QU’EST-CE QUE L’INNOVATION ?
Qui dit innovation, dit prise de risque. Mais alors, pourquoi innover ? D’après Ottenbacher et Gnoth, « Innovation can improve the quality of products or services, enhance corporate image, strengthen customer loyalty and attract potential customers » (cité dans Journal of managment and strategy, 2014, p.55) Cependant, si innover était si simple, aucune entreprise n’aurait de problème dans le domaine. Innover implique une rupture dans la manière de faire, une prise de risque considérable, sans savoir si le produit lancé aura le succès escompté. Et, bien souvent, l’entreprise estime que l’enjeu est trop incertain et opte pour un statu quo plutôt que de s’efforcer à innover.
Au contraire, un des risques majeurs pour la survie d’entreprise, c’est celui ne [sic] pas innover ou de ne pas être capable d’innover efficacement. En fait, c’est en maîtrisant la tension nécessaire entre prise de risque et innovation que l’entreprise va utiliser un formidable levier capable de lui donner un avantage concurrentiel. (Lacoste-Bourgeacq & Morin, 2009, p.3).
Il est cependant intéressant de développer ici le terme « maîtrise de risque », car on ne peut maîtriser que ce qui est déjà connu. En effet, pour innover il faut pouvoir déborder sur l’inconnu tout en ayant une bonne maitrise, non pas du risque, mais de soi. Un autre terme à envisager serait alors la « gestion du risque » plutôt que « maitrise du risque ». Comme l’explique Dionne en 2013 (p.8) « La gestion des risques a pour but de créer un cadre de référence aux entreprises afin d’affronter efficacement le risque et l’incertitude. » Gérer le risque, c’est être conscient des problèmes qui peuvent surgir, et réussir à les manager au fur et à mesure, tout en se maîtrisant soi-même. Néanmoins « Il ne faut donc pas chercher à opposer risques et innovation. Maîtriser les risques n’est pas suffisant, il faut savoir les associer à une innovation pour démultiplier son succès » (Lacoste-Bourgeacq & Morin, 2009, p.175) .
On peut définir deux sortes de stratégies d’innovation. Tout d’abord, la stratégie de rupture, consistant à innover à partir d’une base totalement nouvelle en imaginant ce que serait le produit final. L’innovation de rupture est l’élaboration d’un produit qui va totalement sortir des habitudes. Cette vision stratégique aura un effet final bien plus important, mais comporte également un plus grand risque. Ensuite, la stratégie incrémentale, qui implique une base déjà construite ainsi qu’un marché déjà existant. La prise de risque est minime, car au final on sait dans quoi on va se lancer, le chemin est plus rassurant. On peut parler ici d’amélioration innovante plutôt que d’innovation. Cependant, privilégier une des deux stratégies n’apparaît pas comme la meilleure des solutions. L’idéal serait un parfait mélange entre ces deux visions. La stratégie de rupture se mesure plutôt comme un succès à long terme, où le développement se construit entièrement de A à Z. Alors que la stratégie incrémentale peut offrir un succès rapide, mais uniquement sur du court terme (LacosteBourgeacq & Morin, 2009, p.30). On peut également associer la stratégie incrémentale avec le terme d’excellence opérationnelle, qui se définit par l’optimisation d’un produit déjà élaboré.
LA THEORIE EN U
Émise par Scharmer en 2009, la théorie en U va donner des indicateurs sur les formes de communication et les modes de collaboration de professionnels qui sont confrontés à un défi. La théorie en U vise, d’une part, à renforcer les connexions entre les personnes, mais également avec l’organisation et sa raison d’être. L’intention est à la source de l’attention, ce qui génère le déploiement d’une forme de leadership créatif, à partir des compétences et de la motivation de chaque membre du groupe. La théorie en U identifie plusieurs étapes, elle apparaît comme une sorte d’indicateurs pour accompagner la transformation organisationnelle.
Tout d’abord, face à un défi à relever, la première dynamique serait la réaction basée uniquement sur les habitudes et les routines organisationnelles. L’être humain agit en mode «réflexe » en relation au passé. Vient ensuite l’expression de points de vue incitant le débat entre les collaborateurs, dynamique de communication et de collaboration toujours basée sur les schémas du passé. C’est à ce moment qu’il est important d’identifier les intentions de chaque membre du groupe et de laisser les émotions émerger.
Le principal risque, à cette étape est que l’individu développe un sentiment de peur du regard des autres (voix du jugement) l’empêchant de descendre dans le U en prenant son leadership. Cependant, ces voix du jugement sont tout de même essentielles à la descente, car elles nécessitent de travailler sur l’esprit ouvert. Le groupe va ainsi avoir l’opportunité de développer un cadre différent de coopération, imposant ainsi le non-jugement mutuel des collaborateurs. Cette étape est cruciale car elle nécessite de la part des acteurs de suspendre leurs prises de positions à partir du passé, leur permettant ainsi de pouvoir expérimenter un regard neuf sur le défi et de reformuler une nouvelle approche. C’est à cette étape qu’ils doivent se connecter émotionnellement (« ouvrir son cœur ») , signifiant aussi qu’on devient plus fragile, car on peut être touché par les réflexions ou attaques des autres membres du groupe (voix du cynisme). Cependant, c’est également un passage nécessaire qui permet une connexion sincère entre les membres du groupe, amenant ainsi un lâcher-prise de l’individu et le développement d’une équipe. Ce relâchement de contrôle ouvre la perception d’un nouveau potentiel collectif appelé « presencing ».
Enfin, c’est grâce à l’étape du presencing qu’une énergie positive collective peut s’établir, pouvant ainsi faire ressortir l’intelligence collective du groupe. C’est la nature même des relations entre les personnes qui change et qui donne naissance à de nouveaux schémas de comportements collectifs. Scharmer les désigne par des « champs sociaux ». Il faut parvenir à développer une vision mentale positive en se centrant sur l’émergence d’une valeur ajoutée, la recherche d’émotion et la créativité du groupe pour favoriser l’intelligence collective.
Finalement, les membres du groupe, en apprenant des idées émises, favorisent la cocréation permettant de passer de l’intention à l’action. La théorie en U est un moyen d’établir des liens entre les individus d’un groupe, permettant ainsi d’instaurer une confiance favorable à la création. (Pillet, 2015) Le processus en u d’Otto Scharmer propose donc des pratiques innovantes d’intelligence collective et, notamment, de co-création. Au cœur de la théorie de Scharmer réside le fondement que les êtres humains sont des êtres de liberté. Tout le monde est acteur de changement, indépendamment de son poste ou de son titre officiel. Le processus de changement transformationnel s’exprime par une courbe en forme de u, constituée ellemême de trois mouvements principaux : le co-ressentir, la co présence et la co-création. (Broccard et al., 2016, p.32) .
L’INNOVATEUR
Si l’on se penche sur l’innovateur, on peut apercevoir qu’il contient quatre caractéristiques propres à lui même, permettant de le différencier des autres individus. Tout d’abord, l’innovateur est une personne qui aime prendre des risques. Car, comme évoqué dans le paragraphe précédant, la prise de risque est un élément essentiel pour l’innovation. Autant la prise de risque peut entrainer des retombées négatives, autant celle-ci peut avoir un effet totalement bénéfique pour l’entreprise. Ensuite, l’innovateur est particulièrement indépendant et n’hésite pas à faire ressortir sa personnalité en étant différent de la majorité présente. Il n’a aucun problème avec la solitude et n’a pas besoin des autres pour réussir à avancer. Enfin, on peut également associer l’innovateur comme quelqu’un à tendance déviante. En effet, la différence s’explique au niveau légal, même si l’innovateur aimera tout de même effleurer du bout des doigts la limite à ne pas dépasser. Finalement, l’innovateur est souvent quelqu’un « d’étranger » à l’entreprise. Il est évident qu’en s’entourant la majorité du temps des mêmes personnes pour essayer d’innover, cela va créer un cercle vicieux. C’est pourquoi il est essentiel d’acquérir une nouvelle vision en s’entourant de personnes extérieures afin de pouvoir mieux avancer. (Alter, 2011, p.7) C’est également l’une des raisons pour lesquelles on peut supposer que l’intégration du client dans l’innovation d’entreprise est élémentaire. Mais le travail peut déjà se faire à l’interne en priorisant le recrutement d’employés ayant différents parcours. En effet, comme l’expriment Celhay et Cusin (2011, p.49) « Embaucher des cadres ayant différents profils, expériences et opinions afin de favoriser les remises en questions » et l’innovation d’un produit ne peut pas se faire sans une remise en question au préalable.
DESAPPRENDRE POUR MIEUX APPRENDRE
Lorsque l’on parle d’innovation, deux éléments importants sont à prendre en compte : la créativité et le désapprentissage. En effet, la créativité est une compétence innée qui vient de l’enfance. Cependant, dans notre monde actuel, être créatif est presque devenu un terme péjoratif suivant les secteurs. Pour un enfant, il est encourageant et normal de créer, alors qu’en devenant adulte, les matières dites plus sérieuses en deviennent prioritaires et la création passe souvent aux oubliettes. Comme l’exprime Duracka (2012, p.7) dans une de ses étude de cas « Pour replacer la créativité au centre du processus d’innovation dont notre société a besoin aujourd’hui il faut donc révolutionner l’éducation » impliquant ainsi un désapprentissage de ce que a toujours été connu jusque là.
Quant au désapprentissage, il apparaît comme un terme qui effraie bien des gens, car cela en vient à bouleverser toutes leurs croyances, remettant ainsi en cause les connaissances déjà acquises. Personne n’aime changer ses habitudes, car la routine est rassurante et réconfortante, alors que le progrès ne peut se faire en restant sur ses acquis. Par ailleurs, Duracka (2012, p.8) le résume très bien en citant « […] ce qui est le plus dur dans l’apprentissage est le désapprentissage, c’est-à-dire l’abandon des compétences passées, fruits d’apprentissage désormais non seulement inutiles mais surtout source d’inertie face à une nouvelle organisation avec de nouveaux enjeux. » Lorsque l’on stagne, nous sommes obligés de « faire autrement » pour avancer et cela demande donc de désapprendre pour mieux apprendre, impliquant bien souvent de penser « out of the box » : penser plus loin que ce que l’on connaît. L’innovation devient nécessaire si l’on veut réussir à s’adapter à ce qui fonctionne présentement, car ce qui a été appris auparavant n’était pas incorrect, mais n’est tout simplement plus adapté actuellement. Il faut réussir à outrepasser les barrières qu’imposent les connaissances déjà acquises afin de pouvoir passer à un apprentissage dit supérieur. (Bureau, 2013, p.205). Le concept des « serious game » désigne les jeux qui ont comme but principal : l’apprentissage au travers du jeu. C’est une nouvelle manière d’apprendre qui sort complètement des habitudes éducatives de base. Une étude a été établie afin d’étudier les conséquences qu’ont ces innovations dans le domaine de l’apprentissage. « Ce dispositif complète efficacement les exposés magistraux à caractère « théoriques » en permettant aux apprenants d’être acteur dans leur apprentissage et ainsi de développer d’autres compétences par des mises en situation proches du réel professionnel futur » (Lang, Chourabi & Boughzala, 2014, p.72) .
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Table des matières
Introduction
Problématique
1. « Bonding » with customers
1.1 Liens faibles/ Liens forts – La théorie de Granovetter
1.2 L’utilité des liens forts
2. Innovation
2.1 Qu’est-ce que l’innovation ?
2.2 La théorie en U
2.3 L’innovateur
2.4 Désapprendre pour mieux apprendre
2.5 La flexibilité stratégique
2.6 L’innovation dans le tourisme
2.7 L’innovation dite « ouverte »
3. Return On Community
3.1 L’aspect de communauté
3.2 La communauté de marque
3.3 La notion de marketing participatif
3.4 La co-création
3.5 L’intelligence collective
3.6 Le leader d’opinion
3.7 La récompense
3.8 La typologie du client
4. Customer experience
4.1 Les besoins du consommateur
4.2 Les émotions du consommateur
4.3 La création de valeur ajoutée
5. La collecte de données
5.1 Entretiens semi-directifs
5.2 Analyse des entretiens semi-directifs
5.3 Discussion des entretiens semi-directifs
5.4 Sondage
5.5 Analyse du sondage
5.6 Discussion du sondage
Conclusion
Références
Annexe