Lecture et télévision : concurrents ou alliés
Lecture et télévision, deux médias à définir
La définition des deux médias et leur intérêt dans notre société peut paraître une chose simple à expliquer. Tous deux offrent des histoires, divulguent des informations et sont la source potentielle d’une acquisition de connaissances. Cette similitude de prime abord peut être trompeuse. Dès lors, il m’a fallu faire un certain nombre de recherches pour tenter de les définir plus précisément.
Trois mots puisés dans La manière d’être lecteur de Jean Foucambert (1976 et réédition en 1996) permettraient de définir la lecture : « projet », « création » et « anticipation ». Ces mots que l’on pourrait qualifier de mots-clefs sont pourtant éloignés d’une définition spontanée que l’on ferait de la lecture. Il est donc utile de justifier ce choix.
Par projet, J. Foucambert (1976) sous-entend que la lecture est liée à un objectif.
L’auteur insiste fortement sur cette caractéristique de la lecture. Lire, c’est avant toute chose, rechercher une information. Peu importe le type de lecture (de la lecture des horaires du train à la lecture d’un roman) et peu importe ce que l’on recherche, « lire c’est avoir choisi de chercher quelque chose » (p.66). D’ailleurs, cette remarque peut être illustrée par les entretiens qu’ont menés Roger Establet et Georges Felouzis en 1992 : certaines personnes voient dans la lecture un accès certain à la connaissance et recherchent à accroître leurs savoirs sur un thème particulier : Pour d’autres, la lecture prend un aspect pratique (rapport avec le travail ou informations sur l’actualité) ; certains encore y voient un moyen de s’évader, de rêver. Il est bien ici question de recherche : recherche d’une information ou encore d’un état. Dans tous les cas, lire consiste à s’investir entièrement dans cette activité. La lecture est, de ce fait, indissociable de la personnalité de l’individu et de ses expériences personnelles. Foucambert ajoute que cet investissement dans l’acte de lire n’est pas un luxe qui serait réservé aux lecteurs experts ; c’est la lecture elle-même.
Il amène J. Foucambert à évoquer la création dans sa définition de la lecture. Il s’appuie alors sur la théorie de la perception : « la perception n’est pas une réception passive mais une création » (p.65). La lecture est perception puisqu’elle est définie à la fois par les informations antérieures prélevées, la personnalité du sujet qui lit et ses attentes. La lecture est indissociable de sa compréhension et puisque comprendre, signifie d’abord « prendre avec », cela implique que le lecteur ne se contente pas de recueillir des informations quand il lit, il les confronte, au contraire, à ce qu’il connaît déjà, ce qui est stocké dans sa mémoire, Pour compléter cette affirmation, nous pouvons nous rappeler les mots d’Umberto Eco en 1979 dans Lector in Fabula (p.66)
Le texte est donc un tissu d’espaces blancs, d’interstices à remplir…D’abord parce qu’un texte est un mécanisme paresseux (ou économique) qui vit sur la plus-value de sens émis par le destinataire…Ensuite parce que, au fur et à mesure qu’il passe de la fonction didactique ou esthétique, un texte veut laisser au lecteur l’initiative interprétative.
Le texte est donc dépendant du lecteur et ce dernier, tel un capitaine de navire, est maître de son texte et de son fonctionnement. C’est au lecteur de lui conférer une direction, un sens.
Enfin, la lecture est anticipation car on anticipe sur des mots. L’action de lire sert à vérifier « l’exactitude d’une anticipation » (Foucambert, 1976, p.68). Cette pensée rejoint celle de Marc Soriano (1989) qui qualifie le regard balayant le texte comme une « attention active, c’est-à-dire une attente et une tension qui anticipent sur ce qui va suivre ». En d’autres termes, le mouvement de l’œil agit par aller-retour. Il est, dans un même mouvement, concentré sur le sens du mot lu et sur le code du mot à venir. Cette anticipation a également lieu dans le contenu tout entier de ce qu’on lit.
Elle est, alors, associée à l’horizon d’attente que Hans-Robert Jauss (1978) définie entre autre comme « l’expérience préalable que le public a du genre dont [l’œuvre] relève » (p.54). Afin de donner un exemple de cette dernière notion, on peut, ici encore, se référer à l’ouvrage de Roger Establet et Georges Felouzis (1992) dans lequel sont reportés les résultats des travaux de Fabienne Soldini (in Lecture et télévision : concurrence ou interaction, 1992 p.163). La sociologue a montré différentes postures de lecteurs appréhendant un roman d’Agatha Christie selon qu’ils étaient ou non familiarisés avec le genre policier. C’est ainsi qu’un lecteur novice ne se fiera qu’à ses premières impressions pour discerner le coupable des autres personnages tandis qu’un lecteur plus averti ramènera le cas particulier de l’intrigue aux règles générales régissant le genre et d énouera plus facilement les embûches semées volontairement par l’auteur.
Deux médias qui ne se substituent pas
Bien qu’édité en 1975, Le pouvoir de lire, a permis à Marc Soriano et Hélène Gratiot-Alphandéry de montrer trois intérêts du livre nécessaires à la construction de l’enfant : l’évasion, l’identification et la socialisation. Il semble évident que la télévision possède, elle aussi, une fonction d’évasion. Elle fait même mieux car elle amène ce qui est loin au plus près du spectateur. Porcher explique dans Télévision, culture, éducation (1994, p.25) : « Le spectateur est coincé dans une double sensation : celle d’être partout, c’est-à dire un voyageur instantané, et celle que tout vient à lui, c’est-à-dire la sensation d’être un destinataire privilégié vers lequel tous les chemins convergent. »
De son côté, l’évasion propre à la lecture n’est pas celle où le lecteur s’échappe et s’oublie. Il s’agit au contraire d’une évasion entremêlée « d’éclairs de consciences ».
Il y a d’une part la création qui s’établit autour du texte (« ce que dit le texte n’est pas là »), et d’autre part, le texte lui-même, appréhendé par la vue (une réalité matérielle). Bien que la lecture permette momentanément d’oublier le monde qui nous entoure, le lecteur a l’objet livre entre les mains et va régulièrement tourner les pages. La lecture reste donc inscrite dans une temporalité et un espace. Or, selon Porcher, la télévision est « une abolition des distances » (p.25) et « un évanouissement du temps » (p.27).
L’identification est aussi un apport essentiel du livre. L’intérêt va d’abord porter sur le ou les personnage(s) et sur la relation que l’enfant peut établir avec lui. La lecture contribue ainsi à la formation de sa personnalité en trouvant des modèles auxquels il va se référer. Cette formation semble se poursuivre à l’âge adulte, ce que les personnes interrogées par Establet et Felouzis ont traduit par l’emploi du « je » lorsqu’elles parlaient de leurs lectures : «La lecture est donc une pratique sociale individuelle […] Mais l’aspect individuel se retrouve à un autre niveau. L’emploi systématique du « je » exprime bien la symbiose entre le lecteur et sa lecture […] La lecture est pensée comme enrichissement de l’individu » . C’est notamment l’une des raisons du succès de la saga Harry Potter . Marlène Loicq (2008) a étudié le phénomène et donne trois dimensions réalistes qui ont permis «une dynamique d’identification » : la première est l’ancrage dans un espace « réel » puisqu’en effet,chaque volume d’Harry Potter débute dans un cadre relativement banal, une ville et des habitants ordinaires, une adresse précise, des éléments simples pour décrire le cadre et « une attention toute particulière portée aux détails du quotidien ».
La deuxième dimension réelle se trouve dans la temporalité, par l’évocation de jours ou de mois comme « c’était un mardi » ou « la dernière semaine de juillet » qui permet au lecteur de se repérer dans sa propre temporalité. Cette réalité du temps prend un aspect plus mesurable encore par l’édition du roman au moment de la rentrée scolaire alors que celui-ci évoque lui-même une nouvelle année à l’école des sorciers, et que le héros prend un an de plus à chaque volume. Il peut être ajouté que le récit est ponctué par des vacances scolaires et des fêtes (Noël, Halloween) que connaissent bien les enfants et qui correspondent à leurs propres vacances : « le lecteur grandit alors au même rythme qu’Harry et ses amis » (Marlène Loicq, 2008).
La dernière dimension réelle est dans les personnages eux-mêmes. Bien qu’ayant des attributs caricaturaux, ils sont, nous explique-t-elle, « suffisamment réalistes pour que les lecteurs retrouvent des aspects physiques ou de la personnalité connus ». Ils vont ainsi plus facilement être émus du sort du héros maltraité et détesté par sa famille. Le héros est inscrit dans un schéma qui convient à tous les contes de fées ; à savoir : une situation initiale, un parcours initiatique l’amenant à une confirmation (le personnage sait qui il est, et est reconnu comme héros aux yeux de tous) et enfin une séquence de glorification où ce héros acquiert une reconnaissance sociale.
Pourquoi, cependant, cette dynamique d’identification ne pourrait-elle pas être retrouvée à la télévision ? Après tout, Harry Potter est bien passé de personnage de roman à icône cinématographique. Apparemment parce que là où l’identification est formatrice dans la lecture, elle peut présenter un danger pour ce qui est de la télévision. Geneviève Djenati, psychologue clinicienne, en donne des raisons dans une interview consacrée à son livre, Psychanalyse des dessins animés sorti en 2001 aux éditions L’Archipel. Selon elle, certains dessins animés peuvent être néfastes pour un enfant. D’abord parce que le rapport qu’entretient le jeune enfant avec le dessin est très fort donc lorsque celui-ci s’anime, la confusion entre le réel et la fiction peut être perturbante. Ensuite, elle intervient au sujet des séries télévisées d’animation, et explique que le héros d’une série comme Pokémon est ambigu et ne permet pas à l’enfant de s’y retrouver : « Sacha (héros de la série Pokémon) a un statut ambigu de par sa taille et surtout l’absence de parents…Dans Pokémon, la Team Rocket (les ennemis) incarne l’adulte…Cet état d’esprit où l’enfant ne peut compter que sur lui-même n’est pas sécurisant ».
Quels dangers à privilégier la télévision
Les programmes officiels de l’Éducation Nationale (2008) requièrent des enseignants qu’ils développent chez les élèves le plaisir de lire. Si celui -ci n’est pas spontané chez des enfants de neuf à onze ans, c’est peut-être qu’il est difficile à faire émerger. Il est envisageable alors que la difficulté provienne, en partie, de la télévision.
Si regarder la télévision prend du temps, lire devient moins fréquent. Or une activité moins régulière est plus difficilement automatisée. Cette automatisation est pourtant essentielle car elle permet d’accroitre la vitesse de lecture. De plus, la focalisation n’étant plus portée de manière fastidieuse sur le code grapho-phonologique ni sur la morphologie des mots, le lecteur se concentre davantage et plus naturellement sur la compréhension. La vitesse de lecture, en tant qu’élément repérable d’une automatisation, peut donc être une caractéristique à interroger. En effet, si les enfants qui regardent beaucoup la télévision lisent peu ou pas, il est probable que leur vitesse de lecture soit faible et qu’elle ne consiste pour l’essentiel qu’à du déchiffrement. Cet effort joue très certainement son rôle dans un éventuel rejet de la lecture. Selon Foucambert, dans La manière d’être lecteur (1976, p.139), le déchiffrement ne permet pas la construction de sens et rend la lecture illisible :
L’enfant qui sait déchiffrer peut déchiffrer, il est devenu capable d’oraliser tous les signes écrits : il faut surtout bien se garder de croire qu’il est capable de lire […] Les transferts du déchiffrement sur la lecture sont presque tous négatifs, en particulier au niveau des conduites perceptives et motrices (fixation sur la lettre, oralisation, etc.) et du traitement de l’information (mise en mémoire d’éléments non significatifs, absence d’anticipation des mots, etc.)
On comprend donc que l’enfant ne peut pas se concentrer sur la reconnaissance des mots et la construction du sens dans le même temps. Dans La lecture : apprentissage, évaluation et perfectionnement (1994, p.37), Bentolila ajoute : « la lenteur, loin d’être comme certains le pensent le prix à payer pour goûter au plaisir de lire est, au contraire, une des principales causes du refus voire du rejet de l’écrit ». La télévision, média accessible et chronophage peut dès lors devenir tout à la fois le refuge du lecteur incommodé et parallèlement un obstacle récurrent à l’acquisition d’une lecture experte.
D’autre part, les séries télévisées d’animation ne permettraient pas l’anticipation et la créativité que requiert la lecture comme cela a été constaté plus haut. Si les enfants ne sont en relation qu’avec ce genre de programmes prévisibles dont le schéma est déjà connu et répétitif, ils s’engouffrent dans une attitude passive face à la télévision ; comprendre devient alors « confirmer ce que l’on sait déjà ». Les enfants sont confortés dans cette attitude par la production en masse de ce genre de programmes. L’inattendu, la création nous dit Bentolila (p.265) « déclenchent presque automatiquement un réflexe de rejet », on peut donc en conclure que, dans de telles conditions, les élèves ne sont pas prêts à entrer dans un « véritable parcours de découverte » que représente la lecture. Philippe Meirieu (2007) a déclaré au sujet de l’image à la télévision : … quand tout est montré, il n’y a plus rien à penser […] l’image qui envahit l’écran et qui fait la surenchère soit du « sucré » c’est-à-dire du mignon, coloré, fluo, soit du « violent » avec les monstres, les guerres, le sang, remplit complètement la pensée de l’enfant et ne lui permet plus de prendre de la distance. « L’image n’est plus un point de départ, il n’y a plus ce qu’on appelle le hors-champ.
Pour tenter de savoir si la télévision est un frein à la lecture, nous émettons donc l’hypothèse première qu’un temps trop important de son usage amène un temps plus faible de lecture et en conséquence une faible vitesse de lecture.
De plus, parmi les programmes télévisés à succès, il existe au moins un genre allant à contre courant de la lecture : la série animée, son schéma immuable et simplifié ne permettant pas de développer des compétences d’anticipation ni de gérer la complexité d’un texte ; deux compétences pourtant essentielles pour apprécier pleinement la lecture.
L’hypothèse est alors émise que les enfants privilégiant ces programmes auront des difficultés en compréhension de la lecture et en anticipation du contenu d’un texte.
Les outils
Le questionnaire
Élaboration
L’élaboration d’un questionnaire m’a semblé essentielle pour avoir un aperçu des pratiques littéraires et télévisées de chaque élève. Un entretien aurait été trop long et l’analyse de réponses à des questions ouvertes me paraissaient plus contraignante.
Sous la forme d’une enquête sur les loisirs des enfants, j’ai pu m’intéresser à une multitude de paramètres intervenant dans l’utilisation des deux médias. L’intérêt du questionnaire tient en partie dans la rapidité des réponses. Les questions étaient toutes à choix multiple hormis la première qui prenait l’aspect d’un classement des loisirs selon les préférences. À la suite de la première question, deux parties composent le questionnaire : une partie intitulée « Les livres et toi » (de la question n°2 à la question n°15) et une partie que j’ai appelée « La télévision et toi » (question n°16 à la question n°30). En réalité, chaque partie est en quelque sorte le miroir de l’autre et à chaque question sur la lecture correspond une question équivalente sur la télévision. Ce procédé est favorable à une comparaison immédiate des réponses données sur la télévision et sur la lecture.
Structure du questionnaire
Dans son ensemble, le questionnaire s’articule autour de quatre grandes questions : quoi ? quand ? où ? pourquoi ? En d’autres termes, je cherche à savoir ce que les élèves regardent et lisent, à quel moment et combien. Je tente de déterminer si leurs espaces de lecture et de télévision sont distincts ou s’ils se confondent et quelles sont les raisons qui motivent les élèves à lire ou à regarder la télévision.
L’aspect temporel a été évalué en fonction des réponses aux questions n°3 (partie lecture) et n°7 (partie télévision) me donnant une indication sur les moments de la journée où les élèves vont plus facilement prendre un livre ou regarder la télévision.
Les questions n°15 et n°29 demandaient que les élèves estiment le temps consacré à la lecture et à la télévision dans une journée.
Je me suis intéressée à ce qu’ils lisent et à aux programmes qu’ils privilégient dans les questions n°4 et n°8. Étaient donnés aux élèves plusieurs genres de lecture et plusieurs types de programmes télévisés ; pour chacun d’entre eux, ils devaient préciser à quelle fréquence ils les choisissaient, selon 5 modalités : jamais ; rarement ; plusieurs fois par semaine, une fois par jour ou plusieurs fois par jour. Ces questions me permettaient de repérer les élèves qui regardaient essentiellement des séries animées et qui ne lisaient pas ou peu. J’ai été également attentive aux élèves fervents lecteurs de mangas car ce genre laisse perplexe. Michel Desmurget (TV lobotomie, 2011. Pp.104 106) souligne que dans un manga comme Naruto, très prisé chez les enfants de huit à dix ans et plus, des onomatopées peuvent être le seul texte rencontré sur six pages, toute la lecture se déduisant des images. Il n’y a pas, comme dans la bande-dessinée ou l’album, de complémentarité entre le texte et l’image. « Il est possible que ce type d’œuvre nourrisse l’imaginaire […] il n’en reste pas moins que Naruto et ses affidés ne feront jamais d’un enfant un lecteur aguerri. » En demandant aux élèves les titres du dernier livre lu et du dernier programme regardé à la télévision, je souhaitais vérifier l’empreinte laissée par les deux médias.
Il me paraissait intéressant, en effet, de constater si l’un des deux médias était plus prégnant en mémoire.
Plusieurs questions concernent le confort que les élèves s’octroient lorsqu’ils utilisent l’un ou l’autre des médias : s’ils se consacrent pleinement ou partiellement à l’activité (questions 5 et 19) ; où et comment ils s’installent (questions 10 et 11 pour la lecture, questions 23 et 24 pour la télévision). De manière détournée, je peux approximativement déterminer l’équipement télévisuel du foyer des élèves, mais je cherche surtout à comparer le confort associé aux deux médias et éventuellement constater une différence. Je considère par exemple qu’un élève qui s’installe plus confortablement pour regarder la télévision que pour lire apprécie davantage l’activité télévision.
Compréhension et anticipation
Quand tous les élèves ont achevé leur lecture, les textes leur ont été retirés et une question leur a été donnée. Cette question figurait sur une feuille mais je l’ai également oralisée. En revanche, les élèves devaient répondre par écrit ; je ne me suis préoccupée que de la réponse sans accorder d’importance à la qualité de l’expression ni de l’orthographe.
Le texte servant à évaluer la vitesse de lecture ainsi que la question de compréhension ont été tirés du manuel A.R.T.H.U.R (Atelier de lecture, Renforcement, Technique de lecture, Habitude de lecture, Utilisation des compétences = Réussite).
Le texte relate l’histoire d’un enfant gourmand invité à un goûté d’anniversaire se retrouvant confronté plusieurs fois de suite à un cake au goût de savon. L’enfant n’y échappe pas : il doit le manger pour se montrer poli et décrit au lecteur l’écœurante « dégustation ». La tante de l’hôte ressert l’invité, convaincue que ce dernier en est ravi. À la fin de l’extrait, l’enfant gourmand doit rentrer chez lui, mais la dame lui offre un paquet avant qu’il ne parte et c’est au lecteur d’en déduire ce qui se trouve à l’intérieur. Voici donc la question qui m’a permis d’évaluer leur compréhension du texte « Si tu as lu attentivement l’histoire, tu devineras facilement ce qui se trouve dans le paquet offert par la tante. »
J’ai veillé à ce que la question soit donnée immédiatement après la lecture de l’extrait afin qu’une autre information ne vienne pas perturber leur mémoire du texte au moment de répondre.
L’anticipation me paraît difficile à évaluer pleinement puisqu’il a été précisé qu’elle tient compte de plusieurs paramètres. J’ai toutefois proposé un extrait aux élèves (bien plus court que celui destiné à évaluer leur vitesse de lecture) dont deux phrases avaient été remplacées par des cases vides. Parmi quatre phrases, les élèves devaient individuellement en choisir deux et les placer au bon endroit dans le texte pour lui rendre toute sa cohérence.
Ce texte est proposé par le R.O.L.L (Réseau des Observatoires Locaux de la Lecture créé par Alain Bentolila). Je pense qu’il peut donner une première indication sur les capacités d’anticipation des élèves.
Après avoir déterminé si un temps important consacré à la télévision rendait l’acte de lecture plus lent, je pouvais associer ou non cette faible vitesse de lecture à une mauvaise compréhension du texte lu mais aussi envisager que l’élève qui est trop habitué à ce que tout lui soit donné à voir ne puisse pas « remplir les blancs que contient le texte ». Enfin l’objectif, en faisant passer un test d’anticipation, est de vérifier s’il existe un lien flagrant entre une difficulté d’anticipation et une grande consommation de séries animées.
Procédure pour l’entrée des données
J’ai utilisé Microsoft Excel pour entrer toutes les données recueillies. Chaque élève avait un numéro respectant l’ordre des listes d’appel et chaque classe avait une lettre A, B, C, D, la lettre A étant donnée à la première classe dans laquelle je me suis rendue. Ainsi, pour la classe A qui était la classe de CM1 -CM2 de 23 élèves, la liste allait du 1A au 23A. Sur la ligne du 1A apparaissaient donc toutes les réponses à son questionnaire et les résultats de ses tests de lecture.
Le questionnaire
Pour la première question (classer dans l’ordre des préférences des activités), j’ai entré en toute lettre les activités en les plaçant dans la colonne correspondant à leur position dans le classement (première colonne = activité n°1). Lorsqu’il s’agissait de cocher une fréquence, je leur ai attribué un nombre que j’ai reporté dans le tableur (exemple avec la question 3 : 1= jamais, 2= rarement, 3 = plusieurs fois par semaine…). Enfin, pour les questions à choix multiple du type « où regardes-tu la télévision ? », chaque réponse possible a été reportée dans le tableur puis j’ai inscrit 1 ou 0 sur la ligne de chaque élève en fonction des cases qu’il a cochées (0 = case non cochée, 1 = case cochée).
Les tests de lecture
Pour la vitesse de lecture, j’ai tout simplement reporté le nombre de mots lus en une minute dans le tableur.
Concernant la question de compréhension, la réponse était « un cake au savon », j’ai cependant accepté « cake ». En revanche, je n’ai pas accepté le mot « cake » s’il était accompagné d’autres éléments comme « friandises ». Lorsque la réponse était juste, j’ai entré « oui » dans la colonne correspondante et « non » si elle ne l’était pas.
Pour le test d’anticipation, il fallait que les élèves trouvent les deux phrases qui convenaient et les placent au bon endroit. J’ai attribué un point à l’élève qui a placé une phrase au bon endroit et deux points à celui qui a trouvé les deux phrases et les a placées correctement.
Les tests de lecture
Les tests de lectures sont destinés à être croisés avec certains chiffres relevés dans le questionnaire. Mais avant toute interprétation, quelques remarques peuvent être faites à titre descriptif. D’abord, il est important de noter que deux élèves ét aient absents sur un même groupe classe lors des passations. Ensuite, sur 124 élèves, les moyennes de vitesse de lecture varient entre 80 et 355 mots par minute. Sans approfondir, une différence de moyenne a été relevée entre les différents groupes classe avec une vitesse de lecture plus élevée au sein de la classe en milieu favorisé.
Au test de compréhension, 83% des élèves ont répondu correctement et 64% ont obtenu le score maximal au test d’anticipation.
Il y a plus de réponses invalidées au test de compréhension que de réponses nulles au test d’anticipation (17,6% contre 8,9%) mais il est important de rappeler que le test de compréhension n’évaluait qu’un élément alors que le test d’anticipation était noté sur une échelle allant de 0 à 2. Il y a donc, pour le test d’anticipation un pourcentage d’élèves n’ayant ni 0 ni 2.
Enfin, en comparant les résultats obtenus par les filles et les garçons, on s’aperçoit que là où 10% des filles ont échoué au test de compréhension, 25% des garçons n’ont pas répondu correctement.
Première hypothèse : un temps important devant la télévision en laisse peu à la lecture
Peut-on affirmer que les élèves qui regardent beaucoup la télévision lisent peu ?
En comparant le temps consacré à chacune des activités, il a été relevé qu’il existait de grands consommateurs de télévision (plus de quatre heures par jour), ce qui n’était pas le cas pour la lecture. Une analyse de classification Two-step crée des groupes en fonction de la proximité des sujets et à partir de variables données. En entrant quatre variables qui sont : l’âge, le sexe, le temps consacré à la télévision et le temps consacré à la lecture dans une journée, cette analyse a mis en évidence trois groupes (tab.2). Les groupes 1 et 2 sont tous deux composés de moyens lecteurs (lisant entre une et deux heures par jour) mais ils se distinguent par le genre, le groupe 1 regroupant la totalité des filles de l’échantillon et le groupe 2 rassemblant tous les garçons.
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Table des matières
1. Introduction
2. Lecture et télévision : concurrents ou alliés
2.1. Lecture et télévision, deux médias à définir
2.2. Deux médias qui ne se substituent pas
2.3. Quels dangers à privilégier la télévision
3. Méthodologie
3.1. Choix de la population
3.2. Échantillon
3.3. Les outils
3.3.1. Le questionnaire
3.3.2. Les tests de lecture
3.4. Procédure pour l’entrée des données
3.4.1. Le questionnaire
3.4.2. Les tests de lecture
4. Résultats
4.1. Analyse Descriptive
4.1.1. Le questionnaire
4.1.2. Les tests de lecture
5. Analyse interprétative
5.1. Première hypothèse : un temps important devant la télévision en laisse peu à la lecture
5.2. Deuxième hypothèse : un temps important passé devant la télévision ne permet pas de développer les compétences nécessaires à la lecture
5.2.1. La vitesse de lecture
5.2.2. Compréhension en lecture
5.3. Troisième hypothèse : privilégier les séries animées ne permet pas de développer une bonne compréhension de la lecture ni des compétences d’anticipation en lecture
5.3.1. Compréhension
5.3.2. Anticipation
6. Conclusion
Bibliographie
Table des illustrations
Annexes