En 1978, lors de la conférence d’Alma-Ata, l’OMS définit les soins de santé primaires comme des « soins de santé essentiels, fondés sur des méthodes et des techniques pratiques scientifiquement valables » . Le développement de la recherche en médecine générale et la participation des médecins généralistes constituent des éléments essentiels, contribuant à l’évaluation et l’amélioration de la qualité des soins primaires. Dès les années 1990, des premières initiatives de recherche en médecine générale émergent au niveau international, en particulier en Australie et aux Pays-Bas . En 2004, au cours d’une conférence internationale organisée au Canada en Ontario et réunissant 34 pays, la WONCA souligne la nécessité de développer la recherche en soins primaires et publie 9 recommandations s’y référant. En 2009, lors de la conférence européenne de la WONCA, le Réseau Européen de Recherche en Médecine Générale (EGPRN), propose un document de référence pour les médecins généralistes et les chercheurs en médecine générale constitué de deux parties. La première partie correspond à une revue de littérature concernant les travaux de recherche en médecine générale et permet de mettre en évidence les lacunes et les besoins existants dans ce domaine. Une seconde partie propose aux praticiens des axes de travail pouvant les aider à développer des programmes de recherche en médecine générale dans les domaines où un besoin semble exister : la recherche clinique, la recherche en santé publique et la recherche dans le domaine de l’enseignement . Le faible taux de participation des médecins généralistes semble être un élément entravant la progression de la recherche en médecine générale. En France, seulement 30 % des médecins de famille se disent intéressés par ce type d’étude .
Depuis la fin des années 1980, les chercheurs en médecine générale des pays anglo-saxons soulèvent régulièrement cette problématique et enquêtent sur les obstacles à la participation des médecins généralistes dans la recherche en soins primaires. Une étude descriptive menée en 2016 par une équipe allemande a exploré et comparé les différentes procédures de recrutement et les taux de participation des médecins généralistes au sein de 31 pays, et a démontré que le contexte politique et culturel du pays influençait l’implication des médecins dans les programmes de recherche . Les résultats obtenus par les études anglo-saxonnes ne sont pas généralisables à la problématique française, la problématique de la santé étant abordée sous un autre angle avec un contexte politique et culturel différent.
Le recrutement des médecins a été effectué de façon à obtenir un échantillonnage raisonné . Une variation maximale de l’échantillon devait être retrouvée au sein de notre population afin d’être qualitativement représentative de la population médicale. Les critères recherchés étaient un ratio homme-femme équilibré, des âges différents, des modes d’exercice divers, des lieux d’exercice variés (rural, semi-rural ou urbain), une implication variable au sein de l’université ou plus généralement dans la formation médicale, ainsi qu’une participation ou non à des projets de recherche menés en médecine générale.
Les médecins ont été sollicités par contact direct par téléphone. L’interne a également présenté sa thèse lors de rencontre avec des médecins dans le cadre de groupes qualité mais ces derniers ont été ensuite sollicités individuellement par téléphone. Le contact direct était privilégié. L’hypothèse de recherche leur a été présentée en quelques phrases. Sur les dix médecins sollicités, deux ont refusé de participer à l’étude. Les raisons exposées étaient identiques dans les deux cas : pas d’intérêt pour le sujet de l’étude. Trois des huit médecins interrogés avaient déjà eu l’occasion de côtoyer l’interne sus-citée au travers de leur expérience professionnelle. Cinq d’entre eux ne l’avaient jamais rencontrée avant le jour de l’entretien.
Deux membres du DUMG ont contribué à l’élaboration de notre grille d’entretien initiale. Cette dernière a été évaluée lors d’un entretien sur un chef de clinique de médecine générale. Le canevas d’entretien semi-directif, présenté en annexe, explorait :
• les représentations des médecins généralistes sur la recherche ;
• les raisons de la participation ou de la non-participation à une étude ;
• les perspectives d’évolution de la recherche en médecine générale.
La grille d’entretien, construite a priori, était destinée à évoluer au fil de l’étude selon la méthode de la grounded theory (ou théorie ancrée) .
Les entretiens ont été menés par une interne de médecine générale. Celle-ci a été formée aux techniques d’entretien individuel semi-dirigé par deux membres du DUMG de la faculté de Brest.
Les lieux d’entretiens étaient préférentiellement les lieux d’exercice des médecins. Un entretien a été mené au domicile du médecin, deux autres sur des lieux de formation professionnelle. Au début de chaque entretien, les participants signaient une fiche de non opposition de participation à l’étude rappelant les tenants et les aboutissants de celle-ci. Une copie de ce document leur était remise. Il leur était rappelé au début de l’entrevue qu’il s’agissait d’un entretien enregistré et anonyme, dans le cadre d’un programme de recherche (thèse de médecine générale). Au cours des entretiens, l’interne s’efforçait d’employer des questions ouvertes et d’utiliser des techniques de reformulation ou des relances afin de recueillir un maximum de données pertinentes vis-à-vis de la question de recherche. Les enregistrements étaient ensuite entièrement retranscris, mot à mot afin de constituer le verbatim de l’étude.
Les données recueillies ont été analysées dans une perspective phénoménologique interprétative . L’idée fondatrice de cette théorie est que les individus cherchent eux-mêmes à interpréter leurs expériences sous une forme qui leur est compréhensible. Cette approche postule que pour comprendre un phénomène il faut « le laisser parler de lui-même », c’est-à-dire mettre entre parenthèses tous les présupposés et notions préexistantes. Le chercheur s’est ainsi employé à utiliser une méthode scientifique rigoureuse afin de décrire, analyser et comparer des données tirées d’expériences vécues et recueillies dans différents contextes pour faire émerger les phénomènes centraux de la situation étudiée. Cette théorie est qualifiée d’« interprétative » car elle s’appuie sur la tradition interprétative (ou herméneutique) selon laquelle le chercheur joue lui-même un rôle majeur dans l’analyse et la recherche.
Un codage ouvert a été réalisé simultanément par la thésarde et par un autre interne de médecine générale puis une mise en commun des travaux a été réalisée. Le codage axial ainsi que la catégorisation des données ont été réalisés par l’interne de médecine générale investigatrice. L’objectif de l’analyse était d’aboutir à l’émergence de thèmes principaux et secondaires. Ces derniers ont été progressivement identifiés au fur et à mesure de l’analyse des données et une cohérence entre les données recueillies et les résultats obtenus a été constatée à l’issue de ce travail. Les entretiens ont été menés jusqu’à saturation théorique en codage axial, c’est à dire jusqu’à ce que plus aucun phénomène nouveau ne soit mis en évidence. La saturation des résultats a été atteinte après le 7ème entretien et vérifiée lors du 8ème entretien.
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Table des matières
Introduction
Méthode
1. Population des médecins
2. Entretiens
3. Méthode d’analyse des résultats
Résultats
1. Caractéristiques des médecins généralistes interrogés
2. Représentations des médecins généralistes sur la recherche en médecine générale
2.1. Qu’est-ce que c’est que la recherche ?
2.2. Quelles sont les particularités de la recherche en médecine générale ?
2.3. Expériences personnelles de recherche en médecine générale
2.4. Finalité de la recherche en médecine générale
2.5. Qui sont les acteurs de la recherche en médecine générale ?
A. Rôle des étudiants
B. Rôle des médecins
C. Rôle des praticiens universitaires généralistes
D. Rôle des patients
E. Rôle des laboratoires pharmaceutiques
F. Rôle de l’ARS
3. Facteurs influençant la participation des médecins généralistes aux programmes de recherche
3.1. Obstacles
A. Pluralité de la médecine générale et difficultés d’uniformisation des pratiques
B. Influence des relations entre médecine générale et milieu hospitalo-universitaire
B.1. Manque de reconnaissance du statut du médecin généraliste
B.2. Place prédominante de la médecine hospitalière spécialisée dans le domaine médical
B.3. Reconnaissance du statut d’enseignant et de chercheur en médecine générale et relations
avec le milieu universitaire
B.4. Conséquences sur la participation des médecins généralistes aux projets de recherche
B.5. Perspectives d’évolution proposées par les médecins généralistes
C. Freins à la participation des médecins généralistes
C.1. Thématiques abordées inadaptées
C.2. Limites des méthodes utilisées dans les projets de recherche en médecine générale
C.3. Retours insuffisants des résultats des études
C.4. Gestion du temps
C.5. Pratique du médecin généraliste
C.6. Formation initiale
3.2. Facteurs favorisants la participation à une étude
A. Motivation pour la recherche
B. Appartenance à un réseau de professionnels de santé
C. Relations professionnelles préexistantes avec l’université
D. Thématiques attractives
D.1. Nécessité de lien avec la pratique du médecin généraliste
D.2. Pertinence pour la médecine générale des thématiques abordées
D.3. Sujets ciblés sur les problématiques inhérentes à la médecine générale
E. Caractéristiques des méthodes utilisées
F. Conséquence pratiques des résultats des études proposées
G. Inclusion préalable par un confrère spécialiste
3.3. Prise de contact avec le médecin généraliste
A. Identité de l’interlocuteur
B. Moyens de sollicitation
3.4. Facteur générationnel
3.5. Caractère obligatoire ou non-obligatoire de la participation
Conclusion
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