Quelques considérations générales sur l’aérosol

En octobre 2013, aux prémices de cette thèse, l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) classait les particules fines de l’air extérieur comme cancérigènes certains (Groupe 1) (Loomis et al., 2013) et démontrait toute la pertinence du travail qu’il restait à mener. La décision de l’OMS est la suite logique d’une longue recherche commencée près de quarante ans plus tôt avec le parti pris de l’US-Environmental Protection Agency (US-EPA) d’identifier et de réguler les polluants « susceptibles d’être un risque pour la santé et le bienêtre public » (Clean Air Act – section 108 42 USC 708). S’en suivront un grand nombre d’études, parmi lesquelles la « Harvard Six Cities Studies » de Dockery et al. (1993) aux Etats-Unis et les projets CAFE (Amann et al., 2005) et Aphekom (Pascal et al., 2013) en Europe notamment, qui tour à tour viendront mettre en évidence ou confirmer le lien entre la pollution par les particules fines et les taux de mortalité accrus des populations exposées. Entre temps, c’est la tête dans les nuages qu’une partie de la communauté des sciences de l’atmosphère démontrera l’influence des particules fines sur notre climat (Novakov and Penner, 1993, Stevens and Feingold, 2009, Seinfeld et al., 2016).

L’histoire de la pollution par les particules fines commence avec celle de l’Homme. Le feu s’il permet la survie d’Homo Sapiens et de ses ancêtres est aussi la première source de pollution atmosphérique. Ainsi, on découvre dans les corps momifiés du Paléolithique et de l’Egypte Ancienne des poumons encrassés de suie, résultat de l’exposition aux fumées des feux dans les habitations (Eisenbud, 1978).

Pourtant aujourd’hui, dans le contexte de la transition énergétique souhaitée par de nombreux pays pour protéger l’environnement et renforcer leur indépendance énergétique, la combustion de biomasse (ou bois énergie), malgré son impact sur la qualité de l’air, reste une source d’énergie extrêmement intéressante. Elle est historique, durable, et quasi-neutre vis-àvis du changement climatique puisque le dioxyde de carbone (CO2) émis pendant la combustion a auparavant été capté par la biomasse. En outre, pour plusieurs pays dont la France, c’est une ressource particulièrement abondante. Le pays se classe ainsi en 4ème position des pays d’Europe les plus boisés, les forêts représentant quelques 28 % du territoire de la métropole (Office Nationale des Forêts, ONF, 2016). Forte de ces avantages, la combustion de biomasse est donc une des principales sources d’énergie dans le monde. Le secteur de la biomasse représente à lui seul 9 % de de la production d’énergie totale mondiale, derrière les énergies fossiles (78 %) et devant le nucléaire (2.5 %) (REN21, 2016). Il est ainsi la première des énergies renouvelables, en France y compris, puisque le secteur représente 40 % de la production d’énergie primaire par les énergies renouvelables (ADEME, 2016).

Dès lors, dans une volonté affirmée de développer cette énergie , les pouvoirs publics et l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), appuyés par la communauté scientifique, ont pris ces dernières années de nombreuses mesures pour tenter de maîtriser l’impact de la combustion de biomasse sur la qualité de l’air. Ainsi l’ADEME a mis en place le Fonds Air, un fond d’aide pour accélérer le renouvellement des appareils individuels de chauffage au bois par des modèles plus performants censés être moins polluants. En vallée de l’Arve , première région à bénéficier de ce fond, l’agence finance également les recherches sur l’impact du chauffage au bois sur les niveaux de pollution (le projet DECOMBIO notamment pour DÉconvolution de la contribution de la COMbustion de la BIOmasse aux PM10 dans la vallée de l’Arve). Elle met aussi à la disposition du grand public, en plus de ses rapports d’étude, de nombreuses plaquettes d’informations qui font la promotion des bonnes pratiques d’utilisation des installations pour le chauffage au bois. Enfin, dans le cadre des alertes pollutions lancées par les Associations Agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA), les préfectures peuvent prendre des arrêtés fixant l’interdiction temporaire d’utilisation des cheminées, inserts ou poêles à bois, et le brûlage des déchets verts à l’air libre. Ce fut le cas par exemple dans l’Yonne en 2016, ou encore en Saône-et Loire et en Meuse en 2017. Fin 2014, la ville de Paris et 435 autres communes d’Ile de-France souhaitèrent même interdire de façon permanente l’utilisation des cheminées à foyers ouverts .

Quelques considérations générales sur l’aérosol

Le terme aérosol dans le langage des sciences de l’atmosphère désigne une population de particules atmosphériques solides ou liquides, en suspension dans l’air, émises directement dans l’atmosphère (aérosol primaire) ou résultant de processus de conversion gaz/particules (aérosol secondaire). Les particules atmosphériques sont très hétérogènes et peuvent être classées selon leur taille ou selon la source et/ou le processus de formation dont elles sont issues. On distingue par exemple, l’aérosol provenant du transport routier, l’aérosol de combustion de biomasse, l’aérosol provenant des industries, l’aérosol marin (sels de mer), les poussières minérales (dust), ou encore l’aérosol secondaire (c-à-d formé in situ dans l’atmosphère). A l’échelle globale, 90 % des émissions de particules dans l’atmosphère résultent de processus naturels (émissions par la couverture végétale, les éruptions volcaniques, les océans, ou l’érosion des sols) (Seinfeld and Pandis, 2006).

Les propriétés intrinsèques de l’aérosol telles que sa distribution granulométrique et sa composition chimique sont intimement liées à sa source d’émission (et implicitement au mécanisme de formation). La notion de taille de l’aérosol est un des paramètres fondamentaux pour décrire ces interactions avec le système atmosphérique et ces impacts (sanitaires ou climatiques). La taille d’une particule est la plupart du temps définie à travers son diamètre aérodynamique (Da). Il peut varier de quelques nanomètres à plusieurs dizaines de micromètres. Si la règlementation use principalement du terme PMx (Particulate Matter) qui définit une population de particules de taille inférieure à une taille limite X (i.e. PM2.5 définit les particules avec un diamètre aérodynamique inférieur à 2.5 µm), on préfèrera distinguer les particules selon des gammes de taille appelées mode. La Figure 1.1 illustre les principaux modes granulométriques de l’aérosol urbain ; en nombre et en volume (homogène à la distribution en masse). La fraction de l’aérosol dont le diamètre est supérieur à 1 – 2 µm est classiquement désignée de mode grossier (coarse mode) et la fraction dont le diamètre est inférieur à 1 – 2 µm correspond au mode fin (fine mode). Ce dernier se subdivise selon le mode de nucléation (Da < 10 nm), le mode d’Aitken (10 < Da < 100 nm) et le mode d’accumulation (100 nm < Da < 1 µm).

La taille des particules dépend de leur processus de formation ou mécanisme d’injection dans l’atmosphère. Les particules du mode grossier résultent de processus mécaniques d’émission (érosion éolienne des sols, remise en suspension de débris divers). Ce mode regroupe également les sels marins ou encore les pollens. Pour le mode fin, les particules sont issues essentiellement de processus chimiques. Les processus de nucléation homogène donnent naissance à des particules appartenant au mode de nucléation. Ces particules de quelques nanomètres vont grossir rapidement dans l’atmosphère par coagulation et condensation des composés gazeux à faible tension de vapeur pour former les modes d’Aitken et d’accumulation. Notons que les processus de combustion génèrent préférentiellement des particules dans le mode d’Aitken.

La taille de l’aérosol est le paramètre déterminant gouvernant son temps de résidence dans l’atmosphère. Dans les modes de nucléation et d’Aitken, le temps de résidence de l’aérosol est de quelques minutes à quelques heures. Le temps de résidence de l’aérosol appartenant au mode d’accumulation peut atteindre plusieurs jours, impliquant ainsi qu’il soit transporté sur de longues distances. Dès lors il est susceptible d’impacter l’environnement et les populations à une échelle régionale et au-delà. Il est éliminé de l’atmosphère par dépôt sec sur toutes les surfaces disponibles (sol, bâtiments, feuillage, …) par gravitation ou diffusion, ou par dépôt humide après incorporation dans les nuages (wash out) ou lessivage par les précipitations (rain out). Enfin les particules du mode coarse, plus larges, sédimentent rapidement. Leur temps de résidence dans l’atmosphère n’est globalement que de quelques heures, transport de poussière désertique mis à part.

Si la composition chimique relative de l’aérosol est amenée à varier d’un site à l’autre, on retrouve néanmoins les mêmes composantes principales : une fraction carbonée, une fraction inorganique, les sels marins, les poussières minérales et les métaux (Figure 1.2). La fraction carbonée est détaillée en section 1.2 de ce manuscrit. La fraction inorganique regroupe le sulfate (SO4 2- ), le nitrate (NO3-), et l’ammonium (NH4+ ), principalement sous les formes nitrate d’ammonium (NH4NO3) et sulfate d’ammonium ((NH4)2SO4). Cette fraction inorganique résulte en grande majorité de l’oxydation de précurseurs gazeux dans l’atmosphère, et dès lors est généralement associé à l’aérosol secondaire. Les processus d’oxydation des oxydes d’azote (NOx) et des composés soufrés produisent principalement les acides nitrique (HNO3) et sulfurique (H2SO4) qui seront, au moins partiellement, neutralisés par l’ammoniac (NH3) émis notamment par les activités agricoles. Les oxydes d’azote sont, quant à eux, émis dans l’atmosphère par tous les processus de combustion (combustion de fuels fossiles ou de biomasse). A l’échelle globale, les principaux précurseurs gazeux soufrés regroupent le SO2 résultant de la combustion d’énergies fossiles soufrées ou injecté dans l’atmosphère par les éruptions volcaniques et le sulfure de diméthyle (DMS) issus du métabolisme et des cadavres du phytoplancton. Les sels marins produits à la surface de l’eau par l’éclatement des bulles d’air notamment, sont composés majoritairement de chlore (Cl- ) et de sodium (Na+ ). Les poussières minérales dites dust qui proviennent de l’érosion éolienne des sols, des  déserts, de processus d’abrasion liés au transport routier, et de divers processus industriels contiennent une très grande majorité de métaux (silice, aluminium…).

La taille et la composition chimique de l’aérosol déterminent son impact sur notre santé et notre environnement. Ainsi les particules les plus fines (< 0.1 µm) sont susceptibles de pénétrer jusqu’aux alvéoles pulmonaires (Terzano et al., 2010). Le risque associé particulièrement mis en avant est une mortalité accrue chez les personnes les plus vulnérables (personnes âgées et jeunes enfants) (Dockery et al., 1993). A l’échelle mondiale ce sont 3.3 millions de décès prématurés liés aux PM2.5 annoncés, principalement en Asie (Lelieveld et al., 2015). En Europe, le rapport CAFE a estimé à 370 000 le nombre de décès prématurés liés à la pollution aux particules fines et à l’ozone troposphérique (Amann et al., 2005). En France enfin, l’institut de Santé Publique Français estime ce nombre de décès prématurés dus aux PM2.5 à 48 000, soit 9 % de la mortalité dans le pays, derrière le tabac (15 %) et l’alcool (9 %) (Pascal et al., 2016). Au quotidien, cette pollution par les particules fines se traduit par une recrudescence de problèmes respiratoires tels que l’asthme, le cancer du poumon, l’arythmie cardiaque. Plus récemment, des études ont également pointé du doigt la pollution par les particules fines comme responsable de problèmes de diabète, de reproduction, ou encore de malformations chez les nouveaux-nés (Dales et al., 2009, Strickland et al., 2009, Gehring et al., 2010, Yi et al., 2010).

Les particules atmosphériques interagissent également avec le système climatique en agissant sur le forçage radiatif (RF) global (Penner et al., 1998). De manière directe, l’aérosol, selon sa composition chimique, est capable d’absorber ou de rétrodiffuser les radiations solaires induisant un réchauffement ou un refroidissement du climat. Le carbone élémentaire de la fraction carbonée est un agent particulièrement important de ce forçage radiatif de par sa capacité à absorber les rayonnements lumineux (Bond et al., 2013). Le forçage radiatif direct par le carbone élémentaire est estimé en 2013 à 0.5 W.m -2 (Stocker et al., IPCC, 2013) soit 22 % du forçage radiatif total. C’est bien supérieur aux estimations annoncées par l’IPCC en 2007 (0.1 W.m-2 ). Cet effet est cependant compensé par le forçage radiatif négatif des autres composantes de l’aérosol, notamment le carbone organique et le sulfate (Figure 1.3). On estime le forçage radiatif total de ces autres composantes de l’aérosol à environ – 0.8 W.m-2 . Dès lors l’aérosol contribue directement à un forçage radiatif net de – 0.3 W.m-2 . A noter les larges incertitudes qui demeurent sur ces résultats, liées principalement aux différentes approches et considérations de base des modèles pour les calculs. L’aérosol affecte aussi de manière indirect ce forçage radiatif de par ces interactions avec les nuages (Novakov and Penner, 1993, Seinfeld et al., 2016). Il intervient dans le mécanisme de formation des nuages comme noyaux de condensation (Condensation Cloud Nuclei – CCN) et contribue ainsi à augmenter la couverture nuageuse (et à modifier la fréquence des précipitations (Stevens and Feingold, 2009)). Or, les nuages par rétrodiffusion des rayonnements solaires induisent un refroidissement global. Ce forçage indirect est potentiellement très significatif (RF = – 0.55 W.m-2 ) mais demeure très incertain. Considérant l’effet indirect et direct, on estime à -0.9 W.m-2 le forçage radiatif net total par l’aérosol.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Enjeux et Problématiques de l’Etude
1.1. Quelques considérations générales sur l’aérosol
1.2. La fraction carbonée
1.3. Résoudre la composition chimique de l’aérosol organique
1.4. Le chauffage au bois résidentiel
1.5. Objectifs de cette étude
Chapitre 2. Méthodologie
2.1. Principe et fonctionnement du TAG-AMS
2.2. Expériences en chambre de simulation atmosphérique
Chapitre 3. Résultats et Discussions
3.1. Emissions par trois types d’appareillage
3.2. Evolution de l’empreinte chimique
3.3. Réactivité et influence des pertes aux parois
Conclusions
Bibliographie
Glossaire
Liste des Figures
Liste des Tableaux
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3

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