L’éducation est un des ancrages disciplinaires de la communication. Le système «enseignement/apprentissage » impliquant nécessairement un échange d’informations constitue indéniablement un processus d’interaction marquant l’importance du lien social créé entre les interlocuteurs. Par ailleurs, par la notion d’échange et de communication, la langue introduit une dimension supplémentaire aux difficultés éprouvées par les élèves qui n’ont aucun handicap dans l’apprentissage: difficultés à construire des phrases, à trouver du vocabulaire, à conjuguer les verbes, à exprimer des idées. Chez un sourd, l’absence ou l’insuffisance de l’audition ne fait qu’empirer ces difficultés. Ainsi, ce mémoire se rapporte à l’étude de la communication chez de sujets sourds, de ses effets sur l’enseignement/apprentissage et sur leur cognition, à l’analyse de la dynamique des interactions des sourds avec leurs enseignants, des sourds avec les autres élèves sourds, des sourds avec les membres de leurs familles et des sourds avec les autres personnes de la société (répétiteurs) dans le cadre de la transmission des connaissances et de ses impacts dans la réussite ou l’échec scolaire des sujets sourds.
La délimitation du champ
Compte tenu du développement indéniable des concepts et idées gravitant autour de la communication, vue la multitude des théories cadrant le système d’enseignement / apprentissage, eu égard à la singularité du domaine de la surdité, il est nécessaire de délimiter le champ de cette étude.
Le paradigme de cette étude s’inscrit dans un point de vue pragmatique car il va intégrer aussi bien le modèle de code au niveau individuel (phénoménologique), au niveau sociologique, mais aussi les conceptions venant d’autres domaines : la psychologie, la psychosociologie, la philosophie, la sociolinguistique, entre autres le contexte qui donne le sens de l’échange, la culture qui délimite et élargit à la fois le champ communicationnel des acteurs, le cognitif qui met l’accent sur les processus mentaux internes. Le champ d’étude est par contre délimité au sein du domaine de l’éducation. Et est surtout prise en considération la communication interpersonnelle, voire sociale.
La dynamique des interactions et la qualité de la communication ont été analysées. Les différents modes de communication des sourds avec les autres sourds, des sourds avec les membres de leurs familles et des sourds avec les autres personnes de la société dans le cadre de transmission de la connaissance (enseignement) sont appréciés, évalués et comparés (S.D. Pessonneaux, 2004). Même si la recherche privilégie une approche systémique qu’est la phénoménologie (Husserl, 1913 ; Schutz, 1932 ; Virole, 2004), pour observer et décrire les caractéristiques essentiels des évènements tels qu’ils se présentent, elle ne fait abstraction d’aucune autre théorie psychologique et philosophique. Il s’agit par exemple des théories cognitives dont celle de Kurt Lewin (1951) qui présente l’idée de champ ou environnement psychologique tel que l’individu le perçoit ; suivant ce concept, ce sont les constructions mentales qui influencent les conduites de l’individu ; des théories de l’interaction de Mead (1956) stipulant qu’une situation précise en relation avec la personnalité des individus concernés exerce une influence sur leurs comportements sociaux et leurs interactions, et ce suivant l’existence d’éléments symboliques (valeurs, croyances, cultures) opérants; du constructivisme de Piaget (1923) qui est à la base de la théorie de l’apprentissage mettant en avant la capacité inhérente à chaque individu d’appréhender et de « re-construire » la réalité qui l’entoure ; du socioconstructivisme de Vygotski (1933), et de celui de Berger et Luckman (1956) qui envisagent les phénomènes sociaux comme étant des processus dynamiques « re-construits » par les individus selon leur perception et interprétation.
Quelques notions autour de la communication
La communication est un domaine pluridisciplinaire souvent invoqué à tout propos si bien qu’il est indispensable de fournir quelques précisions utiles à la présente étude.
L’idéologie de la communication est actuellement plus que jamais présente au sein de notre société. Et du fait de la multiplication des référents théoriques, le paradigme de la communication devient interdisciplinaire si bien que parler de la communication nécessite d’approcher divers types de systèmes de références dont les principaux sont : la communication-transmission (Shannon 1916-2001), la communication-participation (Ecole de Palo Alto (Watzlawick 1921-2007)), la pragmatique universelle (Ecole de Francfort (Habermas 1929)) et d’autres disciplines touchant entre autres divers domaines des sciences humaines : la linguistique (Griner, Martinet 1908-1999), l’anthropologie (Morin 1921, Bateson 1904-1980, Hall 1914-2009), la psychologie (Piaget 1896-1980), psychosociologie (Mead 1863-1931, Goffman 1922-1982, Lewin 1890-1947, Dewey 1859-1952), la sociologie (Escarpit 1918-2000, Schutz 1899-1959, Beaudichon), la philosophie (Berger 1929, Luckman 1927) ainsi que de sciences technique et mathématique (Shannon 1916-2001, Weaver 1894-1978, Wiener 1894-1964), (A. Mucchieli, 2001).
Il est évident qu’il est délicat de prétendre à une définition généralisée, ou encore à une définition unique de la communication.
Etymologiquement, le terme provient du latin « communicare ». Le verbe latin est construit avec le préfixe con- (« avec ») et munus (« devoir », « office », « emploi », « fonction », « tâche ») signifiant (« partager »). Vue par le sens commun, communiquer, c’est : mettre en commun, mettre en relation, entrer en conversation avec, informer, transmettre…D’après le Littré (1974) communiquer, c’est « rendre commun, faire part, transmettre, donner communication, avoir des relations, être en rapport avec quelqu’un… ».
La communication est basée notamment sur l’échange de signes organisés qui constituent un langage et par lequel un message est transmis. En 1963, Jakobson, de point de vue linguistique, décrit la communication comme un processus reposant sur six facteurs. A chacun de ces facteurs est liée une fonction du langage : le destinateur (fonction expressive), le destinataire (fonction conative), le code (fonction métalinguistique), le message (fonction poétique), le canal (fonction phatique) et le contexte (fonction référentielle). La « communication » peut être définie comme le processus de transmission d’informations. La communication peut donc être considérée comme processus de transmission d’un message d’un émetteur à un ou plusieurs récepteurs à travers un canal subissant des interférences, avec de rétroaction ou feedback en boucle, et sous un contexte délimitant le sens de l’échange. C’est un processus pour la mise en commun d’informations et de connaissances.
Communication, information et connaissance
La communication est le processus de transmission d’informations. Le concept d’information est primordial dans l’appréhension de la communication. A. Mucchielli a précisé que « l’information est une donnée qui a de sens pour un acteur. Elle ne peut arriver à cet acteur qu’à travers une « communication » qui, d’ailleurs, participe à la genèse de la signification de cette information » (A. Mucchielli, 2001). L’information trouve son origine scientifique avec Shannon et Weaver. Les notions de quantité d’information, d’entropie et de mesure de l’information font l’objet d’une discipline spécialisée, appelée théorie de l’information initiée par Claude Shannon ; dans Théorie Mathématique de la Communication, Claude Shannon et Warren Weaver modélisent l’information pour étudier les lois correspondantes (C. Shannon, W. Weaver, 1948). La conception la plus répandue de l’information est inspirée de ce modèle de Shannon et Weaver lié à la trilogie émetteur + message + récepteur : un émetteur, grâce à un codage, envoie un message à un récepteur qui effectue le décodage dans un contexte. Le message sert de véhicule aux données qui constituent le contenu. Aussi, il faut faire la différence entre donnée, qui n’a pas nécessairement de(s) signification(s) aux acteurs en présence, et information qui représente une donnée pertinente et donc de valeur surtout du coté du récepteur. En effet, l’information représente les données transformées sous une forme significative pour l’un au moins des individus protagonistes. A la différence de l’information qui correspond à de donnée contextualisée, la connaissance correspond à l’acquisition, la perception, l’organisation, l’interprétation, la mémorisation et la reconstruction par l’individu de cette information.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : CADRE THEORIQUE
I. La délimitation du champ
II. Quelques notions autour de la communication
1. Communication et information
2. Communication et interaction
3. Communication et message
4. Communication et enseignement/apprentissage
III. Quelques notions autour de la surdité
1. Pathologie de l’oreille
2. Les types de communication des sourds
PARTIE II : METHODOLOGIE
I. Présentation d’ensemble
II. Méthodes d’investigation
1. Les observations
2. Les interviews
3. Test sociométrique
III. Traitement des données
1. Observations
2. Interviews
3. Test sociométrique
PARTIE III : RESULTATS ET INTERPRETATIONS
I. Observations
1. Classe
2. Foyer
3. Tiers
II. Interviews
1. Histoire de vie de E1
2. Histoire de vie de E2
3. Histoire de vie de E3
4. Histoire de vie de E4
5. Histoire de vie de E5
6. Histoire de vie de E6
7. Histoire de vie de E7
III. Sociométrie
1. Sociomatrice
2. Sociogramme
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES