Qu’est ce que l’expérience selon l’approche du marketing ?

La consommation expérientielle

La consommation expérientielle et ses dimensions narratives et imaginaires 

Il paraît étonnant de vouloir réexaminer les composantes de l’expérience et pourtant, ce réexamen va nous permettre de relever l’importance majeure de certaines dimensions. Certaines dimensions suggérent en effet la pertinence d’une approche sémiotique pour traiter le sujet complexe qu’est la génération d’idées d’expériences clients et l’expérience y apparaît dès lors comme un levier de différenciation et d’innovation pour la création de concepts innovants qui seront autant de leviers de différenciation et d’innovation. Au début des années 80, Hirschman et Holbrook (1982) introduisent le concept de consommation expérientielle et mettent en exergue la nécessité de compléter ou dépasser les cadres d’analyse traditionnels du comportement du consommateur qui postulent sa seule rationalité de choix de consommation par la considération de ses aspects expérientiels. En plus d’être fonctionnelle et technique, la consommation peut être de nature symbolique, hédonique, ludique, poétique et esthétique. En Chine, on observe aisément dans les mall centers que les activités de consommation sont non seulement des expériences d’usage, mais aussi des activités souvent ludiques. Elles mêlent des sensations obtenues par des dispositifs numériques, suscitant des émotions, des joies qui sont souvent collectives et partagées par le groupe de référence (guanxi) soit dans l’instantané soit a posteriori (albums on Line sur le réseau social WeChat). En matière d’ambiances urbaines, influencée par cette vision du consommateur, il s’agit de fournir un contenu expérientiel de la ville riche et thématisé (Gottdiener,1997) et des architectes proposent dès lors des thématisations urbaines mêlant physique et numérique (Toyo Ito). Le marketing est alors appelé à répondre non seulement aux besoins et motivations rationnelles des consommateurs, par exemple tout ce qui concerne l’usage d’un véhicule automobile, mais aussi à répondre aux envies d’émotions et de sensations des consommateurs (Bobrie, nd) : la dimension symbolique de la consommation, les besoins de distraction, les envies de ressentis plus sensoriels du consommateur sont reconnus ; le consommateur est appelé à coconstruire ces univers expérientiels avec la marque (Addis et Holbrook, 2001). L’expérience y apparaît alors comme produit d’une interaction réciproque entre un individu (ou plusieurs), un lieu et une activité (pratique de consommation) pendant un laps de temps limité. Les expériences sont éminemment personnelles car elles agissent aux niveaux émotionnel, physique, intellectuel ou même spirituel (Carù & Cova, 2006). Filser (2002) affirme que le « consommateur est l’unité de production de l’expérience ». Deux individus ne vivent pas la même expérience (Pine & Gilmore, 1998). Pine et Gilmore distinguent donc expérience et service, de même que l’on avait différencié service et produit. Cette distinction importante suggère un potentiel d’innovation dans le domaine de l’expérience comme nous le verrons en 1.2.

L’ambiance « atmospherics » apparaît alors plus nettement comme un milieu permettant une interaction entre participant acteurs de l’expérience. Les expériences ne reposeraient pas uniquement sur le spectacle. Le spectacle n’est qu’un aspect de l’expérience. En fait, les entreprises organisent une expérience quand elles séduisent le client en se reliant à lui de manière personnelle et mémorable (figure 4).

La position de Filser (2002) est quelque peu différente de celle de Pine & Gilmore (1998). Il émet l’hypothèse que les produits et services se positionneraient le long d’un continuum définissant leur contenu expérientiel (figure 5). L’intrigue est mise en évidence par Filser comme un composant important de l’expérience dans un décor et une action définissant ainsi les acteurs de l’expérience.

La création d’expériences peut être de plusieurs natures : pour Pine & Gilmore (1998), les dimensions constitutives des typologies d’expériences sont :

• La « participation » qui peut être de deux types :
Soit « active », l’individu devenant lui-même un élément contributeur de l’expérience
Soit « passive », l’individu « reçoit » l’expérience
• La « connexion », plus exactement la relation entre l’individu et l’environnement, le milieu créateur de l’expérience, qui peut être, elle aussi, de deux types :

Soit « l’absorption » : effet de produire une démonstration expérientielle à un sujet, d’occuper l’attention de la personne en amenant pour ainsi dire l’expérience à sa conscience Soit « L’immersion » : plonger le sujet dans une atmosphère, un environnement, une ambiance De la conjonction de l’immersion et de la participation active résulte un effet « d’oubli de soi » pendant un temps expérientiel donné dans une autre spatialité, un sentiment « d’évasion » (« escapist »). De la conjonction de l’immersion et de la participation passive résulte un effet « esthétique » et un plaisir polysensoriel (figure 6).

Pine et Gilmore (1998) considèrent l’expérience comme une nouvelle offre économique sur le marché. Ils justifient la production d’expériences comme moyens pour les entreprises d’acquérir une différenciation concurrentielle et de pratiquer des prix plus élevés. Ce point revêt un caractère particulièrement important non seulement avec l’émergence de véhicules autonomes et connecté pour lesquels il faudra identifier des leviers de différenciation différents des leviers automobiles usuels, mais aussi dès à présent pour qu’une nouvelle automobile, par exemple dans le segment du luxe et premium, puisse trouver sa place, le nombre de types de silhouettes (SUV, coupésbreaks, etc…) s’accroissant d’années en années toujours un peu plus. Hirschman & Holbrook (1982) proposent une vision augmentée de la consommation à l’ère de l’expérience comme « un état subjectif de conscience accompagné d’une variété de significations symboliques, de réponses hédonistes, et de critères esthétiques » suggérant indirectement une contribution des imaginaires à la formation de l’expérience et une recherche de sens qui pourrait s’apprécier par la sémiotique. Enfin, toujours selon Hirschman & Holbrook (1982), les expériences de consommation sont souvent guidées par la recherche de fantaisies, de sentiments et de plaisir. L’ambiance (atmospherics), les stimulations sensorielles, la théâtralisation des décors, mise en scène de récits de soi en interaction avec des actants, participent des expériences de consommation (Filser, 2002) .

L’interaction personne-objet-situation 

Carù et Cova (2006) définissent le contexte expérientiel comme une construction cohérente de facteurs siuationnels ≪ propres à faire advenir une expérience ≫ (p. 44). Un contexte expérientiel désigne les conditions dans lesquelles une expérience peut advenir. Le contexte expérientiel correspond à la dyade Objet – Situation, tandis que l’expérience proprement dite est constituée des interactions des trois éléments Personne – Objet – Situation : l’expérience correspond à une interaction entre un objet, un individu, dans une situation donnée (Paradigme Personne x Objet x Situation) (Punj et Stewart, 1983). Lorsqu’il construit des expériences pour les consommateurs, le marketing souvent associé aux designers construit des situations expérientielles à vocation immersive, (physiques hier et digitales demain), en agissant sur la dyade Objet – Situation, et en favorisant des interactions Personne – Objet – Situation afin d’augmenter l’attrait de la marque auprès des consommateurs, en les rendant en quelque sorte héros de ces situations.

« L’expérience fait appel à la sphère cognitive et à la sphère affective. Elle résulte de l’interaction personne-objet-situation et elle dépasse le cadre de la décision d’achat pour prendre en compte les états psychologiques post transactionnels et notamment la valeur perçue » Marc Filser (2002)

En quête de valorisations expérientielles, les consommateurs éprouvent donc parfois le désir de se mettre en scène dans des récits dont ils deviennent pour un temps les héros au cours d’un processus d’interaction et de transformation. Les recherches précédentes sur les expériences réelles notamment celles de Ladwein (2005), montrent qu’elles activent les imaginaires et se racontent. Enfin, les expériences sont éminemment personnelles car elles agissent aux niveaux émotionnel, physique, intellectuel ou même spirituel (Carù & Cova, 2006).

Du récit de l’expérience du trek à la cartographie de récits : des expériences variables, mais des mécanismes expérientiels identiques 

Ladwein (2005) analyse le cas de la mise en scène de soi et la construction identitaire dans le cas du trekking. Il y met en évidence le fait que les récits des expériences élaborées par les jeunes adultes ayant pratiqué réellement le trekking s’inscrivent dans un schéma actantiel. Dans ces aventures, le narrateur est souvent le héros. Les aspects symboliques contribuent à donner de la valeur à l’expérience touristique, les individus participent activement à leur propre expérience et à leur expérience de transformation intérieure. Les recherches de Ladwein suggèrent que le récit est un moyen de mettre en cohérence l’expérience de consommation en mettant l’acteur au centre du dispositif.

La transformation identitaire à l’œuvre dans l’expérience de consommation est visible dans le récit produit par leurs auteurs énonciateurs de leur expérience. Or une transformation, c’est le passage d’un état à un autre dont peuvent rendre compte des structures narratives universelles. Ce projet n’est possible que si l’on prend comme objet d’analyse le contenu des récits, laissant de côté l’expression propre à la culture. Le sens de l’expérience émerge de l’interaction (avec le milieu, l’ambiance …), ce qui crée un pont avec la sémiotique narrative. L’expérience vise l’acquisition d’un objet de valeur (nouvelle identité attractive par exemple sur les réseaux sociaux).

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE 1 : L’innovation expérientielle automobile : un déficit d’outils marketing, la contribution potentielle de la sémiotique
1.1 Qu’est ce que l’expérience selon l’approche du marketing ?
1.1.1 La consommation expérientielle
1.1.1.1 La consommation expérientielle et ses dimensions narratives et
imaginaires
1.1.1.2 L’ambiance support de nouvelles expériences : expériences muséales
centres commerciaux, style automobile
1.1.2 L’apport de la sémiotique au style automobile et les prémisses d’une
approche sémiotique de l’expérience
1.1.2.1 Le projet sémiologique de Barthes, définitions et pistes de recherche
1.1.2.2 L’apport de la sémiologie de Barthes à l’analyse d’un style
1.1.3 Apports de la sémiotique au marketing expérientiel, valeurs de
consommation et les typologies d’expériences
1.1.3.1 L’apport de JM Floch : valeurs de consommation, segmentation par les
bénéfices
1.1.3.2 Sémiotique de Floch et typologies d’expériences : les travaux d’Hetzel
1.2 La recherche d’innovations expérientielles : le sensible, le sens, la valeur et
stratégie de différenciation
1.2.1 Stratégies d’innovation océan bleu et différenciation expérientielle
1.2.1.1 Stratégies d’innovation océan bleu
1.2.1.2 Création de nouveaux espaces de différenciation d’expérience :
l’innovation expérientielle, un enjeu majeur pour l’automobile du futur
1.2.2 Le rôle du marketing dans l’innovation, le défi lancé au marketing
1.2.3 La sémiotique narrative, une réponse au défi marketing de la génération
d’idées dans le processus d’innovation expérientielle ?
1.2.3.1 Pistes de recherche suggérées par Fontanille et Musso
1.2.3.2 Notre proposition d’innovation méthodologique utilisant le cadre
théorique de la sémiotique narrative afin de générer des innovations expérientielles
1.3 Les imaginaires, matière de la génération d’innovations expérientielles
1.3.1 Bilan critique des techniques de génération d’idées dans le processus
d’innovation,
1.3.1.1 Les approches d’innovation tirée par le Client
1.3.1.2 Imagination créatrice et techniques de créativité, clarification des
concepts
1.3.1.3 Sémiotique des récits vs. créativité d’Osborn : critique et propositions
d’innovation méthodologique
1.3.2. Le rôle des imaginaires
1.3.2.1 Imagination vs. imaginaires
1.3.2.2 Les imaginaires Bachelardiens, les éléments hormones de l’imaginaire
1.3.3. Statut sémiotique des imaginaires
1.3.3.1 La philosophie de Bachelard et le pont construit avec la sémiotique
1.3.3.2 Approche des imaginaires par la sémiotique narrative, intérêt pour une
approche marketing de l’innovation expérientielle
CHAPITRE 2 : L’ambiance et ses imaginaires, matière sémiotique de l’innovation expérientielle
2.1 Qu’est ce que l’ambiance ?
2.1.1 L’approche sensible et expérientielle de l’ambiance selon le Cresson
2.1.1.1 L’ambiance, interaction sensible
2.1.1.2 L’apport de Kotler à la notion d’ambiance : « atmospherics as a
marketing tool »
2.1.2 L’ambiance, un milieu d’interactions et de potentialités d’actions
2.1.3 Contributions de la pensée chinoise au concept d’ambiance et complément
par l’altérité linguistique de l’espace au Japon
2.1.3.1 L’ambiance dans la pensée chinoise à partir d’une analyse des
idéogrammes signifiant atmosphère et ambiance, émergence de notion nouvelles
2.1.3.2 Le milieu dans la pensée japonaise et la relation au concept
d’ambiance
2.1.4 Approche de l’ambiance en tant que langage et système sémiotique en
Chine
2.1.4.1 Le signe chez Saussure et Hjelmslev
2.1.4.2 La structure du paysage selon François Jullien, (2014) et les « signifiés
atmosphériels » chez Barthes, (1986, p183)
2.1.4.3 Proposition d’une approche de l’ambiance en tant que système
sémiotique dans la culture chinoise et analogie avec la forme et la substance
du signe chez Hjelmslev (H1) – voir apports de l’abduction, annexe E – le fait
surprenant
2.1.5 Explications des composantes du modèle de l’ambiance en tant que
langage et système sémiotique : polarités Yin et Yang et atmosphère du jardin
traditionnel chinois, les éléments actants.
2.1.5.1 Les polarités à l’œuvre dans l’ambiance du jardin selon le système
chinois
2.1.5.2 Les polarités à l’œuvre dans l’action
2.1.5.3 Les éléments actants dans un système global
2.1.5.4 Quelques mots de l’expérience du jardin Chinois
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
2.2 Les cartes mentales et les récits fictionnels du flâneur, clés d’accès aux
imaginaires expérientiels d’ambiances urbaines
2.2.1 La réhabilitation des imaginaires dans la géographie
2.2.1.1 Les courants de la nouvelle géographie
2.2.1.2 Les cartes mentales des villes réelles – imageability of the City (Lynch,
1969)
2.2.2 L’accès aux imaginaires des lieux par les récits géographiques fictionnels
2.2.2.1 Le récit
2.2.2.2 Les villes réelles et le récit géofictionnel : Gracq
2.2.2.3 Les villes imaginaires et le récit géofictionnel : Calvino
2.2.2.4 Les cartes mentales dans les récits imaginaires des villes utopiques
2.2.3 La flânerie dans la ville et le sens du parcours expérientiel
2.2.3.1 Le parcours du flâneur et l’expérience du paysage
2.2.3.2 Typologie sémiotique de parcours du paysage et parcours du flâneur
2.2.4 S’inspirer des récits géographiques fictionnels pour saisir les imaginaires
expérientiels
2.2.4.1 Les récits géographiques fictionnels pour faire co-créer des récits de
l’ambiance par leurs auteurs
2.2.4.2 Tableau de classification des récits géographiques fictionnels
2.2.4.3 Conséquence pour notre approche méthodologique : les récits pour
créer selon une approche CAP et « renverser » le modèle de McCracken (Mick
et al., 2004) avec la sémiotique narrative
CHAPITRE 3 : Approche par la sémiotique narrative et les collages d’imaginaires expérientiels d’ambiances automobiles
3.1 Le cadre conceptuel général de la recherche
3.1.1 Accéder aux imaginaires de nouvelles expériences par la technique des
collages
3.1.2 Utilisation conjointe de la sémiotique des récits et des collages : articulation
méthodologique structuraliste
3.1.2.1 Les dessins et collages, miroirs des imaginaires de la ville
3.1.2.2 Notre proposition méthodologique innovante pour la génération d’idées
3.1.2.3 La sémiotique structurale
3.1.2.4 Approche par la sémiotique structurale de recueil de récits spontanés
sur collage versus storytelling classique
3.1.3 La modélisation dans le contexte culturel chinois
3.1. 3.1 Concept de sémiosphère : le langage dans un espace culturel
3.1.3.2 Les modèles utilisés dans notre approche sémiotique des imaginaires
expérientiels d’ambiances automobiles
3.1.3.3 Le rôle de la métaphore pour l’innovation dans l’imagination créatrice
3.1.3.4 Le carré sémiotique
3.1.4 La sémiotique narrative
3.1.4.1 Les figures microstructurales de la rhétorique du récit
3.1.4.2 Concepts fondamentaux de sémiotique narrative chez Greimas et
Barthes : modèle actantiel
3.1.4.3 Concepts fondamentaux de sémiotique narrative chez Greimas et
Barthes : schéma narratif
3.1.4.4 Parcours génératif de la signification
3.1.4.5 Métalangage et système du mythe selon Barthes
3.1.4.6 La construction des objets de valeur expérientiels
3.1.4.7 Construction d’une grille pratique d’analyse de contenu d’un imaginaire
expérientiel et application à un conte chinois traditionnel (H2)
Conclusion

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