Qu’est-ce que l’institutionnalisation des savoirs ?

Qu’est-ce que l’institutionnalisation des savoirs ?

Définition : Transformer la connaissance en savoir 

Le concept d’institutionnalisation est issu de la recherche didactique en mathématiques. Il lui est aujourd’hui encore fortement corrélé. Peu de travaux de recherche en didactique ont été menés sur ce concept – mis à part en didactique mathématiques. La majorité des travaux de recherche en didactique se centrent aujourd’hui sur la phase de mise en activité des élèves (démarches socioconstructives, différenciation, tâche complexe). La question du « transfert de connaissances » (Barth) n’en est pas moins prégnante. Ainsi, « Comment faire pour que les apprenants s’approprient un savoir complexe, abstrait, de telle sorte qu’ils puissent s’en servir avec intelligence ? ».

Le concept d’institutionnalisation invite à réfléchir à une étape charnière, celle du passage du temps de la mise en activité des élèves au temps de cours commun formalisé. La réflexion sur l’institutionnalisation est d’autant plus pertinente en histoire et en géographie où l’étude de cas et le travail sur corpus documentaire obligent à passer du particulier au général et donc à fixer des savoirs spécifiques. Le concept d’institutionnalisation est développé à partir des années 80 par le didacticien des mathématiques Guy Brousseau qui, dans son recueil de texte Théorie des Situations Didactiques , s’intéresse à l’apprentissage constructiviste ainsi qu’au rôle du maître dans la classe. Selon lui, le maitre doit tenir le second rôle dans la classe, le premier rôle étant tenu par « l’action » soit la situation didactique qui permet à l’élève d’acquérir des connaissances. Brousseau explique ainsi dans son ouvrage que la mise en activité des élèves – qui peut s’apparenter selon lui à un véritable travail de mathématicien – doit être au cœur de la séance de classe. C’est en expérimentant, confrontant, se trompant que l’élève s’approprie les connaissances en jeu. Le concept, bien qu’encore aujourd’hui largement exploité par les didacticiens en mathématiques, s’est ouvert aux autres disciplines. Il est donc opérable dans le cadre de la recherche en histoire-géographie.

La réflexion de Brousseau, d’abord axée sur la mise en activité des élèves, s’est vite réorientée vers la phase de validation des connaissances proposées par l’élève. Il a dans un premier temps émis l’hypothèse que l’élève serait capable de produire un savoir mathématique seul lors de situation qu’il nomme a-didactique (Brousseau). Le rôle du maitre serait alors nul. Or, il réfute rapidement son hypothèse et explique ainsi « j’ai commis l’erreur de croire en la possibilité d’une didactique « constructiviste », les faits ont montré la vanité de cet espoir et la nécessité de phases d’institutionnalisation qui donnent à certaines connaissances le statut culturel indispensable de savoir ». Ainsi, la construction d’un savoir ne peut pas s’inscrire dans une situation adidactique qui consisterait à écarter l’enseignant de la situation, en se tournant exclusivement vers l’élève. L’enjeu de la phase d’institutionnalisation serait donc de transformer les connaissances proposées par les élèves en savoirs validés par l’enseignant.

Quelles différences alors entre ces deux notions ? « Une connaissance est ce qui réalise l’équilibre entre le sujet et le milieu, ce que le sujet met en jeu quand il investit une situation » (Laparra & Margolinas, 2010). Un savoir, à l’inverse, est une construction sociale et culturelle, qui vit dans une institution (Douglas, 2004). Ainsi, une connaissance est privée et personnelle. Elle se construit dans un rapport particulier que l’apprenant tisse avec la situation à laquelle il est confronté. Le savoir est collectif et est pourvu d’un statut social qui fait qu’il est reconnu par tous. La phase d’institutionnalisation est donc un temps qui fait le lien entre l’individuel et le collectif, entre le personnel et l’institutionnel. C’est lors de cette étape charnière que le rôle de l’enseignant est indispensable.

Objectifs : Valider, décontextualiser et dépersonnaliser les connaissances 

La phase d’institutionnalisation vise donc un triple objectif, celui de valider, décontextualiser et dépersonnaliser les connaissances produites par les élèves lors d’une mise en activité. Selon Brousseau, la phase d’institutionnalisation a deux dimensions : une dimension publique (le savoir proposé par l’enseignant doit être reconnu par tous et acquérir un « statut social ») et une dimension privée (le savoir proposé par l’enseignant doit être reconnu par l’élève qui en fait acte dans son processus d’apprentissage). Ce temps d’institutionnalisation est co-construit par l’enseignant et les élèves dans un processus de reconnaissance mutuelle. Brousseau précise ainsi, « la prise en compte officielle par l’élève de l’objet de la connaissance et par le maître, de l’apprentissage de l’élève est un phénomène social très important et une phase essentielle du processus didactique : cette double reconnaissance est l’objet de l’institutionnalisation » . L’institutionnalisation n’est donc pas un espace « frontière » qui clôturerait le temps de travail des élèves et ouvrirait celui de l’enseignant. Au contraire, il serait un temps « couture » où se tisserait des interactions entre les élèves et l’enseignant dans le but d’aboutir à un savoir formalisé et dépersonnalisé, reconnu par tous et pouvant être réinvesti dans d’autres situations. En effet, selon Margolinas « si les connaissances ne restent que des modèles implicites d’action, elles ne pourront pas faire fonction de référence, elles restent fragiles et fugitives ». L’enseignant doit donc mettre en place des stratégies pour faire passer les élèves de la connaissance au savoir et ainsi les rendre autonomes lors de nouvelles situations didactiques lors desquelles ils pourront réinvestir ces savoirs institutionnalisés.

Mise en œuvre : « Négociation du savoir » et « réconciliation » élèves enseignants (Brousseau) 

L’institutionnalisation n’est donc pas une phase d’apport de savoirs purement transmissifs et portés ex-nihilo, mais bien une phase de « négociation du savoir » (Brousseau) entre les élèves et l’enseignant. Cette phase de négociation prendrait ainsi la forme d’interactions. Ces interactions doivent permettent de répondre à deux paradoxes majeurs de la mise en activité des élèves :

Paradoxe 1 : Comment l’élève peut-il prendre conscience qu’il a acquis de nouvelles connaissances s’il résout la situation proposée par l’enseignant ? Il peut ainsi penser que sa réussite repose sur des connaissances antérieures.

Paradoxe 2 : L’élève doit accepter de résoudre la situation en accédant par ses propres moyens à la connaissance alors qu’il sait que l’enseignant détient la solution. L’enseignant doit quant à lui ne rien dévoiler. Un contrat tacite est donc établi entre les deux parties.

Le premier paradoxe est levé lors de la phase d’institutionnalisation puisque la connaissance en jeu est explicite. L’élève prend donc clairement conscience de son apprentissage. Le second paradoxe est également levé puisque la phase d’institutionnalisation permet la « réconciliation » (Brousseau) des élèves et de l’enseignant lors d’un temps d’interaction : « ces derniers disent ce qu’ils pensent avoir appris, le maître reformule si besoin et donne une place à l’expression et à la reconnaissance des connaissances de ses élèves. » .

La phase d’institutionnalisation est donc la phase lors de laquelle l’enseignant et les élèves formalisent les connaissances mobilisées lors de la mise en activité, les transformant ainsi en « savoirs savants » formalisés, reconnus et partagés par tous. Ce temps est celui de la négociation et de la reconnaissance mutuelle entre l’enseignant et les élèves. L’institutionnalisation possède ainsi une double dimension. D’une part, une dimension sociale – celle de la négociation des différents acteurs de la classe visant à aboutir à un savoir « général » de référence – d’autre part, une dimension cognitive – celle de permettre des gestes de tissage entre l’idiographique et le nomothétique et entre différentes situations mobilisant les mêmes savoirs.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1. Etat de la recherche
1.1. Qu’est-ce que l’institutionnalisation des savoirs ?
1.1.1. Définition : transformer la connaissance en savoir
1.1.2. Objectifs : Valider, décontextualiser et dépersonnaliser les connaissances
1.1.3. Mise en œuvre : « Négociation du savoir » et « réconciliation » élèves-enseignants (Brousseau)
1.1.4. Enjeux : quels savoirs fixer lors de l’institutionnalisation ?
1.2. Pourquoi le travail de groupe des élèves ?
1.2.1. Adopter une démarche socio-constructive
1.2.2. Déclencher des situations de conflit socio-cognitif
1.2.3. Favoriser l’apprentissage coopératif et la citoyenneté
2. Méthodologie de recherche
2.1. Présentation des données
2.1.1. Présentation des classes témoins
2.1.2. Présentation des séquences expérimentales
2.1.3. Présentation des données collectées et de leurs utilisations
2.2. Présentation des outils d’analyse
2.2.1. Les outils d’analyse de la première phase d’institutionnalisation
2.2.2. Les outils d’analyse de la seconde phase d’institutionnalisation
3. Analyse des résultats
3.1. La première phase d’institutionnalisation : quelle projection des élèves lors de la mise en activité de groupe ?
3.1.1. La projection de l’institutionnalisation lors du travail de groupe des élèves
3.1.2. Analyse comparée des stratégies de groupe pour construire leur production Finale
3.1.3. Comparatif restitution orale et trace écrite formalisée
3.1.4. Confrontation des analyses des données
3.2. La deuxième phase d’institutionnalisation : quelles interactions constructives entre le groupe, la classe et le professeur ?
3.2.1. Analyse des interactions et des feedback professeur-élève
3.2.2. Analyse des entretiens réalisés avec un panel d’élèves issus des classes témoin
Conclusion
Bibliographie
Annexes

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *