Quelles stratégies d’adaptation face aux évolutions du système humanitaire international?

La réponse MDM aux évolutions des financements humanitaires

La complexe inadéquation entre l’explosion des besoins humanitaires et les efforts financiers fournis par les bailleurs se joint à une rationalisation des financements ainsi qu’à la multiplication des exigences d’efficacité. Afin de pouvoir suivre ces évolutions, les ONG ont dû s’adapter, plus ou moins consciemment et librement. La stratégie de MDM-F a consisté en la mise en place de politiques internes vis-à-vis de certaines contraintes bailleurs car « ça a des conséquences en termes de temps consacré, en termes de coûts » . Le développement de ces politiques requière le débloquement de fonds qui ne seront pas utilisés pour financer des opérations. Certaines contraintes, dont les politiques de contre-terrorisme, ont « un coût important de suivi et opérationnel » car elles rendent l’action plus difficile à mettre en place. C’est pourquoi il est important de se fixer des conditions avec lesquelles traiter lors de la contractualisation avec un bailleur.
Au cours des dernières années, l’équilibre budgétaire d’MDM-F s’est transformé en faveur de l’augmentation des financements émis par les bailleurs publics et privés et au détriment de la collecte auprès du public. Une des tendances bailleurs a particulièrement impacté cet état de fait. Alors même que l’aide humanitaire connaît une stagnation de la part des pays occidentaux, les bailleurs publics augmentent le montant de leurs contrats. Les financements de la crise en Syrie en sont un exemple parlant. En 2017, MDM-F a par exemple signé trois contrats avec le gouvernement canadien équivalant pour un total de plus de 33 millions de dollars canadiens et un contrat de 7 millions d’euros avec la DG ECHO. Le montant de ces contrats s’élève donc à plusieurs millions d’euros, ce qui traduit de la volonté des bailleurs publics à augmenter leurs donations. Cela va de pair avec une pluri-annualité des contrats de deux à trois ans qui permet aux ONG d’absorber de tels montants. Afin de préserver l’équilibre, ils entendent réduire leurs nombre de partenaires sociaux : moins d’acteurs auront plus d’argent. Cette tendance, en plus du fort intérêt de la communauté internationale, explique la forte croissance qu’a connue MDM-F au début de la crise syrienne.
MDM-F doit se positionner en tant qu’acteur humanitaire sur la scène internationale pour récupérer des fonds, car si le nombre de contrat diminue à mesure que leur volume augmente, le secteur ne cessera d’être de plus en plus concurrentiel. Dans ce contexte, les ONG ont mis au point une stratégie de réponse commune aux appels des bailleurs. En effet, répondre à de si gros montant peut s’avérer problématique pour une ONG qui n’a pas l’habitude de gérer de telles sommes. La gestion de tels contrats nécessite des ressources humaines et organisationnelles que seules les plus grosses sont capables de mettre en œuvre. L’essor des consortiums d’ONG répond à cette difficulté. « MDMFR soutient cette démarche opérationnelle si elle souhaitée par les partenaires et apporte une valeur ajoutée au projet financé » . Dans ce cas, une ONG prend le « lead » et établit le partenariat avec le bailleur de fonds au nom d’un consortium de plusieurs ONG. Cette méthode de partenariat permet aux plus petites ONG de se reposer sur les plus grandes pour avoir accès aux financements publics. En fonction des conditions du partenariat, les ONG se partagent le financement ainsi que les responsabilités qui y réfèrent. MDM-F accepte de faire partie d’un consortium à trois conditions : « – les partenaires choisis doivent être complémentaires de MDM-F et en conformité avec son mandat et son éthique – un pre agreement entre les partenaires précise la répartition du montant demandé, et des overheads – si MDM-F est lead, des couts RH support dédiés à l’animation du consortium doivent être éligibles ». L’établissement de ces conditions permet à MDM-F de garantir l’adéquation du consortium avec ses valeurs et principes d’action.
On l’a vu, les exigences des bailleurs s’accentuent en nombre et en difficulté pour les ONG.
Par conséquent, il s’agit pour les ONG de se fixer des conditions et des seuils à partir desquels il devient rentable ou non de travailler avec certains bailleurs, en fonction de l’importance de leurs exigences. Les ONG développent leurs propres conditions et stratégies afin de rester fidèles à leurs principes et autonomie d’action. Cette dernière est garantie par la définition de critères d’acceptabilité des bailleurs avec lesquels MDM accepte ou non de travailler. Ces lignes rouges traduisent un positionnement politique pris par l’association en « interdisant de prendre des financements de pays/institutions prenant par militairement à un conflit dans le pays (USA en Irak après 2003, France au Mali ou en RCA ces dernières années) ». De la même manière, MDM-F refuse de travailler avec certains acteurs du secteur privé dont : les entreprises de fabrication ou de distribution d’armement, de tabac et d’alcool ; les industries pornographique, nucléaire ou pétrolière ; ainsi que, depuis 2016, les laboratoires pharmaceutiques.

Sur un volet opérationnel

Les enjeux de la localisation de l’aide pour le modèle opérationnel de MDM

La montée en puissance des acteurs locaux et nationaux

La conception occidentale concevant les ONGN comme de simples partenaires opérationnels ne correspond plus à la réalité humanitaire. L’image des ONG du Sud cantonnées à un statut d’« organisations d’appui » a progressivement perdu de sa pertinence au fur et à mesure de leur structuration et de leur entrée sur la scène internationale en tant qu’acteurs humanitaires à part entière. « Ces dernières, en revendiquant et en obtenant à leur tour l’appellation ONG, ont considérablement fragmenté le paysage. Il reste qu’ont également émergé des organisations qui, sans conteste, sont des ONG et dont certaines ont acquis une dimension majeure » . En effet, certaines ONGN ont atteint une taille considérable, rattrapant de fait les ONG internationales le plus grosses. Des ONGN telles que Amel au Liban ou Brac au Bangladesh (plus de 630 millions d’euros de budget en 2018 à elles deux) font figure de mastodontes dans le système humanitaire internationale et permettent de remettre en perspective la vision traditionnelle d’un système exclusivement occidental. Apparu au Sommet Humanitaire Mondial, le principe de localisation de l’aide entend remettre les acteurs locaux et nationaux au centre du système humanitaire international. Définir ce concept n’est pas chose facile, tant il englobe des enjeux différents. D’abord, on pourrait dire que la localisation de l’aide consiste en un processus global ayant pour but de renforcer la place des acteurs locaux et nationaux au sein du système humanitaire international. Cela passe notamment par la redéfinition de la nature des partenariats les liants aux acteurs internationaux, bailleurs de fonds comme ONGI, mais aussi par la promotion de leur accès aux financements humanitaires internationaux. Le second chantier du Grand Bargain consiste précisément en à fournir « plus de soutien et d’outils financiers aux acteurs locaux et nationaux » . L’une des mesures phares du Grand Bargain a été l’engagement de ses signataires à faire en sorte que, d’ici 2020, 25% de l’aide humanitaire mondiale dédiée aux ONG soit « le plus directement possible » reversée aux acteurs locaux et nationaux. Seul objectif chiffré du Grand Bargain, cet engagement est révélateur d’un changement de paradigme humanitaire.
L’idée sous-jacente est que l’échelon local ou national est le plus pertinent pour améliorer la réponse humanitaire. Les processus de décolonisation et de remise en cause de la toute-puissance occidentale ont aussi touché le secteur humanitaire en cela que la force, les méthodes et les valeurs transmises par les ONGI sont questionné. Le partenariat avec les acteurs locaux et nationaux est rendu nécessaire afin de mettre en place des actions de long-terme pouvant réellement avoir un impact sur le changement social. Les projets seront mieux acceptés et auront plus de résonance au sein des populations s’ils sont conçus par et pour des acteurs locaux. Les logiques de renforcement des capacités et d’appropriation de l’aide ont pour objectif d’améliorer l’efficacité de l’aide et la résilience des populations locales. La localisation de l’aide, loin de se cantonner à des enjeux financiers, traduit donc un changement dans la conception des rapports de force unissant acteurs internationaux et acteurs locaux et nationaux.

Distinguer les ONGI des ONGN

Entériné par les Nations Unies, l’expression d’« Organisation Non Gouvernementale » apparaît dans les années 1940 pour désigner un type d’institutions civiles indépendantes des institutions nationales. Le Conseil Économique et Social nomme ainsi ONG « toute organisation internationale qui n’est pas créée par voie d’accords intergouvernementaux » . Le fait que ces organisations ne fassent pas l’objet d’une définition plus précise revêt une signification particulière. Le principe d’autodéfinition qui prime laisse donc une porte ouverte aux organisations qui souhaitent se présenter comme ONG. Cela donne lieu à de très nombreuses singularités au sein de ce grand ensemble. A l’instar d’Isabelle Bruand, on peut se demander « qu’est-ce qu’une ONG locale et qu’est-ce qu’une ONG internationale ? ».
Globalement, parler d’ONG a longtemps fait uniquement référence aux organisations occidentales de société civile pour la plupart issues du mouvement des French Doctors. Le qualificatif « international » n’est apparu qu’a posteriori, avec la montée en puissance des acteurs dits du Sud et la nécessité de représenter la diversité des ONG. Les acteurs locaux « nous [MDM-F] connaissent, parce qu’on a de la voix, on a de la surface, on prend la parole, on a les médias, etc. » . Les ONGI disposent d’une aire d’influence importante auprès de leurs publics et de leurs gouvernements. Ce sont des acteurs reconnus du système humanitaire international. Mais « il faut de la réciprocité », déclare Françoise Sivignon, « il faut connaître les autres avant d’essayer de s’adapter à eux. Il nous faudra bien un jour les connaître mieux que eux ne nous connaissent en fait ». En effet, la diversité caractérisant les acteurs locaux et nationaux en rend la lecture complexe pour les acteurs internationaux. « Il faut vraiment insister : si l’on veut nous, nous adapter, il faut connaître les autres. Cette connaissance passe par un état des lieux des acteurs locaux et nationaux qui sont engagés, à travers notamment des plates-formes d’ONG dites du Sud »insiste Françoise Sivignon.
La mise en concurrence d’ONGI et d’ONGN dans l’accès aux financements contribue à cette confusion. Les ONGN sont incitées à reprendre les codes promus par les ONGI si elles veulent répondre aux mêmes appels d’offre. Les ONGN se doivent de répondre à des normes et des standards et donc se caler sur les modèles occidentaux afin de démontrer leur capacité de gestion de projet et de renforcer leur crédibilité auprès des bailleurs de fonds qui restent majoritairement occidentaux. Le risque est alors que les ONGN se transforment sur le modèle des ONGI et que la diversité du monde humanitaire en soit diminuée.
Aussi appelées ONG du Sud, on entend par « acteurs locaux et nationaux » des organisations de société civile formées et établies dans des zones géographiques traditionnellement considérées comme terrains d’intervention pour les acteurs internationaux. Le besoin de définition se fait de plus en plus sentir à mesure que le principe de localisation, qui prévoit une distribution de l’aide « le plus directement possible » aux acteurs locaux et nationaux, prend l’ampleur d’un nouveau paradigme de l’aide. La définition de ces acteurs semble primordiale à l’application effective du Grand Bargain dans le sens où l’expression laisse une place conséquente à l’interprétation sans en définir les contours de façon plus explicite.
Parler d’acteurs locaux ou nationaux suppose l’existence d’acteurs dits internationaux. Les ONG internationales font pleinement partie du raisonnement en cela qu’elles permettent une distinction des acteurs selon leur appartenance étatique. Une question subsiste cependant car que faire des ONG internationales implantées dans différents pays du monde ? Comme expliqué dans l’introduction, sera considérée comme « locale », une ONG dont le siège et le CA est implanté dans le pays d’intervention. Sachant que certaines ONG internationales se sous-divisent en diverses filiales nationales, c’est la localisation du CA de chaque entité qui définira son caractère national ou international et donc son éligibilité à l’aide. D’autre part, il existe des ONG plutôt locales dont le CA n’est pas basé dans le pays en question pour des questions de positionnement politique, c’est le cas de SAMS, une ONG partenaire de MDM-F en Syrie par exemple.
Par conséquent, la localisation de l’aide renvoie précisément à des enjeux de définition. Il s’agit de mieux comprendre les acteurs locaux et nationaux dans leur diversité dans la mesure où cette expression recouvre une large catégorie d’acteurs qui se distinguent les uns des autres, dans leurs principes ainsi que dans leurs pratiques humanitaires. Leurs natures et leurs capacité diffèrent en fonction des acteurs qui résultent de trajectoires diverses et variées. La ligne est fine entre ONGI et ONGN et tend à se complexifier au vu des évolutions actuelles.

Quels objectifs de la localisation de l’aide ?

Les objectifs de la localisation de l’aide sont multiples et méritent d’être mieux appréhendés pour en comprendre les enjeux. Deux analyses peuvent être parallèlement utilisées pour expliquer les enjeux de la localisation de l’aide. Passer par des acteurs locaux et nationaux présente plusieurs avantages pour le système humanitaire.
D’abord, l’objectif affiché par la localisation de l’aide consiste en l’amélioration globale de la qualité de la réponse humanitaire elle-même. La montée en puissance des acteurs locaux et nationaux permet de pérenniser l’action et ses impacts au long-terme. Dans ce sens, la localisation de l’aide est considérée comme participant au renforcement des capacités locales, l’un des principes inhérents à l’action humanitaire des ONG. L’intégration des ONGN dans les terrains d’intervention favorise l’acceptation des projets par les populations, caractéristique essentielle d’une action humanitaire de long-terme. Le fait que les acteurs locaux et nationaux connaissent le contexte dans lequel se développe l’action sous-entend une meilleure adéquation de l’aide au contexte particulier du terrain. Ces arguments viennent alimenter le consensus existant au sein de la communauté humanitaire vis-à-vis de la localisation de l’aide. Le renforcement de l’échelon local est perçu comme essentiel dans l’amélioration du système humanitaire international dans la mesure où il favorise à la fois la qualité et l’efficacité de l’aide.
Cette conception de la localisation de l’aide s’accompagne d’une approche plus financière et fonctionnelle, liée aux engagements du Grand Bargain. En effet, si le renforcement des capacités des acteurs locaux et nationaux participe à l’amélioration de l’efficacité et de la qualité de l’aide, les objectifs financiers sont à ne pas négliger pour expliquer l’avènement de ce paradigme au niveau international. L’objectif global d’un Grand Bargain étant de dégager plus d’un milliard de dollars d’ici 2020, les acteurs humanitaires se sont engagés dans un processus de rationalisation et de réduction des dépenses. La localisation de l’aide y contribue de fait en perfectionnant l’efficience de l’aide, c’est-à-dire l’amélioration de son efficacité à un moindre coût. Il s’agit par conséquent pour les acteurs humanitaires de « faire mieux pour moins cher ». Cette vision libérale de l’humanitaire a pour objectif la recherche de gains d’efficience. Cette logique inhérente au processus du Grand Bargain et de la localisation de l’aide inquiète les ONG, internationales comme nationales, qui craignent de plus fortes contraintes sur leurs actions sans pour autant s’accompagner de plus de financements dans un contexte de forte concurrence.
En parallèle de l’analyse des objectifs généraux de la localisation de l’aide, les ONGI doivent mener une réflexion interne afin de se positionner par rapport à ce paradigme émergent. Celle-ci est fondamentale et définit la capacité de l’ONGI à s’adapter aux évolutions à venir. L’élaboration d’une stratégie propre s’avère indispensable à l’ONGI si elle souhaite autodéterminer sa place dans le système humanitaire. Cela passe par l’observation et la reconnaissance des enjeux de la localisation de l’aide pour le mandat des ONG internationales qui sera, de fait, remis en cause. En effet, la distorsion cognitive entre le discours et la pratique des ONGI questionne leur capacité à mettre leurs principes en pratique dès lors que leurs intérêts ne correspondent plus à ceux des acteurs locaux.
L’intégration de la logique de localisation de l’aide est indispensable pour les ONGI si elles souhaitent respecter leurs mandats et leurs principes. Le questionnement de leur identité en tant qu’implémentatrices de l’action humanitaire doit mener l’ONGI à réfléchir à son rôle au sein du système humanitaire.
Par ailleurs, la localisation de l’aide est nécessitée par des évolutions plus globales. D’un point de vue très pragmatique, la localisation de l’aide faciliterait la mise en place d’actions humanitaires. D’un côté, les acteurs locaux et nationaux sont susceptibles d’accéder à des contextes sinon difficiles d’accès pour les ONGI, grâce à leur bonne connaissance du contexte. De l’autre, cela présente une opportunité pour les ONGI en termes de stratégies d’entrée et de sortie de terrains d’intervention difficiles d’accès. Les ONGI se reposent sur leurs partenaires locaux pour la mise en place d’actions codécidées. Dans ce sens, la localisation de l’aide est lue à travers une perspective très fonctionnelle de l’action humanitaire.
De plus, cette lecture pragmatique permet de comprendre en quoi la localisation de l’aide s’impose d’elle-même aux ONGI qui n’auront pas forcément le choix quant à son application. Car même si la localisation de l’aide correspond au mandat et aux principes de MDM-F, ce n’est pas le cas de toutes les ONGI. Certaines ONGI auront plus de mal à s’adapter à ce paradigme dans le sens où elles conçoivent leur rôle comme essentiellement opérationnel (Acted ou MSF par exemple). Le Grand Bargain rassemblant les principaux bailleurs de fonds internationaux, la localisation de l’aide a vocation à se généraliser à moyen-terme. Les bailleurs deviennent alors de véritables moteurs du changement en poussant les ONG à s’adapter. Si cette tendance se confirme, ce paradigme s’imposera de façon plus ou moins voulue à travers le système humanitaire international. On comprend donc la nécessité pour les ONGI d’élaborer des stratégies d’adaptation en amont.

Une logique de partenariat ambiguë entre les ONGI et les ONGN

Repenser la nature du partenariat entre ONGI et ONGN

La localisation de l’aide fait intrinsèquement partie des évolutions actuelles du système humanitaire international. La montée en puissance des acteurs locaux et nationaux leur confère un nouveau rôle comme acteur de terrain et de décideur dans la conception d’actions humanitaires. La reprise en main de l’aspect opérationnel de l’humanitaire par les ONGN conduit nécessairement à interroger la répartition des tâches au sein du système international, c’est-à-dire que les acteurs traditionnellement en charge de l’implémentation des projets sur les terrains seront amenés à questionner leur propre légitimité. Les ONG internationales devront déléguer leurs responsabilités opérationnelles aux ONGN.
Les évolutions inhérentes au système humanitaire, avec en premier lieu la localisation de l’aide, bousculent donc les schémas conventionnels fondant les relations entre acteurs internationaux et acteurs locaux. Bien que questionnées dans leur mandat et leur identité même, les ONGI devront mener une profonde réflexion sur la nature du partenariat les unissant aux acteurs locaux et nationaux, dans un contexte de transformation des sociétés et de raréfaction des ressources entraînant une concurrence accrue entre les acteurs humanitaires. « Depuis plus de 30 ans, Médecins du Monde travaille en coopération avec ces acteurs locaux, principaux concernés par les crises humanitaires et souvent les premiers à y répondre. Ils sont décisifs et incontournables par leur connaissance du contexte » . Le partenariat fait pleinement partie des fondements de son action humanitaire. « Médecins du monde […] n’intervient pas dans les situations de crise ou de conflit sans ONG locales, il s’agit là d’un véritable principe d’intervention » déclare Thomas Ribemont , Président d’Action Contre la Faim. En théorie donc, chaque action entreprise par l’association se fait en partenariat avec un acteur local ou national du pays d’intervention. Cet engagement découle de la volonté de l’ONGI de s’inscrire dans des projets de long-terme et d’accompagnement du changement social.
Le partenariat avec les acteurs locaux et nationaux fait fondamentalement partie de l’identité de MDM-F, pour qui « ce soutien prend des formes variées, dans la perspective d’un renforcement des capacités d’agir » selon son rapport moral. L’organisation s’associe au consensus assimilant renforcement des capacités locales au partenariat. A ce sujet, François Audet constate que « le renforcement des capacités locales semble être un synonyme du mot partenariat ». Le mandat de MDM-F conçoit le partenariat avec les acteurs locaux comme essentiel si elle souhaite contribuer au changement social dans une action de long-terme. Le partenariat est alors conçu comme un échange entre deux acteurs à part égale.
En pratique, ce discours est difficile à mettre en place. L’étude de François Audet met ainsi en lumière le fait que les partenariats développés par MDM-F ne sont pas seulement dus à une volonté de renforcement de capacités locales. MDM-F privilégiera un partenariat avec une association locale ayant déjà de fortes capacités afin de faciliter la contraction de financements humanitaires. Redevable devant les bailleurs, l’ONG contracte une obligation de résultats quantifiables et quantifiés. Elle ne peut se permettre que dans une moindre mesure d’avoir recours à des partenaires dont les capacités ne sont pas déjà démontrées.
De réel partenaire à simple récipiendaire, les contours du partenariat sont flous. Dans certains cas où la situation l’oblige, l’association est susceptible de développer un partenariat de nécessité pour, d’une part, respecter ses propres principes, et d’autre part, bénéficier d’un accès aux populations, aux terrains d’intervention et aux financements. « Deux formes de partenariat peuvent être distinguées : le ‘patronage’ et le partenariat stricto sensu ». D’un réel partenariat d’abord, c’est à-dire un rapprochement entre MDM-F et une ONGN partageant des objectifs communs et définissant l’action humanitaire de façon conjointe et « sur un pied d’égalité » . De partenariat conjoncturel ensuite, lorsque ce rapprochement est strictement unilatéral dans le sens où MDM-F fait appel à un partenaire pour mettre en place un projet dont elle aura préalablement décidé. Isabelle Bruand assure qu’« il faut assumer le fait qu’il y ait des relations de partenariat qui vont être des prestations de service, parce que c’est la réalité, c’est demandé par le bailleur, etc. et parce que ça fait partie aussi des demandes de certains de nos partenaires ».
La prise de décision apparaît comme le critère principal de définition du partenariat. La place laissée à l’ONGN dans la phase de conception du projet détermine la nature même du partenariat en cela que les deux acteurs seront alors sur un pied d’égalité ou non. Le processus de prise de décision semble être l’indicateur principal permettant d’analyser l’essence du partenariat.
Les exigences de localisation du Grand Bargain incitent de fait les acteurs internationaux à inclure leurs partenaires dans la prise de décision, voir même d’en inverser le processus. Un exemple illustre cette inversion à propos d’un partenariat entrepris par MDMen Côte d’Ivoire au moment de la crise Ebola où « une grande ONG ivoirienne […] demande à MDMsi elle veut bien répondre avec elle à un appel d’offres ECHO. Cet exemple signifie que nous ne sommes plus l’ONG du Nord qui prend l’argent pour le distribuer dans le Sud, mais que nous sommes ‘en réponse avec’ » . Plus que l’inverse, les acteurs locaux sont amenés à faire appel aux ONGI afin de renforcer leurs capacités techniques. La relation unissant partenaires locaux et internationaux en est profondément bouleversée, nécessitant alors la redéfinition de la notion de partenariat au sein des ONG internationales.

Le dilemme de la localisation : « on ne peut pas être contre »

« Le partenariat a toujours existé à Médecins du Monde » selon Frédéric Jacquet, Secrétaire Général de MDM-F en 2010. En tant qu’association militante médicale, MDM-F s’emploie à pérenniser ses actions d’urgence par le biais de partenariat afin d’asseoir l’impact potentiel de ses actions dans le long-terme. D’une manière générale, les ONGI présentent le partenariat avec les ONGN comme essentiel au bon déroulement de leurs actions humanitaires. Traditionnellement, la relation les unissant est considérée comme complémentaire et interdépendante dans la mesure où les ONGI, porteuses des fonds humanitaires mais aussi des responsabilités qui en découlent, financent et soutiennent les ONGN dans l’élaboration de projets, qui bénéficient alors de fonds supplémentaires. Wolf-Dieter Eberwein, Président du collectif d’ONG européennes VOICE, reconnaît que « la bonne intention de vouloir construire des partenariats, c’est-à-dire de contribuer au développement d’acteurs humanitaires indépendants comme condition nécessaire de  partenariats est incontestée. Néanmoins, le terme partenariat est un terme générique qui inclut des objectifs multiples » . A l’image de ce que démontre François Audet lors de son étude, il existe un écart important entre ce qui est promut par les ONGI en termes de principes et de valeurs, et ce qui est effectivement mis en œuvre sur les terrains. En voulant expliquer le comportement de ces ONGI vis-à-vis de leurs partenaires, François Audet met en évidence le caractère marketing de leurs discours qui, selon lui, leur permettent de se rapprocher du public donateur. Les ONGI cherchent à défendre leur « image de marque » auprès de leurs donateurs afin d’assurer la pérennité de leur collecte et donc de leur organisation. A la lumière de son analyse, on comprend qu’il s’agit en partie d’une distorsion cognitive entre ce que les valeurs et les pratiques des ONGI dans le sens où « le renforcement des organisations locales s’arrête là où commence la dynamique de compétition des ressources ». Le contexte concurrentiel vient agrandir cet écart.

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Table des matières
ABREVIATIONS UTILISEES
INTRODUCTION
I. Sur un volet financier
II. Sur un volet opérationnel
III. Sur un volet de gouvernance
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES ANNEXES

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