Qu’est-ce que l’acceptabilité sociale ?

Qu’est-ce que l’acceptabilité sociale?

L’acceptabilité des pratiques d’aménagement forestier, telle que définie par Brunson , est le résultat d’un processus de jugement par lequel les individus comparent la réalité perçue avec les alternatives qu’ils connaissent et déterminent dans quelle mesure chacune des conditions alternatives diffère (ou pas) de la condition réelle. Si la condition réelle est jugée insatisfaisante, l’individu (ou la communauté) initiera des comportements visant à favoriser la condition alternative jugée la plus favorable. Par ailleurs, Hoss et Brunson (2000), qui appuient l’idée de la comparaison d’ alternatives, avancent que le jugement d’acceptabilité peut prendre trois formes : la condition peut être jugée acceptable, inacceptable ou acceptable sous conditions. Dans le dernier cas, un ajustement est adopté par l’individu dans le but d ‘amener la condition au statut acceptable. Cet ajustement, conformément au concept de « coping strategies » (ou stratégies d’adaptation), est fonction de la capacité d’acceptation de l’individu, qui peut se traduire de façon cognitive ou comportementale (Hall et Cole 2000; Hoss et Brunson 2000; Johnson et Dawson 2004; Manning et Valliere 2001). Par exemple, Hoss et Brunson (2000) ont montré qu’un processus cognitif de rationalisation peut amener à oublier ou à justifier une condition a priori inacceptable. Les auteurs notent également que des comportements peuvent être adoptés afin de remédier à – ou d’éviter- une condition inacceptable (e.g. évitement).

Facteurs influençant le jugement d’acceptabilité sociale

Les connaissances personnelles et techniques

Plusieurs auteurs (Kakoyannis et al. 2001; Stankey 1996;Stankey et Shindler 2006) suggèrent qu’ il existe deux types de connaissances : techniques (scientifiques) et expérientielles (personnelles). Les connaissances techniques, qui sont basées sur des faits recueillis dans le cadre d’expériences scientifiques, sont généralement considérées comme étant le fondement d’une bonne gestion forestière (Stankey et Shindler 2006). Conséquemment, la plupart des gestionnaires se concentrent sur la diffusion des informations scientifiques afin d’accroître la compréhension et le soutien du public en oubliant que l’expérience, les connaissances personnelles et les savoirs locaux contribuent également au jugement d’acceptabilité (Kearney et al. 1999; Kloppenburg 1991). D’après une étude réalisée par Shindler et Mallon (2009) sur l’acceptabilité sociale de l’ AE en Oregon (États-Unis), les décideurs auraient avantage à capitaliser sur le niveau de connaissances personnelles du public sur les forêts pour cultiver une meilleure compréhension des enjeux techniques liés à l’émulation des perturbations naturelles.

Le contexte (spatial, temporel et social)

Puisque chaque situation implique une relation unique entre les personnes et l’environnement, ce qui est acceptable dans un contexte ne l’est pas nécessairement dans un autre (Shindler et al. 2002; Stankey et Shindler 2006). Il est alors important pour les gestionnaires d’identifier et d’étudier les influences contextuelles sur l’acceptabilité (Shindler 2000). Le jugement d’acceptabilité étant dynamique, provisoire et contextuel (Stankey et Shindler 2006), une combinaison unique de trois facteurs contextuels influe sur l’acceptabilité sociale (Kakoyannis et al. 2001; Shindler et al. 2002; Shindler et al. 2004; Stankey 1996; Stankey et Shindler 2006).

D’abord, le contexte spatial réfère à la façon dont une pratique affecte les lieux qui ont un sens pour les citoyens. Williams et Carr (1993) soulignent d’ailleurs que plusieurs conflits en matière d’aménagement viennent partiellement du fait que les gestionnaires de la forêt ne reconnaissent pas l’importance des liens que les gens entretiennent avec des territoires spécifiques.

Les risques et l’incertitude liés à la pratique

L’acceptabilité sociale d ‘un projet est influencée par la perception qu’il pourrait constituer une menace pour la qualité de vie dans un milieu (Wildavsky 1988). Il s’agit donc d’évaluer les risques à court et long terme s que comprend un projet. Selon Shindler et al. (2002), le public désire savoir, afin de porter un jugement d’acceptabilité, où et pourquoi seront effectuées les nouvelles pratiques et quelles seront l’ampleur et l’ intensité des risques associés. Dans le cas de nouvelles pratiques ou de nouveaux concepts comme l’ AE, l’ incertitude et les risques perçus par la population pourraient être surestimés puisque la population n ‘est pas familière avec de tels concepts et les impacts pouvant en découler (Kakoyannis et al. 2001; Mallon 2006; Shindler et Mallon 2009). De plus, un manque de confiance envers les décideurs peut également conduire à une exagération du risque de la part du public envers les pratiques envisagées (Kakoyannis et al. 2001; Kasperson et al. 1992; Stankey et al. 2005).

L’esthétique du résultat

La qualité visuelle des paysages est un sujet de préoccupation pour la plupart des citoyens dans la gestion des forêts. En effet, les pratiques d’aménagement forestier ont pour effet d’altérer la qualité des paysages et, par conséquent, de diminuer la qualité de la pratique d’activités de récréation (Pâquet et Bélanger 1998). Selon Pâquet et Bélanger (1999), la qualité des paysages suivant une pratique sylvicole est tributaire de la taille et de la forme de la coupe, de la quantité de résidus laissés sur le parterre de coupe, de la distance de la coupe par rapport à l’observateur et du temps nécessaire au reverdissement des aires de coupe. Bien que l’esthétique soit la principale source d’objection du public envers une coupe forestière (Bliss 2000), Bradley et Kearney (2007) ont démontré qu’un public peut juger une scène différemment d’un autre public en se basant sur des préoccupations d ‘aménagement plutôt que sur des préoccupations esthétiques. Il suffit que l’état des connaissances évolue, que se diffusent des informations concernant les milieux en question et que la sensibilité à leur égard s’accentue pour que s’enclenche un processus de valorisation (Brunson et Reiter 1996; Domon et al. 2004; Ribe 1999).

La confiance envers les décideurs et les institutions

Le dernier élément important à considérer dans l’acceptabilité sociale d’une pratique de gestion des forêts est le niveau de confiance du public envers les scientifiques et les gestionnaires de la forêt (Kakoyannis et al. 2001; Shindler et Toman 2003; Stankey et Shindler 2006). À cet égard, Moore (1995) identifie deux types de confiance : interpersonnelle et organisationnelle. La confiance interpersonnelle fait référence à la perception mutuelle de l’honnêteté et de la réciprocité entre les individus alors que la confiance organisationnelle représente la confiance dans l’équité des processus de décision. Selon Lawrence et al. (1997), un bon processus de décision conduit à l’augmentation du niveau de confiance, qui à son tour contribue à une perception plus positive du public envers les gestionnaires et leurs décisions. Binney et al. (1996) ont montré que les informations fournies au public sont davantage jugées en fonction de la crédibilité de leur source que de leur contenu.

L’appréciation du mécanisme de consultation et le niveau de confiance envers les décideurs

Le mécanisme de consultation qui prévaut au sein de la communauté de Pikogan fonctionne sous la forme de rencontres individuelles avec les maîtres de trappe dont les aires sont incluses dans la planification annuelle et quinquennale des travaux de récolte. Une fois les interventions forestières présentées aux maîtres de trappe, ces derniers disposent d’un certain délai pour informer les membres de leurs familles des actions prévues et recueillir leurs préoccupations à cet égard. Lors de la seconde rencontre avec les gestionnaires de la forêt, les maîtres de trappe peuvent alors consentir, rejeter ou proposer des modifications aux plans d’aménagement présentés.

C’est également lors de cette phase de négociation que les maîtres de trappe peuvent formuler des requêtes à l’industrie, comme élargir une bande riveraine, entretenir un tronçon de chemin forestier en hiver ou obtenir les matériaux nécessaires à la construction d’un camp. De manière générale, ce mécanisme de consultation est apprécié par les membres de la communauté. Selon eux, le maître de trappe est la personne désignée pour bien défendre les intérêts de la famille.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 :MISE EN CONTEXTE 
1.1 Problématique 
1.2 Hypothèse et objectifs de travail 
1.3 Organisation du mémoire
CHAPITRE II :ÉTAT DES CONNAISSANCES 
2.1 Qu’est-ce que l’acceptabilité sociale? 
2.2 Facteurs influençant le jugement d ‘acceptabilité sociale 
2.2.1 Les connaissances personnelles et techniques
2.2.2 Le contexte (spatial, temporel et social)
2.2.3 Les risques et l’incertitude liés à la pratique
2.2.4 L’esthétique du résultat
2.2.5 La confiance envers les décideurs et les institutions
2.3 Des outils d’aide à la décision
CHAPITRE III :MÉTHODOLOGIE 
3.1 Territoire à l’étude
3.2 La communauté algonquine de Pikogan 
3.3 Stratégie de collecte de données 
3.3.1 Entrevues semi-dirigées
3.3.2 Visite terrain sur le chantier d’aménagement écosystémique
3.3.3 Groupes de discussion sur l’aménagement écosystémique
3.3.4 La carte de zonage du potentiel d’intérêt autochtone
3.4 Protocole d’entente et collaborateurs autochtones
3.5 Analyse des données 
3.5.1 Les données qualitatives
3.5.2 Les données quantitatives
3.6 Limites du projet 
CHAPITRE IV : RÉSULTATS 
4.1 L’occupation et l’utilisation du territoire ancestral 
4.1.1 Le territoire ancestral comme pôle identitaire
4.1. 2 Les activités traditionnelles
4.1.3 Les caractéristiques de la forêt recherchées et évitées
4.1. 4 Une forêt diversifiée pour pratiquer les activités traditionnelles
4.2 L’aménagement forestier conventionnel 
4.2.1 Le niveau d’appréciation des interventions forestières
4.2. 2 La foresterie est préoccupante
4.2.3 L’appréciation du mécanisme de consultation et le niveau de confiance envers les décideurs
4.2.4 Vers une foresterie plus acceptable
4.3 La stratégie d ‘aménagement écosystémique
4.3.1 Le niveau d ‘appréciation des traitements sylvicoles composant la stratégie d’aménagement écosystémique
4.3.1.1 Le témoin mature
4.3.1.2 La coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS)
4. 3.1. 3 La coupe progressive d’ensemencement (CPE)
4. 3. 1. 4 La CPRS avec rétention de mini-bouquets
4.3.1.5 La CPRS avec rétention de bouquets
4.3.1. 6 La coupe avec protection de la régénération et des sols avec rétention de 25 tiges à l’hectare (CPRS 25 ti/ha)
4.3.2 Le niveau d’ appréciation de l’aménagement écosystémique (AE)
CHAPITRE V :DISCUSSION 
5.1 Valoriser les savoirs traditionnels de la communauté
5.1.1 Protection des zones riveraines
5.1.2 Maintien de l’habitat de la martre d’Amérique
5.2 Adapter l’ AE au contexte de Pikogan 
5.2.1 Synergie entre les valeurs autochtones et les valeurs écologiques de l’AE
5.2.2 Îlots de vieillissement de bouleau à papier
5.2.3 Zonage de la sensibilité des paysages critiques autochtones
5.2.4 Aménagement à l’échelle des terrains de trappe
5.2.5 Tailles de coupes plus acceptables
5.3. Minimiser les risques et l’incertitude liés à la pratique 
5.3.1 Incertitude associée à l’aspect novateur de l’ AE
5.3.2 Risques associés aux agglomérations de coupes
5.3.3 Les risques associés à l’accessibilité du territoire
5.4. Minimiser les impacts esthétiques des interventions 
5.4.1 Favoriser un reverdissement rapide des parterres de coupe
5.4.2 Répartir les interventions forestières selon le zonage du potentiel d’intérêt autochtone
5.4.3 Prescrire des traitements sylvicoles qui correspondent aux conditions du peuplement
5.4.4 Limiter la perturbation du sol forestier
5.4.5 Maximiser la récupération de la matière ligneuse et des débris de coupe
5.5. Renforcer le lien de confiance envers la science et les gestionnaires de la forêt par le biais d’un processus participatif 
5.5.1 Un processus informatif adéquat et formateur
5.5.2 Un meilleur partage des retombées économiques
CONCLUSION

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