Travail de groupe
Définition
J’entends par travail de groupe non seulement les travaux qui sont faits à plusieurs, mais aussi les moments dédiés après un travail individuel où les élèves peuvent partager et se corriger mutuellement avant la correction « par le professeur ».
Le travail de groupe peut prendre plusieurs formes : on a d’abord le travail de groupe habituel, qui consiste à donner une seule tâche à plusieurs élèves qui travaillent ensemble et rendent une production commune. Dans ce type de configuration, on a souvent une tâche qui pourrait être effectuée par une seule personne si le temps alloué était plus conséquent.
Ce n’est pas la nature de la tâche qui amène au travail de groupe, mais simplement la volonté du professeur ou les contraintes temporelles. C’est cette forme de travail de groupe qui pourra amener certains élèves à s’atteler à la tâche en soupirant et en demandant s’ils ne peuvent pas plutôt travailler seuls, considérant leurs camarades comme des poids avec lesquels ils doivent composer plutôt que comme une aide appréciable.
Par opposition, le travail collaboratif implique par essence de travailler ensemble. Le type de tâche demandé nécessite une forme d’entraide au sein du groupe. C’est par exemple le cas dans les activités avec déficit d’information : chaque élève dispose d’informations différentes et tous doivent se poser mutuellement des questions pour parvenir à disposer tous de toutes les informations une fois l’activité terminée. Si ce type d’activité peut s’avérer plus difficile à mettre en place, il donne plus de sens aux groupes. C’est un terrain propice aux activités ludiques. Alain Baudrit s’intéresse à la formation des groupes dans un article sur l’apprentissage collaboratif : « Tout d’abord, les groupes collaboratifs doivent être représentatifs d’une certaine hétérogénéité (Johnson & Johnson, 1980). C’est-à-dire qu’ils sont constitués de filles et de garçons, de divers niveaux scolaires, appartenant à des milieux sociaux différents, parfois même issus de cultures ou d’ethnies distinctes. Ce type de composition a pour vocation de dynamiser les échanges entre élèves, de rendre les groupes les plus interactifs possibles. » (Alain Baudrit, 2005).
Le collège Lucie Aubrac d’Isneauville est composé d’une population plus homogène socialement que beaucoup d’autres collèges. De plus, je ne disposais pas d’information relative à la situation de mes élèves à ce propos, ni du point de vue culturel. Au moment de constituer mes groupes, je me suis donc basée sur une hétérogénéité de genre, de niveau scolaire et quand il me fallait un critère de décision supplémentaire, sur la propension des élèves à prendre ou non la parole pour défendre leurs opinions. Ce dernier critère est évidemment subjectif et sujet à évolution au cours de l’année scolaire (tout comme, on l’espère, le niveau scolaire).
Mise en place d’un système de groupes
J’ai choisi de faire travailler mes élèves par groupe dans la mesure où ma discipline me semble l’exiger : la langue est un outil de communication. Toute situation de communication implique au minimum deux personnes, que la communication soit directe ou différée (lettre, émission de télévision…). La seule exception pourrait être les écrits à soimême (journal intime) mais ils restent marginaux. Si constituer des groupes fixes n’était pas un impératif, donner régulièrement aux élèves la possibilité de travailler à plusieurs était inévitable.
Mes deux classes de 4ème comptant chacune 24 élèves, j’ai d’abord choisi de les diviser en quatre maisons, me basant sur un élément culturel connu des élèves : les maisons dans Harry Potter et par extension dans les public schools. La séquence au cours de laquelle les groupes ont été mis en place (voir annexe) a été l’occasion de donner une dimension culturelle mais aussi ludique à ce projet : les élèves ont en effet créé leur propre maison et choisi leurs symboles.
Suite au réaménagement de la salle pour passer à un positionnement en îlots, chaque maison a été scindée en deux îlots pour des raisons pratiques d’abord mais aussi de mise au travail. Les travaux réalisés pendant la séquence de mise en place des groupes m’ont en effet permis de constater que des groupes de six élèves étaient trop propice aux bavardages et à une répartition inéquitable du travail.
Dans chaque maison ont été désignés par les élèves eux-mêmes un préfet, garant du respect des règles de savoir-vivre dans la maison, et un tuteur, chargé d’aider ses camarades en cas de difficulté. Le tuteur a notamment le droit de se lever une fois son travail individuel terminé, sans demander d’autorisation, s’il souhaite aider un membre de sa maison.
J’ai également mis en place un système de points bonus amenant une note, en m’inspirant librement de Travailler en îlots bonifiés (Marie Rivoire, 2012). Contrairement au système des îlots bonifiés, j’ai souhaité un système uniquement basé sur le positif : les sanctions que je dois parfois attribuer restent toujours individuelles et n’ont aucune incidence sur la note de groupe. La note intervient une fois qu’une maison atteint vingt points : tous les membres de la maison se voient alors attribuer une note de travail de groupe de vingt sur vingt. Si une maison atteint cet objectif mais pas les autres, ces dernières n’ont tout simplement pas de note. Les compteurs ne sont jamais remis à zéro. Dans l’hypothèse ou une maison aurait quarante points et la seconde seize, la première aurait bénéficié de deux notes bonus de vingt sur vingt tandis que la seconde n’aurait aucune note de travail de groupe.
Définition du critère d’autonomie
Pour définir ce critère, je m’appuie sur les travaux de Philippe Meirieu, qui m’ont fait gagner un temps précieux en ce qui concerne le regard que je porte sur l’autonomie des élèves.
Dans un premier temps, Meirieu différencie la « débrouillardise » de ce qu’il entend être la véritable autonomie :« [O]n découvre que, en réalité, ce n’est pas l’autonomie qui est développée mais bien plutôt quelque chose comme la débrouillardise. En fait, ce qui est vraiment formé à l’école c’est la capacité à s’en tirer le mieux possible avec le moins d’efforts possible, à faire semblant d’écouter plutôt que d’être vraiment attentif, à interpréter ce que le maître veut qu’on dise plutôt qu’à comprendre réellement ce qu’il dit, à échapper à la punition quand on n’a pas fait son travail, à ne pas se faire interroger quand on n’a pas appris sa leçon, etc.
Ainsi se construisent d’étranges mais efficaces attitudes qui permettent d’apparaître bon élève plutôt que l’être vraiment […]… Une fois acquises, ces attitudes permettront de choisir correctement ses langues et ses sections, de calculer au mieux les investissements minima pour parvenir à ses fins personnelles. » (Meirieu, 2017)
Il est frappant de constater la corrélation entre cette façon de se « débrouiller » à l’école pour finalement quitter le système scolaire en considérant s’en être « sorti ». On est ici dans une stratégie d’évitement. Or, l’école ne devrait pas être vécue comme un parcours d’obstacle dont on sort diplômé si on n’a pas abandonné en route : ce doit être un lieu de formation des individus, pas un endroit où ils sont testés voire mis en difficulté en permanence. On comprend donc la nécessité de développer une véritable autonomie face aux apprentissages : si les élèves ne comprennent ni pourquoi ni comment ils sont censés apprendre quelque chose, pourquoi le vivraient-ils autrement que comme une épreuve ? Meirieu explicite ensuite un problème fondamental auquel nous sommes confrontés en tant qu’enseignants, lorsque nous supposons que les élèves sont autonomes : « [L]’autonomie n’est pas un don. C’est quelque chose comme la capacité de comprendre et de maîtriser les situations dans lesquelles on est inséré, la capacité de « faire face ». Et, cette capacité s’acquiert à travers des apprentissages que l’école doit mettre en place. Mais, trop souvent, sur ce sujet,[…] nous parlons dans le vague : nous en restons aux vœux pieux et aux bons sentiments. Or, ici, plus que dans aucun autre domaine, il nous faut être concrets, dire précisément de quoi nous parlons. J’attends de cet élève qu’il soit autonome : est-ce que je peux nommer, décrire précisément le comportement que je cherche à développer chez lui? » (Meirieu, 2017)
Dans cette partie, je tâcherai de définir précisément ce que j’attends des élèves pour considérer qu’ils sont autonomes. D’une manière générale, si je considère qu’ils doivent être « acteurs » de leurs apprentissages comme préconisé dans le CECRL, je n’attends par exemple pas d’eux qu’ils soient capables de prendre en notes un cours en langue étrangère à un niveau 4ème , sans que la trace écrite ne figure au tableau. A l’aide du même document que précédemment, j’ai sélectionné les objectifs qui me paraissaient les plus pertinents pour le niveau visé : « Être autonome c’est être capable de lire et de comprendre des consignes […]
Définition du critère de savoir-vivre
Le dictionnaire Larousse en ligne donne la définition suivante du savoir-vivre : « Connaissance et pratique des règles de la politesse, des usages du monde. » La politesse, quant à elle, est décrite comme telle : « Ensemble des usages sociaux régissant les comportements des gens les uns envers les autres ». On peut donc en conclure que dans le cadre de ce travail, le savoir-vivre est le degré de capacité des élèves à interargir les uns avec les autres ainsi qu’avec le professeur en respectant des règles sociales destinées à maintenir une bonne cohésion de groupe et à éviter les conflits.
Cette définition du savoir-vivre, au sein de l’école, vient s’inscrire dans un cadre plus large : celui de l’apprentissage de la citoyenneté. Le site gouvernemental Eduscol nous donne quelques axes pour définir plus précisément cet apprentissage de la citoyenneté. Depuis le 23 juin 2016, un « parcours citoyen » a été mis en place : « Le parcours citoyen de l’élève est inscrit dans le projet global de formation de l’élève. Il s’adresse à des citoyens en devenir qui prennent progressivement conscience de leurs droits, de leurs devoirs et de leurs responsabilités. Adossé à l’ensemble des enseignements, en particulier l’enseignement moral et civique, l’éducation aux médias et à l’information, et participant du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, le parcours citoyen concourt à la transmission des valeurs et principes de la République et de la vie dans les sociétés démocratiques.
Le parcours citoyen met en cohérence la formation de l’élève sur le temps long de sa scolarité, du primaire au secondaire, mais aussi sur l’ensemble des temps éducatifs de l’élève, scolaire, périscolaire et extra-scolaire. » (Eduscol, 2017)
Si le parcours citoyen aborde des problématiques très larges telle que la laïcité ou l’égalité homme-femme, il insiste aussi sur la nécessité pour les élèves d’apprendre à vivre et à travailler ensemble, quelles que soient leurs différences. Cette idée s’inscrit naturellement dans les principes républicains d’Egalité et de Fraternité. Eduscol propose plusieurs définitions de l’apprentissage de la citoyenneté, parmi lesquelles celle-ci, rédigée « dans le cadre des accords franco-anglais de Paris et de la déclaration d’intention franco-écossaise dans le domaine de la coopération éducative et de la formation » : « L’apprentissage de la citoyenneté apporte aux élèves une sensibilisation, des connaissances et le savoir-faire nécessaires pour jouer un rôle dans la société aux niveaux local, national et international. Il en fait des citoyens informés et responsables, conscients de leurs droits et de leurs devoirs. Il les incite à participer à la vie de l’école, du quartier et de la cité. Il les initie à l’économie, aux institutions et aux valeurs démocratiques. Il leur inculque le respect de la différence, sur le plan national, religieux et culturel et développe leur capacité de réflexion et leur aptitude à l’expression. » (eduscol, 2009).
Cette définition nous permet de prendre pleinement la mesure de l’importance de l’apprentissage en groupe : c’est à travers ce type de structure, très réduite et codifiée, que les élèves vont pouvoir apprendre, étape par étape, à réfléchir et travailler en société plutôt qu’individuellement. Pour devenir des citoyens accomplis, ils vont devoir accepter que leur avis puisse être refusé au profit de celui d’une autre personne, et faire des compromis acceptables pour l’ensemble du groupe. Ainsi, le cadre réglementaire du groupe va finalement refléter celui de la société dans laquelle nous vivons.
Pour favoriser cet apprentissage, j’ai fait le choix, peut-être arbitraire, de constituer les groupes plutôt que de laisser les élèves s’associer librement. Il m’a en effet semblé que s’il était plus difficile de forcer des élèves qui ne l’auraient pas souhaité à travailler ensemble, cette façon de faireserait plus pertinente dans le cadre de l’apprentissage de la citoyenneté, où les individus doivent être capables de vivre et collaborer en dépit de leurs différences et de leurs affinités.
Le savoir-vivre est un terme qui recouvre dans mon travail deux critères : l’entraide et le respect. Si les élèves n’ont pas reçu de règlement en bonne et due forme concernant la manière dont ils sont censés se comporter en groupe, ils savent néanmoins ce qui est attendu d’eux au travers des trois degrés de réussite possible pour les deux critères qui constituent le savoir-vivre.
Observation et analyse
Progressivité de la démarche d’expérimentation
Ce mémoire s’inscrit dans une démarche d’expérimentation. Toutes les observations effectuées en classe ne se sont pas toujours faites dans les mêmes conditions, avec une progressivité des outils apportés aux élèves au fur et à mesure des activités proposées. Pour la première activité, les élèves savaient simplement qu’ils devaient travailler en groupe en respectant les règles propres au fonctionnement en maison. Les critères d’observation ne leur ont été communiqués qu’a posteriori, sans possibilité pour eux de revenir sur ce qu’ils avaient fait. Par la suite, des grilles d’évaluation par les pairs ou d’auto-évaluation leur ont été proposées. Ces outils sont à prendre en compte dans l’analyse qui sera faite des résultats observés.
Les conditions de réalisation de la tâche donnée sont également importantes. Certaines activités ont été réalisées en classe, d’autres à la maison. Le temps alloué pour chacune de ces activités n’est pas toujours le même.
Deuxième observation
Description de l’activité menée
Cette deuxième activité observée était cette fois une tâche intermédiaire à visée d’évaluation formative. Par îlot, les élèves devaient réaliser un poster pour promouvoir un moyen de transport alternatif et respectueux de l’environnement. Les objectifs étaient linguisitiques et pragmatiques : les élèves étaient-ils en mesure de remobiliser les verbes nominalisés (verbes + -ing) pour rédiger un slogan, et trouvaient-ils de bons arguments pour défendre l’utilisation du moyen de transport qu’ils avaient choisi plutôt que celui de la voiture ? Précisons que des choix plus fantaisistes étaient autorisés puisque ceux-ci rendaient l’activité plus ludique sans compromettre la possibilité d’atteindre les objectifs fixés.
Ainsi, certains groupes ont choisi de se rendre à l’école « en lion » ou « en girafe », entre autres.. Après avoir donné la consigne et les critères précis, les élèves ont débuté l’activité en classe mais disposaient de quelques jours pour terminer leur poster. Le cours se déroulait un lundi : c’est une information importante pour comprendre la suite. Comme tous mes îlots comptent précisément trois élèves, je leur ai donné la consigne suivante : ce jour-là, l’un d’entre eux allait remmener le poster chez lui. Même si nous n’avions pas cours le lendemain ensemble, il ne fallait pas oublier de ramener le poster pour le donner à un deuxième camarade du groupe, qui allait le remmener chez lui le mardi, puis respecter le même schéma pour que le troisième membre du groupe puisse avoir le poster le mercredi et finalement me le rendre le jeudi. J’avais évidemment une marge de tolérance aux retards dans le cadre des absences justifiées, même si elles n’avaient pas lieu sur mon cours, et j’ai dû accorder un délai au groupe de la classe 2 dont fait partie l’élève en refus scolaire et suivi par une AESH mentionné en fin de partie précédente. Il avait en effet perdu le poster et je n’ai pas souhaité pénaliser tout le groupe. Un autre groupe de la même classe, pour une raison que je n’ai pas comprise, a considéré le travail comme « optionnel » (sic) et ne l’a pas rendu. En dehors de ces deux cas, les élèves ont respecté le délai et l’organisation proposée, et tous les groupes concernés par une absence justifiée n’ont pas forcément demandé de délai supplémentaire, signe que la solidarité fonctionne plutôt bien.
L’activité ne se terminait pas avec le rendu des posters : en effet, plutôt que de me donner directement leurs travaux comme ils s’attendaient à le faire, les élèves ont dû s’échanger leurs posters entre groupes d’une même maison afin de procéder à une évaluation par leurs pairs. Cette évaluation a été faite à partie d’une grille rappelant les objectifs précis et les degrés possibles de réussite, ainsi que les documents que les élèves avaient possibilité d’aller consulter pour améliorer leurs travaux. Les élèves ont été informés que les points de maison ne seraient attribués qu’une fois qu’ils auraient pu apporter les corrections recommandées par leurs camarades à leur poster. Cette grille d’évaluation (voir annexe) m’a ainsi permis de donner un cadre beaucoup plus précis à l’entraide au sein des maisons.
Les points de maison étaient attribués en fonction de l’aboutissement du travail mais aussi de la prise en compte de l’évaluation effectuée par l’autre groupe de la maison.
Tableaux récapitulatifs
Sur cette activité, les conditions matérielles et temporelles étaient très similaires dans les deux classes. Les différences exprimées par les résultats de l’auto-évaluation dépendent directement des personnalités composant le groupe classe et des choix qu’ils ont effectué, plutôt que du temps alloué pour l’activité ou de la clarté de la consigne comme cela avait pu être le cas sur la première activité observée.
De nouveau, on observe une certaine disparité entre les deux classes, mis à part pour le critère d’autonomie.
En classe 1, les résultats pour le critère de savoir-vivre sont strictement les mêmes que ceux observés sur la première activité. Je n’ai néanmoins pas eu d’intervention à faire au sein des groupes. Les conflits sont mieux gérés par les groupes mais les auto-évaluations montrent bien que les tensions sont toujours là. En classe 2, le nombre d’évaluation à 1 pour le savoir-vivre a sensiblement augmenté : si les problèmes n’ont pas disparu, les élèves se sont forcés à travailler ensemble dans le calme pour ensuite venir me faire part des problèmes en fin de cours. Cela a permis d’éviter des conflits ouverts. Dans les deux classes, il a fallu rappeler les moyens que les élèves avaient à leur disposition pour trancher en cas de désaccord : vote et décision du préfet (élu par le groupe) en cas d’égalité. Contrairement à ce qui s’était passé pour l’activité précédente, aucun élève n’est venu me voir pour se plaindre d’un camarade qui n’aurait « rien fait ».
Si dans les deux classes, les résultats pour le critère d’entraide est en nette progression, on note qu’il y a plus d’élèves qui disent faire leur part du travail entièrement seul : c’est d’abord dû à la nature de la tâche puisque les élèves ont travaillé chez eux, chacun leur tour, sur le support. Sur cette activité, le travail a été divisé efficacement et une majorité de groupes a confié une tâche précise à chacun de ses membres : trouver un slogan, rédiger les quelques phrases demandées et s’occuper de la présentation générale. Cette répartition, encouragée par la consigne, a permis à certains groupes de rendre le travail en avance alors même que le délai était relativement court, mais il n’a pas favorisé [27] l’entraide au sens où les élèves n’ont pas consulté leurs camarades pendant qu’ils réalisaient leur tâches respectives.
Cette répartition finalement très fermée des tâches à effectuer s’exprime également dans les résultats pour le critère d’efficacité. Un nombre important d’élèves s’est senti en position d’exécutant : le travail demandé est fait, ni plus ni moins. Quelques élèves dirigent le groupe : pour 16 groupes au total, 18 élèves ont eu l’impression de participer à la répartition des tâches. On a donc bien un schéma de direction – exécution sur cette activité, peut-être un peu moins marqué en classe 2 qu’en classe 1. Ceci explique la légère baisse d’évaluation au niveau 1 et 3 pour ce critère. En dehors de cela, les résultats sont stagnants sur ce critère.
Pour le critère d’autonomie, les résultats sont plus contrastés d’une observation à l’autre. Les auto-évaluations au niveau 1 sont en nette progression, mais dans le même temps, on constate qu’il y a plus d’élèves considérant devoir être rappelés à l’ordre pour se mettre au travail qu’il n’y en avait pour la première activité. Les tableaux montrent que les élèves de la classe 2 se sentent légèrement plus sûrs d’eux que ceux de la classe 1 lorsqu’il s’agit de déterminer ce qu’ils doivent faire, mais la qualité des travaux rendus dans chaque classe a montré que ce ressenti n’était pas forcément en adéquation avec la capacité réelle à répondre à la consigne. Ce ressenti marque un renversement par rapport à ce qui avait été constaté en première observation. On peut supposer que le décalage entre ressenti et résultats réels ont amené certains élèves à revoir le jugement qu’ils portent a priori sur leur travail.
Pour conclure sur cette deuxième observation, on voit que l’évolution est globalement positive mais disparate selon les critères : l’efficacité n’a pas beaucoup changé. Les résultats sont très fortement influencés par la nature de l’activité, ce qui se confirmera sur la troisième observation.
Troisième observation
Description de l’activité menée
Cette activité est la tâche finale de la séquence présentée lors de la deuxième observation. Les élèves étaient chargés, en groupe, de rédiger un discours de prévention routière qu’ils présenteraient ensuite devant la classe. Chaque groupe devait représenter une association de prévention. Les groupes avaient le choix d’un thème, les problématiques n’étant pas exactement les mêmes : prévention auprès des automobilistes, des cyclistes, des piétons ou des motards. L’observation porte uniquement sur la préparation à l’écrit du discours, la tâche finale elle-même étant un écrit oralisé pour lequel une observation de groupe n’aurait été que peu pertinente.
Tableaux récapitulatifs
J’ai de nouveau fait tout mon possible pour que les conditions de déroulement de l’activité soient aussi similaires que possible dans les deux classes. Au moment de donner la consigne, le même problème s’est posé dans les deux groupes : malgré un temps conséquent accordé à la consigne, suivi d’une reformulation en français par un élève, j’ai passé mon temps à aller et venir de groupe en groupe pour réexpliquer individuellement la consigne, qui, comme le montre le faible nombre de points de maison obtenus au terme de l’activité, n’a pas été respectée pour autant. J’analyserai donc les résultats de cette observation au regard de cette consigne puisqu’elle a posé problème au point d’empêcher le déroulement normal de l’activité, et dans de nombreux cas m’a tout simplement empêchée de réaliser l’évaluation formative pour certains élèves qui m’ont rédigé un travail très inventif, dans un bon anglais, mais en employant continuellement l’auxiliaire WILL.
Observons d’abord le positif : les résultats en savoir-vivre continuent de s’améliorer.
Ce résultat est bien sûr facilité par la dimension individuelle de la tâche. Le travail en commun ne se faisant que sur la correction, les occasions de voir un conflit apparaître sont minimes par rapport à une tâche collaborative. En conjugant les résultats pour ce critère à ceux obtenus pour l’entraide, on se rend compte que ce processus de correction a été bien reçu par les élèves, qu’ils le maîtrisent ou non. C’est une bonne chose car on aurait pu craindre qu’une critique plus individuelle ne déclenche des réponses émotionnelles, problème généralement désamorcé dans les travaux de groupe où le jugement sur la personne et celui sur la production ne se superposent pas directement dans l’esprit des élèves.
L’autonomie est plutôt bonne : les élèves savent pour l’immense majorité se servir des outils qui sont à leur disposition (cahier, dictionnaire, internet) pour enrichir leur production. Comme je l’ai déjà mentionné, si l’incompréhension autour de la consigne n’a pas permis aux élèves de réussir l’activité, l’expression écrite s’est toutefois révélée de bonne qualité. Au cours de la séance de correction, il m’a fallu intervenir individuellement auprès d’un élève pour lui expliquer la différence qu’il pouvait y avoir entre un dictionnaire bilingue traditionnel, qu’il soit papier ou en ligne, et Google Traduction. Si je n’ai pas relevé d’utilisation erronée des outils en ligne, je pense que cette mise au point pourrait s’avérer profitable au reste de la classe, plutôt que de simplement ne pas utiliser Google Traduction, comme j’ai pu l’entendre, « parce que la prof veut pas. » Présenter ces différences entre les outils mérite une préparation que je n’avais pas effectuée à ce moment-là, aussi j’ai préféré ne pas improviser.
L’entraide au cours de cette activité s’est révélée problématique. La grille de correction en constituait le cadre mais comme pour toutes les activités du cours, en l’absence de précision de la part du professeur, les élèves peuvent demander de l’aide à leurs camarades à tout moment. La séance a effectivement été très animée mais je n’ai finalement entendu que peu de discussions à propos de la rédaction demandée : soit les élèves bavardaient et il me fallait les remettre au travail, soit ils me posaient directement leurs questions. Quant aux résultats chiffrés, ils montrent bien les limites de la correction par les pairs sur ce type d’activité : c’est un outil que les élèves apprécient car moins stressant que l’évaluation par le professeur, mais tous ne se sentent pas capable de s’en servir, problème que ne pouvaient révéler les activités de groupe puisqu’il y avait toujours au moins un élève sur les trois qui se chargeait de remplir la grille.
Quels avantages et quelles limites à l’organisation de classe par maisons ?
Avantages
Socialisation des élèves
Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, imposer aux élèves leur maison et leurs camarades n’a pas empêché ces derniers de travailler ensemble en dehors d’affinités préexistantes. Si certains groupes ont rencontré plus de difficultés que les autres en termes de relations humaines, tous ont finalement été en mesure de rendre des productions réalisées en commun, dans le cadre de la consigne qui leur avait été donnée. On constate même que, loin de leur porter préjudice, ce fonctionnement par groupe assure que la consigne est bien comprise et respectée par tout le monde, ce qui n’a pas été le cas lors du passage à une activité individuelle.
Sur les deux classes, une seule maison a rencontré des difficultés durables en ce qui concerne le relationnel. Je suis intervenue plusieurs fois pour modifier les groupes au sein de cette maison pour tenter de trouver une solution. Je ne suis finalement jamais arrivée à une situation satisfaisante pour tous, mais les élèves de ce groupe ont néanmoins trouvé une forme d’équilibre : à présent, sans mon intervention, les groupes changent très souvent.
Tous les élèves sont habitués à travailler ensemble et ainsi, ils évitent l’agacement que pourrait amener le fait de devoir toujours travailler avec les mêmes deux autres personnes. Si les contacts ne sont pas toujours apaisés, il est de plus en plus rare que je sois forcée d’intervenir.
On peut donc en conclure que sans être miraculeux, ce système de maison a permis aux élèves de progresser dans la manière dont ils appréhendent le travail de groupe et les rapports avec leurs camarades. Au fil des activités, les groupes se sont redessinés pour passer de groupes d’affinités (relatives puisqu’au sein de maisons imposées) à des groupes plus équilibrés à la fois en termes de niveau en anglais et de personnalité des élèves. De même que pour les conflits, mon intervention dans la formation des groupes s’est révélée de moins en moins nécessaire. Comme l’a montré l’exemple de cet élève ayant un bon niveau en anglais mais se reposant sur ses camarades au sein d’un groupe, il s’agit plus, à présent, d’amener certains élèves s’enfermant dans un rôle ne correspondant pas à leur capacités réelles à en sortir et à viser plus haut.
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Table des matières
Introduction
1. Démarche d’observation et définition des critères observés
2. Observation et analyse
3. Quels avantages et quelles limites à l’organisation de classe par maisons ?
Conclusion
Bibliographie
Sitographie
Annexes
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