Qu’est-ce que la socialisation professionnelle ?

Qu’est-ce que la socialisation professionnelle ? 

Entrer dans un nouveau métier entraine pour tout individu un processus de construction, voire de re-construction (Darmon, 2006) . Ce dernier va en effet être confronté à de nouvelles normes et valeurs propres au champ professionnel qui s’ouvre à lui.

La socialisation professionnelle est, au même titre que la socialisation conjugale ou politique, un processus qui intervient à la suite d’une (ou plusieurs) socialisations primaires. L’apprentissage de nouvelles normes et valeurs professionnelles doit donc être analysé à la lumière des dispositions individuelles précédemment incorporées par les individus. Cette analyse peut également être mise en perspective avec des dispositions intégrées lors de socialisations professionnelles passées dans le cas d’une reconversion professionnelle d’un individu (Denave, 2015) .

Questionner la socialisation professionnelle revient à se demander, comment devient-on médecin, footballeur, coiffeuse, ou encore enseignant(e) ? De nombreux travaux sociologiques ont mis en évidence les processus au cours desquels les individus sont formés, voire transformés, lors de l’entrée dans leur nouveau métier. Les métiers de l’automobile et de la coiffure entrainent par exemple une véritable transformation corporelle chez les nouveaux entrants, leur corps étant majoritairement sollicité lors de l’exercice de leur activité : « Le corps des apprenti(es) en CAP devient un corps-outil, qui doit être endurant face à la pénibilité du travail, mais aussi être réparé et protégé pour tenir » (Denave et Renard, 2019, p.82) . Cette transformation corporelle s’accompagne d’une transmission de normes de genre associées à ces métiers socialement considérés comme « non-mixtes » : « Leur transformation corporelle visible est distincte : les corps des apprentis des métiers de l’automobile sont sculptés par le travail ; les coiffeuses apprennent à apprêter leur corps.» (Denave et Renard, 2019, p.82) .

Analyser le processus de socialisation professionnelle nécessite également de se demander, à quel(s) moment(s) apprend-on à devenir médecin, footballeur, coiffeuse ou enseignant(e) ? Cette seconde question est importante puisqu’elle peut amener à des réponses multiples selon les métiers. Dans son ouvrage La fabrique des footballeurs (2012), le sociologue J.Bertrand met en évidence le caractère précoce de la construction des aspirations professionnelles chez les footballeurs professionnels. En effet, l’instance familiale joue un rôle premier et central dans la socialisation des jeunes footballeurs (J.Bertrand, 2011) , ce qui illustre la nécessité de mettre en perspective les dispositions acquises lors de la socialisation primaire pour analyser le processus de socialisation professionnelle.

L’apprentissage des normes et valeurs professionnelles peut aussi trouver son origine lors du parcours scolaire des individus. Le métier d’enseignant(e) peut ainsi s’inscrire dans cette seconde perspective, les enseignant(e)s du second degré se dirigeant majoritairement vers cette profession en raison d’un attachement à leur discipline d’origine (Deauvieau, 2009)  . L’apprentissage des dispositions spécifiques à un champ professionnel peut enfin se dérouler dans le cadre même de l’exercice du métier, au sein d’espaces plus ou moins informels. Ainsi, l’enquête de A.Jeanjean (2004) auprès des employés au Service des Egouts de Montpellier montre l’importance des lieux informels comme les cafés pour l’acquisition de connaissances implicites pour réaliser le métier, au-delà des règles ou savoirs techniques. De plus, opérer une distinction entre ce qui est appris au sein de l’espace scolaire (formation initiale) et au sein de l’espace d’exercice du métier, n’est pas toujours réalisable. L’entrée dans de nombreuses professions s’opère selon un système d’alternance, où la formation scolaire se situe en parallèle d’une entrée progressive dans le métier. L’étude de Denave et Renard (2019) sur des jeunes préparant un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) par apprentissage dans les métiers de l’automobile et de la coiffure, montre la complexité occasionnée par cette forme organisationnelle (alternance formation scolaire et sur le lieu de travail). En effet, étudier la manière dont les dispositions professionnelles s’acquièrent nécessite ainsi de distinguer la contribution des différentes instances qui participent à ce processus.

Le métier d’enseignant(e) est également concerné par cette particularité. La création des IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) en 1990 a eu pour conséquence la mise en place d’une nouvelle formation pour celles et ceux qui souhaitaient se diriger vers le métier, associant ainsi à une formation théorique (formation au sein des IUFM à la suite de la réussite au concours d’entrée dans l’enseignement), une formation pratique (stage en responsabilité). Cette organisation duale s’est perpétuée depuis, malgré les différentes réformes comme la masterisation de la formation au tournant des années 2009-2010, la suppression des IUFM au profit des ESPE (Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation) à la rentrée 2013, et plus récemment la création des INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation) pour la rentrée 2019. Une nouvelle réforme de la formation enseignante doit par ailleurs entrer en vigueur à la rentrée 2021. Cette dernière n’est pas négligeable puisqu’elle repousse la passation du concours à la deuxième année de master, et entraine la perte du statut de fonctionnaire stagiaire pour les lauréats de ce dernier. Ce contexte de réforme de la formation enseignante ajoute donc un enjeu à notre travail puisqu’il permettra de dresser un bilan des points positifs et négatifs de la formation telle que nous la connaissons aujourd’hui, à la veille de l’application d’une réforme de grande envergure.

Présentation de la question de recherche

Par notre propos, nous avons pu démontrer que la thématique de la socialisation professionnelle est associée à une multitude de questionnements, qui peuvent s’entremêler. Notre recherche aura pour but de répondre à l’un d’eux. Notre questionnement est apparu à la suite d’une situation vécue lors de la pré-rentrée des enseignant(e)s à la rentrée scolaire de 2020. Lors de cette réunion de rentrée nous avons pu rencontrer une collègue stagiaire de Lettres, qui a obtenu le concours à la suite d’une reconversion professionnelle et n’a pas suivi la première année du master MEEF (stagiaire « FAS », qui dispose déjà d’un master autre que le master MEEF). Cette dernière nous a alors indiqué être perdue et paniquée à l’idée de faire sa rentrée, ses mots nous ont interpellé : « Mais je n’ai pas fait le master MEEF moi, je ne sais pas comment construire mes cours » (Emma, stagiaire FAS Lettres, Angers). Cette situation nous a amené à nous interroger sur le rôle de l’institut de formation – l’INSPE- au sein de la socialisation professionnelle des nouveaux enseignants. En effet, au travers de nos lectures nous avons pu constater que ce dernier est majoritairement critiqué par les stagiaires (P.Périer, 2014) . Pourtant, notre collègue semblait faire correspondre ses difficultés au fait qu’elle n’ait pas suivi de première année au sein de l’institution. Quel est donc le rôle joué par l’institution dans le processus d’entrée dans le métier d’enseignant ? D’autres instances interviennent-elles dans ce processus ? Notre travail aura pour but de répondre à une problématique finale : quels acteurs participent au processus de socialisation professionnelle des nouveaux enseignants du second degré ?

Prendre en compte la socialisation primaire pour rendre compte des dispositions socio-scolaires des stagiaires

L’influence familiale dans le choix du métier

Ce premier point visera à dresser et étudier le portrait social de nos enquêtés : quelle est l’origine sociale des nouveaux enseignants du second degré ? Ce portrait social sera mis en perspective avec certains travaux sociologiques pour étudier la représentativité de notre échantillon d’enquête. Par la suite, nous chercherons à infirmer ou confirmer l’une de nos hypothèses formulées précédemment : la famille, en tant qu’instance de socialisation primaire, joue un rôle dans la socialisation professionnelle des nouveaux enseignants en transmettant certaines dispositions sociales.

Situer socialement notre population enquêtée est en effet nécessaire pour le déroulement de notre analyse. Les différents travaux du sociologue P.Bourdieu  ont pu mettre en avant l’influence du milieu social sur les choix et pratiques des individus. Le milieu social auquel appartient un individu a des répercussions sur ses façons de voir, penser et d’agir, il nous est donc essentiel de nous pencher sur les origines sociales des jeunes enseignants enquêtés pour tenter d’expliquer ou comprendre les résultats de notre enquête.

Le professorat a longtemps constitué une porte d’accès à l’ascension sociale, en particulier pour les enfants issus de groupes sociaux menacés par l’évolution économique (phénomène de tertiarisation de l’économie au cours du XXème siècle qui entraine une forte baisse de l’emploi dans certains secteurs comme l’agriculture ou l’industrie). Dans son enquête sur les « mondes enseignants » , G.Farges met en avant l’évolution des origines sociales des enseignants du premier et second degré depuis le milieu du XXème siècle. Les résultats de son enquête démontrent une élévation de l’origine sociale des enseignants, en particulier chez les enseignants du premier degré. Cette élévation peut s’expliquer par différents éléments, notamment l’élévation du niveau d’étude et la sélectivité du concours nécessaires à l’entrée dans le métier. Les incertitudes grandissantes liées au marché du travail depuis les années soixante-dix peuvent également expliquer cette tendance des enfants de milieux moyens, voire favorisés, à se diriger vers la fonction publique pour s’assurer une stabilité de l’emploi et ne pas risquer le déclassement social .

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Table des matières

I- Introduction
A- Qu’est-ce que la socialisation professionnelle ?
B- Présentation de la question de recherche
C- Présentation des modalités de l’enquête
II- Prendre en compte la socialisation primaire pour rendre compte des dispositions socio-scolaires des stagiaires
A- L’influence familiale dans le choix du métier
B- Parcours scolaires et socialisation intellectuelle au métier
III- L’influence de l’institut de formation
A- Une formation inadaptée et déconnectée
1- Des attentes non satisfaites
2- Des difficultés liées au temps
B- Une construction identitaire limitée
C- Une ressource importante : le rapport aux pairs
IV- L’influence de l’établissement d’affectation
A- Les sociabilités au sein de l’établissement : une ressource pour l’enseignantstagiaire ?
1- L’insertion dans l’établissement
2- Un travail en équipe à relativiser
B- La socialisation à l’engagement collectif
V- CONCLUSION GENERALE
VI- BIBLIOGRAPHIE
VII- Annexes

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