Qu’est-ce que la télévision est-elle censée représenter à l’écran ?

 Qu’est-ce que la télévision est-elle censée représenter à l’écran ?

Analyse sémiologique des slogans de chaînes hertziennes historiques : le cas de TF1, France 3 et M6. 

Penchons-nous tout d’abord sur les différents termes utilisés dans les slogans cités cidessus. Celui de la première chaîne de France fut « On se retrouve tous sur TF1 » entre 2009 et 2011. On remarque ici une certaine familiarité dans la proposition, relayée par l’usage du pronom indéfini « on » de la troisième personne du singulier. Un mot qui suggère une intimité en incluant le « vous, téléspectateurs » et le « moi, TF1 ». À cela s’ajoute l’utilisation du verbe « retrouver », dont le préfixe « re- » implique que les personnes désignées par le pronom « on » aient déjà pris part au visionnage d’émissions sur la chaîne. Ce pronom indéfini, « on » et l’adjectif indéfini, « tous » permettent de désigner un très large pan de personnes : les téléspectateurs adeptes de TF1, ceux qui regardent la chaîne occasionnellement, mais aussi l’ensemble de la population française.

La seconde chaîne publique française arbore le slogan « France 3, nos régions nous inspirent, nos régions vous inspirent » depuis 2013. Elle possède des antennes dans chaque région de France, et fait de toute évidence références à ces mêmes régions dans son slogan, en montrant qu’elles sont son intérêt premier. L’appellation «région» englobe ici les terres, paysages, les populations qui les habitent, et les différentes cultures au sein desquelles ils évoluent. La chaîne s’identifie à cet ensemble, résumée sous l’appellation « régions » et y revendique son appartenance à ce travers l’emploi des adjectifs possessifs « nos ». La chaîne s’inspire donc en partie de la population de ces régions. Ces régions seraient, métaphoriquement parlant, un bien partagé entre ses téléspectateurs et elle, teinté d’un sentiment patriotique. La chaîne tenterait de retranscrire la richesse de ces régions à l’écran selon la perspective qu’elle en a. Les téléspectateurs seraient en retour inspirés par cette image que France 3 propose des régions. La chaîne créée cet effet en utilisant une figure de style littéraire : l’épanalepse. Elle consiste à « répéter, après un intervalle, un ou plusieurs mots, ou même un membre de phrase ». Ici, la première proposition « nos régions nous inspirent » est reprise à l’identique à l’exception du pronom personnel « nous », qui lui est transformé en « vous » dans la seconde proposition. On passe de « nos régions nous inspirent », à « nos régions vous inspirent ». Cet effet de style vise à montrer que les deux sont sur un même pied d’égalité et interchangeables : le « nous » de la chaîne correspond alors au « vous » des téléspectateurs. Comme si, à l’instar des deux propositions de la phrase, la chaîne et les téléspectateurs étaient presque identiques.

Passons maintenant à la chaîne M6. Rappelons son slogan en vigueur depuis 2015 : « Depuis 30 ans, votre quotidien nous inspire. Continuons de grandir ensemble ». Il suit une logique similaire à celle du slogan de France 3 analysé précédemment. L’idée de « grandir ensemble » connote un partage d’expérience à travers les années entre le téléspectateur et la chaîne, qui semble profitable aux deux partis. Un véritable exemple de storytelling , qui donne l’impression qu’une histoire commune forte et teintée d’affect s’écrit entre la chaîne et ses téléspectateurs depuis trente ans et se poursuit grâce à leur fidélité. La chaîne explique sa croissance année après année et ce lien fort avec ses téléspectateurs par le fait que sa programmation s’inspire de la vie quotidienne de la population de la France. Une adéquation, donc, entre les programmes et le public.

La chaîne se pose comme si elle était un enfant qui grandit et qui prend du galon année après année, sous le regard affectueux d’un adjuvant – le téléspectateur – qui l’aurait aidé dans son parcours. Cette dynamique est également valable dans le sens inverse : les téléspectateurs grandissent eux aussi avec la chaîne grâce aux programmes qu’elle propose. M6 semble donc ici être à l’origine d’un cercle vertueux qui se perpétue dans le temps.

La chaîne se pose comme si elle était un enfant qui grandit et qui prend du galon année après année, sous le regard affectueux d’un adjuvant – le téléspectateur – qui l’aurait aidé dans son parcours. Cette dynamique est également valable dans le sens inverse : les téléspectateurs grandissent eux aussi avec la chaîne grâce aux programmes qu’elle propose. M6 semble donc ici être à l’origine d’un cercle vertueux qui se perpétue dans le temps.

« La télévision est le premier loisir des Français, mais elle est en réalité bien davantage. Elle est aussi le visage d’une société, l’expression de ses différentes facettes. […] Elle est surtout un lien fort, puissant, entre tous les citoyens, quels que soient leur origine, leur âge, leur appartenance. » (France Télévisions, 2010)

On note donc qu’en tant que médias de masse, les chaînes semblent avoir une responsabilité citoyenne envers leur public. Cette perception n’est pas uniquement le fait de France Télévisions ; elle transparaît également dans de nombreuses régulations qui définissent les lignes d’action des médias français. Ces régulations ont été crées suite à l’émergence progressive au sein des politiques publiques françaises. Nous allons donc entreprendre ici de retracer l’histoire des décisions politiques qui ont abouti à l’émergence de « politiques de la diversité », afin d’étudier comment elles sont aujourd’hui retranscrites dans le monde des médias.

Histoire de la notion de « diversité » dans les politiques publiques en France 

La conception de « diversité » est née d’une prise de conscience progressive par les hommes politiques du fait que la France est une société multiculturelle et pas uniquement caucasienne et blanche. C’est dans ce cadre que fut créé en 1989 le Haut Conseil à l’Intégration, chargé de « donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère ». Cet organisme fut dissout en 2012. Son dernier rapport, intitulé « Bilan sur l’intégration culturelle », retrace le second semestre de 2011 et l’année 2012 entière. Ce rapport nous explique comment se sont passés la prise de conscience et l’acceptation des pouvoirs publics que la population française n’était pas uniquement blanche de peau:

« […] c’est au travers de situations de crise, depuis les premières émeutes à Vénissieux et la Marche pour l’Égalité et contre le Racisme en 1983 jusqu’aux émeutes de 2005, que la France a, tant bien que mal, pris conscience de la diversité de sa population. Envisager une France « multiculturelle » ne s’est pas fait sans passion, et, à l’origine, l’idée était plutôt de lutter contre le racisme ordinaire et les préjugés. » (BRAY, FERHADJIAN, 2012, p.32)

Ces combats des années 1980 ont trouvé écho au sein des pouvoirs publics et notamment en la personne de François Autain. Alors Secrétaire d’État chargé des immigrés, il commanda un premier rapport à Françoise Gaspard, historienne spécialiste de l’histoire et de sociologie des migrations. Celui-ci, intitulé L’information et l’expression culturelle des communautés immigrées en France, bilan et propositions fut publié en 1982. Le Haut Conseil à l’Intégration le distingue comme l’étude où « apparaît pour la première fois l’expression « échanges interculturels » ». Selon Maxime Cervulle, professeur de sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-XVIII et membre du Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation (CEMTI), ce rapport fut « le premier […] rendu public à ce sujet » (CERVULLE, 2013, p.105).

Ce dernier explique dans le chapitre quatre de son ouvrage Dans le blanc des yeux, diversité, racisme et médias que jusque dans les années 1990, ces politiques publiques se limitaient aux populations immigrées en France : la façon dont elles étaient représentées à la télévision française et quel(s) type(s) d’audience(s) elles constituaient.

Selon lui, un tournant s’est opéré à partir de la fin des années 1990 ; les politiques publiques ont commencé à penser la population française comme non seulement multiculturelle, mais aussi comme pouvant être d’autre couleur que blanche sans pour autant être d’origine étrangère. Selon lui, le changement se repère dans le vocabulaire utilisé par les pouvoirs publics et les chercheurs : « [Jusque dans les années 1980, le] lexique de travail s’articule autour des notions d’ « immigration » et d’ « intégration », là où à partir de la fin des années 1990, les mots-clés « diversité » et « minorité visible » prendront essentiellement le relais  . » Ce changement en entraîne d’autres, comme l’apparition d’études sur les « minorités ethniques » et notamment leur représentation à la télévision française :

« La première étude quantitative portant sur la représentation des « minorités ethniques » à la télévision française sera présentée en 1991. Cette étude réalisée par le Centre d’informations et d’études sur les migrations internationales (Ciemi) s’écarte de l’analyse exclusive des émissions visant les publics immigrés pour interroger les programmes d’information, de fiction et de divertissement à destination du grand public. » (CERVULLE, 2009, p.106)

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Table des matières

INTRODUCTION
HYPOTHÈSE I : LES CHAÎNES DE TÉLÉVISION FRANÇAISES ONT DU MAL À REPRÉSENTER LA DIVERSITÉ À L’ÉCRAN.
1. Qu’est-ce que la télévision est-elle censée représenter à l’écran ?
a) Analyse sémiologique des slogans de chaînes hertziennes historiques : le cas de TF1, France 3 et M6.
b) Histoire de la notion de « diversité » dans les politiques publiques en France
2) Les régulations qui encadrent les médias français aujourd’hui
a) La régulation des médias par l’Union Européenne : la directive SMA.
b) La régulation des médias audiovisuels par le gouvernement français : le CSA
3. La représentation de la diversité d’ « origine perçue » à l’écran : une problématique alarmante qui persiste
HYPOTHÈSE II : LA CHAÎNE BET FRANCE : REVENDICATION MILITANTE D’UNE NORMALITÉ
1. BET TV : histoire de la chaîne aux États-Unis et en France
a) L’histoire de BET aux États-Unis d’Amérique
b) L’histoire de BET en France
2. BET France, chaîne à visée communautaire ? Étude de cas de la série Being Mary Jane.
3. BET est-elle adaptée au public français ? Étude de cas de BET Buzz
HYPOTHÈSE III : AU-DELÀ D’UN MANQUE DE VOLONTÉ DES DIFFUSEURS, LE MANQUE DE DIVERSITÉ À L’ÉCRAN PREND RACINE DANS LES IDÉAUX RÉPUBLICAINS FRANÇAIS
1. Télévision segmentante, médias communautaires et politiques de quotas : la solution pour plus de diversité « d’origines perçues » en France ?
a) Les chaînes segmentantes sont-elles l’avenir de la diversité à la télévision française ?
b) Un manque de volonté des chaînes en partie liées à des considérations économiques
c) Le CSA devrait-il imposer une politique des quotas ?
2. Un manque de pouvoir coercitif du CSA lié aux valeurs républicaines du gouvernement français
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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