La compréhension
Qu’est-ce que la compréhension en lecture ?
La compréhension peut être définie comme la « faculté de comprendre, de percevoir par l’esprit, par le raisonnement » (Le Robert) ou encore comme « l’action de comprendre le sens, le fonctionnement, la nature, etc., de quelque chose » (Larousse). D’après ces deux définitions, la compréhension en lecture serait fondée sur une interaction entre le sujet et son objet de compréhension : ici le texte. L’interaction entre ces deux composantes, sujet et texte, est explicitée en 2004 par Golder et Gaonac’h. Les auteurs indiquent que ces deux composantes peuvent varier, d’un point de vue de la forme et du contenu pour le texte, et d’un point de vue des connaissances et des opérations cognitives pour le sujet. Ces variations expliquent les différents niveaux de compréhension que différentes personnes peuvent atteindre devant un même texte.
Le modèle interactif de compréhension en lecture
Le modèle de Giasson et Vandecasteele (2012) ajoute une troisième composante aux deux composantes traditionnelles des modèles de compréhension en lecture qui est le contexte. De ce fait, ce modèle prend en compte trois variables : le lecteur, le texte et le contexte, la lecture étant conçue comme le résultat d’une interaction entre ces trois variables. Les deux premières composantes sont comparables à la définition donnée par Golder et Gaonac’h (2004). La composante lecteur représente les caractéristiques individuelles qui influencent la compréhension, on distingue les structures qui correspondent aux connaissances du sujet, ainsi que les processus, c’est-à-dire les processus cognitifs mis en œuvre par le lecteur. Dans la composante texte, on retrouve la forme (son genre, son style, son thème) et le contenu (ce que l’auteur transmet) évoqués par les auteurs et auxquels s’ajoute l’intention de l’auteur qui va définir la forme et le contenu. La dernière composante, ajoutée au modèle traditionnel, est le contexte qui renvoie à l’ensemble des conditions présentes lorsque le lecteur entre en contact avec le texte. On distingue principalement le contexte psychologique qui correspond aux motivations du sujet à lire et à comprendre le texte, le contexte social qui représente les interactions entre l’enseignant(e) et les élèves par rapport au texte et le contexte physique qui fait référence aux modalités de mise en œuvre de la lecture (voix haute ou silencieuse). Le contexte va définir la qualité d’accès à la compréhension du texte.
De par leur interaction, ces trois composantes participent conjointement à la construction du sens qui permet la compréhension du texte. Plus elles sont en adéquation étroite, meilleure sera la compréhension en lecture.
Les processus de lecture
Comme nous avons pu voir, les processus de lecture font référence aux opérations cognitives réalisées par le lecteur. Il existe plusieurs processus, c’est àdire plusieurs opérations cognitives mises en jeu dans la compréhension en lecture. Elles n’interviennent pas de manière indépendante, les unes à la suite des autres, mais de manière simultanée et interdépendante pour arriver à une construction du sens cognitif, imaginatif et émotionnel.
La classification d’Irwin (1986, 1991, 2007) reprise par Giasson et Vandecasteele en 2012, propose une classification de 5 types de processus.
Les microprocessus
Les microprocessus permettent le traitement du texte phrase par phrase, ce qui permet de comprendre l’information contenue dans une phrase. Les microprocessus intègrent la capacité à reconnaître les mots, à lire par groupe de mots et à utiliser les indices syntaxiques afin de relier par le sens les éléments d’une phrase (micro-sélection).
Les processus d’intégration
Les processus d’intégration servent à effectuer des liens entre les propositions ou les phrases à l’aide de connecteurs et d’anaphores.
Les macroprocessus
Ils permettent au lecteur d’avoir une compréhension synthétique et cohérente de l’ensemble du texte. Il s’établit par l’identification des idées principales et se base sur la structure du support.
Les processus d’élaboration
Les processus d’élaboration permettent au lecteur de dépasser le texte en effectuant des mises en lien et en émettant des hypothèses à partir du texte et d’établir des liens avec son imagination, ses connaissances et son vécu.
Les processus métacognitifs
Les processus métacognitifs gèrent toute la procédure de compréhension à partir des pratiques et des connaissances du sujet, ce qui permet au lecteur de s’adapter et de s’ajuster au texte et à la situation. Ils permettent d’élaborer des stratégies pour remédier aux pertes de compréhension. Giasson et Vandecasteele (2012) mettent donc en évidence le fait que le lecteur est actif et que le sens est élaboré par une construction personnelle. La signification n’est pas donnée seulement par les seuls mots du texte, mais elle est progressivement élaborée par le lecteur à partir du texte et de ses propres connaissances. Ainsi, comme le disent Gombert et Fayol (1995), les données du texte varient autant en fonction des connaissances et des stratégies du lecteur qu’en fonction de l’information donnée.
Les compétences requises pour comprendre un texte écrit
D’après la conférence de consensus menée par Cèbe en 2016, pour garantir une compréhension auto-régulée d’un texte écrit un certain nombre de compétences sont requises. Cette compréhension auto-régulée constitue l’un des objectifs principaux à atteindre en école primaire.
Pour atteindre une compréhension auto-régulée d’un texte, il est nécessaire d’avoir des compétences de décodage (automatisation des procédures d’identification des mots écrits), des compétences lexicales et syntaxiques (énonciation, ponctuation, cohésion, genre textuel, etc.), des compétences narratives en réception pour se fabriquer une représentation mentale et en production pour faire du rappel de récit voire un travail inférentiel (connaissances « sur le monde », connaissances encyclopédiques sur les univers des textes, compréhension des états mentaux des personnages, …) et des compétences stratégiques (régulation, contrôle et auto-évaluation de l’élève sur sa propre activité de lecture).
Les obstacles rencontrés pour accéder à la compréhension
En compréhension de texte, on peut constater que les différences d’efficience entre les élèves de milieux sociaux contrastés sont très fortes du fait de la nature de l’activité de lecture qui exige la coordination d’un ensemble complexe de compétences, toutes potentiellement à la source des difficultés (Cèbe et Goigoux, 2015). Selon Kendeou et Van den Broeck (2007), ce sont les élèves possédants peu de vocabulaire et de connaissance du monde qui ont le plus de difficultés à comprendre et à mémoriser des textes, nous allons donc nous intéresser à ces deux principales sources de difficultés.
Lexique et compréhension
« Quand les enseignants doivent se prononcer sur les causes principales des difficultés de leurs élèves, c’est le vocabulaire qu’ils mentionnent en premier. » (Cèbe et Goigoux, 2015, p.120). Effectivement, l’identification de mots suppose d’accéder au lexique mental relié à chaque mot. Cette importance du lexique est mise en évidence par les données issues de la recherche qui montrent que le lexique joue un rôle fondamental dans la lecture et la compréhension (Perfetti et Hart, 2001 ; Perfetti, 2010, cités par de La Haye, et Bonneton-Botté, 2010). La connaissance des mots et de leur sens conditionne la construction de la représentation mentale des situations décrites par les textes (de La Haye et Bonneton-Botté, 2010). De ce fait, plus l’étendue de connaissances lexicales est dense, plus facile et efficace sera l’acte de relier le mot lu et le sens, et plus facile sera la lecture-compréhension. Le lexique mental concernant l’orthographe s’enrichit par la rencontre avec les mots écrits et rend l’adressage plus automatique. Ainsi, on observe une diminution du coût cognitif pendant la lecture (Morais, 2016, cité par Estienne, 2017). En effet, en 2003, Hirsch a montré qu’au début de leur scolarité les élèves n’étaient pas tous égaux en termes de connaissance de vocabulaire. De ce fait, les élèves ayant un bagage lexical plus développé sont les élèves les plus performants, ces élèves connaissent en moyenne deux fois plus de mots que les élèves faibles et cet écart s’accentue, jusqu’à doubler, tout au long de la scolarité en primaire. Le déficit lexical observé chez de nombreux élèves n’est pas seulement la cause de leurs difficultés de compréhension, il peut aussi en être la conséquence (Anderson et al., 1977 ; Beck et al., 1982 ; Wagner, 2005, cités par Cèbe et Goigoux, 2015). Lorsque les élèves ont du mal à comprendre les textes, ils ne profitent pas de leurs lectures. De surcroît, mal à l’aise, ils lisent moins et ont donc moins d’occasions d’acquérir de nouveaux mots et donc d’enrichir leur vocabulaire (Lane et Allen, 2010 ; Pullen et al., 2010 ; Stahl, 2003 ; Stanovich et Cunningham, 1993 ; Wise et al., 2007, cités par Cèbe et Goigoux, 2015).
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Table des matières
Introduction
1. La compréhension
1.1. Qu’est-ce que la compréhension en lecture ?
1.2. Le modèle interactif de compréhension en lecture
1.3. Les processus de lecture
1.3.1. Les microprocessus
1.3.2. Les processus d’intégration
1.3.3. Les macroprocessus
1.3.4. Les processus d’élaboration
1.3.5. Les processus métacognitifs
1.4. Les compétences requises pour comprendre un texte écrit
1.5. Les obstacles rencontrés pour accéder à la compréhension
1.5.1. Lexique et compréhension
1.5.2. Connaissance du monde et compréhension
2. La compréhension inférentielle
2.1. Qu’est-ce que l’inférence ?
2.2. Les différents types d’inférences
2.2.1. La classification de Johnson et Johnson (1986)
2.2.2. L’échelle des inférences de Cunningham (1987)
2.2.3. La classification de Bianco et Coda (2002)
2.3. Les compétences inférentielles
3. L’album, outil pourtravaillerla compréhension inférentielle
3.1. Qu’est-ce qu’un album de jeunesse ?
3.2. Les enjeux des usages littéraires
3.3. Les stratégies d’enseignement de la compréhension inférentielle
3.3.1. L’importance de la lecture partagée
3.3.2. L’enseignement explicite des stratégies de compréhension inférentielle
3.3.3. Un exemple de support : Lectorino & Lectorinette et Lector & Lectrix
3.3.4. La place du jeu dans les apprentissages
4. Problématique
5. Méthodologie
5.1. Sujets
5.2. Déroulement
5.2.1. Evaluation diagnostique
5.2.2. Construction et mise en place d’une séquence
5.2.3. Inférences retenues et supports des séances 2 et 3
5.2.4. Mise en place d’un jeu
5.2.5. Evaluation sommative
5.3. Méthode d’analyse des résultats
6. Présentation des résultats
6.1. Comparaison des résultats entre les deux évaluations
6.1.1. L’évaluation diagnostique (séance 1)
6.1.2. L’évaluation sommative (Séance 4)
6.1.3. Comparaison des résultats entre les deux évaluations
6.2. Le rôle de l’image dans la compréhension inférentielle lors des séances 2 et 3
6.2.1. Le rôle de l’image pour le groupe classe
6.2.2. Le rôle de l’image en fonction du groupe de niveau
6.3. La détection d’indices dans la procédure de compréhension inférentielle
6.3.1. La détection d’indices pour le groupe classe
6.3.2. La détection d’indices en fonction du groupe de niveau
7. Discussion
7.1. Rappel
7.2. Validation des hypothèses
7.2.1. L’importance des profils d’élèves
7.2.2. Le rôle de l’image
7.2.3. La stratégie de mise en évidence des indices
7.3. Points positifs
7.4. Limites
7.5. Perspectives
Conclusion
Bibliographie
Annexes