Un certain nombre d’accidents et de pathologies conduisent à la perte de tissus et/ou au dysfonctionnement d’organes. Depuis les années 1960, grâce à l’utilisation de traitements immunosuppresseurs, la transplantation d’organe est devenue le traitement de choix . Toutefois, la liste d’attente pour ces transplantations n’a cessé de s’allonger au cours des dernières années. Aux États-Unis, 120 450 malades sont en attente d’une greffe (chiffre juin 2016). En France, au 1er janvier 2015, ce chiffre s’élevait à 13 750 malades et on estime que plus de 550 patients décèderont faute d’avoir bénéficié à temps d’une transplantation. Ce chiffre augmente chaque année pour atteindre 50% depuis 2007. Ainsi, le temps moyen d’attente pour bénéficier d’une greffe est supérieur à 3 ans. La situation est bien plus grave encore dans les pays sous-développés, en raison du manque de services de chirurgie et de l’inexistence des infrastructures permettant faire le lien entre les patients et les donneurs compatibles.
Qu’est-ce qu’un gel ?
Un gel est constitué d’au moins deux composants : un réseau tridimensionnel des macromolécules de polymères, et un solvant, la phase liquide, qui représente la plus grande partie du volume . Les travaux Almdal et al ont permis de fixer 3 caractéristiques de l’état de gel :
– Un gel consiste en un système homogène, cohérent avec deux constituants : une phase solide contenant une phase liquide dont elle empêche l’écoulement.
– Chacune des deux phases occupe la totalité du volume du gel.
– Le gel se comporte comme un solide viscoélastique.
Les propriétés élastiques et fluidiques des gels font d’eux de bons candidats pour des applications dans des domaines aussi divers que les produits pharmaceutiques, la biotechnologie, l’agriculture, la transformation des aliments et l’électronique .
La formation du gel résulte de l’agrégation des particules solides en solution ou en dispersion dans un liquide. Ainsi, lors de la transition sol-gel, la solution (sol), formée d’amas finis, devient un gel lorsque ces amas s’associent pour former un amas infini. Ce réseau s’étend dans toutes les directions et retient la phase liquide. Il ne représente que quelques pourcents du volume total mais joue un rôle essentiel d’armature et permet de grandes déformations.
Gels physiques et gels chimiques
Les gels sont formés de réseaux de polymère liés soit physiquement (liaisons faibles), soit chimiquement (liaisons covalentes). Cela permet de distinguer les gels physiques, d’une part, et les gels chimiques, d’autre part .
Dans les gels physiques, les interactions ou liaisons entre les macromolécules correspondent à des interactions de Van der Waals, des interactions ioniques, ou des liaisons hydrogène, dont l’énergie est d’environ 2 kcal.mol-1 . Ces interactions conduisent le plus souvent à la formation de zones cristallines. La transition sol-gel est généralement réversible en fonction des conditions de température, de pH et de force ionique. Dans les gels chimiques, les réseaux tridimensionnels sont formés par une réaction chimique au cours de laquelle des liaisons covalentes s’établissent entre les macromolécules. En raison de ces liaisons de haute énergie les gels ne sont ni thermoréversibles (retour à l’état liquide par chauffage impossible) ni solvoréversibles (dissolution dans le solvant impossible). La destruction du gel ne peut alors être obtenue qu’en dégradant des liaisons covalentes.
Ces gels physiques et chimiques peuvent être classés de manière plus fine en fonction de la provenance des macromolécules(naturelle ou synthétique), du solvant dont est gonflé le réseau de polymère (organogel ou hydrogel).
Hydrogels
Un hydrogel est défini comme un réseau tridimensionnel de macromolécules, naturelles ou synthétiques, qui absorbe d’importantes quantités d’eau, de solutions aqueuses ou de fluides biologiques (de 10-20% jusqu’à plusieurs milliers de fois sa masse sèche). Les hydrogels sont utilisés depuis des siècles dans des domaines comme l’alimentation, l’art et la médecine, mais le terme « hydrogel » apparaît pour la première fois dans la littérature en 1894 et désigne alors un gel colloïdal de sels inorganiques . Dans les années 1960, Wichterle et Lim mettent au point des matériaux polymères pour des applications biomédicales. Un premier hydrogel à base de polyméthacrylate de 2-hydroxyéthyle est développé comme lentilles de contact . Depuis, l’utilisation des hydrogels comme dispositifs médicaux a connu une véritable explosion, notamment au cours de ces 20 dernières années. La médecine régénérative s’est, en effet, développée pour pallier les besoins en organes et en tissus en fabriquant des tissus de remplacement pour le corps humain.
Les hydrogels peuvent être classés en fonction de leurs propriétés physiques, de leur mode de synthèse (qui sera discuté dans la partie suivante), de leur réticulation, de leur dégradabilité, de leur source et de leur charge ionique . Toutefois, la description de tous ces paramètres dépasse le cadre de ce chapitre ; par conséquent,seulsles points pertinents par rapport aux travaux seront présentés par la suite.
Synthèse des hydrogels
Selon qu’ils sont physiques ou chimiques, les hydrogels font appel à des liaisons intramoléculaires différentes, donc à des groupements chimiques différents. Quelques exemples, non exhaustifs, sont donnés dans les paragraphes suivants, selon que l’on forme des hydrogels physiques, chimiques, voire les deux combinés.
Exemples de formation de gels physiques
Des gels naturels sont utilisés depuis la Haute Antiquité pour l’alimentation et certaines productions artisanales comme les colles. Ainsi, les gels d’Aloé Vera sont employés depuis des siècles pour soigner les problèmes cutanés comme les brûlures, les escarres, les dermatoses ou les coupures. Ces biogels sont, pour la plupart, des hydrogels physiques. Constitués de molécules biologiques complexes, leur synthèse a longtemps été effectuée de façon empirique en faisant varier la concentration, la température, le pH. La formation d’hydrogels physiques peut être réalisée au moyen d’interactions physico-chimiques variées : interactions hydrophobes, ioniques, liaisons hydrogène et électrostatiques .
La gélification de nombreux polymères biologiques est induite par la formation réversible de liaisons hydrogène intermoléculaires, en dessous d’une température donnée (Upper Critical Solution Temperature). Ce processus thermoréversible est bien connu pour la gélatine, et un certain nombre de polysaccharides (agarose, amylose, amylopectine, carraghénane) . La nucléation et la croissance des agrégats d’hélices sont mues par la formation d’hélices doubles (polysaccharides) ou triples (gélatine).
S’inspirant de ces mécanismes de gélification observés dans la nature, certaines équipes ont développé des systèmes hybrides associant des peptides capables d’adopter une conformation hélicoïdale avec des polymères synthétiques. La gélification intervient quand le repliement des protéines en hélices aboutit à l’organisation d’une combinaison de plusieurs hélices combinées ensemble pour former une superhélice .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Matrice extracellulaire
1.1. Le collagène
1.2. La fibronectine
1.3. La laminine
1.4. Glycosaminoglycanes et protéoglycanes
2. Qu’est-ce qu’un gel ?
2.1. Gels physiques et gels chimiques
2.2. Hydrogels
3. Synthèse des hydrogels
3.1. Exemples de formation de gels physiques
3.2. Exemples de synthèse de gels chimiques
3.3. Combinaison des réticulations physique et chimique
4. Propriétés requises pour un hydrogel pour la régénération tissulaire
4.1. Biocompatibilité
4.2. Vascularisation
4.3. Dégradation
4.4. Propriétés viscoélastiques
4.5. Microenvironnement
5. Application des hydrogels en ingénierie tissulaire
5.1. Matériaux support (« scaffold »)
5.2. Rôle de barrière
5.3. Libération contrôlée de principes actifs
5.4. Encapsulation cellulaire
6. Types d’hydrogels
6.1. A base de précurseurs synthétiques
6.2. A base de précurseurs naturels
6.3. Limitations de ces gels
7. Hydrogels complexes
7.1. Coréseaux de protéines/peptides PEGylées
7.2. Réseaux Interpénétrés de Polymères (RIPs)
8. Conclusion
CHAPITRE 2 : MATERIAUX RIP A BASE DE PVAM
1. Comportement lors de cycle de déshydration/réhydratation
2. Dégradation enzymatique des RIP PVA-BSA/Fb
2.1. Suivi visuel de la dégradation
2.2. Evolution des propriétés viscoélastiques
2.3. Suivi du relargage des fragments protéiques
3. Variabilité entre lots et stérilisation du PVAm
4. Conclusion
CHAPITRE 3 : MATERIAUX POE-BSA/FB
1. Choix du remplaçant du PVAm
2. Synthèse et caractérisation des coréseaux POE-BSA
3. Synthèse des RIPs POE-BSA/Fb
3.1. Optimisation de la proportion d’amorceur
3.1. Influence du temps de polymérisation
3.2. Suivi de la formation des matériaux
4. Caractérisation des RIPs
4.1. Caractérisation de l’architecture RIP
4.2. Biodégradabilité
5. Biocompatibilité des RIPs POE(x)BSA(y)/Fb
5.1. Approche en deux dimensions
5.2. Cytotoxicité de l’Irgacure 2959
6. Conclusion
CHAPITRE 4 : GREFFAGE ET DELIVRANCE DE MOLECULES A ACTIVITE BACTERICIDE
1. Colonisation bactérienne et biomatériaux antibactériens
1.1. Colonisation bactérienne des surfaces
1.2. Stratégie pour limiter le développement bactérien
2. Choix et caractéristiques des composés bactéricides
2.1. Coefficient d’extinction molaire
2.2. Détermination des concentrations minimales inhibitrices
3. Synthèse de RIPs POE-BSA/Fb contenant des sels d’ammonium
3.1. Aspect des RIPs contenant les sels d’ammonium
3.2. Vérification du greffage du styrène ammonium au coréseau POE-BSA
4. Caractérisation des matériaux
4.1. Caractérisation de la morphologie des matériaux
4.2. Propriétés viscoélastiques des RIPs contenant des sels d’ammonium
4.3. Suivi de la dégradation des RIPs contenant les sels d’ammonium
5. Activité bactéricide de ces RIPs
5.1. Etude de la diffusion des sels d’ammonium
5.2. Dénombrement des bactéries en contact avec le matériau
6. Conclusion
CONCLUSION GENERALE