QU’EST-CE QUE L’HOMME ?
Le cogito cartésien et son influence sur la pensée de Sartre
Le cogito (le ‘’ je pense donc, je suis’’) cartésien est le résultat d’un doute méthodique qui se résume en trois phases : le doute hyperbolique, qui ne laisse rien sur son passage. Il va douter de toutes les connaissances acquises par le biais des organes de sens, par la tradition, par l’enseignement des maîtres à l’école ; bref les connaissances livresques ; le doute radical qui s’attaque à la pensée elle-même : par ce procédé , il remet en question tout ce qui lui vient à l’esprit : son imagination, ses rêves, etc. ; enfin grâce au doute métaphysique, il se méfie de ce qui pouvait provenir d’un manque d’attention , de prudence vis-à-vis d’un malin génie ou d’un dieu fantôme qui pourrait le tromper . Dans ce sens, il affirme : « il fallait que je rejetasse, comme absolument faux , tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute… » C’est à l’issue de ces différentes phases du doute que Descartes découvre qu’il ne peut pas douter du fait qu’il pense et s’il pense, donc il existe : « cogito ergo sum » ou « je pense, donc je suis » . Ainsi une telle découverte permet à René Descartes de se rendre compte , qu’il possède une vérité indubitable, inébranlable , c’est-à-dire une certitude. C’est d’ailleurs , cette vérité qu’il considère comme la pierre angulaire, à partir de laquelle il peut bâtir tout l’édifice du savoir philosophique voire scientifique et qui constitue le socle de toute sa pensée.
Ainsi ,du fait de son caractère ferme et solide , le cogito cartésien constitue le fondement sur lequel sera bâtie une philosophie crédible , car c’est une vérité fondée sur l’évidence. Une vérité est évidente , nous dit Descartes , lorsqu’elle est basée sur la clarté et la distinction .
Il convient de souligner que le cogito est une preuve de notre existence en tant que substance pensante. C’est ainsi que Descartes affirme : « Je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser , et qui , pour être, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle » .En effet, grâce au cogito, l’homme se saisit comme une substance pensante et n’a pas besoin d’un corps pour exister. De ce point de vue , l’homme se définit par son âme, par sa pensée , son moi, dira René Descartes car l’âme est plus aisée à connaître. Dès lors, il est question du dualisme cartésien : la distinction entre le corps et l’âme. Si l’âme est considérée comme étant la substance pensante alors le corps est la substance étendue . Et pour Descartes l’âme est plus aisée à connaître que le corps:« L’âme par laquelle je suis ce que je suis , est entièrement distincte du corps… » .
Il faut signaler que le cogito est caractérisé par son caractère indubitable. Car, il est fondé sur des bases solides qui ne peuvent pas faire l’objet d’un doute. Aussi, la singularité du cogito dissimule une certaine universalité et il permet de saisir l’existence individuelle du moi ,c’est- à-dire de l’être qui pense et qui se détermine sans aucun rapport avec l’autre, qui est son semblable . En d’autres termes , le sujet pensant se rend compte de son existence , indépendamment de l’autre, du fait qu’il correspond à un retour de la conscience sur elle-même . Ainsi, nous pouvons déduire qu’autrui n’est, de ce point de vue, absolument pas atteint par le cogito. Une telle approche de René Descartes a profondément influencé la philosophie de Jean-Paul Sartre.
L’influence de l’intentionnalité husserlienne
Si, d’après Husserl, « toute conscience est conscience de quelque chose », alors il sera véritablement question de savoir en quoi la manière d’être essentielle de la conscience est toujours en rapport avec quelque chose . Pour Husserl, il n’ya de conscience de soi qu’en rapport avec quelque chose. En d’autres termes, une pensée s’élabore toujours au contact avec le monde extérieur, la culture, autrui. Il convient d’admettre, selon Husserl, que la conscience ne se révèle que dans son rapport au monde extérieur par un acte d’intention. Ce qui permet à ce dernier de montrer les limites du cogito cartésien. En effet, Husserl pense qu’ il n’ya de cogito que par rapport à un cogitatum, un sujet ne pense que dans son rapport à l’objet pensé . C’est grâce à cet objet ou la chose extérieure au je que la pensée s’élabore. Ce qui revient à dire que l’homme prend conscience de sa pensée et de son existence .
C’est grâce à ce mouvement hors de soi ,qui fait naître la conscience , que Sartre donne la définition suivante , dans l’Etre et le Néant: « La conscience est un être pour lequel il est question dans son être question de son être pour lequel il est dans son être autre que lui-même» .Une telle définition de la conscience, suscite l’interrogation suivante : En quoi la conscience implique -t- elle en son être un autre dans la conscience que le sujet a de son moi, de ses sentiments ?
Nous conviendrons, avec Jean-Paul Sartre ,que l’existence de la conscience dépend de cet éclatement vers le monde extérieur par rapport à elle car « Etre , c’est éclater dans le monde , c’est partir d’un néant de monde et de conscience pour soudain s’éclater – conscience –dans – le monde » . En d’autres termes, l’homme ne prend conscience de son être dans le monde que dans son rapport à autre chose. Cet autre chose n’est rien d’autre que ce qu’il convient d’appeler son objet d’intention, c’est-à-dire , ce qui existe extérieurement à la conscience. De ce point de vue, nous pouvons retenir que l’être de conscience implique de façon intrinsèque l’être d’un autre être . Donc , nous pouvons dire qu’un lien intime existe entre la conscience cet autre chose qui la révèle comme conscience.
En outre, il est important de reconnaître le fait qu’: «Exister, c’est avoir conscience de cette existence » .Il s’agit ici d’une existence qui « fait corps avec l’existant » .Sans la conscience de soi, l’homme n’existe pas, parce que c’est elle qui le distingue des objets. Jean-Paul Sartre écrit: « La conscience […] est conscience d’un être dont l’essence implique l’existence» . La clarification du caractère unique de la conscience humaine permet à Sartre de développer une confrontation avec « la conscience d’un objet » . Ils se trouvent dans l’ «en-soi », une manière d’exister en plein sens du mot, indolents et inertes. Ainsi, nous signalons que les objets sont « immanence qui ne peut se réaliser, affirmation qui ne peut s’affirmer, activité qui ne peut agir ». Donc, pour Sartre l’homme possède une conscience absolue en raison du fait que celle-ci est conscience de soimême qui vit dans l’état du « pour-soi ».
Par ailleurs, la conscience peut aussi être appréhendée comme un élan hors de soi. Cette conscience, qui est saisie comme un mouvement vers le dehors d’elle-même, a des liens avec ce « quelque chose », c’est-à-dire le phénomène .Ce phénomène est cette chose à partir duquel la conscience se révèle comme conscience .Ainsi, le phénomène est un absolu car il n’indique rien qui soit derrière lui, rien ne se cache derrière le phénomène. Le phénomène, en tant que manifestation concrète de l’être renvoie à ce qui parait, quelqu’un à qui parait. Il est un « relatif absolu » du fait qu’il n’indique aucun être de derrière dont son être serait dépendant. De ce fait, le phénomène renvoie à la conscience qui révèle , car il est une manifestation concrète de l’être .De ce quelque chose, Jean-Paul Sartre dit qu’il est le « phénomène absolument indicatif de lui-même » . Par conséquent , il faut reconnaître que le phénomène n’est plus ce qui cache l’être mais c’est ce qui le manifeste et le phénomène est cette manifestation .
Par ailleurs, il faut noter que pour ce qui est du phénomène, rien ne cache derrière pour faire de lui un phénomène. Ce qui revient à dire qu’en tant qu’absolu, le phénomène n’indique rien d’autre que ce qui le manifeste car il est cette manifestation qui se révèle en révélant. Désormais, le phénomène n’est pas relégué au second plan , il est cette chose ou cet objet sans quoi il n’ya aucune possibilité de connaissance parce que non seulement, il est ce qui paraît mais aussi renvoie à la conscience qui révèle. Dans son analyse de l’intentionnalité husserlienne, Sartre démontre qu’il n’existe pas de la conscience sans le monde extérieur. Ce qui revient à dire que sans ce quelque chose dont elle est conscience, la conscience ne serait pas ; elle n’allait pas advenir à l’existence.
En effet, dans la définition sartrienne de la conscience , nous pouvons en déduire aussi que l’ego est transcendant tout comme chez Husserl. L’Ego est un objet du monde, hors de la conscience. De ce fait, dans son rapport à autre chose , la conscience rend possible la rencontre de mon Ego ,en tant que moi(affectivité) et je (action) ,avec l’Ego d’autrui . Ce dernier devient un objet psychique qui peut être posé, appréhendé , saisi comme un objet quelconque. Donc ,la connaissance de mon Ego tout comme celui d’autrui favorisent la rencontre entre moi et l’autre .Cela est lié au fait que l’autre permet de se rendre compte qu’on existe , en tant que sujet mais aussi , en tant qu’objet par le regard d’autrui.
C’est , en d’autres termes , comme un objet psychique que l’on pose et ensuite saisir en ayant la claire conscience de ce que l’on aperçoit et de ce dont on est conscient . Cette interaction entre le sujet pensant et l’objet pensé favorise l’altérité et permet de comprendre que la conscience n’est pas une donnée figée car elle est toujours en mouvement. De ce point de vue, il convient de signaler qu’il existe de véritables liens entre la conscience et autre chose , le monde.
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER : LA QUESTION DE L’HOMMECHEZ SARTRE
I. QU’EST-CE QUE L’HOMME ?
II. LA REALITE HUMAINE CHEZ SARTRE
DEUXIEME CHAPITRE : SIGNIFICATION DE L’ENGAGEMENT ET PORTEE PHILOSOPHIQUE DE LA RESPONSABILITE CHEZ JEAN-PAUL SARTRE
I. LE CONCEPT D’ENGAGEMENT
II. LA NOTION DE RESPONSABILITE CHEZ SARTRE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE