Circonstances de découvertes
Les mélanomes malins apparaissent dans trois conditions différentes avec une proportion variable suivant les statistiques : les uns surviennent sur un nævus pré-existant, presque toujours pigmentaire, les autres semblent être des mélanomes malins d’emblée, certains enfin ne sont reconnus qu’à l’occasion d’une métastase.
La transformation maligne d’un nævus, exceptionnelle eu égard à l’existence de nombreux nævi pigmentaires chez tout individu, est malheureusement impossible à prévoir. Les données cliniques d’appréciation du potentiel malin d’un nævus pigmentaire sont très relatives. Cependant, les nævi très noirs, les nævi saillants avec halo pigmentaire (halo nævus), les nævi de la plante du pied et du membre inférieur, ceux des organes génitaux, sont plus aptes à se transformer. Par contre, les nævi peu pigmentés ou bruns clairs, si fréquents sur le visage des adultes (« verrues molles »), les nævi papillomateux ou pédiculés sont particulièrement quiescents. L’absence de risque de transformation attribuée, par certains auteurs, au lentigo plan, le plus commun des nævi est loin d’être absolue. Les nævi pileux ne se transforment pratiquement jamais. Des facteurs favorisants sont assez souvent retrouvés à l’origine de la transformation maligne. Il faut surtout insister sur le rôle des irritations répétées (grattage, frottement par les vêtements) et sur celui des traumatismes accidentels ou thérapeutiques (8). Un nævus pigmentaire traumatisé (saignement) doit être immédiatement enlevé entièrement en vue d’une étude histologique. La transformation maligne doit être soupçonnée lorsqu’un nævus :
– grandit assez brusquement, s’étale ou se boursoufle rapidement ;
– change de teinte en quelques semaines, devenant plus foncé par plages ou en totalité ;
– s’entoure d’un halo érythémateux ;
– s’infiltre en profondeur ;
– devient sensible ou douloureux (signe rare ou trompeur).
Deux signes sont habituellement donnés comme signes de présomption, alors qu’il s’agit de signes d’un mélanome malin déjà évolué imposant l’intervention immédiate :
– le saignement du nævus ;
– l’ulcération, qui est une des manifestations cliniques les plus certaines de transformation maligne.
En réalité, les seuls critères valables sont d’ordre histologique, mais on ne connaît la structure du nævus qu’après l’avoir enlevé entièrement, toute biopsie partielle étant formellement interdite ;
Le mélanome malin d’emblée, est une tache noire qui se différencie d’un nævus banal par son apparition chez un adulte ou chez un vieillard, par sa teinte très foncée d’un noir franc, par son extension assez rapide, par l’irrégularité de ses bords avec déjà parfois un semis de sa surface qui tend à se boursoufler, par une infiltration plus ou moins nette. Mais aucun de ces caractères cliniques n’a une valeur absolue. Toute tache pigmentée de type naevique survenant tardivement doit être tenue pour suspecte. Assez souvent, le mélanome d’emblée constitue, dès sa formation, une tumeur saillante, tantôt de couleur rose ou rouge avec un ou plusieurs points pigmentés. Tous les intermédiaires existent ainsi entre une excroissance franchement mélanique et un mélanome malin achromique simulant un papillome ou une autre tumeur bénigne.
Le mélanome métastatique est malheureusement une des formes révélatrices assez fréquentes du mélanome malin (9). Une adénopathie, constatée par le malade ou découverte à l’examen, dénonce la transformation maligne d’un naevus dont l’aspect ne paraissait pas inquiétant et c’est même parfois l’examen histologique du ganglion qui fait rechercher le mélanome malin passé inaperçu. Des métastases viscérales, hépatiques, cérébrales ou autres, peuvent elles aussi être le premier signe de reconnaissance. Le mélanome malin cutané secondaire isolé reproduit l’aspect d’un mélanome primitif, et seuls quelques caractères architecturaux font parfois réformer le diagnostic initial. Bien plus importante est la confusion d’une métastase cutanée avec un naevus banal, confusion aggravée par le fait que le mode sous-épidermique peut simuler cliniquement et histologiquement un naevus intradermique de pronostic faussement rassurant. Dans tous ces cas, l’interrogatoire ou l’examen (cicatrice d’intervention ou d’électrocoagulation) peut apporter la notion d’une lésion antérieure, enlevée parfois avec le diagnostic de nævus banal, de papillome, de botriomycome, sans contrôle histologique, et qui, rétrospectivement, se révèle ainsi avoir été un mélanome malin méconnu. Il s’agit souvent d’une intervention ancienne sur un mélanome malin, la surveillance post-opératoire n’ayant pas été suffisamment prolongée. Un exemple classique est l’association d’un gros foie et d’un œil de verre (énucléation de l’œil pour mélanome de la choroïde).
Les Eumélanines
Ces mélanines sont de couleur brune ou noire, elles ont un haut poids moléculaire, et ont une structure polymérique. Elles sont insolubles dans la plupart des solvants connus, ce qui explique le grand nombre d’inconnues subsistant au niveau de leur structure intime. Contrairement aux phaeomélanines qui sont solubles dans les bases diluées, les eumélanines ne peuvent être extraites par ces méthodes. Leur structure est relativement complexe. Elles sont formées par la polymérisation de plusieurs radicaux phénols oxydés en fonctions quinones. Chez l’homme, le précurseur phénolique est la tyrosine ou bien la 3-4 dihydroxyphénylanine (Dopa). Le passage à la forme quinonique est une étape clef dans la synthèse des eumélanines. La tyrosinase est l’enzyme essentielle qui catalyse la synthèse des eumélanines. Cette enzyme intervient pour transformer la tyrosine en Dopa (réaction irréversible) et la Dopa en dopaquinone (réaction réversible). Ces réactions de transformation sont rapides et s’effectuent sous la dépendance de facteurs thermiques. La transformation de dopaquinone en leucodopachrome est une réaction lente, la suite des évènements nécessite la présence de zinc et transforme rapidement le dopachrome en polymère. Chacun des corps intermédiaires de la réaction, possède un maximum d’excitation dans le spectre ultraviolet, ce qui permet de les caractériser. D’autre part, les mélanines absorbent les différentes longueurs d’onde du spectre de 2.000 à 20.000 A avec le métabolisme cellulaire, et notamment avec les membranes lysosomiales. Cet aspect particulier des eumélanines trouve son illustration dans le rôle capital que les mélanines jouent en biologie et dans certains phénomènes pathologiques.
Mélanose intra-tumorale
L’examen comparatif de coupes d’un même mélanome malin traitées par les deux réactifs fournit des images qui sont loin d’être exactement superposables. D’autre part, dans beaucoup de mélanomes, il existe une proportion variable de cellules qui ne contiennent ni oxydase, ni pigment. D’une manière générale, on peut dire que tout mélanome malin mélanogène contient des éléments dopa-positifs. Ceux-ci se rencontrent surtout, pour les mélanomes cutanés, dans leur région superficielle, dans les cellules qui envahissent l’épiderme et le derme papillaire. En profondeur, la dopa-réaction est plus faible, inégale et manque dans maintes cellules : on l’observe surtout dans les zones d’invasion. Il en est de même pour les métastases ganglionnaires et viscérales. Les mélanoblastes à contenu pigmentaire sont plus nombreux que les mélanoblastes dopa-positifs, sans doute parce que beaucoup conservent le pigment qu’ils ont formé alors que leur oxydase a disparu. Leur forme, leur répartition, l’intensité de leur pigmentation varient à l’extrême d’une tumeur à l’autre d’une même tumeur et d’une métastase à l’autre Tantôt tous sont également pigmentés : tantôt les uns le sont fortement, les autres moins, tantôt les uns le sont et les autres pas du tout ; tantôt enfin, tous sont achroniques.
Les mélanomes malins achromiques
Ce terme désigne une tumeur qui, bien qu’elle soit constituée par des mélanoblastes authentiques, est entièrement dépourvue de pigment, parfaitement incolore par conséquent. De plus, pour le mériter parfaitement, non seulement la tumeur primitive, mais toutes ses métastases, doivent être sans mélanine. Les métastases d’un mélanome malin peuvent être diversement colorées et certaines, même, parfaitement blanches à l’œil nu. Il est des cas où toutes sont blanches. Même dans ce cas où les préparations histologiques colorées ne montrent aucune trace de pigment, il est exceptionnel que le nitrate d’argent ammoniacal n’en relève la présence, dans quelques cellules néoplasiques ou dans le stroma. Souvent, le pigment est si rare que l’examen de plusieurs coupes est nécessaire pour confirmer le diagnostic de mélanome. Ces leucomélanomes sont constitués par des mélanoblastes qui, en majorité, ont perdu leur activité spécifique, et cette activité ne réapparaît que dans une minorité d’entre eux. Il est recommandé de recourir systématiquement au nitrate d’argent ammoniacal dans ces cas difficiles. L’usage de la dopa est trop délicat pour être utilisable en de telles circonstances.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE CHAPITRE : ETUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE
1. CRITERES DE DIAGNOSTIC POSITIF
1.1. Apports des examens macroscopiques
1.1.1. Circonstances de découvertes.
1.1.2. Aspects observés
1.2. Apports des examens microscopiques
1.2.1. Moyens d’étude
1.2.2. Etude analytique
2. FACTEURS DE PRONOSTIC DES MELANOMES MALINS CUTANES
2.1. Paramètres majeurs
2.1.1. Types histogénétiques
2.1.2. Dimensions tumorales
2.1.3. Activités mitotiques
2.1.4. Existence d’ulcération
2.1.5. Cas particuliers
2.2. Paramètres mineurs
2.2.1. Le type cellulaire
DEUXIEME CHAPITRE : CONFRONTATIONS ANATOMO CLINIQUES
1. FORMES CLINIQUES DES MELANOMES MALINS
1.1. Selon les antécédents
1.1.1. Le mélanome malin en nappe
1.1.2. Le mélanome malin sur nævus pileux congénital
1.1.3. Le mélanome malin des nævi bleus a donné lieu à de nombreuses discussions
1.2. Selon la Topographie (Formes topographiques)
1.2.1. Cas fréquents
1.2.2. Le panaris mélanique
1.3. Selon le terrain
1.3.1. Mélanome malin de l’enfant
1.3.2. Mélanome malin et grossesse
1.3.3. Mélanome malin familial
1.4. Selon l’évolution (Formes évolutives)
1.4.1. Les stades évolutifs
1.4.2. La régression spontanée
1.4.3. Les récidives
1.4.4. Les métastases
1.4.5. Le potentiel évolutif
2. CADRE NOSOLOGIQUE
2. 1. Diagnostic différentiel
2.1.1. Au point de vue clinique
2.1.2. Au point de vue histo-pathologique
2.2. Nomenclature des proliférations mélanocytaires infra-épidermiques
2.2.1. Notions générales
2.2.2. Tableaux réalisés
3. ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
3.1. Particularités de notre laboratoire
3.2. Les affections cutanées en général que nous avons rencontrées de septembre 1976 à décembre 1989
3.2.1. Rapport entre total des examens effectués dans notre laboratoire et total des affections cutanées
3.2.2. Répartition des affections cutanées non tumorales selon l’âge et le sexe
3.2.3. Répartition des affections cutanées tumorales bénignes selon l’âge et le sexe
3.2.4. Répartition des affections cutanées tumorales malignes selon l’âge et le sexe
3.2.5. Relevé des tumeurs malignes vues dans notre laboratoire
3. 3. Les mélanomes malins que nous avons vus durant cette période
3.3.1. Formations hospitalières d’origine des prélèvements que nous avons observés
3.3.2. Répartition des mélanomes malins selon l’ethnie
3.3.3. Répartition des mélanomes malins par tranche d’âge
3.3.4. Répartition des mélanomes malins selon le sexe
3.3.5. Répartition des mélanomes malins selon la localisation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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