Quelques concepts importants du jeu vidéo
Qu’est-ce qu’un jeu vidéo ? C’est une question assez complexe, car le terme recouvre par exemple : des jeux d’adresse et d’aventures solitaires comme les les First Person Shooter ou FPS ; des jeux en ligne ou plusieurs milliers de joueur cohabitent en temps réel comme les Massively Multiplayer Online Role Playing Games ou MMORPG ; des jeux sociaux asynchrones permettant de partager son expérience via les réseaux sociaux, ou des jeux colocalisés permettant de simuler un concert de rock ou de s’affronter dans un karaoké électronique.
Les points communs entre toutes ces activités, dénommées jeux vidéo, d’abord ce sont toutes des jeux : Elles nécessitent un engagement fort des joueurs dans une activité basée sur un défi. Ces activités sont soumises à des règles strictes, leurs issues sont imprévisibles et les conséquences du résultat ne dépendent que de l’importance que le joueur lui donne. Pourquoi ces jeux sont-ils qualifiés de vidéo ? Les jeux vidéo n’ont pratiquement plus d’autres rapports avec la vidéo que la nature du signal qui relie la console de jeu au téléviseur. Il serait plus opportun de parler de jeux informatiques, traduction du terme anglais computer game. Car c’est l’ordinateur ou la console qui gère l’univers et les règles du jeu et qui, parfois, est l’adversaire du joueur.
Cette définition nous permet de mettre en évidence un certain nombre de concepts qui sont au cœur de notre thèse. La notion d’engagement du joueur qui caractérise le jeu montre en quoi un jeu vidéo se distingue d’un autre media. Concevoir un jeu c’est créer cette sensation d’engagement et donc se préoccuper à chaque instant de ce que peut ressentir et comment va réagir le joueur. Au cœur de tout jeu il y a un modèle implicite ou explicite du joueur. Cet engagement repose en grande partie sur une boucle de rétroaction (feedback) entre l’évolution du jeu, la perception qu’en a le joueur et la façon dont il réagit, modifiant ainsi l’état du jeu. Créer cette boucle c’est ce que l’on appelle créer un gameplay. La formalisation des mécanismes de gameplay et le développement du jeu se traduisent dans les règles. Les règles du jeu sont apprises dynamiquement par le joueur en expérimentant le jeu. Le système de règles qui régit la simulation et la relation des joueurs au jeu est appelé système de jeu et décrit sous forme d’objets du jeu.
La sensation d’engagement est également liée à un contexte narratif. Il peut être explicitement essentiel au jeu dans un jeu d’aventure ou nécessaire pour permettre au joueur de s’exprimer : se prendre pour Van Halen en appuyant sur les boutons de couleurs d’une guitare en plastique ou pour un super capitaliste en lançant les dés du Monopoly.
Engagement et Gameplay
Définition du Gameplay
Lorsque des joueurs et critiques parlent du gameplay, ils évoquent un jeu en train d’être joué. Nous pouvons en voir des illustrations sur les sites dédiés aux revues de jeu. Ils comportent de nombreuses « vidéo de gameplay » .
Dans la littérature le gameplay est fréquemment défini comme la relation du joueur au monde du jeu.
How the player is able to interact with the game-world and how that game-world reacts to the choices the player makes [Rouse 2004] .
D’un côté nous avons un système de jeu, ou système de règles, élaboré par des game designers et embarqué dans l’application. Ce système de jeu existe grâce à une simulation développée par une équipe. De l’autre nous avons des joueurs se représentant mentalement les situations transmises par la simulation et décidant des actions nécessaires à les transformer. Créant le lien, un espace d’interaction composé de contrôleurs, capteurs et modes de perception réciproques.
Les situations que le joueur se représente sont des situations de jeu, parfois définies comme des patterns [Koster 2005]. Elles comportent un objectif (parfois à l’appréciation du joueur) une forme d’épreuve pour l’atteindre et une résolution incertaine influencée par les actions du joueur [Guardiola 2000]. L’expression Objective/challenge/reward sert empiriquement à définir ce cadre.
L’objet qui nous intéresse semble donc être: un système de jeu devenant une représentation mentale d’une situation jeu et sur laquelle le joueur agit. Rollings et Morris [Rollings 2004] axent d’ailleurs leur définition du gameplay sur les actes du joueur et ses conséquences.
A decision has gameplay value when it has an upside and a downside and when the overall payoff depends on other factors.
Les décisions du joueur deviennent des entrées ou inputs ; et une manifestation métaphorique dans le jeu. Jesse Schell [Schell 2008] parle des mécaniques de gameplay de Space Invader [Taito 1978] en usant de verbes d’action, décrivant l’ensemble des options offertes au joueur : se cacher derrière les blocs de protection, tirer sur les aliens avançant ou sur la soucoupe volante bonus.
A la lumière de ces approches, nous avons établi la définition du gameplay qui nous sert de cadre pour lui rapprocher des modèles psychosociologiques:
L’ensemble des actions (cognitives ou physiques, performances et stratégies) que le joueur déploie et qui influencent positivement ou négativement la résolution de la situation de jeu incertaine dans laquelle il est engagé.
La boucle de gameplay
Ce terme définit la manière dont le game designer formalise la place du joueur dans le système de jeu. Représentée sous forme de schéma ou de séquence illustrée, elle met en avant l’activité projetée du joueur. Chaque jeu comporte un nombre limité de gameplay, parfois un seul. Ce gameplay doit être clairement cerné au travers d’une boucle d’interaction qui se rapporte au cycle Objectif/Défi/Récompense que le joueur traverse. Un gameplay, une fois défini, se décline en une multitude de variations, des briques de gameplay, qui vont constituer un parcours potentiel, et comporte un aspect itératif du point de vue du joueur. Cette boucle a une propriété quasi fractale. Nous pouvons représenter l’activité du joueur à différentes échelles : micro, par exemple je tente de positionner le curseur de tir sur un ennemi se déplaçant ; ou plus macro, par exemple je dois parcourir ce niveau rempli d’ennemis à la recherche de la sortie. La boucle de gameplay matérialise aussi la nature des conditions d’échec ou de victoire. Nous pourrions par exemple pour un jeu d’infiltration, matérialiser par une cellule du schéma « l’avancée précautionneuse » vers un ennemi, qui en cas d’échec, déplacerait le joueur vers une boucle secondaire « échapper au regard de l’ennemi ». Nous voyons ici que le cœur de la conception d’un jeu passe par une schématisation de l’activité et des décisions du joueur.
Caillois suggère que :
Le jeu repose sans doute sur le plaisir de vaincre l’obstacle ; mais un obstacle fictif, fait à la mesure du joueur et accepté par lui [Caillois 67].
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Table des matières
Introduction
1. Quelques concepts importants du jeu vidéo
Engagement et Gameplay
Définition du Gameplay
La boucle de gameplay
Les règles en tant qu’objets : le système de jeu
Mise en scène de l’expérience de jeu
Structure motivationnelle
Contexte narratif
Empirisme des méthodes de game design
Engagement et serious game
Definition du serious game
Problèmes soulevés par les professionnels
Le modèle du joueur
Nature de notre recherche
Plan de la thèse
2. Etat de l’art du modèle du joueur dans le gameplay
Le joueur dans la boucle d’interaction
Joueur comme acteur de l’ « Objectif-Défi-Récompense»
Le joueur somme de compétences
Le joueur apprenant
Modélisation de la performance
Intelligence artificielle
Le joueur et la difficulté
Autres cas d’adaptation du contenu au profil du joueur
Le degré de complétion
Théorie de la décision et modèle du joueur modif
Théorie de la motivation
La théorie des jeux
Serious game et profil de joueur
Autres relations empiriques entre game design et profil psychologique
Mesure des intérêts professionnels
Biais des questionnaires déclaratifs
Conclusion de l’état de l’art
Utilité annexe de cet état de l’art
3. Méthode proposée et contexte d’expérimentation
Pourquoi évaluer le profil du joueur ?
Evaluer le profil psychologique d’un joueur
Méthode de conception proposée
Mise en application sur JEU SERAI
Conclusion sur la méthode
4. Méthode appliquée au prototype JEU SERAI
Choix du modèle
Le modèle de Holland
Questionnaires d’intérêts et modèle de Holland
Passations traditionnelles et informatiques
Conclusion sur le choix du modèle
Identification du faisceau de contraintes lié à la cible
Organisation du travail entre game designers et experts
Choix du type de jeu
Mesurer une préférence dans le gameplay
Experience de jeu, thème et genre
Boucle de gameplay et items
Développement de la boucle de gameplay
Bilan des items choisis
Méthode d’évaluation rationnelle des contenus en conception
Système de jeu
Conception des Mini-jeux
Formalisation dans le document de game design
Choix des mini-jeux et problématiques
Challenge et type de Holland
Mode de calcul des scores et problématiques
Elements de gameplay des mini-jeux et RIASEC
L’Item rejouer inégal selon les mini-jeux
Les activités récurrentes
Design des systèmes de notation par le joueur
Quizz
Création d’avatar
Mise en scène de l’interaction
Navigation dans le village
Mini-jeux
Structure motivationnelle
Structure du jeu
Système de récompense
Un village stimulant
Progression de la difficulté et de la variété
Comparaison au type de régulations de Deci et Ryan
Contexte narratif
Contexte général
Maisons et personnages non joueurs
Scénarisation du déclenchement de mini-jeux
Outils de collecte de données
Entrées
Restitutions brutes
Présentation des résultats pour le joueur
Conclusion sur la mise en pratique de la méthode en conception
5. Tests d’évaluation
Protocole d’expérimentation
Profil des participants
Modalités des passations
Etat du prototype au moment des tests
Commentaires des participants
Analyse des résultats
Conclusion