Qu’est ce que l’agroforesterie ?
Les haies vives
Le terme « haie vive » est un terme générique regroupant tous les types d.’ alignements d’arbres, d’arbustes et d’herbacées par opposition aux haies mortes qui sorit un tressage de branchages d’épineux. Ce terme se rapporte à des alignements de bordure ou de délimitation, ce qui exclu les alignements de ligneux intercalés aux cultures. Les haies vives se distinguent selon leur structure, la densité de ligneux et la part des arbustes dans l’alignement. Elles recoupent à la fois des plantations linéaires monospécifiques à écartement constant d’arbres de haute tige et des formations arbustives basses jointives et dont la base est proche du sol. Le dernier type est ce quel’ on désigne, rigoureusement comme une haie et qui se définit comme une formation linéaire, généralement dense et continue constituée le plus souvent d’une ou deux lignes d’arbustes ligneux ou semi-ligneux, parfois d’herbacées mais rarement de grands arbres (Depommier D., 1993). La haie est constituée de petits arbustes à croissance lente qui constituent une formation très proche du sol. D’autre part, ces arbustes sont caractérisés par une grande résistance à la taille (Kuchelmeister, 1989). Dans la réalité, le plus souvent, les haies sont composites et ne répondent pas strictement à cette définition, c’est pourquoi nous utiliserons l’expression « alignement d’arbres » dans la suite du texte pour ne pas porter à confusion.
Les haies vives offrent à la fois des produits et rendent des services. Les produits sont multiples : bois de feu, bois de construction, fourrage, fruits, médicaments, boutures pour la régénération et la multiplication des haies (Depommier D., 1993). Les services rendus par les haies sont au nombre de 4 :
– Le plus évident est celui de délimitation spatiale ou foncière. Ces haies vives se rencontrent dans les zones de fortes densités de population (Depommier D., 1993) comme dans la région bamileke au Cameroun. Lorsque le système est généralisée à l’ensemble d’une région, le paysage est dit bocager.
-Les haies vives ont une fonction défensive et permettent de lutter contre les dégâts liés à la divagation des troupeaux. Ces haies sont caractérisées par leur caractère épineux et inappétable qui les rendent imépétrables (Depommier D., 1993).
– La fonction de production est en générale assurée par tous les systèmes de haies vives, les produits de la coupe et de la taille sont des émondes utilisées pour le bois de feu. Au delà du bois de feu, les produits sont multiples.
Cette fonction est très recherchée par les sociétés paysannes. – Plus spécifiquement, les haies vives ont une fonction anti-érosive. Cette fonction peut être remplie par l’aménagement de la haie vive sous forme de brise-vent qui est une association de plusieurs types d’alignements d’arbres orientés perpendiculairement à l’axe de la direction des vents principaux. Dans un système de pente, la haie vive est disposée le long des courbes de niveau. Dans le premier cas, c’est le houppier de l’arbre qui est l’outil de lutte. Dans le cas des haies isohypses (Depommier D., 1993), c’est le système racinaire de la plante qui mis en jeu. Dans ce sytème, les herbacées sont aussi utilisées.
Ces techniques sont vulgarisées par les programmes de gestion de la fertilité de bassin versant particulièrement sensible à l’érosion ce qui concerne une grande partie du domaine intertropical. Pour ce qui de la connaissance des systèmes de haies vives dans le monde scientifique indien, les travaux, menés en grande partie par l’Institut central de recherche sur les zones arides (Central Arid Zone Research Institute (CAZRI» et l’Institut international de recherche sur les cultures dans les tropiques semi-arides (International Crop Research Institute for the Semi Arid Tropics (ICRISAT» et portent essentiellement sur les essais en station sur les brises vent qui ont débuté dès les années 60 (Bhimaya C. P. et Chowdhary M. D., 1961). Plus récemment, une étude ayant pour objectif d’estimer la biomasse ligneuse d’un village situé en zone semi-aride pour le bois de feu s’est intéressée aux arbres présents sur le territoire du village (Ravindranath N. H. et al., 1991). Cette étude est innovante car elle s’intéresse pour la première fois à ces arbres et reconnait leur existence et leur utilité.
Les forages L’eau était jadis assurée par les puits
L’exhaure de l’eau était remontée par une paire de boeufs, puis les pompes sont arrivées et ont remplacé les animaux. Avec la multiplication de ce système plus performant, le niveau de l’eau n’a plus atteint le fond des puits et le forage a pris le relais. Le forage est le second moyen pour irriguer. L’eau est amenée vers la surface grâce à une pompe électrique. Pour creuser, aucune autorisation n’est nécessaire si bien que le système n’est pas contrôlé. C’est le domaine de l’initiative individuelle, ce sont des entreprises privées qui s’occupent du forage et de la distribution des pompes qui sont pour la plupart aujourd’hui submersibles. Les paysans pauvres n’ont généralement pas accès à cette technique. Dans le paysage, cet accès limité à l’eau se traduit par une juxtaposition d’oasis de cocotiers de couleur vert tendre et d’étendues de sols rouges et caillouteux. Pour le monde rural, l’irrigation a désenclavé la société, en remettant en cause les structures établies. Ainsi, des petits exploitants possédant quelques hectares (moins de 5 hectares) mais dont toute la superficie est irriguée s’en sortiront mieux qu’un grand propriétaire possédant une quinzaine d’hectares non irrigués.
Ce n’est pas la terre qui structure la société mais l’accès à l’eau. Cependant, l’irrigation par forage n’est pas un système durable, et aujourd’hui de nombreuses régions du district (le taluk de Kudligi entre autre) sont confrontées à un abaissement inconsidérée de la nappe phréatique. Les parcelles ne sont plus irriguées toute l’année, et de deux saisons de culture on passe à une saison. Le rechargement de la nappe est fonction de l’abondance des pluies durant la saison des pluies. Par exemple, une parcelle pourra être irriguée durant trois ans puis au cours des trois années suivantes, la nappe devant se recharger, l’irrigation sera impossible en saison sèche. Finalement, les paysans sont de nouveau dans un système où ils sont tributaires des conditions climatiques. Cette incertitude quant à l’accès à l’eau détermine les comportements des agriculteurs en matière de choix des arbres à planter. Ainsi, un agriculteur dont la pompe électrique ne délivre pas d’eau en suffisance chaque année ne plante pas de cocotiers car cette espèce a besoin d’eau tout au long de son cycle de vie, les risques sont trop grands de voir les plants de cocotiers mourir sur pied après une à deux saisons sèches sans irrigation. Cette incertitude quant au potentiel irrigable détermine aussi les superficies qui vont être semées durant la saison sèche.
La démographie
D’après les statistiques du service des impôts (revenue department) dans le périmètre du village fiscal de Marabbihall vivent 3105 personnes. Nous nous sommes intéressés uniquement aux quartiers de Marabbihall même et à Marabbihall tanda. Ces deux quartiers comptent 1641 habitants. A Amalapur, l’effectif de population est un peu plus élevé avec 1739 habitants. Les hommes sont un peu plus nombreux dans les 2 villages, l’équilibre reste cependant maintenu. L’homme occupe une place prépondérante dans la société indienne: par lui se transmettent les biens. Dans le monde paysan, la femme occupe une place secondaire, elle travaille dans les champs de la famille de son mari et doit s’occuper des enfants, de la maison, de collecter du bois de feu et de l’eau. Au delà de la distinction par sexes, s’opère en Inde une distinction par castes. Cette organisation crée l’originalité de la société indienne.
Le système des castes est défini dans les textes anciens, Vedas, comme l’équivalent des corporations de métiers. Des trois grandes castes représentées pas les prêtres (Brâhmana), les guerriers (Kshatriya) et les travailleurs et artisans (Vaishya), une multitude de communautés ou de sous-castes se sont créées au cours des siècles sous l’influence des invasions. Les castes ne comprennent que les hindouistes, donc les peuples à l’origine animistes, les tribaux, ou musulmans en sont exclus. D’autre part, les personnes exerçant des travaux reconnus comme impurs par la société hindoue (tannerie, ramassage des ordures dans les marchés, par exemple) ne sont pas intégrées au système, on les nomme les « Intouchables ». Ils sont en générale serviteurs ou vivent complètement en dehors de la société. Après l’Indépendance, J. Nerhu abolit théoriquement le système de castes, mais il est difficile d’effacer d’un coup de plume une institution sociale centenaire. Afin d’intégrer les Intouchables et les tribaux dans le système hindou, Ambedkar Vedi, inscrit dans la constitution deux nouvelles catégories que nous nommerons les tribaux (Scheduled tribes) et les basses castes (Scheduled castes).
Ces catégories bénéficient aujourd’hui d’aides particulières (emplois réservés, aides financières). Les castes qui préexistaient à ces deux groupes sont inclues par les textes officiels dans le groupe « autres », nous les nommerons les hautes castes. Cette distinction en castes est importante car elle traduit encore aujourd’hui dans le monde rural qui représente 70 % de la population indienne une organisation socio-économique bien marquée. La caste détermine le niveau de trésorerie de la famille et l’accès au foncier. A Marabbihall (Fig. 7), la population se répartit selon 2 groupes de castes : les basses castes représentent 30 % du total et les hautes castes 70 %. La catégorie des basses castes n’est composée que de la caste de Lambanis. La composition est beaucoup plus variée chez les hautes castes. A Amalapur, les trois groupes de castes sont présents, les tribaux sont représentés à 24 %, les basses castes à 12 % et les hautes castes à 64 %. Dans les hautes castes, les Lingayats sont la caste qui domine en nombre.
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Table des matières
INTRODUCTION
Cadre de l’étude
1.Justification et objectifs de l’étude
2.Contexte scientifique
2.1 Qu’est ce que l’agroforesterie ?
2.2 La recherche indienne en agroforesterie
2.3. Présentation du milieu
3.1 La zone sèche au Karnataka
3.2 Le district de Bellary
3.2.1 Une position continentale
3.2.2 La géologie et la topographie
3.2.3 Une aridité marquée
3.2.4 La végétation naturelle
3.2.5 Les sols
3.2.6 La ressource « eau »
3.2.6.1 Le périmètre irrigué du réservoir de la Tungabhadra
3.2.6.2 Les forages
3.2.7 La place de l’arbre dans le paysage du district
4.Méthodologie
4.1 Zonage agroécologique du district de Bellary
4.2 Déroulement de la campagne de terrain
4.3 Le choix des sites d’étude
4.4 Le choix des parcelles
4.5 Présentation de l’échantillon
4.6 Les différents types de données récoltées
4.6.1 Les inventaires biométriques
4.6.2 Les enquêtes agroforestières
4.6.3 Les autres enquêtes et inventaires
4.6.3.1 L’inventaire des parcelles de la zone sèche de Marabbihall
4.6.3.2 Les temps informels
4.7 Le traitement statistique des données
4.7.1 L’analyse factorielle des correspondances
4.7.2 Les analyses en composante multiple (ACM)
4.7.2.1 ACMàl’échelledelaparcelle
4.7.2.2 ACM à l’échelle du côté
5.Présentation des villages de Marabbihall et Amalapur.
5.1 La localisation et le mode d’utilisation des terres
5.1. 1 Marabbihall
5.1. 1.1 un village planifié.
5.1.1.2 Marabbihall, une localité fiscale
5.1.1.3 Un village au bord d’une vaste dépression
5.1.1.4 Le mode d’utilisation des terres
5.1.2 Amalapur
5.1.2.1 Un village traditionnel.
5.1.2.2 Un village à flanc de collines
5.1.2.3 L’utilisation des terres
5.2 La démographie
5.3 Le foncier
5.3.1 La propriété
5.3.2 La taille des exploitations
Présentation des résultats
1.Localisation des alignements d’arbres sur les territires des villages et présentation du système
1.1 La localisation des alignements d’arbres sur le territoire des villages
1.2 La description des alignements d’arbres
2.Les caractéristiques socio-économiques de la population échantillonée et les pratiques agricoles et d’élevage
2.1 La population
2.1.1 Les caractéristiques sociales
2.1.2 Les principales sources de revenus
2.1.3 Les principales difficultés
2.2. Les pratiques agricoles
2.2.1 Les systèmes de culture en zone sèche
2.2.2 Les espèces les plus cultivées
2.2.3 Les techniques agricoles
2.2.3.1 Les outils agricoles
2.2.3.2 Le statut et la gestion de la fertilité des sols
2.2.3.3 L’itinéraire technique
2.3 L’élevage
2.3.1 La répartition des effectifs de cheptel
2.3.2 Le fourrage
2.4 Le bois de feu
2.5 Conclusion
3.Le peuplement ligneux: composition floristique des alignements d’arbres
3.1 La composition floristique des alignements d’arbres
3.1.1. Les espèces principales (groupe 1) : une similitude pour les 2 villages
3.1.2 Les espèces secondaires et marginales: principales différences entre les deux villages
3.1.2.1 Les espèces secondaires
3.1.2.2. Les espèces marginales (groupe 3):
3.1.3 Conclusion
3.2 Fréquence des espèces
3.3 Composition f10ristique de la zone sèche de Marabbihall
3.4 Usages des produits des principales espèces ligneuses de Marabbihall et d’ Amalapur.
3.5 Dynamique du peuplement
3.6 Le fonctionnement
3.6.1.Les méthodes de régénération
3.6.2 L’origine des arbres
3.6.3 La gestion du peuplement ligneux
4.Etude du peuplement ligneux à l’échelle de la parcelle
4.1 La composition floristique
4.1.1 Données générales sur la composition du peuplement
4.1.2 Une composition floristique peu différenciée d’une parcelle à l’autre
4.1.3 Les parcelles de production M3, M4, M5, M9, MIO et Al, A3, A5 : Présence de fruitiers et d’espèces à croissance rapide
4.1.4 Les parcelles Ml, M2, M6, M7, MS, A2 et A4 : dominance d’espèces à bois rustiques
4.2 L’origine des ligneux
4.3 Les densités d’arbres
4.4 A Marabbihall, une gestion intensive contre une gestion peu interventionniste des parcelles
4.5 La dynamique du peuplement
4.6 Stratégie de gestion des peuplements ligneux: des critères socioéconomiques peu discriminants
5.Structure et fonctions des alignements d’arbres
5.1 Les avantages et désavantages des alignements d’arbres
5.2 Les différents types de côté
5.3 Le côté de la parcelle: l’échelle révélatrice de l’aménagement des haies
5.3.1 Le résultat graphique de l’ ACM
5.3.2 Les coefficients de contribution
5.3.3 La typologie
5.3.3.1 Les alignements situés en bord de chemin et en bord de rivière : des haies défensives
5.3.3.2 Les alignements de production
5.3.3.3 Les haies de délimitation
6.La gestion des arbres dans l’interface arbres cultures
6.1 Les effets des arbres sur les cultures
6.2 L’émondage des arbres
6.2.1 L’intensité de l’émondage
6.2.2 Les parties émondées du houppier
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
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