QU’EST CE QUE L’AUTORITE ?
Les ouvrages sur le thème de la gestion de classe ne manquent pas. Paradoxalement on retrouve même certains livres qui semblent à l’opposé rien qu’au titre. Par exemple Elisabeth Maheu a écrit un livre intitulé Sanctionner sans punir tandis que Patrick Traube a écrit un ouvrage intitulé Eduquer, c’est aussi punir. Les définitions en ce qui concerne l’autorité sont donc nombreuses et varient d’un auteur à un autre. Un gradient de position vis-à-vis de celleci est observable. Certains comme Michel Lobrot dans son ouvrage Pour ou contre l’autorité (1973), Gérard Mendel dans son livre Une histoire de l’autorité (2002) et Jean Houssaye, dans son livre Education ou autorité ? (2002), expriment des discours contre le concept d’autorité dans l’éducation scolaire. Ils ont étudié les effets des abus de l’autorité. Ce qu’on appellera l’autoritarisme. Plus spécifiquement l’usage de la force et la violence manifeste que peuvent générer une certaine forme d’autorité. Générant des effets de « domination-dépendance, de culpabilité, de peur de l’abandon et de chantage à l’amour exercées par les détenteurs du pouvoir social. » .
D’autres comme Bernard Defrance dans son livre Sanctions et discipline à l’école (2003), Véronique Guérin dans son livre A quoi sert l’autorité ? (2013) ou Martine Boncourt dans son livre : l’autorité à l’école, mode d’emploi (2013) pour ne citer qu’eux ; affirment que sans autorité, il n’y a pas d’école mais que de nombreux aspects sont à retravailler dans la relation entre enseignants et élèves ou adultes et enfants. Nous aurions aussi pu citer Bruno Robbes, Elisabeth Maheu, Eirick Prairat, Jean Lombard, Rachel Gasparini, Alain Vulbeau, Jacques Pain, Fernand Oury, Celestin Freinet… Les citations sont nombreuses sur ce sujet : « Le rapport de l’école à l’autorité n’est pas un aspect parmi d’autres de l’action éducative mais sa condition fondamentale. » .
Cette variabilité des points de vue nous empêche de définir de manière synthétique ce qu’est l’autorité. Cependant, afin de développer les différents points de vue sur le sujet nous verrons à tour de rôle les idées principales de différents auteurs.
Etude de différents points de vue
Le point de vue de Jean Houssaye
Pour Jean Houssaye l’autorité désigne « le pouvoir d’obtenir sans recours à la contrainte physique un certain comportement de la part de ceux qui sont soumis. […] L’autorité réduit au maximum la variabilité, l’instabilité et l’imprévisibilité des comportements humains spontanés. […] L’autorité est définie comme un pouvoir légitime détenu par une personne en raison de son rôle et de sa position dans sa structure. Un pouvoir étant lui-même défini comme un potentiel d’influence, appuyé par des moyens d’obtenir obéissance. » . Il continue son ouvrage en indiquant qu’« en classe, ce pouvoir légitime de l’enseignant est en premier lieu un pouvoir institutionnel. L’autorité trouve sa justification dans les textes légaux qui transcrivent la mission de l’organisation et la répartition du pouvoir entre ces membres. » Cependant, il affirme aussi que « l’autorité dépend essentiellement du consentement des membres. Elle est donc limitée par leur niveau d’acceptation. L’autorité appartient à l’essence du groupe et elle désigne tout simplement les modalités de fonctionnement du groupe.
L’autorité désigne ainsi la centration sur le groupe et les objectifs du groupe en tant que valeurs qui s’imposent à tous les membres avec un caractère d’obligation en tant que direction et loi commune. […] L’autorité est aussi synonyme de confiance. Elle augmente la capacité à se conformer aux règles, à des directives, à des commandements. » Plus que le pouvoir détenu par une personne, l’autorité désigne les modalités de fonctionnement du groupe. Ce qui est accepté et appliqué par celui ci. Mais la conclusion de son livre synthétise aussi l’idée développée dans l’ouvrage selon laquelle « l’autorité ne peut être une solution : […] entre l’éducation et l’autorité nous avons choisi. La pédagogie peut même être lue comme cette immense tentative constamment renouvelée de résoudre et d’exclure la question de l’autorité dans l’acte éducatif. Loin d’être indispensable à la réalité scolaire, l’autorité signe l’échec de l’éducation à l’école. Il convient de construire l’école en dehors d’elle. » C’est donc pour lui à travers le prisme de la pédagogie et non de l’autorité que doit être pensée la gestion de la classe et le respect des règles de vie.
Le point de vue de Martine Boncourt
Pour Martine Boncourt, tenir sa classe est la condition première nécessaire – mais pas suffisante – pour qu’un minimum de travail est quelque chance de se réaliser en classe. Pour elle l’expression « tenir sa classe » peut avoir une dimension profondément coercitive. Le verbe « tenir » en particulier « renvoyant à toute une série d’images qui appartiennent sinon au domaine du dressage, en tout cas à des situations où rigueur et rigidité ne sont pas nécessairement dissociées : tenir en laisse, tenir les rênes, tenir le cap, tenir debout… » Mais malgré sa connotation musclée, elle affirme que tenir sa classe reste plus que jamais nécessaire. « Tenir sa classe est la condition première et incontournable d’un travail à la fois efficace et intelligent. Dans le bruit, rien ne se fait, ne peut se dire, s’échanger, se réfléchir, se créer, se chercher, se creuser, s’approprier… Le fond sonore permanent, l’indiscipline, l’incivilité sont ici rédhibitoires. En bref, il n’y a pas d’école sans un minimum de discipline. » .
Pour Martine Boncourt il existe deux formes d’autorité. « Il faut différencier l’autorité œdipienne et l’autorité archaïque. » Pour elle, l’autorité archaïque est synonyme d’autoritarisme. Elle réside en l’utilisation de la force pour obtenir l’acte souhaité. Crier sur un enfant pour obtenir un travail de sa part ou un comportement, c’est utiliser cette forme d’autorité. L’autorité œdipienne est au contraire une autorité « sans rupture brutale avec un pouvoir contractuel dans lequel existent des droits et des devoirs réciproques et permanents. Un pouvoir où les règles sont codifiées, précises, connues. » .
Elle conclue en affirmant que « l’enseignant aujourd’hui a tout à gagner à construire son autorité au plus près du modèle œdipien. Une autorité qui sait dire non avec calme et détermination et qui ne cède pas sur les actes essentiels. Au plus près, car nous oscillons toujours entre les deux types d’autorité. Nous sommes toujours tentés d’avoir recours à une certaine forme de violence dans les situations difficiles. » .
Pour synthétiser les enjeux de l’autorité elle pose la question de l’intention éducative: « quel citoyen de demain souhaitons-nous promouvoir ? » En d’autres termes, souhaitons-nous que nos élèves deviennent des citoyens dociles et respectueux des règles sans réflexion ou des citoyens réfléchis et alertes, qui comprennent le sens des règles, qui agissent en connaissance de causes, voir qui s’investissent dans la construction démocratique de demain ? Souhaitonsnous continuer à faire ce constat selon lequel dans certaines écoles les qualités de soumission et de patience sont plus recherchées et récompensées que les qualités de curiosité et d’efficacité intellectuelle ?
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : QU’EST CE QUE L’AUTORITE ?
1. Etude de différents points de vue.
1.1 Le point de vue de Jean Houssaye.
1.2 Le point de vue de Martine Boncourt.
1.3 Etre autorité, avoir autorité et faire autorité.
1.4 Le point de vue de Philippe Watrelot.
2. Les abus d’autorité.
2.1 Les conséquences.
2.2 Les sanctions éducatives sont-elles des abus d’autorité ?
PARTIE 2 : ETUDE D’UNE SITUATION : LE TABLEAU DE COMPORTEMENT
1. Le tableau de comportement : quel fonctionnement ?
2. Le tableau de comportement : un fonctionnement efficace ?
2.1 Pourquoi cela fonctionne t-il avec la titulaire de la classe ?
2.2 Quelles sont les conséquences de ce fonctionnement ?
2.3 Pourquoi cela ne fonctionne t-il pas avec moi ?
3. Les autres dérives du système.
3.1 Un système noté.
3.2 L’effet Pygmalion.
PARTIE 3 : L’HETEROGENEITE DES COMPORTEMENTS SCOLAIRES
1. L’influence de l’éducation parentale.
1.1 Les parents formateurs de la relation à l’adulte.
1.2 Le développement de la pression scolaire.
2. L’influence de la société et du cadre socio-économique.
3. L’influence du groupe classe.
4. L’influence d’autres éléments : jeux vidéo et écrans.
5. L’influence des choix didactiques et de la conduite de classe.
5.1 Les choix pédagogiques et didactiques.
5.2 La conduite de classe.
PARTIE 4 : LES SOLUTIONS A LA GESTION DE LA CLASSE ET L’INDISCIPLINE SCOLAIRE
1. Mettre en place des fonctionnements novateurs.
1.1 Le conseil de coopération.
1.2 La gestion des sanctions.
2. Ne pas oublier les détails qui font la différence.
2.1 La micro gestuelle.
2.2 L’exemplarité.
2.3 Le langage.
CONCLUSION
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