Quels enjeux de la philosophie à l’école

Quels enjeux de la philosophie à l’école

L’enseignement de la philosophie est une question ancienne. Platon déjà s’interrogeait à son propos dans La République : le philosophe y avançait l’idée que les enfants et les adolescents initiés à la dialectique développeraient un esprit de contradiction nocif dont ils feraient usage à la manière d’un jeu. Ils s’éloigneraient alors du débat philosophique, cherchant seulement à avoir raison par désir de la controverse, et ne se mettraient pas en quête de la vérité (qui doit être le but du débat philosophique). Pour cette raison, Platon n’encourageait la formation à la dialectique philosophique qu’à partir de l’âge de 30 ans. Aujourd’hui, nous n’attendons pas l’âge de 30 ans pour nous former à la philosophie. Mais la question de l’âge et du public initié à la philosophie se pose malgré tout. Nous verrons que l’histoire de cette discipline n’est pas linéaire et que sa place dans les programmes est encore aujourd’hui très discutée.

Historique et enjeux de la philosophie avec les enfants 

Ainsi que l’indique Michel Tozzi (2008), les pratiques philosophiques à l’école se sont développées dans les années 70 sous l’impulsion de Matthew Lipman aux États Unis. On observe que bien souvent, la mise en place d’ateliers et la création de Centres de philosophie pour les enfants se font sous l’impulsion d’universitaires et de chercheurs en philosophie. Aujourd’hui, plus d’une cinquantaine de pays est concernée par la mise en place de ces ateliers.

C’est dans les années 80 que les ateliers de philosophie vont apparaitre dans les classes en France, les animateurs étant souvent en lien avec les équipes de Matthew Lipman. Edwige Chirouter explique (2010) que la pratique de la philosophie en France a longtemps été réservée aux élèves du secondaire, c’est-à-dire dans les lycées généraux ou technologiques mais pas professionnels. Aujourd’hui, la philosophie avec les enfants connaît une certaine reconnaissance institutionnelle car elle apparait dans les programmes d’Enseignement Moral et Civique (EMC). Une chaire de l’Unesco a été créée à ce sujet en partenariat avec l’Université de Nantes.

La place dans les programmes : les compétences développées

Dans les programmes de cycle 2 et 3 (2018), on peut lire que l’EMC doit permettre à l’élève de « prendre conscience de la dignité et de l’intégrité de la personne humaine », « respecter autrui, le considérer comme égal à soi […], développer avec lui des relations de fraternité […], respecter ses convictions philosophiques et religieuses ce que permet la laïcité ». Les valeurs et principes de la République vus en EMC sont notamment de construire la culture civique en signalant « l’importance de la loi et du droit, tout en étant ouverte à l’éthique de la discussion qui caractérise l’espace démocratique ». L’élève doit pouvoir, selon le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, « acquérir la capacité à juger par lui-même, en même temps que le sentiment d’appartenance à la société».

Les compétences développées par les élèves lors des ateliers philosophiques sont les suivantes :
● S’estimer et être capable d’écoute et d’empathie
● Exprimer son opinion et respecter l’opinion des autres
● Accepter les différences
● Se sentir membre d’une collectivité
● Respecter des règles communes
● Développer des aptitudes au discernement et à la réflexion critique
● Confronter ses jugements à ceux d’autrui dans un débat argumenté et réglé .

Différence entre « éducation à la citoyenneté » et « ateliers de philosophie »

La nuance qui se dessine entre l’EMC et les ateliers philosophiques est que l’EMC enseigne les droits et devoirs de chacun selon les principes de la République, quand les ateliers philosophiques les interrogent (toutes les lois sont-elles justes ?

Doit-on toujours obéir ?). L’atelier philosophique ne donne pas de solution, c’est à l’élève de construire sa réflexion et son opinion. En EMC, on cherche à enseigner des valeurs, tandis qu’en philosophie, on se questionne sur le monde et il n’y a pas de morale qui tienne. Toutefois, l’atelier philosophique est bien le lieu où l’élève construit sa pensée et son jugement, apprend à écouter des opinions différentes des siennes, et se confronte en ce point à l’altérité respectueuse, et donc à la fraternité, ainsi qu’à la parole démocratique (tout le monde a le droit de s’exprimer). L’atelier philosophique est bien le lieu de la « culture du jugement et du discernement » chers à la République en permettant aux élèves de développer leur esprit critique. Ainsi, il est bien dit que le « débat argumenté a une place de premier choix » dans l’EMC, mais l’atelier philosophique ne saurait être vu comme de l’EMC à proprement parler.

Pourtant, comme l’indique Nicolas Go (2018), l’atelier philosophique est le lieu de « l’expérience égalitaire » pour les élèves. Et c’est bien l’égalité qui est recherchée par l’institution scolaire. Par la discussion démocratique et philosophique, les élèves apprennent l’art du vivre ensemble, qui est un des enjeux majeurs de l’école, et également un des objectifs de l’EMC. De plus, comme le souligne Nicolas Go, la morale ne peut pas faire l’objet d’un enseignement. Elle résulte de l’expérience de l’individu de la « vie éthique ». Le respect du commun (notion plus forte que celle de collectif) est le résultat du sentiment d’appartenance fort à une communauté (ici, la classe). Ce sentiment se construit notamment grâce au débat philosophique et à la parole démocratique : « chacun trouve progressivement, avec l’aide de tous, et sans crainte de parfois régresser, les moyens de se désencombrer, d’inventer les possibilités d’une vie réconciliée dotée, pas après pas, d’une nouvelle puissance d’agir ». En somme, les objectifs de l’EMC et de l’atelier philosophique sont les mêmes : construire la notion d’appartenance à une communauté/société égalitaire, démocratique, fraternelle et tolérante.

Le rôle de la littérature de jeunesse dans les ateliers de philosophie

La philosophie permet à l’Homme de comprendre le monde dans lequel il vit, et vise à lui apporter des réponses aux questions existentielles qu’il se pose. Les enfants, dès leur plus jeune âge, sont pétris par les mêmes questionnements. La philosophie est donc un bon moyen de les aider à répondre à ces questionnements à la fois intimes et universels. Toutefois, certains concepts ou textes philosophiques sont encore trop ardus pour leur être présentés : on n’imagine pas donner à lire à des élèves de primaire des textes philosophiques bruts. Ainsi, s’appuyer sur la littérature jeunesse semble être un bon moyen pour apprendre à philosopher.

Pourquoi la littérature pour philosopher 

Selon Michel Tozzi (2008), il existe deux positionnements à propos de la philosophie et de l’enfance : philosopher permet de sortir de l’enfance (courant présocratique), l’enfant perd donc sa nature en philosophant et devient progressivement un adulte ; ou bien philosopher nécessiterait de questionner le monde comme un enfant qui découvre l’objet de la réflexion pour la première fois. Cela implique que l’enfant serait philosophe par nature (M. Onfray et K. Jasper). En effet, les enfants se posent très tôt des questions graves. Selon Épicure ou Montaigne, il faut philosopher avec les enfants le plus tôt possible, à l’inverse de Platon, qui lui, déconseille de faire de la philosophie avec les enfants. Dans La République, le philosophe avance l’idée que les enfants et les adolescents initiés à la dialectique développent un esprit de contradiction nocif dont ils font usage à la manière d’un jeu, s’éloignant du véritable enjeu du débat philosophique : la recherche de la Vérité.

Faire de la philosophie avec les enfants implique de les considérer comme des « interlocuteurs valables » (J. Lévine) égaux de l’Homme adulte, des êtres pensants. Il convient alors d’accompagner la pratique philosophique pour répondre à des questionnements existentiels, et mettre des mots sur ces questions parfois douloureuses pour l’enfant. La philosophie a alors la vertu d’apaisement, transformant une émotion ou un vécu en un objet de pensée : l’enfant partage la condition humaine, la ressent, et cela l’aide à grandir. L’enfant doit trouver ses propres réponses pour éprouver pleinement sa pensée et sa condition d’Homme, comme le suggère Bruno Bettheleim dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées, et ce grâce à la littérature jeunesse. Pour cela, il faut accompagner l’enfant sans le diriger, en l’aidant à développer des outils de pensée qui lui permettront de comprendre le monde.

« Bruno Bettelheim a convaincu beaucoup d’éducateurs que les enfants ont des préoccupations existentielles intenses et surtout que, même très jeunes, ils sont capables d’interpréter inconsciemment le message latent des contes pour dépasser leurs angoisses inconscientes et répondre à leurs questionnements métaphysiques profonds . » .

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Table des matières

Introduction
1. Quels enjeux de la philosophie à l’école
1.1. Historique et enjeux de la philosophie avec les enfants
1.2. La place dans les programmes : les compétences développées
1.3. Différence entre « éducation à la citoyenneté » et « atelier de philosophie »
1.4. Le rôle de la littérature de jeunesse dans les ateliers de philosophie
1.4.1. Pourquoi la littérature pour philosopher
2. Hypothèses, réflexions et mise en place
2.1. Présentation de la classe
2.2. Hypothèses
2.3. Le dispositif du débat
2.3.1. Prémices
2.3.2. La construction collective des règles
2.3.3. La réalisation de l’exposition
2.3.4. L’organisation des débats : différents dispositifs possibles
Conclusion
Réussites, difficultés, continuité
Bibliographie
Annexes

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