Contexte actuel des soins primaires
Les soins de santé primaires sont devenus le concept de base pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), à la suite de la Déclaration d’Alma-Ata du 12 septembre 1978, qui donnait naissance, entre autres, au concept de la santé pour toutes et tous.
En France, les soins primaires sont en mutation depuis plus de dix ans, afin de répondre aux enjeux de santé publique. L’amélioration de leur organisation a pour but de maintenir une offre de soins sur tout le territoire, notamment pour les populations vieillissantes, malgré une baisse de la densité médicale, principalement en zone rurale.
Selon le scénario élaboré par la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES), à comportement constant, le nombre de médecins actifs se réduirait jusqu’en 2020, et la densité médicale serait durablement inférieure à son niveau actuel. La profession rajeunirait et se féminiserait progressivement. L’évolution des effectifs des professionnels de différentes spécialités serait très contrastée en fonction des régions.
Au milieu des années quatre-vingt, 25% des médecins étaient des femmes. Cette proportion a fortement progressé. Actuellement, les femmes représentent 39% du corps médical. Le taux de féminisation atteindrait 54% en 2030. Par ailleurs, à partir de 2025, la population médicale serait majoritairement composée de médecins de moins de 45 ans, après les départs massifs à la retraite des plus âgés .
Les patients multi-morbides et les situations de soins complexes
Le vieillissement de la population est corrélé à une augmentation du nombre de patients poly-pathologiques . L’adaptation de notre système de santé et des pratiques professionnelles sanitaires et sociales apparaît comme un enjeu majeur en termes de financement et de santé publique.
En soins primaires, ces patients fragiles et complexes ont une prévalence importante . Ils ont un taux de consultations et de visites à domicile supérieur à celui des autres patients .
Dans ce contexte, les concepts de « comorbidité », puis de « multi-morbidité » sont développés. En 2008, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait défini les patients multi-morbides comme étant ceux présentant au moins deux conditions médicales chroniques .
En 2015, un groupe de chercheurs de l’European General Practitioners Research Network (EGPRN), dirigé par le Professeur Jean-Yves Le Reste, en avait établi une définition plus précise : « la multi-morbidité est définie comme toute combinaison d’une maladie chronique avec au moins une autre maladie (aiguë ou chronique), ou un facteur biopsychosocial (associé ou non) ou un facteur de risque somatique. Les effets de la multi-morbidité peuvent être modifiés par tout facteur biopsychosocial, tout facteur de risque somatique, le réseau social, le poids des maladies, la consommation de soins de santé et les stratégies adaptatives du patient. La multi-morbidité peut modifier les résultats de santé et mener à une augmentation du handicap ou à une diminution de la qualité de vie ou à la fragilité » .
Maisons médicales pluri-professionnelles ou Groupe d’Exercice Coordonné
L’article L1411-11-1 du code de santé publique définit l’équipe de soins primaires et précise que la maison de santé pluri-professionnelle en constitue une forme aboutie. Dans son article L6323-3, le code précise que la maison de santé pluri-professionnelle est une personne morale, constituée entre des professionnels de santé médicaux, paramédicaux ou pharmaciens qui assurent des activités de soins de premier recours, sans hébergement et, le cas échéant, de second recours ; ils peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention, d’éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre d’un projet de santé.
Pour répondre au challenge de la prise en charge des patients complexes, l’organisation des soins primaires est devenue un enjeu prioritaire de santé dans notre pays. L’exercice coordonné semblait être la stratégie privilégiée par les différents gouvernements pour répondre aux besoins de santé de la population.
Deux lois avaient permis de mettre en œuvre la nouvelle organisation des soins primaires. D’une part, celle sur le financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007, qui avait autorisé la création de maisons de santé pluri-professionnelles. D’autre part, la loi «Hôpital, Patients, Santé, Territoire » du 21 juillet 2009 avait inscrit les maisons de santé comme forme d’exercice rénové, centrées sur la coordination des professionnels, dans le cadre d’un projet de santé.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a, par ailleurs, précisé les caractéristiques du travail au sein de ces structures : « les maisons de santé, pôles de santé et centres de santé, offrent aux professionnels un exercice coordonné, dans l’objectif de garantir aux patients un accès équivalent, sur tout le territoire, à la prévention programmée et à des soins de qualité» et « organisent un regroupement de professionnels exerçant en ambulatoire, sur un projet de santé commun, en assurant la continuité des soins ».
L’incitation au regroupement des médecins libéraux imposait de modifier le dispositif pour passer du principe de la relation d’un patient avec son médecin traitant, à celle du patient avec sa structure traitante, incluant les autres médecins et professionnels de santé du groupe dans le parcours de soins.
En 2018, le gouvernement a réaffirmé cette volonté, en décidant de faire de l’accès territorial aux soins une priorité de santé. L’objectif fixé était de doubler le nombre de maisons de santé pluri-professionnelles dans les cinq prochaines années.
Evaluation de la qualité des soins primaires
La satisfaction des patients est l’une des dimensions incontournables à prendre en compte pour évaluer la qualité des soins dans les hôpitaux et les cliniques .
Les soins primaires, ou soins de premiers recours, ont été définis en 1978 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), comme étant des soins de santé essentiels, et universellement accessibles à tous. Ils sont le premier niveau de contact de la population avec le système de santé, afin de rapprocher le plus possible les soins de premier recours des lieux de vie et de travail. Ils visent à résoudre les principaux problèmes de santé de la population, en assurant les services de promotion de la santé, de prévention, de soins et de réadaptation nécessaires à cet effet.
En France, les soins primaires ont évolué. Depuis 10 ans, leur organisation a amorcé, avec l’appui des autorités sanitaires, une mutation favorisant la coopération entre professionnels de santé, notamment par une incitation financière à l’installation en groupe pluri-professionnel, dans une zone éligible d’après par le plan de démographie médicale établi en 2007 et par la définition et la création de maisons et pôles de santé pluridisciplinaires. Il n’existait pas de label certifiant la qualité de ces structures. Cependant, ces dernières devaient répondre à un cahier des charges, établi par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS), pour bénéficier d’un financement public. Elles avaient obligation d’offrir une meilleure répartition géographique des médecins sur le territoire concerné, d’améliorer les pratiques professionnelles, d’organiser la continuité des soins, de mettre en place un partenariat entre professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux et, enfin, de développer la formation à ce nouveau mode d’exercice, notamment celle des jeunes professionnels.
Dans ce contexte de mutation du système de santé et de recherche d’amélioration de la prise en charge des patients complexes, l’évaluation de la qualité des soins primaires était un enjeu primordial. Jusqu’ici, peu de travaux avaient été menés en France concernant l’influence des GECO sur la qualité des soins prodigués aux patients. De plus, dans les échelles existantes, les indicateurs d’évaluation des soins primaires par les usagers manquaient de validité et n’exploraient pas, de façon satisfaisante, les dimensions spécifiques de l’exercice coordonné .
Les regroupements pluri-professionnels mettaient également en lumière certains points négatifs, du point de vue des professionnels, dans la prise en charge des patients multi-morbides
Sur certains points, les professionnels de santé n’étaient pas unanimes. D’après ce qu’ils avaient pu entendre de la part des patients, certaines dimensions citées pouvaient être un frein dans la qualité des soins. Il en était ainsi pour :
le choix du professionnel : Ce choix est libre, mais il pouvait être limité dans les regroupements. Certains patients se sentaient contraints de rester avec un professionnel, n’osant pas ou pensant ne pas avoir le droit d’en choisir un autre dans la même structure.
le secret professionnel : Il pouvait ne pas être respecté, du fait de la collaboration interprofessionnelle et du partage d’informations.
le manque de communication : Au sein des maisons et pôles de santé pluri-professionnels, le manque de communication pouvait devenir un frein à la coordination des soins. A défaut, les échanges informels étaient tout de même mis en avant dans la plupart des pôles.
le risque de virtualisation des relations : De plus, du fait de l’émergence d’outils d’échanges virtuels, le risque de virtualisation des relations entre les professionnels était relevé. Les professionnels parlaient de maintenir aussi une communication en face à face, pour conserver le côté humain. Disponibilité et soins à domicile : Concernant la notion de disponibilité, les patients pouvaient regretter le peu de créneaux dédiés aux soins à domicile, notamment de la part des médecins généralistes et des kinésithérapeutes. Pourtant identifiées comme importantes par les professionnels, les visites à domicile étaient réalisées en moindre nombre, principalement par manque de temps. Dans ce contexte, la coordination entre professionnels et la complémentarité des compétences avaient un rôle primordial. Par exemple, les passages à domicile des infirmier(e)s permettaient l’anticipation de problèmes sociaux, cliniques ou de perte d’autonomie, grâce à la vigilance collective.
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Table des matières
I.INTRODUCTION
1. Contexte actuel des soins primaires
2. Les patients multi-morbides et les situations de soins complexes
3. Maisons médicales pluri-professionnelles ou Groupe d’Exercice Coordonné
4. Evaluation de la qualité des soins primaires
5. Thèse Qualsoprim
6. Place du sujet de la thèse
II.MATERIEL ET METHODE
1. Choix de l’échantillon
2. Recueil des données
3. Analyse des données
III.RESULTATS
1. Accessibilité et accueil
A. Accessibilité physique
B. Accessibilité géographique
C. Accueil physique
D. Structure adaptée
E. Accès au spécialiste
F. Accessibilité pluri professionnelle
G. Consultation conjointe
H. Accessibilité financière
2. Disponibilité
A. Gestion de l’urgence
a) Soins non programmés
b) Créneaux de consultations d’urgence
c) Permanence téléphonique médicale
d) Secrétariat
B. Consultations sur rendez-vous
a) Ponctualité
b) Diminution du temps d’attente
c) Modification des habitudes des patients
C. Rapidité de prise en charge
D. Flexibilité / Adaptabilité
a) Temps de consultation
b) Emploi du temps / Disponibilité
E. Soins à domicile
3. Continuité des soins
A.Partage d’information
a) Dossier médical informatisé
b) Messagerie sécurisée pour échanges extérieurs
c) Secrétariat
d) Cahier de transmission
e) Aides informatiques
B. Permanence des soins
a) Médecins remplaçants
b) Gardes et astreintes
4. Des soins coordonnés
A.Travail collaboratif
a) Structure de travail commune
b) Conséquences pour les patients
B. Homogénéité du discours
C. Protocole de soins
D. Amélioration de la prévention
a) Vigilance collective
b) Anticipation des dégradations
c) Appuis extérieurs
E. Simplification du parcours de soins
F. Réunions pluridisciplinaires
a) Echanges sur les difficultés rencontrées
b) Prise en charge globale du patient
c) Remise en question de la prise en charge
G. Rôle des secrétaires
H. Orientation pertinente du patient dans son parcours de soins
I. Relations interprofessionnelles
a) Ambiance saine
b) Communication facilitée
c) Stimulation interprofessionnelle
d) Soutien / Entraide
e) Absence de hiérarchie
f) Réassurance
5. Relation professionnel-patient
A. Relation de confiance / Rôle de confident
B. Secret professionnel
C. Temps d’écoute
D. Prise en charge centrée sur le patient
E. Patient acteur de sa santé / Education thérapeutique
F. Information du patient
G. Choix du professionnel de santé
H. Approche de communications différentes
I. Structure impersonnelle
J. Structure commune rassurante
K. Echange d’informations : ressenti du patient
L. Rôle du secrétariat
6. Offre de soins techniques
A. Diversité de l’offre de soins
B. Efficacité
a) Complémentarité des compétences interprofessionnelles
b) Diminution du recours au service d’urgences
c) Ressources matérielles pour la gestion de l’urgence
d) Maintien à domicile
C. Précision / Compétences
a) Respect des recommandations
b) Diagnostic rapide
7. Aidants reconnus / Entourage
A. Confiance des aidants dans l’équipe de soins
B. Implication des aidants
a) Evaluation de l’implication des aidants
b) Intégration de l’aidant dans le projet de soins
c) Rôle de l’aidant dans le maintien à domicile
C. Réassurance des aidants / Soutien
D. Information des aidants
IV.DISCUSSION
1. Synthèse des résultats
A. Les sept dimensions du soin, dans les regroupements de professionnels de santé, améliorant, de leur point de vue, la prise en charge des patients complexes
B. Les regroupements pluri-professionnels ont également mis en lumière certains points négatifs, du point de vue des professionnels, dans la prise en charge des patients multi-morbides
2. Caractéristiques des professionnels
3. Comparaison aux données de la littérature
4. Comparaison aux dimensions de la qualité des soins mises en évidence chez les patients et leurs aidants
5. Eléments de validité
A. Validité externe
B. Validité interne
V.CONCLUSION
VI.BIBLIOGRAPHIE
VII.ANNEXES
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