Quelques rappels sur le mouillage

ย Tension de surface

Dรฉfinition

Considรฉrons par exemple le cas de lโ€™interface entre une phase liquide et une phase vapeur, comme pour une bulle de savon. Le liquide prรฉsente une tension de surface ฮณ (ou tension superficielle) et sa surface se comporte comme une membrane tendue. Dรฉformer ou augmenter cette surface coรปte de lโ€™รฉnergie. En effet, une molรฉcule dans un fluide est soumise ร  des interactions attractives, exercรฉes par les autres molรฉcules du milieu. Ces forces cohรฉsives peuvent รชtre des forces de VAN DER WAALS, des liaisons hydrogรจne, des liaisons ioniques ou mรฉtalliques selon le fluide considรฉrรฉ. Si une molรฉcule se situe ร  une interface (par exemple avec le gaz), elle subit moins dโ€™interactions attractives que lorsquโ€™elle รฉtait dans le volume du fluide et se retrouve dans un รฉtat รฉnergรฉtiquement dรฉfavorable. Lโ€™รฉnergie du systรจme prรฉsente alors un terme de surface, positif. ร€ cause de ce terme, les liquides ajustent leur forme de faรงon ร  minimiser leur surface .

La plupart des liquides ont une tension superficielle de lโ€™ordre de 20-50 mN/m . ร€ cause des liaisons hydrogรจne, lโ€™eau possรจde une tension superficielle particuliรจrement รฉlevรฉe, de lโ€™ordre de 70 mN/m. Du coup, sa tension superficielle est susceptible de chuter trรจs facilement, par simple contamination. Il est donc nรฉcessaire de prendre des prรฉcautions de propretรฉ lorsquโ€™on travaille avec lโ€™eau.

Les surfactants : modification de lโ€™รฉtat de surface

Il est possible de faire varier la tension superficielle dโ€™un liquide en lui ajoutant des surfactants, cโ€™est-ร -dire des molรฉcules actives en surface. Leur ajout dans une solution aqueuse fait baisser la tension superficielle de lโ€™eau et rend ainsi la crรฉation dโ€™une interface air/liquide moins coรปteuse en รฉnergie. Ces substances, dites tensioactives, sont trouvรฉes trรจs couramment comme ยซ produit actif ยป dans des produits mรฉnagers comme les savons, le produit ร  vaisselle, la lessive, … et sont aussi utilisรฉes pour stabiliser des รฉmulsions.

Une molรฉcule amphiphile

Les surfactants (ou tensioactifs) sont gรฉnรฉralement des composรฉs des masses molaires relativement รฉlevรฉes (M>200 g/mol) qui sont amphiphiles, cโ€™est-ร -dire quโ€™ils comportent deux zones distinctes dโ€™affinitรฉs chimique trรจs diffรฉrentesย  . Ils se composent ร  la fois dโ€™une rรฉgion hydrophile et dโ€™une rรฉgion hydrophobe, dโ€™oรน leur tendance ร  sโ€™adsorber aux interfaces, crรฉant ainsi une monocouche tapissant lโ€™interface (eau/air ou eau/huile par exemple) . La partie hydrophobe est souvent une chaรฎne aliphatique, appelรฉe queue, et la partie hydrophile peut รชtre ionique (tรชte polaire) ou formรฉe de quelques unitรฉs neutres mais solubles dans lโ€™eau. Lโ€™interposition des molรฉcules de surfactants entre les deux milieux modifie leurs interactions directes et gรฉnรฉralement abaisse la tension superficielle grรขce ร  lโ€™affinitรฉ des surfactants pour chacun des deux fluides.

Association de surfactants : formation de micelles

Si lโ€™on considรจre une solution dโ€™eau trรจs concentrรฉe en surfactants, ces derniers commencent par occuper toute lโ€™interface et lโ€™excรฉdent de surfactant est obligรฉ de se disperser dans le volume de la solution. La partie hydrophobe des molรฉcules nโ€™apprรฉcie pas de se trouver ainsi dans le volume dโ€™eau et les surfactants sโ€™organisent dans la solution afin dโ€™isoler les chaรฎnes hydrophobes. Au-delร  dโ€™une concentration critique, dite ยซ concentration micellaire critique ยป (CMC), les molรฉcules de surfactant se regroupent en micellesย  . Ces structures permettent de prรฉsenter uniquement les tรชtes polaires au milieu extรฉrieur, protรฉgeant ainsi toutes les queues aliphatiques de lโ€™eau. Elles se forment avec un nombre moyen de monomรจres donnรฉ.

Il y a compรฉtition entre une structure micellaire et un ensemble de monomรจres libres. En effet, la formation dโ€™une micelle permet de diminuer lโ€™รฉnergie interfaciale par molรฉcule, mais les molรฉcules se retrouvent aussi soumises ร  des interactions rรฉpulsives (les tรชtes รฉtant souvent chargรฉes) et รฉgalement stรฉriques. Par consรฉquent, ร  faible concentration, les molรฉcules sont plus stables sous forme de monomรจres. Au-delร  de la concentration micellaire critique, les molรฉcules sโ€™organisent sous forme de micelles, mais il reste des monomรจres libres dans le volume de la solution. La concentration en monomรจres libres varie trรจs peu si lโ€™on augmente la concentration en surfactant, par contre celle en micelles augmente. ร€ concentration encore plus รฉlevรฉe, on peut voir lโ€™apparition de micelles cylindriques (et non plus sphรฉriques) ou encore de bicouches. Par exemple, pour le surfactant SDS, les micelles deviennent cylindriques au-delร  de 200 mmol/L ร  22ยฐC, soit ร  25 fois la concentration micellaire critique.

Les micelles sont en รฉquilibre dynamique avec les monomรจres libres dans le volume de la solution, et sont constamment en train de se dรฉsintรฉgrer et de se reformer [PATIST et al (2001)]. Lโ€™รฉchange de monomรจres libres entre les micelles et la solution est relativement rapide (temps de relaxation ฯ„1 de lโ€™ordre de la microseconde) et est assimilรฉ ร  des chocs entre monomรจres et micelles. Par contre, la formation dโ€™une micelle ou sa dรฉsintรฉgration totale est beaucoup plus longue, et reprรฉsente donc lโ€™รฉtape limitante (temps de relaxation ฯ„2 de lโ€™ordre de la milliseconde ร  quelques minutes).

Interface rigide et interface mobile

ร€ la suite dโ€™un dรฉsaccord sur des rรฉsultats de drainage de mousses, obtenus par des laboratoires utilisant le liquide vaisselle ยซ Fairy ยป irlandais ou le ยซ Dawn ยป amรฉricain (groupes de WEAIRE et de STONE respectivement), ces groupes ont redรฉcouvert le rรดle essentiel de la physicochimie des interfaces dans la dynamique des mousses [KOEHLER et al (1999)]. Un film de savon crรฉรฉ ร  lโ€™aide dโ€™un surfactant rigide (comme le Fairy) draine lentement, sans turbulence visible, alors quโ€™un film contenant des surfactants mobiles (comme le Dawn) draine rapidement, avec lโ€™apparition de mouvements turbulents.

Les surfactants se plaรงant prรฉfรฉrentiellement aux interfaces, ils influencent ces derniรจres et imposent de nouvelles conditions aux limites ร  lโ€™interface, lorsquโ€™on cherche ร  rรฉsoudre lโ€™รฉcoulement du liquide. En fait, ils modifient la viscositรฉ de surface et par consรฉquent modifient lโ€™รฉcoulement des solutions [MYSELS et al (1959)] en changeant les conditions aux limites. Des expรฉriences de drainage forcรฉ de solutions de surfactants dans des mousses ont permis de mettre en รฉvidence des types de drainages diffรฉrents selon les surfactants utilisรฉs. Il sโ€™agit dโ€™humidifier une mousse, en injectant une solution ร  dรฉbit fixรฉ par le haut de la mousse, et de mesurer la vitesse de chute du front de mousse humide en fonction du dรฉbit. La vitesse du front varie en loi de puissance en fonction du dรฉbit, lโ€™exposant obtenu รฉtant caractรฉristique du type dโ€™รฉcoulement (Poiseuille ou bouchon). De tels rรฉsultats ont รฉtรฉ obtenus par diffรฉrentes รฉquipes et avec des techniques variรฉes : WEAIRE et al (1993) et DURAND et al (1999) par variations de conductivitรฉ รฉlectrique, KOEHLER et al (2000) par marquage ร  la fluorescรฉine, KOEHLER et al (2002) par suivi de billes de latex fluorescentes, …

Si les surfactants imposent une forte viscositรฉ de surface, la mobilitรฉ de surface est faible et donc lโ€™interface peut รชtre considรฉrรฉe comme approximativement rigide avec des conditions de non-glissement sur lโ€™interface ; lโ€™รฉcoulement engendrรฉ est de type Poiseuille. Au contraire, si les surfactants imposent une faible viscositรฉ de surface, lโ€™interface est mobile, et idรฉalement ร  contrainte nulle, des รฉlรฉments de film peuvent se dรฉplacer les uns par rapport aux autres, gรฉnรฉrant un รฉcoulement de type bouchon.

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Table des matiรจres

Introduction
Chapitre I. Quelques rappels sur le mouillage
I.1 Tension de surface
I.1.1 Dรฉfinition
I.1.2 Pression de LAPLACE
I.1.3 Longueur capillaire
I.2 Les surfactants : modification de lโ€™รฉtat de surface
I.2.1 Une molรฉcule amphiphile
I.2.2 Association de surfactants : formation de micelles
I.2.3 Interface rigide et interface mobile
I.3 Mouillage
I.3.1 Dรฉfinition et applications
I.3.2 Paramรจtre dโ€™รฉtalement S : mouillage total et mouillage partiel
I.3.3 Angle de contact dโ€™รฉquilibre : loi de YOUNG-DUPRร‰
I.3.4 Une loi insuffisante dans la rรฉalitรฉ – Hystรฉrรฉsis du mouillage
I.4 Angle de contact dynamique – Modรฉlisation
I.4.1 Gรฉnรฉralitรฉs sur la modรฉlisation du mouillage dynamique
I.4.2 Lโ€™approche hydrodynamique
I.4.3 Dissipation ร  la ligne de contact
I.4.4 Intรฉgration de lโ€™hystรฉrรฉsis dans les modรจles de mouillage dynamique
I.5 Conclusion
Bibliographie du Chapitre I
Chapitre II. Singularitรฉs de gouttes glissant sur un plan inclinรฉย 
II.1 ร‰tat de lโ€™art
II.2 Dispositif expรฉrimental
II.2.1 Montage
II.2.2 Contrรดle de la vitesse des gouttes par inclinaison du substrat
II.2.3 Description des huiles silicone
II.2.4 Technique de visualisation
II.2.5 Mรฉthode de mesure des angles de contact et des angles dโ€™ouverture du coin
II.3 Forme des gouttes en fonction de leur vitesse
II.4 Angles de contact dynamiques
II.4.1 Angle critique de reculรฉe ร  la transition ovale/coin
II.4.2 Test des diffรฉrents modรจles de mouillage
II.5 Forme adaptative du coin
II.5.1 Vitesse normale ร  la ligne de contact : Ca.sinฯ•
II.5.2 Angle dโ€™ouverture du coin en vue de dessus : ฯ•
II.5.3 Angle dโ€™ouverture du coin en vue de cรดtรฉ (โ„ฆ)
II.6 Un ยซ coin rond ยป ?
II.6.1 Courbure de la ligne de contact dans la direction transverse ร  lโ€™รฉcoulement
II.6.2 Retard ร  la transition
II.7 Transition vers le cusp
II.8 Perlage
II.8.1 Transition de perlage
II.8.2 Gouttes satellites
II.8.3 Largeur du ruisselet arriรจre
II.9 Conclusions et perspectives
Bibliographie du Chapitre II
Chapitre III. Mรฉandres stationnaires – Instabilitรฉ dโ€™un filet liquide sur une plaque sans รฉrosion
III.1 Introduction
III.2 Montage expรฉrimental
III.3 Les diffรฉrents รฉcoulements rencontrรฉs
III.3.1 Les rรฉgimes ร  dรฉbit croissant
III.3.2 Dรฉveloppement des mรฉandres
III.3.3 Stabilitรฉ des mรฉandres stationnaires
III.4 Seuils de mรฉandrage
III.4.1 Dรฉtermination des seuils
III.4.2 Interprรฉtation physique du seuil de mรฉandrage
III.5 Morphologie des mรฉandres
III.5.1 Origine de la stationnaritรฉ des mรฉandres
III.5.2 Forme locale des mรฉandres
III.5.3 ร‰volution des grandeurs moyennes<Rc>, <ฮป> et <A>
III.6 Les mรฉandres comme fonction : une approche mathรฉmatique
III.6.1 La sinusoรฏde
III.6.2 Suite de demi-cercles
III.6.3 Arcs de cercles et segments inclinรฉs
III.7 ร‰tude de la vitesse au sein des mรฉandres
III.7.1 Vitesse moyenne dans le filet droit
III.7.2 Vitesse moyenne dans les mรฉandres
III.7.3 Vitesse locale : non-uniformitรฉ sur la largeur des mรฉandres
III.8 Dรฉbit dรฉcroissant – Hystรฉrรฉsis en dรฉbit
III.8.1 Rรฉsultats expรฉrimentaux
III.8.2 Origine physique de lโ€™hystรฉrรฉsis en dรฉbit
III.9 Influence de perturbations et de la viscositรฉ
III.9.1 Dรฉbat sur lโ€™origine des mรฉandres : fluctuations en amont de lโ€™injection, dues ร  la pompe, ou non ?
III.9.2 Perturbations dโ€™un filet droit en aval de lโ€™injection โ€“ Dรฉclenchement de mรฉandres
Conclusion

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