 Publicisation et scénarii retenus : politique spatiale, régionale ou technologique ?
3 Conclusion
Chapitre 2 Qu’est-ce qu’un pôle de compétitivité ?
1 De l’idée de cluster à la constitution d’organisations
1.1 L’ambition de créer des clusters
1.2 La réalisation d’organisations
2 Des associations localisées et hiérarchisées
2.1 Les éléments organisationnels fondamentaux des pôles : l’appartenance et la hiérarchie
2.2 Une délimitation dite « géographique » qui évolue au cours de la mise en œuvre
2.3 Hiérarchie et règles de fonctionnement : qui gouverne les pôles ?
3 Enchevêtrement des processus de décision : des pôles structurellement faibles ?
3.1 Des pôles dépendants d’organisations membres
3.2 Des pôles dépendants d’une organisation nationale : la politique des pôles de compétitivité
4 Conclusion
Chapitre 3 Définir les pôles : une gestion publique territoriale centralisée et interministérielle
1 Des dispositifs de gestion centralisés relevant du new public management
1.1 La procédure d’appel à projets et l’annonce d’un système d’acteurs étatiques
1.2 La labellisation des projets de pôles : un processus de décision centralisé
1.3 La construction des contrats-cadres et des contrats de performance
2 Un système d’acteurs hiérarchisé
2.1 Mobilisation des industriels pour la simplification des procédures sectorielles
2.2 Le GTI et la gestion interministérielle
2.3 Des collectivités régionales tenues à l’écart, puis intégrées progressivement
3 Les pôles, des instruments de gestion publique territoriale ou des nouveaux territoires de l’action publique ?
3.1 « L’État et la gestion publique territoriale »
3.2 Une gestion publique interterritoriale ?
3.3 Une nouvelle forme de gouvernement à distance ?
3.4 Institutionnalisation de l’action collective
4 Conclusion
Conclusion générale

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