Quels polymères stimulables pour des micro-vannes ?

La microfluidique est la science de la manipulation des fluides à l’échelle micrométrique. A cette échelle, les effets inertiels deviennent généralement négligeables, tandis que les effets de la viscosité et de la tension de surface deviennent importants. Les forces inertielles étant négligeables, il n’y a plus d’instabilités hydrodynamiques, ni de turbulence. Il devient possible d’exercer un contrôle très fin sur les écoulements.

La microfluidique trouve de nombreuses applications dans des domaines comme la biologie et les analyses médicales [1, 2]. Le principal avantage de la microfluidique est la réduction des volumes d’analytes et de réactifs, avec pour conséquences une diminution des coûts et une amélioration des performances par rapport aux méthodes classiques. En outre, les tests peuvent être parallélisés et automatisés, et plusieurs processus peuvent être intégrés sur une même puce microfluidique. Ces « Laboratoires sur Puces » ou Lab-on-a-Chip (LOC) sont, aujourd’hui, des dispositifs qui comprennent plusieurs fonctionnalités intégrées [3] : des systèmes d’injection des analytes ou de solutions tampons, des systèmes de triage de particules ou d’espèces chimiques, des systèmes d’analyses… Pour accomplir toutes ces fonctions un LOC nécessite de nombreux éléments tels que des actionneurs (pompes et micro-vannes, mélangeurs) ou des capteurs divers (pH-mètre, thermomètre, conductimètre, spectromètre…).

Afin de rendre la microfluidique plus accessible, tous ces éléments doivent être miniaturisés tout en gardant des performances suffisantes et un coût de fabrication et de fonctionnement faible. Dans ce contexte, disposer d’actionneurs performants et peu coûteux représente un atout. Réaliser de tels actionneurs est l’objectif essentiel de cette thèse. A l’heure actuelle, les vannes à actuation pneumatique sont très largement utilisées dans les laboratoires-sur-puces. Par exemple, la société Fluidigm (500 M$) commercialise des plateformes microfluidiques, exploitant cette technologie, pour réaliser des analyses génomiques ou des manipulations sur des cellules uniques. Grâce à la bonne fiabilité des vannes à activation pneumatique ces plateformes sont très performantes. Les vannes à activation pneumatique ont, été largement exploitées pour développer des laboratoires sur puces pour la recherche. Il existe cependant une vraie demande pour des laboratoires sur puces à très faibles coûts et dont le contrôle serait simplifié (voire même utilisables partout). Ces LOC pourraient avoir un impact très bénéfique dans des domaines comme l’analyse médicale. L’objectif de ce travail de thèse est donc de développer une technologie de micro-vanne facile à intégrer dans un LOC, économique, mais aussi facilement activable.

Vannes en microfluidique

Le développement des LOC et des systèmes d’analyses miniature (Micro Total Analysis system, µTAS) est un domaine de recherche actif depuis quelques décennies. Un certain nombre de technologies de contrôle des flux dans des micro-canaux a donc déjà été mis au point. Ces technologies peuvent être classées en deux grandes catégories :
– les micro-vannes à membranes ou à activation mécanique ;
– les micro-vannes à changement de phase.

Micro-vannes à membranes (ou à activation mécanique)

Il existe un grand nombre de types d’actionnements pour les vannes à membranes. Pour toutes ces vannes le principe de fonctionnement est de déformer une des parois du microcanal, formée par une membrane flexible, afin de pincer le canal pour le fermer. La figure 2 ci-après illustre les principaux types d’actionnement des vannes à membranes [6]. L’origine de la force de déplacement de la membrane peut être magnétique (figure 2a), électrique (figure 2b), piézoélectrique (figure 2c), ou thermique (figure 2d-e-f). Chacun de ces types d’actionnement fait l’objet d’une description détaillée, avec leurs avantages et leurs inconvénients .

Vannes à activation magnétique

La première micro-vanne, réalisée par Terry et al. en 1979, est composée d’une membrane en silicone connectée à un solénoïde [7]. Pour diminuer la consommation énergétique de ce type de vannes, elles sont souvent réalisées avec des aimants permanents. Soit ceux-ci sont intégrés à la membrane et le mouvement est contrôlé par des bobines [8]. Soit ils sont fixes et une micro-bobine est intégrée à la membrane. C’est par exemple les vannes réalisées par Meckes et al. [9] à l’aide de micro-bobines en or.

Vannes à activation électrique 

Les vannes à activation électrique sont généralement composées comme suit :
– la membrane flexible constitue la paroi supérieure du micro-canal. Une électrode est intégrée à cette membrane ;
– une seconde électrode faisant face à la première est intégrée sur la face inférieure du canal, c’est-à-dire sur le substrat sur lequel est fabriquée la puce microfluidique. En appliquant une différence de potentiel entre ces deux électrodes les forces électrostatiques permettent de déformer la membrane et de fermer le canal.

Un exemple de réalisation par Chang et Maharbiz est présenté en figure 3 [10]. Les micro-puces sont fabriquées sur un substrat en verre sur lequel une électrode d’ITO est déposée. Les parois du canal sont moulées dans du PDMS et une électrode métallique flexible est intégrée à la paroi supérieure. L’activation de la vanne est obtenue par l’application d’une tension de 15-20V à 5Mhz entre les deux électrodes (figure 3a). Sur la figure 3c, une vue de dessus d’une telle vanne est présentée. Le canal est rempli d’eau colorée. On constate que lors de l’activation l’espace sous l’électrode mobile est totalement effondré et que l’eau a été chassée. Les auteurs ont aussi réalisé des matrices de 7 ou 9 de ces éléments (figure 3b) ce qui permet de reconfigurer les connections entre les différents canaux arrivant sur la matrice ou de réaliser des micro-pompes.

Les vannes que l’on vient de présenter montrent des performances intéressantes. Cependant, l’intégration d’un élément électronique à la membrane flexible implique une micro-fabrication complexe. De plus, elles sont difficilement miniaturisables à une taille inférieure à quelques centaines de microns.

Vannes à activation piézoélectrique

Sous l’effet d’un champ électrique certain cristaux peuvent se déformer ou produire un effort mécanique. Cet effet piézoélectrique génère un faible déplacement mais une force de flexion importante. Les matériaux piézoélectriques peuvent donc être exploités pour réaliser des micro-pompes. Le groupe de Peirs a utilisé cette technologie pour réaliser une micro-vanne intégrée à un endoscope [11]. Le groupe de Waibel a réalisé un stylo dont le réservoir était scellé par une vanne piézoélectrique [12]. L’utilisation en microfluidique de ces vannes reste tout de même faible, car leurs dimensions sont de l’ordre du millimètre et les tensions d’activations élevées .

Vannes à activation thermique

Il existe plusieurs types d’activation thermique :
– bimétallique ;
– thermo-pneumatique ;
– alliages à mémoires de forme.

La vanne à activation dite bimétallique (figure 2d), est faite d’éléments constitués de deux lames de métaux différents. Les métaux sont choisis avec des coefficients de dilatation thermique très différents. Un changement de température va donc mettre les éléments bimétalliques sous contrainte et les déformer. Pour la vanne à activation thermo-pneumatique (figure 2e), la membrane flexible de la vanne est déformée grâce à l’expansion thermique d’un volume de matière enfermé dans une chambre piston. Naito et al. ont utilisé ce type de vannes pour effectuer de l’amplification d’ADN par PCR (Polymerase Chain Reaction) dans des microréacteurs clos (figure 4) [13]. La PCR nécessite d’élever la température à 90°C. Comme schématisé sur la figure 4, à cette température, le volume d’air enfermé dans la chambre piston est suffisamment dilaté pour déformer la membrane la séparant du canal principal et ainsi isoler la chambre de réaction. La montée en température, obligatoire pour réaliser la PCR, est astucieusement exploitée pour fournir l’énergie nécessaire à l’actuation des vannes. De plus, la micro-fabrication est simplifiée car aucun élément électrique intégré n’est à produire.

Pour les vannes à activation avec des alliages à mémoire de forme (figure 2f), ces derniers gardent en mémoire leur forme initiale et y retournent après une déformation. La déformation peut être induite par un changement de température. Il est ainsi possible d’alterner entre une forme contrainte et une forme mémorisée lorsque la température varie autour d’une température critique. Les procédés d’activation thermique apportent une augmentation de la force que peut délivrer la micro-vanne. Simultanément, les courses de déplacement de la membrane sont aussi plus longues. Un autre avantage de la thermo-activation est la simplicité des microstructures nécessaires par rapport aux autres technologies. La fabrication des micropuces est donc plus aisée et moins coûteuse. Les inconvénients de cette technologie sont des temps d’actuation relativement longs et une consommation énergétique importante due aux élévations de température importantes.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 Introduction
1 Vannes en microfluidique
1.1 Micro-vannes à membranes (ou à activation mécanique)
1.1.1 Vannes à activation magnétique
1.1.2 Vannes à activation électrique
1.1.3 Vannes à activation piézoélectrique
1.1.4 Vannes à activation thermique
1.2 Micro-vannes à activation pneumatique
2 Micro-vannes à transition de phases
2.1 Vannes à transition solide/liquide
2.2 Micro-vannes à mémoire de formes
2.3 Micro-vannes basées sur les hydrogels
2.4 Comparaison des micro-vannes
3 Une nouvelle approche pour les vannes à hydrogel
3.1 Principe
3.2 Quels polymères stimulables pour des micro-vannes ?
3.2.1 Cahier des charges microfluidique
3.2.2 Polymères thermo-stimulables
3.2.3 Polyélectrolytes sensibles au pH et au champ électrique
3.3 Etat de l’art sur la synthèse de films minces de polymère
Références
Chapitre 2 Films minces d’hydrogels greffés stimulables
1 Synthèse de films minces d’hydrogels stimulables
1.1 Stratégie de synthèse
1.2 Synthèse des polymères stimulables fonctionnalisés
1.3 Traitement de surfaces pour obtenir les fonctionnalisations thiols
1.3.1 Préparation des surfaces de verre et de silicium
1.3.2 Préparation des surfaces d’or
1.4 Dépôt du film de polymère par spin-coating
1.4.1 Conditions de spin-coating
1.4.2 Fixation de la durée de spin-coating
1.5 Epaisseur des films
1.5.1 Epaisseurs des films secs
1.5.2 Effet de la viscosité sur le spin-coating
2 Propriétés stimulables des films d’hydrogels
2.1 Propriétés thermo-stimulables des gels de pNIPAM
2.2 Variation du taux de réticulation
2.2.1 Influence du temps de réaction
2.2.2 Influence du taux de modification des polymères
2.3 Propriétés pH-sensibles des gels de pAA
2.4 Bilan
3 Synthèse de films d’hydrogel par irradiation UV
3.1 Mise au point du procédé
3.2 Temps d’irradiation
3.3 Réaction thiol-ène : irradiation UV et chauffage thermique ?
3.4 Le cas des polyélectrolytes
3.5 Dépôts localisés : réalisation des masques
3.6 Lithographie laser : une alternative à la réalisation des masques
3.6.1 Principe
3.6.2 Paramètres d’irradiation
Conclusion
Références
Chapitre 3 Actionneurs microfluidiques
1 Gonflement de gel dans un canal microfluidique
1.1 Hydrodynamique à l’échelle microfluidique
1.2 Fabrication de puces microfluidiques en NOA
1.3 Dispositif expérimental
1.4 Intensité de fluorescence
1.4.1 Dépendance de l’intensité avec l’épaisseur libre dans le canal
1.4.2 Calibration
1.5 Gonflement d’un gel
2 Vannes thermo-stimulables
2.1 Fabrication et fonctionnement
2.1.1 Activation de vannes thermosensibles
2.1.2 Durabilité
2.2 Piégeage
2.2.1 Piégeage de fluide dans une micro-chambre
2.2.2 Intégration de 100 vannes sur une micro-puce
2.3 Intégration de vannes à hydrogel dans des puces en PDMS
2.3.1 Fabrication de puces microfluidiques en PDMS
2.3.2 Problèmes de fuites liés à la présence de l’hydrogel
2.3.3 Tenue en pression des systèmes en PDMS
2.3.4 Caractérisation des vannes dans des canaux en PDMS
2.4 Conclusion
3 Chambre microfluidique reconfigurable
3.1 Réalisation d’un enclos dans un canal microfluidique
3.2 Intégration à haute densité
3.3 Etude de la diffusion de la fluorescéine dans les hydrogels de pNIPAM
3.3.1 Expérience de diffusion
3.3.2 Estimations du coefficient de diffusion
4 Activation thermique localisée
4.1 Micro-résistance en or
4.2 Temps de réponse des vannes à activation localisée
4.3 Localisation de l’actionnement
Conclusion
Références
Conclusion

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