Qu’est ce que l’adolescence ?
Etymologiquement, adolescence vient du latin adulescens : qui croit, qui grandit, par opposition à adulte venant de adultus : qui a cessé de grandir, de pousser. Aujourd’hui d’autres définitions sont données pour qualifier le terme d’adolescent. Selon le dictionnaire Larousse (1) : c’est une période de la vie entre l’enfance et l’âge adulte, pendant laquelle se produit la puberté et se forme la pensée abstraite. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2) : l’adolescence est « la période de croissance et de développement humain qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte, entre les âges de 10 et 19 ans. Elle représente une période de transition critique dans la vie et se caractérise par un rythme important de croissance et de changements ». En outre, selon M.S Moro et J.L Brisson (3) « l’adolescence n’est ni un état, ni un statut, ni un problème, ni une maladie (…) c’est un passage », définition à laquelle se rattache P. Alvin (4) qui décrit l’adolescence comme une période de transition et non une juxtaposition ou coexistence de caractères infantiles et adultes chez le même sujet. Cette période est marquée par d’importantes transformations biologiques, psychiques et sociales (…) elle-même sous l’influence d’un contexte socioculturel donné. De plus, selon l’UNICEF (5), « chaque personne vit différemment cette période en fonction de sa maturité physique , émotionnelle et cognitive et le simple fait de la puberté ne peut être la ligne de démarcation des choses ». Il n’existe donc pas une seule adolescence et sa définition n’est ni consensuelle, ni permanente et ce d’autant plus qu’une étude récente publiée dans The Lancet en janvier 2018 (6) révèle que dans quasiment l’ensemble des populations l’âge des premières règles a reculé (ex : recul de 4 ans en 150 ans au Royaume-Uni). Ils ajoutent également que puisque les dents de sagesse peuvent apparaitre au delà de 25 ans, le cerveau se développer au delà de 20 ans et que notre environnement et nos sociétés retardent l’entrée dans l’âge adulte ; la définition de l’OMS pourrait inclure les 10-24 ans.
L’adolescence serait donc un instant de vie au cours de laquelle une mutation s’opère sur plusieurs points :
– Sur le plan physiologique : métamorphose physique et sexuelle, croissance, développements des organes génitaux externes, pilosité, menstruations, premières éjaculations, mue de la voix, acné …
– Sur le plan psychologique : l’adolescent va s’affirmer comme individu à part entière qui tend à s’éloigner du cocon familial.
– Sur le plan intellectuel : développement d’une pensée abstraite et du raisonnement hypothético-déductif (capacité à raisonner à partir de propositions verbales abstraites).
Les adolescents représentent ainsi une population particulière avec ses problèmes somatiques, psychologiques et environnementaux. Or « un système de santé capable d’identifier et de prendre en charge les problèmes de santé des jeunes peut en réduire le fardeau à l’âge adulte » .
Qu’est ce que le Nord Cotentin ?
Le Nord Cotentin ou péninsule du Cotentin est un territoire du département de la Manche en Normandie. Au XIVème siècle, « les gens d’ici » selon B.Canu, guide conférencier (9) définissent le Cotentin dans sa globalité comme situé au nord de la ligne formée entre l’estuaire de la Vire (baie des Veys) et l’embouchure de l’Ay (havre de Lessay). Mais au XXème siècle, sous l’influence de Cherbourg, cette définition du Cotentin devient celle du Nord Cotentin. Ainsi, Y. Nedelec, paléographe et directeur des archives départementales, revient à la définition première étymologique : pagus coriovallensis ou pays de Coriallo (Cherbourg), en opposition au pagus constantinus (Coutances et Saint Lo). Et c’est alors la « ligne Joret » (ainsi appelée du nom du dialectologue Charles Joret qui l’a mise en évidence à la fin du 19e siècle en s’appuyant sur des caractéristiques phonétiques issues de l’évolution ou non de certains sons gallo-romans et germaniques entre le cinquième et le septième siècle) passant par Cérences, Gavray, Percy et Gouvets, qui fixerait la nouvelle limite sud (10) du Cotentin.
S’étendant sur 1653 km², la région correspond à 27.8% de la superficie de la Manche et comptait au 1er janvier 2017, environ 190 200 habitants (11), dont environ 13% ont entre 10 et 19 ans et seraient donc, en prenant en compte la définition de l’OMS, des adolescents.
En matière de scolarité (cf. Annexe 1), le Nord Cotentin est doté de :
– sept lycées publics : trois d’enseignement général et technologique, un d’enseignement général et professionnel avec des classes de CFA (centre de formation d’apprentis) académique et trois lycées professionnels possédant des classes de CFA : deux CFA académique et un CFA sous la tutelle du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer,
– trois lycées privés : un lycée d’enseignement général et professionnel et deux lycées professionnels,
– trois MFR (Maison Familiale et Rurale) .
Soit 2021 élèves inscrits en classe de Seconde à la rentrée 2017 .
La démographie médicale dans le Nord Cotentin est caractérisée selon le Conseil de l’Ordre des Médecins (12), comme dans tout le département de la Manche, par une population à majorité masculine (59%) et âgée de plus de 40 ans (12% ont strictement moins de 40 ans). Mais outre cela, la région connait des difficultés d’accès aux soins conséquentes, classant une large partie de la région en Zone d’Intervention Prioritaire (ZIP), que ce soit au niveau régional et/ou national. Ce zonage étant caractérisé selon un indicateur principal (13) dénommé Accessibilité potentielle localisée (APL) à un médecin, pour la sélection nationale, considérant notamment :
– l’activité de chaque praticien, mesurée par le nombre de consultations ou visites effectuées par le praticien
– le temps d’accès au praticien selon une fonction décroissante entre 0 et 20 minutes
– la consommation de soins par classe d’âge pour tenir compte des besoins différenciés en offre de soins.
A cet indicateur se surajoutent, pour la sélection régionale, des indicateurs complémentaires pouvant être par exemple :
– la part de la population en Affection de Longue Durée (ALD)
– la proportion de médecins exerçant en secteur 1
– le taux d’hospitalisations potentiellement évitables.
La Normandie dans sa globalité se situe à la troisième place des zones prioritaires en France Métropolitaine, après le Centre-Val de Loire et l’Ile-de-France. Dans la Manche, 77.1% des médecins se trouvaient dans ces ZIP au 29 décembre 2017 .
Relation médecin traitant et adolescent
Une relation, des chiffres, des difficultés
Le médecin généraliste, selon Mme le Pr D.Sommelet, est le professionnel de santé le plus consulté par les adolescents (15), il serait en cela le premier acteur dans le circuit de l’information et la prévention. Comme le rappelle le Dr P. Binder, généraliste (16), 75% des adolescents ont vu leur médecin traitant dans l’année, avec en moyenne, 2,1 consultations pour les garçons et 2,5 consultations pour les filles. Dans 78% des cas le médecin traitant est leur référent exclusif (8) avec comme critères principaux de choix : la proximité géographique (65%), l’habitude (55%) et la bonne entente (25%) (17). Si trois quarts des adolescents déclarent ressentir une bonne compréhension de la part de leur praticien, un tiers avouent ne pas avoir pu se confier et 30% à 45% estiment ne pas avoir réussi à dire tout ce qu’ils voulaient au cours de ces consultations.
Ainsi, « cette rencontre quotidienne pour le médecin généraliste, est ponctuelle dans la vie de l’adolescent (…). Trop souvent, c’est un rendez-vous manqué entre deux personnes qui ont aperçu les possibilités de l’autre mais n’osent pas rentrer en relation » . Cela peut-être dû à plusieurs facteurs :
– Les adolescents ont une vision floue du champ d’action du médecin traitant : 92% pensent que le médecin peut aider sur le plan somatique et 32% pour des problèmes psychologiques (16). Pour certains, ce sont les modalités même de l’entretien qui les inquiètent notamment, l’idée préconçue d’une consultation chez le médecin, la durée de la consultation et son coût .
– Dans 75% des cas, le motif de consultation des adolescents est somatique, dans 19% des cas il est administratif ou préventif et rarement psychologique (8). En outre leurs demandes peuvent être imprécises voir ambivalentes. En parallèle, du coté du médecin plus de la moitié des consultations durent plus de dix minutes avec dans trois cas sur quatre une discussion qui s’engage, mais peu s’écartent du motif de base. Ainsi selon P. Binder, le médecin traitant attend par exemple, un risque suicidaire pour parler de dépression .
Selon le groupe ADOC (groupe de cliniciens libéraux de la Charente-Maritime associant dix-sept généralistes et deux psychiatres), toute consultation de l’adolescent doit aller au-delà de la demande immédiate, ainsi lors de l’exposé du motif, employer les termes tel que « à part ça » ou « oui mais encore ? » multiplierais par quatre la fréquence d’ouverture à des éléments notamment psychologiques .
– Les consultations des adolescents sont le plus souvent sollicitées par les parents: 78.7% des parents assistent à la consultation de leur enfant avec un accompagnement prédominant chez les garçons (16). Or 34% des adolescents qui consultent avec leurs parents préféreraient être seul(20). En outre, 91% des médecins traitants aimeraient recevoir l’adolescent seul, mais 55% d’entre eux acceptent de recevoir l’adolescent individuellement, quand ce dernier en fait la demande, si les parents sont présents .
Il semble alors nécessaire d’aménager une autonomie et une confidentialité progressive avec les adolescents pour que le jeune patient et son médecin prennent leurs places respectives dans un dialogue ouvert, sans se heurter aux nombreux parents qui considèrent parfois comme prématurés la confidentialité et le secret.
Mais alors quid de la place de la contraception, de la prévention et de la sexualité dans tout cela ?
18.7 % des adolescents ne savent pas qu’ils peuvent discuter sexualité avec leur médecin traitant (dont 75.6% de garçons et 24.4% de filles) et 94% des adolescents estiment qu’il existe des obstacles à parler sexualité avec leur médecin. Certains, notamment les filles (84% VS 16%), se sentent gênés de discuter de ce sujet avec un médecin du sexe opposé au leur, certains estiment ne pas le connaitre assez, d’autres qu’ils le connaissent trop.
La prise de rendez-vous, le prix de la consultation ou l’emploi de la carte vitale sont également des freins exprimés par les adolescents (22). Ainsi dans une étude menée à Clermont Ferrand (23) : 50.54% des jeunes filles de Terminale interrogées avaient abordé le sujet de la contraception avec leur médecin traitant, 28.38% auraient voulu lui en parler et, dans une autre étude menée dans les Hauts de Seine (24) seul 13.3% des adolescentes citent leur médecin traitant comme source d’information sur le sujet. Soit le 7ème rang d’information après, le collège (83.7%), l’entourage (35%), Internet (27%)… Dans cette même étude 30% aimerait que leur médecin les informe sur ce sujet. Le généraliste comme personne ressource pour ces sujets ne semble donc pas être une évidence. Et ce d’autant plus que seul 13% des adolescents ont reçu une information sur le contraception d’urgence (contre 78.3% qui ont reçu l’information dans le cadre scolaire) et que en cas d’accident de contraception seul 37% en parlerait avec leur praticien (24). Parallèlement à cela, 83% des généralistes se jugent compétents et légitimes à s’investir dans le champ de la planification familiale contre 99% par exemple aux Pays Bas ou au Danemark .
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Table des matières
INTRODUCTION
CONTEXTUEL
1/ Qu’est ce que l’adolescence ?
2/ Qu’est ce que le Nord Cotentin ?
3/ Relation médecin traitant et adolescent
A/ Une relation, des chiffres, des difficultés
B/ Des solutions proposées
4/ Notion de secret médical
5/ Sexualité des adolescents
A/ Les standards
B/ Les risques
a.Méconnaissance
b.Maladies Sexuellement Transmissibles
c.Violence
d.Cybersexualité active
e.Cybersexualité passive : la pornographie
6/ Contraception, grossesse et Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) chez les adolescents
A/ Prescription, délivrance des contraceptifs et CCP
B/ Propositions pour un cadre adapté à une prescription de contraception et une prévention efficace
C/ Contraception d’urgence
D/ Interruption volontaire de grossesse (IVG) chezles mineures
a.Législation et modalités
b.Chiffres
7/ Education et information à la santé sexuelle
A/ Historique
B/ Les différentes politiques dansle Monde
8/ Structures ressources et points d’information des adolescents
A/ Centre de Planification et d’Education Familiale (CPEF)
B/ Maison des ados (cf. Annexes 11A et 11B)
C / CeGIDD
D/ Infirmière scolaire
E/ Les ressources en libéral
F/ Sites de référence et lignes d’écoute
MATERIEL ET METHODE
1/ Questionnaire
2/ Population
RESULTATS
1/ Généralités
2/ Rapport médecin-patient
3/ Santé sexuelle
DISCUSSION
1/ Modalités de l’étude
2/ Partie 1 du questionnaire : Généralités
3/ Partie 2 du questionnaire : Relation Médecin-patient
4/ Partie 3 du questionnaire : Santé sexuelle
5/ Finalités de l’étude
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES