Qu’est-ce que le lien au territoire et quel impact a-t-il sur le sens de territoire?

 Quelle définition pour le lien au territoire ?

Bref historique de territoire

Le mot territoire apparait dans la langue française au XIII ème siècle et était utilisé dans un sens politico administratif très proche de son origine latine « territorium ». Il évoque ainsi l’idée d’une gestion d’un morceau de terre par une puissance légitime tel qu’un Etat au nom d’intérêts communs et renvoie à un travail humain sur une portion délimitée de l’espace. (Moscovici, 1988). « Le substantif territoire et le qualificatif territorial dans ce champ sémantique, sont censés évoquer l’idée d’une intervention de la puissance publique sur une portion de la surface terrestre au nom d’intérêts supérieurs comme dans le cas de l’Etat » (Badie 1995).

Jusqu’en 1875, le terme de territoire était avant tout utilisé dans le domaine juridique et non pas dans le domaine géographique. Comme le constatent Ripoll et Veschambre, c’est la notion de région qui était utilisée suite aux travaux de Vidal de la Blache (1845-1918), l’un des fondateurs de la géographie française. Cette notion sera détrônée par celle d’espace dans les années 70 et ne désignera plus que l’entité territoriale (Retaillé, 2015). Cet attrait pour la notion d’espace se retrouve dans la parution géographique de cette époque. Par exemple trois revues géographiques clefs sont lancées « Espaces et Sociétés » (1970), « L’espace géographique » (1972) et « Espaces Temps » (1975).

Le terme territoire n’est pas encore au goût du jour. En effet il n’y a pas de définition de territoire dans le Dictionnaire de géographie de 1970 dirigé par P. George et suite à la création de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) en 1963, ce terme n’est utilisé qu’en complément d’aménagement. Par exemple dans le Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement de Merlin et Choay (1988), territoire n’a pas sa propre définition mais dispose d’un renvoi vers aménagement du territoire.

Dans les années 80, le mot territoire prend la relève d’espace en géographie suite à la parution de la thèse de Jean Paul Ferrier « La géographie çà sert d’abord à parler du territoire » (1981). En effet certains chercheurs comme Bonnemaison considère que contrairement à l’espace, le « territoire fait appel à tout ce qui dans l’homme se dérobe au discours scientifique et frôle l’irrationnel : il est vécu, affectivité, subjectivité, […] alors que l’espace tend à l’uniformité et au nivellement, le territoire rappelle les idées de différence, d’ethnies et d’identité culturelle » (Bonnemaison, 1981).

Mais dès 1950 certaines définitions d’espace commençaient déjà à rejoindre celles données plus tard au territoire comme celle de Dardel en 1952. « La situation d’un homme suppose un « espace » où il se « meut » ; un ensemble de relations et d’échanges; des directions et des distances qui fixent en quelque sorte le lieu de son existence ».

Les articles sur le territoire vont alors se multiplier et entraîner un enrichissement du champ sémantique de territoire. La définition d’espace gérée par une puissance légitime sera désormais réductrice de cette notion. Le territoire sera alors défini, plus généralement, comme « la portion de la surface terrestre, appropriée par un groupe social pour assurer sa reproduction et la satisfaction de ses besoins vitaux » (Le Berre, 1992). Pour garantir sa survie, le groupe va aménager et gérer l’espace sur lequel il se déplace ou sur lequel il vit, assignant un rôle fonctionnel à chaque parcelle. Le groupe produira ainsi son territoire qui sera doté d’une certaine forme de stabilité dans le temps, idée que l’on retrouve dans les travaux de Le Berre, Debarbieux ou encore Di Méo.

Cette vision du territoire va entraîner la production de configurations territoriales, qu’elles soient héritées d’une période antérieure ou d’autres groupes. Ces configurations vont être caractérisées par des échanges complexes entre les groupes sociaux, le milieu naturel et les organisations antérieures de ce territoire (Debarbieux, 1995).

Le concept de lien au territoire 

« D’un espace naturel modifié pour servir les besoins et les possibilités d’un groupe, on peut dire que ce groupe se l’approprie » (Lefebvre, 2000)

Lorsqu’un groupe aménage et crée son territoire cela passe par une phase d’appropriation de l’espace, que ce soit par acquisition, attribution, ou détention. Cette pratique d’appropriation est très connotée. En effet s’approprier un espace passe aussi par de l’accaparement de terres ou la dépossession d’autrui, mais est aussi un phénomène positif, lié aux registres de l’exploration, de l’autonomie et de l’émancipation du groupe ou de l’individu (Ripoll et Veschambre, 2006).

Cette appropriation du territoire ne passe pas que par une possession physique des lieux. En effet contrairement à certaines définitions du territoire très proche de l’éthologie, certains chercheurs défendent une spécificité du territoire humain : « Il reste à juger si l’on peut établir un continuum entre les espèces, traiter dans les mêmes termes de tous les niveaux de la territorialité, de l’environnement immédiat aux constructions politiques les plus audacieuses, et, enfin ramener les phénomènes sociaux, collectifs qui supportent à la fois la division de l’espace et les sentiments d’appartenance soit à des exigences biologiques communes à des séries d’êtres vivants, soit à la psychologie individuelle. » (Roncayolo, 1990).

Ces chercheurs, tel Roncayolo, décrivent le territoire comme étant une construction sociale et symbolique, qui se manifeste par le fait que le territoire est avant tout une construction sociale : il sert de socle aux groupes sociaux qui vont y construire leur espace et y développer un imaginaire et une symbolique propre à ce territoire. Par exemple tous les Etats produisent des représentations symboliques de leur territoire (chant national, drapeau, monument, langue) qui caractérisent bien plus leur territoire que le simple espace délimité par des frontières (Gottmann, 1952). Debarbieux définit ainsi le territoire comme étant la juxtaposition d’un espace géographique et d’un monde symbolique. Ce dernier est ancré en différents lieux de ce territoire et permet au groupe qui territorialise d’avoir une existence collective et des sites de mise en scène. Ou comme le dit Halbwachs « « tout se passe comme si la pensée d’un groupe ne pouvait naître, survivre, et devenir consciente d’elle même sans s’appuyer sur certaines formes visibles de l’espace »

Des études ethnographiques en Australie et Océanie ont mis en avant le fait que le territoire est, avant tout, approprié de manière collective. En effet les mythes sont les piliers culturels et identitaires de certaines ethnies et leurs lectures induisent « une géographie sacrée », itinéraire entre des « lieux saints ». « Dès lors, la lecture d’un mythe n’est pas seulement littéraire ou structurale : elle devient aussi spatiale » (Eliade, 1972). Ainsi chaque peuple s’approprie un territoire via l’adhésion collective à des mythes qui vont définir et délimiter son territoire. Ces ethnies se créent et se maintiennent grâce à leur ancrage au sol, par le lien qui les unit à un espace qu’elles ont structuré selon leurs représentations symboliques. « Il s’agit là de retrouver les lieux où s’exprime la culture et, plus loin, l’espèce de relation sourde et émotionnelle qui lie les hommes à leur terre et dans le même mouvement fonde leur identité culturelle » (Bonnemaison, 1981).

L’appropriation d’un territoire entraîne la création d’une relation affective entre ce territoire et le groupe qui l’occupe. « La correspondance entre l’homme et les lieux, entre une société et son paysage, est chargée d’affectivité et exprime une relation culturelle au sens large du mot » (Sautter, 1979). Sautter étudie le lien entre l’individu et les paysages de son environnement qu’il appelle « le regard de l’habitant ». Il montre ainsi que les lieux sont le prolongement et le reflet d’une société et, qu’en même temps, ils aident l’individu à se penser au sein de ce groupe et à se différencier des autres groupes. Théorie que l’on retrouve chez d’autres chercheurs comme Feidel, bien que ce dernier se soit intéressé plus particulièrement à la question du sensible : « Nous soutenons réciproquement que les organisations spatiales, qui sont le reflet de nos sociétés, exercent elles aussi, en retour, une influence sur le sens que chacun confère à ses propres sensations et à celles des autres » (Feidel, 2013).

A cela s’ajoute une phase d’appropriation spatiale individuelle double, qui se fait à la fois sur le plan physique et sur le plan de la psyché. L’appropriation physique du territoire était déjà prise en compte dans le sens éthologique de territoire tel que décrit initialement par Elliot Howard en 1920. Il définit la territorialité animale comme « la conduite caractéristique adoptée par un organisme pour prendre possession d’un territoire et le défendre contre les membres de sa propre espèce ». Certains anthropologues ont appliqué ensuite cette définition à l’homme comme Edward Hall qui reprend ce concept de défense de territoire à l’échelle de l’individu. Il déduit que chaque être humain a une perception particulière de son territoire (ici territoire est assimilé à espace personnel) et qu’il va se l’approprier différemment.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 Qu’est-ce que le lien au territoire et quel impact a-t-il sur le sens de territoire?
I. Quelle définition pour le lien au territoire ?
A. Bref historique de territoire
B. Le concept de lien au territoire
II. Evolution croisée de ces concepts
A. Une nouvelle définition de territoire
B. Cette définition présente, elle aussi, des limites
C. Un enrichissement du concept de lien au territoire
III. Pour conclure
Partie 2 En quoi la prise en compte du sensible a fait évoluer le lien au territoire ?
I. Des nouveaux termes pour appréhender ce concept
A. Une sous division de la définition même de territoire
B. « Le zapping territorial »
II. Des nouvelles directions de recherche sur le lien au territoire en faveur de l’affectivité
A. Prise en compte d’une dimension sensible dans le rapport à l’espace
B. L’affectivité s’est enrichie d’une dimension symbolique
C. Une approche collective et affective du lien au territoire : la territorialité
III. Pour conclure
Partie 3 Les méthodologies sur le lien au territoire permettent-elles de prendre en compte le sensible ?
I. Les méthodologies abordant cette notion sont très variées
A. Les enquêtes de type questionnaire
B. Les entretiens
C. Le parcours commenté
D. Les cartes mentales
E. Méthodologies en évolution
II. Est-il possible d’ajouter une dimension sensible dans les enquêtes de vie ?
A. Méthodologie à l’essai
B. Retour sur l’exercice
III. Pour conclure
Conclusion
Bibliographie et Webographie
Annexes

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