Qu’est-ce que produire de l’écrit en moyenne et grande sections et pourquoi y inciter ?

Qu’est-ce que produire de l’écrit en moyenne et grande sections et pourquoi y
inciter ?

La production d’écrit en cycle 1 

Est-ce que cela a du sens de parler de production d’écrit en cycle 1, avant l’apprentissage de la lecture et de l’écriture prévue par les programmes en CP ? Et comment peut-on proposer à des élèves de produire de l’écrit s’ils ne savent ni lire, ni écrire ? Si l’on suit les instructions du ministère, ce travail de production d’écrit s’envisage bien comme une activité préparatoire à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, afin de le faciliter, car : « Apprendre à écrire nécessite d’avoir construit une représentation de l’écrit, d’avoir établi des liens entre ce qui se dit (et qui peut s’écrire) et ce qui est écrit (et peut se lire/dire). C’est cet apprentissage qui s’élabore tout au long du parcours de l’élève à l’école maternelle. » Produire de l’écrit sans savoir ni lire ni écrire consiste donc à mettre en place progressivement les mécanismes, techniques et structurations de la pensée propres à la production de texte. Cela revient à imprégner le jeune élève d’une culture de l’écrit commune pour l’habituer en quelque sorte au monde de l’écrit et lui faciliter l’entrée dans l’apprentissage de l’écriture (et de la lecture) puis de la rédaction. Produire de l’écrit n’est pas à réduire ici au fait d’écrire ou copier ses premières lettres ou ses premiers mots, mais revient d’une manière plus globale à intégrer un projet d’écriture pensé, structuré et porteur de sens auquel l’écriture des premiers mots contribue. C’est la distinction que Mireille Brigaudiot fait entre essais d’écriture et productions d’écrit. Elle explique ainsi que « les premiers sont des exercices de type problèmes qui induisent la réflexion des enfants sur le bas niveau de la langue. Les secondes sont des situations langagières qui permettent aux enfants d’agir par écrit sur un destinataire. » L’écrit trouve donc une utilité et un sens par le fait qu’il est destiné à quelqu’un d’autre sur lequel l’enfant va essayer de produire un effet. Finalement, je suis partie de l’idée qu’inciter à la production d’écrit en maternelle correspondait à mettre en place la capacité future de l’élève à rédiger un texte, une histoire, à préparer les conditions de son émergence en recourant à différents moyens dont les essais d’écriture font partie. Je me suis attachée à recenser tout ce qui pouvait favoriser la production d’écrit :
– la dictée à l’adulte, pas seulement pour découvrir le spectacle de l’adulte en train d’écrire, mais pour le voir écrire au fur et à mesure que les élèves lui énoncent le texte, puis corriger et réécrire ;
– les lectures d’albums, de documentaires, avec ou sans illustrations, pour connaître suffisamment de récits ou d’outils dispensateurs de savoir, et les analyser ;
– l’acquisition de vocabulaire et d’une culture pour étoffer, enrichir son langage, mais aussi pour établir une culture commune, des points de repères partagés, littéraires ou artistiques, qui sont autant d’interprétations et stéréotypes constitués en réseaux, et développer son propre pouvoir fictionnel et imaginatif ;
– tous les exercices de compréhension permettant de comprendre la structuration du texte (schéma narratif, répétitif, mise en réseau, etc.), sa séquentialité, sa constitution en phrases qui sont autant d’unités de sens ;
– les lectures ou récitations de comptines, poèmes et chansons pour jouer avec la langue, s’éveiller à la conscience phonologique et à la grammaire ;
– la verbalisation, les activités langagières à l’oral pour apprendre à structurer sa propre pensée, argumenter, donner son point de vue ;
– les essais d’écriture et problèmes d’écriture tâtonnée pour se diriger vers le principe alphabétique et l’apprentissage de l’écriture et de la lecture ;
– les copies de mots pour se percevoir comme enfant scripteur et « faire comme les grands » ;
– les observations diverses qui mènent à se rendre compte que nous vivons dans un monde où l’écrit est omniprésent.

Produire de l’écrit en cycle 1 peut donc être assimilé à une préparation à l’entrée dans le monde de l’écrit en élémentaire. Et cette préparation recouvre un champ plus vaste de raisons pour la mettre en place à ce jeune âge.

Pourquoi inciter à la production d’écrit en maternelle ? 

Le jeune enfant qui entre en maternelle est en train de se familiariser avec le langage oral et il n’est pas porté naturellement vers le langage écrit qu’il ne connaît pas ou si peu. On peut dire qu’il est naturellement indifférent à celui-ci, et la découverte de l’écrit consiste à franchir ce cap de l’indifférence, voire celui d’une éventuelle crainte à son égard, comme on pourrait craindre l’inconnu. C’est pourquoi cette découverte de l’écrit peut être considérée comme une véritable révolution qui s’opère chez le jeune enfant. Lev Vygotsky a souligné la difficulté de cet apprentissage due au fait que l’enfant doit opérer « une double abstraction : celle de l’aspect sonore du langage et celle de l’interlocuteur. » Le langage écrit a en effet un destinataire, mais qui est hors de la vue ou de portée de celui qui écrit, ou bien encore qui n’a pas de réalité concrète à ses yeux (un ensemble de personnes inconnues par exemple) et nécessite d’être imaginé. Lev Vygotsky précise que « le langage écrit – permet à l’enfant d’accéder au plan abstrait le plus élevé du langage, réorganisant par là même aussi le système psychique antérieur du langage oral » .

Le rôle de la maternelle est donc d’aider l’enfant à passer le cap de l’abstraction en le familiarisant avec la culture de l’écrit. Reste à trouver les outils et les moyens pour susciter l’intérêt des enfants pour l’écrit et lui donner du sens. C’est ainsi que certaines éventuelles inhibitions ou craintes pourront être levées. Selon le chercheur en didactique Jacques Fijalkow, « aborder d’emblée le texte écrit et le texte à écrire, sans renvoyer à plus tard la rencontre avec des supports et des situations de lecture écriture authentiques, peut aider les enfants à donner du sens à l’école, à l’écrit, à l’apprentissage . » Pour lui, il est également important de favoriser l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en les présentant comme des pratiques sociales de référence, ce que préconisait Célestin Freinet. La dictée à l’adulte en fait partie : « A la vue d’un adulte expert produisant un texte sans difficultés et qui pourrait donner à l’enfant l’impression fallacieuse qu’écrire est tâche aisée et que lui seul éprouve des difficultés dans cette situation, on préfère donc la mise en scène de la situation sociale réelle avec son lot d’hésitations, de relectures, de ratures, de changements divers. » Dès la maternelle il est important de montrer à quoi ressemble le travail particulier de l’écrit en train de se faire, ainsi que la réflexion et les efforts qu’il nécessite. Cependant, je peux y opposer que, si je montre à ma classe de moyenne et grande sections combien écrire est difficile, je risquerai d’inhiber davantage certains élèves et les dissuader d’aller vers l’écrit. Je me surprends à imaginer que ce ne sera pas le cas si cet effort et cette réflexion sont présentés comme un jeu, une sorte de devinette à élucider ou de puzzle à construire. Ce ne sera pas le cas non plus si les enseignants parviennent à les convaincre qu’ils y arriveront avec l’expérience et la pratique, de manière machinale. Et les élèves seront facilement convaincus dès qu’ils auront découvert ce tout nouveau pouvoir enthousiasmant : leur pouvoir sur les mots et sur l’écrit, pouvoir souligné dans les programmes de 2015 : « Ces expériences précoces de productions génèrent une prise de conscience du pouvoir que donne la maîtrise de l’écrit. » Bernard Devanne l’avait d’ailleurs conclut en 2006 à l’issue d’une expérience didactique menée dans une classe de grande section d’une école classée Zone d’Education Prioritaire, en Basse-Normandie : « Les enfants, même avant la grande section, n’attendent rien d’autre que de pouvoir exercer un pouvoir réel sur la langue écrite, donc être en acte d’écriture » .

Ils seront aussi plus facilement convaincus s’ils prennent conscience des différentes fonctions de l’écrit : informer, annoncer, signaler, narrer, inventer, argumenter, inciter, influencer, procurer des émotions, mémoriser, classer. Ils apprendront ainsi à différencier une liste, un poème, une recette, un récit, un documentaire, un message ou un courrier, une règle de jeu, etc. C’est aussi en commençant tôt que pourront peut-être être stimulés un intérêt voire une appétence pour la lecture et l’écriture. Et c’est en donnant du sens aux apprentissages et en familiarisant le plus tôt possible l’ensemble des enfants à l’écrit que pourront être réduites les inégalités entre eux au moment de l’apprentissage de la lecture. Mireille Brigaudiot le dit lorsqu’elle parle des « enfants prioritaires » . Jacques Fijalkow le dit lorsqu’il parle de l’entrée dans l’écrit des enfants en difficulté auxquels il a consacré ses recherches. Bernard Devanne le prouve par l’expérience qu’il a suivie pendant deux ans dans une classe de ZEP, de la moyenne section à la grande section. Concrètement, et je l’observe dans ma classe, les élèves dont la culture familiale est proche de la culture scolaire ont déjà l’habitude des textes et de l’écrit, se sont déjà forgés une culture littéraire et des références, et sont les plus attirés par l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. Ils se livrent avec enthousiasme à des essais d’écriture. En revanche, les élèves qui ont un retard langagier, qui voient peu d’albums jeunesse chez eux et parfois côtoient déjà un peu trop l’écran de télévision, ont plus de mal à se concentrer en classe, à échanger avec leurs camarades et n’investissent pas du tout les activités de production d’écrit. Une lecture d’album peut devenir très obscure et difficile d’accès pour ces enfants qui n’ont pas les clés pour y entrer. Le plus rageant est de se rendre compte que multiplier les lectures peut les perdre complètement en route et creuser davantage les écarts ! Alors que faire ? Peutêtre que créer les conditions de la production d’écrit et ne pas s’évertuer à lire le plus possible d’histoires leur permettrait d’intégrer cet univers de l’écrit et en découvrir les codes avant le grand saut du déchiffrage en CP ? Mais comment créer ces conditions de la production d’écrit ? Dans ma classe, je me suis rendu compte qu’elles dépendaient de trois facteurs : proposer aux élèves une variété d’outils propres à stimuler leur intérêt pour l’écrit et l’acte d’écrire, les rendre acteurs de leur processus d’apprentissage et leur apprendre à structurer leur pensée.

Proposer aux élèves les outils nécessaires pour entrer dans l’écrit

Pour pousser les élèves vers le monde de l’écrit, la classe doit leur fournir des clés et des outils, comme autant d’artifices didactiques et artéfacts absents à l’extérieur de l’école. Les mots en sont évidemment les briques constitutives.

Les trésors de mots

Le prénom
Dès la petite section, les enfants sont mis en contact avec des mots écrits en capitales, le premier étant leur prénom. En moyenne section, ils apprennent à écrire ce prénom en capitales. A ce stade de développement où ils sont encore très égocentrés, ils trouvent ainsi un sens majeur à ce premier acte d’écrire dans le fait qu’ils acquièrent une forme de contrôle sur leur identité en écrivant les lettres de leur prénom. Ce mot, leur prénom, est une part d’eux-mêmes. Le reconnaître et l’écrire constitue pour eux leur premier pouvoir sur l’écrit. Par la suite, ils pourront s’intéresser à l’écriture des prénoms de leurs camarades. L’écriture de leur prénom leur sert également à tester l’espace de la page, à l’appréhender, à voir comment l’occuper, à disposer les lettres en une ligne et non à les disperser, à écrire de gauche à droite pour éviter l’effet miroir, à commencer suffisamment à gauche pour avoir la place d’écrire tout le prénom jusqu’au bord droit de la feuille, et donc à mémoriser l’espace nécessaire pour écrire leur prénom, à ajuster et normaliser la taille de toutes les lettres du prénom (pas trop grosses, toutes de la même taille).

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Table des matières

1. Introduction
2. Qu’est-ce que produire de l’écrit en moyenne et grande sections et pourquoi y inciter ?
2.1. La production d’écrit en cycle 1
2.2. Pourquoi inciter à la production d’écrit en maternelle ?
3. Proposer aux élèves les outils nécessaires pour entrer dans l’écrit
3.1. Les trésors de mots
a. Le prénom
b. Le trésor des mots de la classe
3.2. Les outils au sens premier du terme
3.3. La phonologie
3.4. Vers les essais d’écriture et la résolution de problèmes
4. L’élève acteur de son apprentissage
4.1. Correspondre avec quelqu’un
4.2. Réaliser un livre à compter
4.3. S’inscrire dans l’histoire de l’humanité
4.4. L’écrit n’est qu’un code parmi d’autres, et qu’une manière de s’exprimer
4.5. Comprendre par une visite autour de l’école que nous faisons partie d’un monde où l’écrit est omniprésent
5. Apprendre à structurer sa pensée et à organiser un texte
5.1. Repérer l’architecture d’une histoire, d’un texte
5.2. Restituer un récit
5.3. S’entraîner à créer et inventer des histoires
5.4. La dictée à l’adulte
5.5. La réécriture et la notion de brouillon
6. Conclusion
7. Bibliographie

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