Qu’est-ce qu’un Français ?

« Qu’est-ce qu’être Français ? » C’est la question posée par l’organisateur du «grand débat sur l’identité nationale » dans le forum sur le site internet dédié à ce débat géré par le ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire. La création du ministère dont le nom associe «l’immigration » et « l’identité nationale » en 2007 et ce « débat sur l’identité nationale » lancé par le gouvernement de Nicolas Sarkozy en 2009 ont suscité une vive polémique, les critiques portant en particulier sur le lien fait entre l’identité nationale et l’immigration et sur les visées discriminatoires de cette initiative politique. Les auteurs de ces critiques soupçonnent que cet effort politique de définir « l’identité nationale » a été réalisé dans l’objectif de désigner et stigmatiser l’étranger et l’immigré en dressant un clivage entre « Nous » et « Eux », autrement dit, en séparant ce dernier du « Nous » national  . En avançant la thèse que l’identité et l’altérité sont des constructions relationnelles  , ils mettent en cause les effets de désignation de l’« Autre », en l’occurrence l’étranger et l’immigré, sous-jacent à ce souci de définition de « l’identité nationale ».

Le clivage entre « Nous » Français et « Autre » étranger et immigré mis en évidence par ces critiques a été également problématisé par Didier Fassin par le concept de «frontière intérieure », qui est, d’après lui, devenue de plus en plus visible à partir des années 1990 (Fassin, 2010 : 9). Dans l’ouvrage collectif qui examine sous les divers angles cette frontière et « l’altérité nationale » qu’elle produit, Fassin en rend compte par la prise de conscience de l’existence d’une frontière autre que purement juridique, autrement dit, comme témoigne l’apparition d’appellation « deuxième génération » , de l’existence de personnes qui sont considérées comme « étrangers» ou « Autres » malgré le fait qu’il s’agit de Français nés en France ou bien d’étrangers qui sont venus en France dans leur enfance et qui se sont socialisés dans la société française. Selon Fassin, l’altérité de ces personnes n’est pas juridique, mais raciale dans le sens où elle inclut des éléments qui radicalisent les différences telles que la couleur de peau, l’origine, la culture et la religion. Étant une construction idéologique, la frontière intérieure n’en possède pas moins un impact réel sur l’accès aux ressources comme l’éducation, l’emploi et le logement (Ibid. pp. 6, 11). « Nous nous penchons sur cette réalité si peu étudiée et si aisément occultée : l’altérité nationale, non comme elle serait donnée dans la différence des origines, des couleurs, des cultures, des religions, mais comme la société française la produit et la construit au jour le jour » (Ibid. p. 23).

L’apport de la théorie constructiviste et l’appréhension de « l’immigré » dans la relation majoritaireminoritaire 

Le développement de la sociologie de l’immigration en France a connu un changement de paradigme autour des années 1980. En effet, l’introduction de l’approche interactionniste de l’ethnicité et d’autres identités sociales dans ce domaine a contribué à dépasser la vision essentialiste et culturaliste, et à interroger la construction de la catégorie d’immigré en tant que catégorie minoritaire. Ce nouveau paradigme, qui invite à prendre pour objet la frontière entre les groupes majoritaire et minoritaire, justifiera la nécessité d’une étude sur le « Nous » majoritaire, le « Nous français » vis-à-vis de « l’immigré minoritaire ».

Le développement tardif de la sociologie de l’immigration : vers une problématisation de l’immigré comme minoritaire dans la société 

L’occultation de la présence des immigrés et l’immigré comme travailleur 

Même si, depuis ces trois décennies, la France a connu un développement remarquable des travaux de la sociologie de l’immigration, et en parallèle, des études sur l’ethnicité et sur le racisme, cette attention à l’immigration et aux immigrés en tant qu’objets d’étude est tardive par rapport au monde anglophone. C’est seulement à partir des années 1970 que les sciences sociales s’intéressent à ce thème. La France, un pays d’immigration, n’a reconnu que récemment la place importante occupe les immigrés dans le pays. Comme Berteleu l’affirme, pour l’émergence du champ, « […] il a fallu d’abord sortir de cette amnésie historique que décrit G. Noiriel (1988), cet aveuglement des Français refusant en quelque sorte de considérer leur pays pour ce qu’il était : un des plus importants pays d’immigration » (Bertheleu, 1997 : 199‑ 120).

Au démarrage de ce domaine, les recherches se déroulent avec la conception de l’immigré comme « travailleur ». La logique économique étant prédominante, les thèmes de recherche sont centrés sur la condition et l’adaptation des immigrés surtout au travail (Rea & Tripier, 2003 : 27 ; Streiff-Fénart, 2013 : 9). Même si le courant marxiste introduit l’interrogation sur l’exploitation, elle reste dans une perspective économique. « […] les apports théoriques de cette période portent sur l’interprétation de la situation des immigrants en termes de système d’exploitation économique (national et international) et d’oppression institutionnelle » (De Rudder, 1997: 82).

Nouvelle perception de l’immigré : la fermeture de la frontière en 1974 

C’est à partir des années 1980 que l’on observe le renouvellement de la définition et du traitement de questionnement migratoire à la fois scientifique et politique. Pour ce renouvellement du champ, la fermeture de la frontière en 1974 et le regroupement familial qui a suivi ont fourni un contexte. La prise de conscience de l’installation définitive des immigrés et de leur famille a amené à changer la perspective sur les immigrés. Désormais, à la fois dans les milieux scientifiques et institutionnels, ils sont considérés plutôt comme « immigration de peuplement » que « de travail ». L’immigré est dorénavant associé aux qualificatifs habitant, familial et permanent (Silverman, 1992).

Ce renouvellement de la perception entraine une transformation du discours sur le problème de l’immigration : perçu auparavant comme une question économique, il s’inscrit désormais dans l’ordre social, identitaire et sécuritaire. Les débats se cristallisent autour du problème de l’intégration, de la menace communautaire et identitaire, et de la menace d’ordre public. Streiff-Fénart résume sur ce point : « Ce n’est que dans les années 1980, avec la crise économique et la prise de conscience progressive que l’installation en France de ces populations issues de l’ancien empire colonial serait durable, que la référence à l’assimilation en tant que “modèle français” s’est répandue dans le discours politique » (Streiff-Fénart, 2009 : 218).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : VERS UNE INTERROGATION DE LA FRANCITE. CONSTRUCTION D’UN OBJET D’ETUDE
CHAPITRE 1. L’APPORT DE LA THEORIE CONSTRUCTIVISTE ET L’APPREHENSION
DE « L’IMMIGRE » DANS LA RELATION MAJORITAIRE-MINORITAIRE
1.1. Le développement tardif de la sociologie de l’immigration : vers une problématisation
de l’immigré comme minoritaire dans la société
L’occultation de la présence des immigrés et l’immigré comme travailleur
Nouvelle perception de l’immigré : la fermeture de la frontière en 1974
1.2. La théorie interactionniste de l’ethnicité et de l’identité, et la théorie de le rapport
majoritaire-minoritaire
1.2.1. L’approche relationnelle de l’ethnicité
1.2.2. La relation majoritaire-minoritaire
1.3. La sociologie de l’immigration, une étude sur le minoritaire ?
CHAPITRE 2. VERS UNE ETUDE SUR LE MAJORITAIRE : EXPLORATION DES PISTES
2.1. Études sur la nation et sur le nationalisme : vers une interrogation sur la construction relationnelle du national
2.1.1. L’approche constructiviste proposée par les « modernistes »
2.1.2. La nécessité de prendre en compte le rôle de l’Autre dans la construction du national
2.1.3. Analyser « le nationalisme reconstructif »
2.2. Les Critical Whiteness Studies, une proposition d’étude sur le majoritaire
2.2.1. L’interrogation sur le majoritaire : un renversement de perspective
2.2.2. De la blanchité à la francité : réflexion sur la relation entre « nationness » et
« whiteness » et proposition d’un plan de recherche
CHAPITRE 3. LA FRANCITE DANS LA THEORIE ET DANS L’HISTOIRE :
ELABORATION DE LA NOTION DE FRANCITE
3.1. Vers la conceptualisation de la francité : l’implication de la théorie de catégorisation
3.1.1. La francité comme idée du Français : l’apport du cadre proposé par Hacking
3.1.2. La francité comme prototype de français et son implication dans la catégorisation
3.1.3. La synthèse : la précision conceptuelle de la francité.
3.2. L’histoire de la francité : le mythe de francité civique et l’imbrication de dimensions civique, ethnique et raciale
La francité en situation coloniale, impériale et esclavagiste : la conception raciale
de la francité
La Révolution française : un paradoxe entre l’universalisme républicain et la
pensée raciale
La nationalisation à partir du XIXe siècle : un croisement de dimensions civique,
ethnique et raciale
La question de l’origine nationale aujourd’hui
CHAPITRE 4. DEMARCHE ET METHODOLOGIE
4.1. La francité : articulation des discours politiques et des pratiques institutionnelles
4.2. Le choix de terrains
4.2.1. Définition (s) formelle (s) du Français : l’analyse dans les sphères politique
4.2.2. La francité observée dans les pratiques institutionnelles : l’enquête de terrain de dispositif « Contrat d’Accueil et d’Intégration »
4.3. Démarche sur l’analyse du discours
4.3.1. Cadre méthodologique : analyse lexicométrique et analyse thématique
4.3.2. Étapes méthodologiques
4.3.3. Choix du corpus
Discours présidentiels
Débats parlementaires
Discours sur les « attentats » de janvier 2015 à Paris
DEUXIEME PARTIE : LA FRANCITE DANS LES DISCOURS POLITIQUES. DEBATS PARLEMENTAIRES ET DISCOURS PRESIDENTIELS ENTRE 1981 ET 2012
CHAPITRE 5. ANALYSE DE DISCOURS PRESIDENTIELS SUR « L’IDENTITE
NATIONALE »
5.1. Coexistence de la francité civique et ethnique : caractéristiques générales
Les caractéristiques statistiques du corpus
Les caractéristiques thématiques de chaque sous-corpus
5.2. Trois postures vis-à-vis de la conceptualisation du Français : comparaison
intratextuelle
5.2.1. François Mitterrand (1981-1995)
5.2.2. Jacques Chirac (1995-2007)
5.2.3. Nicolas Sarkozy (2007-2012)
5.3. Synthèse
CHAPITRE 6. ANALYSE DE DISCOURS DE DEBATS PARLEMENTAIRES SUR
L’IMMIGRATION ET LA NATIONALITE : EVOLUTION DE LA CONCEPTUALISATION DU FRANÇAIS
6.1. Les caractères généraux des données
Les occurrences
Les orateurs
6.2. L’évolution du contexte : la transition thématique et le glissement des enjeux et de la perception des immigrés
7e législature (1981-1986)
8e législature (1986-1988)
9e législature (1988-1993)
10e législature (1993-1997)
législature (1997-2002)
12e législature (2002-2007)
13e législature (2007-2012)
6.3. Quel Nous et quel(s) Eux ? : transition autour de la conceptualisation du Français
6.3.1. La démarche
6.3.2. Usages transversaux de « Français » en substantif
6.3.3. Evolution par législature
7e législature (1981-1986)
8e législature (1986-1988)
9e législature (1988-1993)
10e législature (1993-1997)
11e législature (1997-2002)
12e législature (2002-2007)
13e législature (2007-2012)
6.4. Synthèse
CHAPITRE 7. LA FRANCITE COMME OPERATEUR DE DIFFERENCIATION : DISCOURS SUR LES « ATTENTATS » DE JANVIER 2015
Déroulement des événements de janvier 2015
7.1. Une francité basée sur les « valeurs républicaines »
7.2. Le Français sans condition, sous condition et le « mauvais immigré »
Nous Les « Français » sans condition, les adhérents inconditionnels à ces valeurs
Inclus dans le Nous sous conditions
Eux (Les mauvais « immigrés »), exclus du Nous
7.3. Synthèse
CONCLUSION GENERALE

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