QUELQUES MOTS SUR LE PAYS SIHANAKAย
Lโethnie sihanaka occupe la partie Alaotra de la rรฉgion AlaotraMangoro dans la province autonome de Toamasina. LโAlaotra, considรฉrรฉ comme le pays des Sihanaka, appelรฉ aussi Antsihanaka, sโรฉtend sur une superficie de 5 670 km2 se situe environ ร 370 km du chef-lieu de province et compte 629 338 habitants. LโAntsihanaka est limitรฉ au sud par le pays des Bezanozano, au nord, par le pays tsimihety, ร lโest par les pays des Betsimisaraka et ร lโouest par lโImerina . En plus, les routes nationales qui le lient avec les autres villes, des petites pistes rurales ayant dรฉjร existรฉ auparavant (avant la colonisation) facilitent aussi la circulation des hommes et des marchandises de lโAntsihanaka vers ses pays voisins. A titre dโexemple, la piste qui relie Imerimandroso ร Vavatenina et celle de Soalazaina ร Anjozorobe qui sont encore praticables de nos jours.
LโAntsihanaka est un pays agriculteur. Il y a deux saisons bien distinctes.
– De novembre ร mars : la saison chaude et pluvieuse avec une forte pluviomรฉtrie de 1 000 mm en moyenne.
– La saison froide et sรจche se fait sentir du mois dโavril jusquโau mois dโoctobre . Durant cette saison, les pluies sont rares et on nโenregistre en moyenne que 100 mm de pluviomรฉtrie. Aprรจs calcul fait donc, lโAntsihanaka a une pluviomรฉtrie de 1 100 mm en moyenne par an. Cette forte pluviomรฉtrie ajoutรฉe ร lโhydrographie explique sans doute la fertilitรฉ de la terre sihanaka qui assure lโappellation de premier grenier ร riz de Madagascar.
En termes dโhydrographie, citons les cours dโeau les plus distinguรฉs : le Sahabe, lโAnony, le Sahamilahy, le Sahamaloto, le Manamontana, etc., et surtout le fameux Lac-Alaotra qui symbolise le pays. Ces riviรจres ne servent pas uniquement ร irriguer les riziรจres mais elles assurent aussi la seconde activitรฉ des Sihanaka tamorondrano (ceux qui habitent les bords du lac) : la pรชche. Le pays sihanaka, en plus de sa rรฉputation dโรชtre le grenier ร riz de Madagascar est aussi rรฉputรฉ pour sa richesse en poissons. Le mot besisika (cybrinidรฉs) va mรชme de pair avec le pays sihanaka. Cโest le poisson emblรฉmatique du Lac-Alaotra et des riviรจres du pays. A part le besisika, on y trouve encore le lapia (cyprinoรฏdes), le fibata (une espรจce de poisson importรฉ de la Corรฉe). Si on peut le dire, lโAntsihanaka est un pays bรฉni. Il est riche en hydrographie, riche en pluviomรฉtrie. La culture et la pรชche y sont favorables. Lโรฉlevage y est prospรจre parce que les conditions naturelles lui permettent de se dรฉvelopper. Lโรฉlevage bovin tient la premiรจre place dans ce pays. Les montagnes (tanety) servent de pรขturages durant la saison de pluie. Les riziรจres et les zones basses assurent le relais pendant la saison sรจche.
Aprรจs lโรฉlevage bovin, il y a lโรฉlevage des oies. Cet รฉlevage est pratiquรฉ presque par chaque foyer. Non seulement parce quโil est ร la portรฉe de tous, mais aussi il ne demande pas beaucoup dโoccupations : le son de riz suffit comme alimentation et il faut aussi les laisser se baigner ร la riviรจre et les conditions pour leur dรฉveloppement sont rรฉunies.
DELIMITATION DE LA COMMUNE RURALE DโAMBOHITSILAOZANAย
Sa description
La commune rurale dโAmbohitsilaozana se trouve ร 15 km environ de la ville dโAmbatondrazaka, chef-lieu de district. Cโest un village montagneux traversรฉ en son milieu par la route qui fait le tour du Lac-Alaotra. Elle a une superficie de 360 km2 et compte 18 517 habitants . La commune rurale dโ Ambohitsilaozana comporte 11 fokontany ร savoir : Ambohidivoara, Ambohimanga, Ambohipasika, Ambohitresana, Ambohitsilaozana, Ambongabe, Antandrokomby, Mahatsinjo, Mangalahala, Menaloha et Tanambao-Jiapasika. Le climat y est presque le mรชme que celui dโAntsihanaka en gรฉnรฉral mais un peu plus capricieux. Ambohitsilaozana est un peu isolรฉ des sources. Menaloha, la seule grande riviรจre ร proximitรฉ se trouve encore ร plus de 5 km du village. En consรฉquence, la population creuse des puits pour se procurer de lโeau dans la vie quotidienne. Et comme tous les Sihanaka, les habitants y sont presque tous des cultivateurs.
Leur principale activitรฉ est la riziculture qui fournit la base de lโalimentation des Malgache et surtout des Sihanaka. Cette culture est praticable sur les surfaces inondรฉes par les petites riviรจres. Mais dโun autre cรดtรฉ, il y a aussi les terres qui ne sont pas favorables ร la riziculture. Pour les mettre en valeur, les habitants y cultivent des lรฉgumes et pratiquent aussi les cultures sรจches telles que le maรฏs, le manioc, la patate, etc. Cโest la cause de lโabondance des lรฉgumes dans la commune. Cรดtรฉ environnement, la commune rurale est encore assez boisรฉe, mais รฉtant donnรฉ que les principaux moyens de chauffage de la population sont le charbon de bois et le bois sec, la situation est inquiรฉtante parce quโร force dโexploiter la forรชt, la commune risque de se dรฉboiser dโune maniรจre progressive.
Sa situation รฉconomique
Les Sihanaka forment une ethnie ร vocation agricole. Pour le cas dโAmbohitsilaozana, environ 92 % de sa population sont tous des cultivateurs. Ce pourcentage trรจs รฉlevรฉ sโexplique par le fait que chez eux, mรชme ceux qui occupent des places de fonctionnaires ou de bureaucrates pratiquent lโagriculture, en dehors de leurs activitรฉs principales. A propos de lโรฉlevage, les Sihanaka dโAmbohitsilaozana รฉlรจvent surtout des bลufs. Ces bรชtes ne leur servent pas uniquement comme moyen de production, mais aussi et surtout ils reprรฉsentent de la richesse. Ce sont des fortunes laissรฉes par les gรฉnรฉrations ascendantes ou les ancรชtres et qui reflรจtent leur niveau de vie. En dehors de lโรฉlevage bovin, il y a aussi lโรฉlevage caprin. Seul lโรฉlevage porcin est interdit chez les Sihanaka originaires dโAmbohitsilaozana, mais paradoxalement, ils mangent de la viande de porc.
Au sujet de la pรชche, les habitants dโAmbohitsilaozana la pratiquent aussi, mais pour ce faire, ils doivent se dรฉplacer ร 7 km du chef-lieu de la commune.
Comme travail dโartisanat, les habitants pratiquent le tricotage et surtout le tressage. Ce sont les femmes et les jeunes filles qui en sont les spรฉcialistes. Elles ont, pour le tressage, comme matiรจres premiรจres, des joncs, du vendrana et des fibres de bananier qui font tous partie de la vรฉgรฉtation locale. Elles fabriquent des paniers, des chapeaux, des sacs ร main, des corbeilles, des nattes, etc. Ces matรฉriels sont fabriquรฉs dans le but dโassurer leur utilitรฉ dans la vie quotidienne et pourquoi pas aussi, pour gagner un peu dโargent. Mais malgrรฉ ces conditions naturelles de vie qui paraissent favorables dans tous les domaines, les habitants dโAmbohitsilaozana ne vivent pas encore trรจs ร leur aise financiรจrement, puisquโune famille touche en moyenne entre 100 000 et 150 000 Ariary par an. Et ceci varie suivant la fluctuation des produits.
Lโannรฉe est divisรฉe en trois grandes pรฉriodes chez les Sihanaka. La premiรจre est le moment de la culture. Elle dรฉbute au mois de janvier et sโachรจve au mois dโavril. Cโest le fahavaratra, appelรฉ tout simplement chez les Sihanaka ยซ maitso ahitra ยป (pรฉriode de verdure). Cโest le moment oรน les habitants sont presque tous en difficultรฉ pour gagner leur vie. Cโest pendant cette pรฉriode aussi que les gens travaillent beaucoup. Ils labourent la terre, achรจtent quelques semences, assurent le repiquage. En un mot, cโest le moment dโinvestissement. Leur seule source dโargent provient des ventes de lรฉgumes, mais cette source leur est insuffisante.
La deuxiรจme pรฉriode se dรฉroule ร partir du mois dโavril, pรฉriode oรน le riz commence ร mรปrir. Cette pรฉriode qui ne prendra fin quโau mois de juillet, est la pรฉriode de la moisson, appelรฉe miaka-bokatra ou main-tany (terre sรจche) par les Sihanaka. Tous les villageois, mรชme les enfants, peuvent se procurer de lโargent ร cette pรฉriode parce quโil y a beaucoup de moyens pour le faire : en travaillant chez quelquโun ou en vendant sa part de rรฉcolte. Cโest pendant cette pรฉriode que les Sihanaka profitent pour acheter des matรฉriels agricoles ou ce dont ils auront besoin ร la maison comme les matรฉriels รฉlectromรฉnagers, les meubles, les vรชtements.
Du mois dโaoรปt au mois dโoctobre, les Sihanaka pratiquent divers rites comme le famadihana (exhumation), la circoncision, le mariage, etc. Cโest aussi le moment des festivals, des foires et de tant dโautres divertissements (spectacles, soirรฉes dansantes, etc.) qui ne font quโinciter les gens ร dรฉpenser beaucoup plus. Et pour cela, ils sont obligรฉs de vendre leurs produits, leur seul moyen de se procurer de lโargent.
Suivant cette pรฉriode de dรฉpenses et de festivitรฉs, au seuil du mois dโoctobre, certaines familles se trouvent dรฉjร dans lโimpossibilitรฉ de satisfaire leurs besoins au niveau financier. Les Sihanaka appellent cette pรฉriode : may mololo (chaume brรปlรฉ) durant laquelle la rรฉcolte commence ร perdre sa trace et les repousses apparaissent. Cโest un indice qui signale que le fahavaratra ne tardera pas ร venir. Cette instabilitรฉ รฉconomique cause la monotonie de la vie des habitants de la commune : alternance de la pรฉriode de gaspillage et de la pรฉriode dโinsuffisance. Malgrรฉ les diffรฉrences de niveau de vie, il y a quand mรชme des traits communs qui rendent les habitants homogรจnes. Cโest leur faรงon de sโorganiser dans la sociรฉtรฉ.
Le mode de vie de la population
Chez les Sihanaka dโAmbohitsilaozana, il y a des jours fastes et des jours nรฉfastes. Le lundi, le mercredi, le vendredi et le samedi sont des jours fastes. Par contre, sont conรงus comme des jours nรฉfastes le mardi, le jeudi et le dimanche . Les Sihanaka sont tous des bons cultivateurs, car ils travaillent tous les jours fastes en cultivant la terre. Les hommes labourent et sรจment les grains, tandis que les femmes sโoccupent du repiquage ainsi que de lโarrosage des lรฉgumes au champ. Quant aux jeunes filles, elles assurent la prรฉparation du repas de toute la famille. Seuls les gens รขgรฉs restent au village. Ils en sont les gardiens. Mais en mรชme temps, les vieilles continuent ร tresser ou ร tricoter. Pour elles, cโest un passe-temps.
Les Sihanaka sont traditionalistes. Ils ne descendent jamais dans les riziรจres les jours nรฉfastes parce quโil est interdit dโy apporter le fer, cโest-ร -dire de labourer durant ces jours. Ce sont donc des moments de repos pour les hommes. Quant aux femmes, cโest lโoccasion pour elles dโaller en ville, ร Ambatondrazaka, pour vendre quelques produits agricoles ou artisanaux et aussi pour acheter des provisions pour les prochains jours de travail. Les garรงons vont aux pรขturages pour garder les bลufs. Il nous semble aussi nรฉcessaire de noter que la sรฉdentaritรฉ est une caractรฉristique commune ร tous les Sihanaka. Pour eux, les conditions de vie sont favorables ; donc, ils nโont pas besoin dโerrer dans les autres pays pour gagner leur vie. Ils disent mรชme que cโest une malรฉdiction que dโรชtre un nomade . Cโest aussi pour eux un moyen de prouver leur attachement ร leur terre ancestrale. Malgrรฉ cette attitude, les Sihanaka sont tous trรจs hospitaliers. Ils reรงoivent de bon cลur les visiteurs. Ils ne manquent pas non plus de se rendre mutuellement visite parce quโils sont convaincus que ยซ la cohรฉsion familiale et villageoise sโappuie sur le jeu mutuel de la visite et de la rรฉception ยป . Leur joie pour la venue des visiteurs se manifeste par lโabattage dโune oie, qui est conรงue comme un oiseau de fรชte chez les Sihanaka.
LE CADRE HISTORIQUEย
LES DONNEES DE LโHISTOIRE SUR LโORIGINE DES SIHANAKA
Dโoรน viennent les Sihanaka ?
Plusieurs chercheurs ont essayรฉ de rรฉpondre ร cette question, mais aucun dโentre eux nโest parvenu ร rรฉvรฉler la vraie identitรฉ de la premiรจre source des Sihanaka. Cela justifie toujours la remarque quโa faite Marie France Fernandez lorsquโelle disait que lโorigine des Sihanaka pose un problรจme. Mais pour mieux comprendre cela, voyons tout de suite les versions dโhistoire que ces chercheurs ont รฉcrites ร ce propos.
Les ancรชtres des Sihanakaย
Dโaprรจs le docteur Laffay, les Sihanaka sont des descendants des Vazimba . Alfred Grandidier prรฉtend, ร son tour, que les Sihanaka appartiennent ร la mรชme race que les Vazimba de lโImerina . Dโaprรจs lui, les Sihanaka seraient apparentรฉs aux Merina et ils auraient hรฉritรฉ de leur mode de vie de pรชcheurs. Il appuie son hypothรจse par une remarque : les pirogues des Sihanaka sont comparables ร celles des habitants dโItasy, descendants euxmรชmes des Vazimba.
E. Ramilison, retraรงant la gรฉnรฉalogie des Zafindrandriamamilazabe auxquels il appartient, a recueilli les traditions qui concernent les Sihanaka. Il affirme que les Merina, les Betsileo, les Sihanaka et les Bezanozano ont une origine commune qui remonte ร un grand ancรชtre : Andrimatomanara, lequel dรฉbarqua prรจs de Maroantsetra vers le 13e ou le 14e siรจcle . Selon lโestimation approximative qui dรฉcoule de lโรฉtude des gรฉnรฉrations successives, les ancรชtres des Sihanaka comme ceux des Merina, auxquels ils sont liรฉs par une ascendance commune, ajoute-t-il, ne sont pas des Vazimba. Ils ont parfois cohabitรฉ avec les Vazimba, sur la mรชme terre avant de les refouler, mais ne se sont pas mรฉlangรฉs avec eux . Mais avant de voir les autres histoires, nous pensons quโil serait logique de dire quelques mots sur ce quโon entend par Vazimba.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DU MILIEU DโETUDE
CHAPITRE I : LE CADRE GEOGRAPHIQUE
I.- QUELQUES MOTS SUR LE PAYS SIHANAKA
II.- DELIMITATION DE LA COMMUNE RURALE DโAMBOHITSILAOZANA
1.- Sa description
2.- Sa situation รฉconomique
3.- Le mode de vie de la population
CHAPITRE II : LE CADRE HISTORIQUE
I.- LES DONNEES DE LโHISTOIRE SUR LโORIGINE DES SIHANAKA
1.- Les ancรชtres des Sihanaka
2.- Origine du mot Sihanaka
II.- LE DISTRICT DโAMBATONDRAZAKA
III.- LโHISTOIRE DโAMBOHITSILAOZANA
1.- Lโorigine du nom Ambohitsilaozana
2.- Evolution de lโhistoire
CHAPITRE III : LE CONTEXTE SOCIO-CULTUREL DE LA COMMUNE RURALE DโAMBOHITSILAOZANA
I.- SUR LE PLAN SOCIAL
1.- Les faรงons de se comporter
2.- Le sens du fihavanana
II.- SUR LE PLAN DE LA CULTUREL
1.- La religion
2.- Les rites funรฉraires
DEUXIEME PARTIE : LE RITE DU ALATAOLAMBALO
CHAPITRE I : ORIGINE DU ALATAOLAMBALO
I.- DESCRIPTION DU RITE
CHAPITRE II : LE DEROULEMENT DU ALATAOLAMBALO
I.- AVANT LA CEREMONIE
Les prรฉparatifs
II.- LE DEROULEMENT DE LA CEREMONIE
1.- Le fidirana an-dapa (entrรฉe au palais)
2.- Le jour de la cรฉrรฉmonie
III.- APRES LA CEREMONIE
1.- Le dรฉcrochage des taolambalo
2.- Le rejet des taolambalo
TROISIEME PARTIE : REFLEXIONS SUR LE ALATAOLAMBALO
CHAPITRE I : INTERPRETATION DE QUELQUES SIGNES ET SYMBOLES
I.- SIGNIFICATION DU CHIFFRE HUIT
1.- La naissance
2.- La premiรจre coupe des cheveux
3.- La circoncision
4.- Le mariage
5.- La vieillesse
6.- La mort
7.- La vie juste aprรจs la mort
8.- Lโancรชtre bรฉnรฉfique
II.- LE ZEBU
III.- LE JORO ET LE RHUM
CHAPITRE II : AVANTAGES ET INCONVENIENTS
I.- LES AVANTAGES DU ALATAOLAMBALO
1.- Conservation de la vie
2.- Prรฉservation de la coutume
II.- LES INCONVENIENTS DU ALATAOLAMBALO
CHAPITRE III : EVOLUTION ET AVENIR
I.- EVOLUTION DU ALATAOLAMBALO
II.- AVENIR DU ALATAOLAMBALO
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
I.- OUVRAGES SUR MADAGASCAR
II.- OUVRAGES GENERAUX
III.- DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPEDIES
IV.- BIBLE ET REVUE SUR MADAGASCAR
V.- LIENS INTERNET
INDEX GLOSSAIRE