Développement de l’enfant
Qu’en est-il du développement cognitif et moral de l’enfant ? L’enfant est-il apte à philosopher ? V.Trovato (2004) fait état du statut des enfants. Il explique que l’origine latine du mot enfant viendrait de infans (qui ne parle pas). Ceci fait écho à un temps où l’on préjugeait qu’on ne puisse philosopher avant d’accéder à une certaine maturité et où la philosophie considérait l’enfance comme un manque à être. On en hérite aujourd’hui parfois la pensée que « l’enfant est encore celui qui, lorsqu’il parle, n’exprime pas véritablement une pensée claire et cohérente » (2004, p.13) ce qui rejoint les idées de Jean PIAGET.
Le constructivisme
Les travaux du psychologue suisse Jean Piaget ont permis de comprendre la psychologie du développement. Il fut le premier à montrer que les enfants ne sont pas moins intelligents que les adultes mais qu’ils raisonnent différemment. Comment ces premiers modes de penser évoluent-ils jusqu’à ceux de l’âge adulte ? C’est la question qui a occupé J.Piaget une grande partie de sa vie. Il défendit une position constructiviste et interactionnelle où le sujet construit le milieu à l’intérieur de lui en même temps qu’il se construit en interaction avec le milieu. Il a ainsi décrit quatre stades de développement de 0 à 15 ans. Le stade sensori-moteur où l’enfant acquiert la notion de permanence de l’objet, le stade préopératoire caractérisé par le début du langage et de la pensée symbolique, le stade opératoire concret au cours duquel il devient capable de conceptualiser et de créer des raisonnements logiques et enfin le stade des opérations formelles permettant les raisonnements hypothéticodéductifs et l’établissement de relations abstraites. Selon lui ce serait à partir de 15 ans que les enfants seraient en mesure de traiter des questions morales.
Ces stades de développement cognitif ainsi décrits constituent des frontières, où à chaque franchissement l’enfant doit reconstruire tout l’édifice des connaissances apprises jusque-là.
L’enfant se développerait suite à des conflits cognitifs engendrés par la rencontre de situations inconnues qui produiraient un déséquilibre des structures établies. L’enfant cherche à le résoudre par assimilation et accommodation pour trouver un nouvel équilibre. Selon la théorie de J.Piaget, c’est donc le développement biologique, conditionné par les facteurs génétiques, qui serait à l’origine du développement cognitif duquel dépendrait le développement moral. Cependant plusieurs reproches ont été faits à ces travaux qui donnent une vision trop simpliste du développement, où les régressions et retours en arrière (dans les stades) n’existent pas. Ce modèle ne prend pas ou peu en compte les influences sociales sur les apprentissages et le rôle du langage est sous-estimé. C’est en particulier la subordination des apprentissages au développement qui posera problème à certains chercheurs dans ce domaine.
Le socioconstructivisme
L.Vygotski prétendait que le développement cognitif était directement relié au développement social. Il parle d’une construction sociale des fonctions cognitives. Alors que J.
Piaget décrit le développement comme une construction interne au sujet, issue de l’interaction avec les objets, L.Vygotski envisage le développement comme l’appropriation de la connaissance élaborée dans les interactions sociales. Pour lui tout dépend de la médiation d’autrui, dans un mouvement allant du social vers l’individuel. Apparaît donc le rôle primordial de l’environnement social et plus particulièrement de l’adulte ici. D’après Lev.S.Vygotski «Leseul bon enseignement est celui qui précède le développement» (M.Tonolo, communication personnelle). Selon cette théorie, l’enseignement ne doit pas être orienté vers un stade déjà acquis mais bien se situer dans la zone proximale de développement de l’individu. C’est à dire entre ce qu’il est capable de faire avec de l’aide et ce qu’il peut faire seul. Dans le questionnement qui interroge sur la capacité des enfants à philosopher, cet enseignement se trouve être dans la zone proximale de développement. En effet ayant des lacunes en langage et l’adulte ou l’enseignant ayant un rôle d’étayage, l‘enseignement de la philosophie est donc pertinent à l’âge des enfants de l’école primaire. Dans le domaine de la philosophie l’adulte aiderait donc à questionner et à verbaliser, ce que l’enfant n’arrive pas faire seul.
Où en est-on aujourd’hui ?
On sait aujourd’hui que les enfants se posent des questions très tôt. V.Trovato (2004), docteur en sciences de l’éducation décrit l’évolution cognitive differemment. Selon lui, l’enfant développe au cours des deux premières années ses aptitudes physiques et cherche à comprendre son environnement par son activité propre et les réactions de ses proches. Il va ensuite montrer à l’adulte les objets nouveaux et les situations inconnues pour en partager l’émotion et en comprendre le sens. Dans ce processus de découverte et d’appropriation du sens, l’enfant découvre peu à peu les mots. Il entre dans la période des « pourquoi ? ». Pour l’auteur c’est le début de la philosophie chez les enfants.
Si J.Piaget affirme que les stades de développement bloquent l’accès des enfants à la rigueur de la pensée et à l’abstraction de la philosophie, V.Trovato (2004) dans ses recherches montre que l’enfant a une capacité d’étonnement qui est à l’origine du questionnement philosophique. L’auteur pense qu’« il faut profiter de ce que le courant de la culture n’a pas encore fini d’emporter pour apprendre aux enfants éducables et donc raisonnables (capables de raison) à préserver cet étonnement et à le convertir en esprit critique». (2004, p.22). V.Trovato ajoute que « l’enfant a naturellement cette soif de connaître, de comprendre le monde qui l’entoure et de lui donner du sens » (2004, p.25). Le langage joue ici un rôle dans la structuration de la pensée. L’auteur précise même que «la plupart de toutes les idées philosophiques viennent de l’enfance, des contes, des peurs, des histoires des enfants » (2004, p.23). Cela rejoint l’idée de Karl Jasper qui explique que «la majeure partie des questions des enfants sont des questions philosophiques » et que « l’enfant en tant qu’être humain est porteur d’un questionnement existentiel » (cité par V. Trovato, 2004, p.7). De ces dires on perçoit alors tout l’enjeu de l’EMC à l’école qui a pour but d’entretenir cette capacité de réflexion chez les enfants : une réflexion par eux-mêmes, une mise en mots et une formulation de leurs interrogations. J. Derrida proposait il y a plus de 30 ans d’implanter en France la philosophie à l’école primaire avec l’idée de supprimer les ruptures entre l’enfant et l’adolescent, entre l’enfant et l’adulte dans le cadre de cet enseignement. Ce philosophe évoque le « droit à la philosophie » (cité par V.Trovato, 2004, p.9) qui entraîne l’enfant à penser par lui-même et assure une libération sur le plan humain.
De ces réflexions, il serait donc important de retenir de ne pas donner de réponses toutes faites aux questions philosophiques des élèves, mais plutôt de les laisser y réfléchir en leur permettant de confronter leurs arguments afin de développer leurs capacités de réflexion. V.
Trovato explique que dans la pratique de la philosophie avec les enfants que : « L’adulte suivra avec l’enfant une procédure d’investigation philosophique qui permettra à ce dernier d’acquérir une attitude de raisonnement et de réflexion vis-à-vis du monde extérieur. » (2004, p.9).
Une méthode spécifique : la discussion à visée philosophique
Qu’est-ce que la D.V.P et d’où vient-elle ?
Comme l’explique un document Eduscol (2015), la D.V.P entre dans la catégorie des débats réglés. L’objectif est de réfléchir au sens des choses, en dehors de toute prise de décision et sans viser l’action. Cette réflexion implique le partage de questions existentielles, de revoir son rapport au monde, aux autres et à soi-même. La discussion à visée philosophique (DVP) n’est ni un apprentissage de la démocratie, contrairement au conseil de classe, ni un lieu de parole. Il s’agit d’accéder à la pensée en ce qu’elle ouvre à l’universel : ce qui vaut à tout autre que moi. On exclura donc la simple juxtaposition des opinions et la simple expression du « moi je ». Il existe différents points de départ possibles pour une D.V.P. On peut se servir d’une photo, d’un dessin ou d’un support écrit comme une œuvre de littérature jeunesse, des mythes philosophiques ou encore une citation philosophique. On peut aussi partir d’un événement actuel survenu dans la classe ou dans le monde. Il est également possible d’amorcer un débat par une question choisie par les élèves ou une question philosophique proposée par l’enseignant, qu’il s’agisse d’une question simple ou d’un dilemme moral (M.Tonolo, communication personnelle). Nos recherches sont principalement axées sur les D.V.P réalisées après un travail sur une œuvre de littérature de jeunesse. Cette entrée est particulièrement intéressante selon N.
Le Mignant (2012). En effet, l’œuvre de littérature de jeunesse permet à l’élève de s’identifier aux différents personnages, ce qui lui permettrait donc de se projeter dans l’action et de vivre les dilemmes par procuration. Comme le cite l’auteure cela « permet au lecteur de s’interroger sur son rapport au monde, aux autres, à lui-même ». (2012, p.37)
Pourquoi la D.V.P à l’école ?
« Les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique mettent en avant des activités et des pratiques pédagogiques spécifiques : débat réglé, dilemme moral, conseil d’élèves, méthode de la clarification des valeurs, jeu de rôles, etc.» (Eduscol, 2015).
Les enjeux de la pratique des débats à visée philosophique à l’école primaire sont pluriels. En effet, les D.V.P participent à la construction identitaire de l’enfant, à l’instruction et à l’éducation de l’élève ainsi qu’à la formation du futur citoyen.
Construire l’identité de l’enfant
Selon C.Marsollier (2012), la D.V.P aiderait l’enfant à mieux se connaître et à construire son individualité. Il apprend à raisonner, à penser par lui-même ainsi qu’à se questionner et il progresse dans la compréhension de ses émotions, de ses convictions et de leurs origines. Il lui est plus facile d’exprimer ce qu’il ressent, ce qu’il pense et il développe son empathie en apprenant à se mettre à la place d’autrui. C.Marsollier (2012) explique également que lors de ces discussions, les enfants confrontent leurs points de vue, leurs croyances et leurs représentations du monde ce qui leur permet de mieux les cerner, les conscientiser et les préciser.
De plus, en acceptant d’être contredit et en intégrant l’avis de ses camarades, l’enfant s’exerce à communiquer de façon constructive et respectueuse avec autrui et il s’habitue à nuancer son jugement.
D’autre part, l’enfant réfléchit à des questions existentielles qui sont souvent au cœur de ses préoccupations conscientes ou inconscientes. Cela lui permet de toucher du doigt la complexité de monde qui l’entoure. Il comprend peu à peu que les grandes questions universelles n’ont pas de réponse unilatérale. Contrairement aux questions scientifiques, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse et différentes conceptions du monde et de la vie sont compatibles. Cet apprentissage permet de lutter contre les préjugés et les différentes formes de manipulation susceptibles d’altérer le jugement d’un individu.
Instruire et éduquer l’élève
A travers la pratique des D.V.P, l’élève acquiert des capacités langagières spécifiques puisqu’il apprend à s’exprimer au sein d’un groupe, à convaincre ainsi qu’à justifier ses arguments. Il développe également une pensée réflexive qu’il apprend à approfondir et à remettre en question. Il comprend peu à peu que s’il n’y a pas de bonne réponse en philosophie, toutes les idées ne se valent pas pour autant : encore faut-il qu’elles soient fondées et justifiables.
Les D.V.P permettent également de donner du sens à l’école en tant que rempart contre l’ignorance, l’aveuglement et l’intolérance.
Former un citoyen éclairé
L’élève entre dans un processus de socialisation démocratique ou il apprend à accepter l’autre et à respecter des façons d’être et de penser différentes des siennes, le conduisant progressivement à une plus grande ouverture d’esprit. Il est également amené à partager des croyances et des sentiments communs ce qui participe à la construction du lien social et de son humanité. Il développe sa capacité à s’intégrer et à interagir avec les membres d’un groupe et il améliore sa compréhension des relations sociales et de certains de ses enjeux.
Il intègre peu à peu les enjeux de la vie en société. Toujours selon C. Marsollier (2012), les DVP participent au développement d’une « pensée responsable » et à l’élaboration de « valeurs morales et éthiques » tout en promouvant des « comportements responsables et raisonnables ».
D’autre part, ils incitent les élèves à être acteurs de leurs choix et de leurs idées en s’impliquant dans la vie de la communauté. En outre, apprendre à débattre et s’habituer à la confrontation verbale constructive et respectueuse permet de réduire les comportements violents. Pour finir, les DVP permettent de faire des liens entre différentes disciplines telles que le français (oral, écrit, argumentation, débats) et les sciences en différenciant par exemple la croyance, de la conviction et du savoir scientifique. Cette interdisciplinarité donne du sens aux apprentissages.
Enfin, cette activité d’échange qu’est la D.V.P induit un autre rapport au professeur qui n’a pas la « bonne réponse » et qui doute lui aussi. Sa parole ne fait pas office de vérité. Il se met en retrait pour laisser une plus grande place à l’élève. Tout ceci contribue plus globalement à donner du sens à l’école en instaurant un rapport au savoir moins dogmatique.
Quelles sont les caractéristiques d’une discussion à visée philosophique ?
Les processus en jeu
Selon Michel Tozzi (1994), philosopher c’est « articuler, dans le mouvement et l’unité de la pensée impliquée, sur des notions et des questions fondamentales à tout homme, des processus interdépendants de problématisation, d’affirmations et de questions, de conceptualisation de notions, d’argumentation rationnelle de thèses et d’objections ». M.Tozzi (1994) distingue trois préoccupations que les élèves doivent s’approprier et que l’enseignant doitgarantir lors d’une D.V.P réalisée en classe. Tout d’abord la problématisation : les élèves doiventpeu à peu être capables de s’interroger sur leurs opinions et relativiser leurs croyances pour pouvoir confronter leurs idées à d’autres. Problématiser c’est aussi la capacité d’avoir une attitude de recherche, dans un but d’accéder au plus près à la vérité. Le deuxième processus décrit par M.Tozzi (1994) est la conceptualisation qui consiste à mettre des mots sur les notions dont on parle, à savoir les définir de manière précise. La conceptualisation d’une notion est à distinguer de la définition d’un mot (dont le sens est apporté par dictionnaire) puisqu’elle correspond plutôt à une représentation personnelle intérieure qui rend compte de sa propre expérience et de sa vision du monde. L’argumentation constitue le troisième processus décrit par M. Tozzi (1994). Elle permet de fonder son discours sur des arguments rationnels, de pouvoir répondre aux éventuelles objections ou encore de se confronter à d’autres thèses soutenues.
Déroulement d’une D.V.P
On trouve dans l’ouvrage de François Galichet (2004) les conditions à respecter lors d’une D.V.P. Il explique qu’il est important de faire émerger des confrontations de points de vue et que la parole doit être distribuée pour qu’il y ait échange d’arguments. De plus chaque élève doit pouvoir disposer du même temps de parole que les autres s’il la réclame et l’enseignant ou l’animateur du débat doit s’assurer que ces conditions soient respectées. L’auteur précise ensuite les quatre caractéristiques essentielles d’un débat que sont : l’« universalité », l’ «implication», l’ «irréalité », et la «totalisation» (2004, p 8 et p.9). Cela signifie que les arguments énoncés doivent avoir une portée universelle et donc être acceptés de tous et valoir pour autre que celui qui les avance. L’objectif majeur est de répondre à des questions que tout le monde se pose, eny réfléchissant ensemble pour s’approcher de la vérité.
L’enseignant qui anime la D.V.P a un rôle complexe. Sans interventions excessives, le déroulement et l’orientation du débat dépendent de lui. Il doit alterner différents types d’interventions et adopter une posture d’étayage en incitant les plus timides à participer tout en canalisant les autres. Il encourage les élèves à approfondir, à structurer ainsi qu’à préciser leurs propos en donnant des exemples. Par ailleurs il doit s’assurer que les arguments pertinents qui peuvent être énoncés ne soient pas mis de côté par le groupe et à l’inverse, que les idées non à propos ne parasitent pas le débat. Mais cela ne suffit pas puisqu’il est également garant de la problématisation des idées. D’autre part, si les élèves se retrouvent à court d’idées, il lui incombe de relancer le débat d’où l’importance de bien préparer les différents enjeux de la question en amont. Pour que les conditions citées plus haut soient garanties et que l’enseignant puisse se retirer de la discussion, le débat peut être géré par les élèves eux-mêmes avec plus ou moins de rôles dispensés. On peut nommer par exemple un distributeur de parole, un élève micro qui passe le bâton de parole, un ou plusieurs secrétaires qui sont la mémoire du débat, des observateurs…
Problématisation
J’ai observé chez beaucoup d’élèves de ma classe de CE1 et de CM1 une grande difficulté à se décentrer et à envisager les choses autrement qu’au travers d’une perspective individuelle et égo centrée. En effet, beaucoup d’entre eux manquent d’empathie et font systématiquement passer leurs intérêts personnels avant ceux des autres, même quand il s’agit de l’intérêt général.
Or, je considère que l’un des rôles de l’école est d’aider l’élève à développer ses capacités d’empathie et d’altruisme, d’autant plus au sein de la société actuelle à laquelle on reproche de souffrir d’un individualisme exacerbé. J’ai donc tenté d’orienter ma pédagogie et mon autorité en ce sens. Si j’ai pu observer quelques progrès, il me semble que c’est d’une part par imitation et d’autre part pour répondre à mes attentes et se conformer aux normes que j’ai instaurées. Il me paraît donc essentiel d’enseigner les valeurs d’empathie et d’altruisme en éducation morale et civique afin de permettre une réflexion individuelle et collective qui sera susceptible d’amor- cer des changements de conception et de comportements profonds. Cependant, je souhaite éviter d’aborder ces valeurs de manière frontale, afin que les élèves ne soient pas tentés de se conformer à ce qu’ils imaginent que j’attends d’eux.
J’ai donc décidé de mener une séquence d’éducation civique et morale sur le thème de la planète à l’aide de discussions à visées philosophiques. Les élèves seront ainsi amenés à se questionner sur l’origine des nombreux problèmes auxquels la Terre est confrontée aujourd’hui et sur le rôle individuel et collectif qu’ils peuvent jouer dans son avenir.
Mais dans quelle mesure une séquence d’EMC sur le thème de la planète permet-elle un décentrement de soi ? Comment enseigner les valeurs d’empathie et d’altruisme au travers de ce thème ?
Expérimentation
Préparation des enjeux
Choix du thème et de l’œuvre de littérature de jeunesse
Comme expliqué précédemment, le choix de ce thème vise à répondre à des besoins élèves observés qui sont d’amorcer un décentrement de soi en cultivant l’altruisme et l’empathie.
De plus le contexte actuel s’y prête compte tenu des grands problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Il devient crucial de changer notre manière de vivre et de consommer et ni les actions mises en place, ni les solutions proposées ne suffisent pour envisager un futur serein. Il est donc essentiel que la nouvelle génération soit consciente de l’ampleur du phénomène et des dangers encourus par l’écosystème Terre. Cependant, faire un constat alarmant ne suffit pas à changer les représentations et les comportements. C’est pourquoi développer le sens des responsabilités et une conscience écologique aigüe me semble un enjeu important de l’école d’aujourd’hui.
Afin de traiter ces différents aspects, j’ai choisi de commencer ma séquence par l’étude de l’œuvre littéraire « L’homme qui plantait des arbres ».
L’œuvre de littérature de jeunesse
« L’homme qui plantait des arbres » est une courte nouvelle écrite en 1953 par Jean Giono, écrivain et cinéaste français. L’auteur raconte l’histoire d’Elzéard Bouffier qui a décidé de consacrer le reste de sa vie à planter des arbres dans une région aride et désertée de la vallée de la Durance. Ce berger, à la force de caractère hors du commun, parvient à redonner vie aux villages alentours qui se voient peu à peu reconstruits et repeuplés. La forêt qu’il a plantée s’étend sur plusieurs kilomètres et a permis le retour de l’eau et d’une végétation abondante. Le narrateur, témoin de cette transformation, exprime toute l’admiration et le respect qu’il voue à ce « vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu » (Giono, 2010, p.36). Il a d’ailleurs contribué à protéger la forêt du bûcheronnage en faisant appel à un ami capitaine forestier. Il décrit Elzéard comme un homme exceptionnel qui a trouvé dans sa besogne la clé de l’harmonie et d’un bonheur serein. Cette œuvre a pour avantage non négligeable d’être dans le domaine public, ce qui m’a permis de distribuer des tapuscrits.
Les enjeux de l’œuvre de littérature de jeunesse
Dans « L’homme qui plantait des arbres », Elzéard Bouffier est un « héros ordinaire ».
C’est un homme simple, dont les actions sont admirables et les qualités exemplaires. Ce sont ces qualités sur lesquelles je souhaiterais que les élèves s’interrogent : le respect, l’humilité, l’empathie, la solidarité, la patience, l’altruisme et la générosité.
Qui plus est, cette histoire invite à aimer la Terre, les arbres et l’humanité dans son ensemble. On ne peut s’empêcher de se demander ce que serait le monde avec plus de personnes comme Elzéard Bouffier. Elle questionne donc le lecteur sur son rapport aux autres et à la nature et le pousse à se demander ce qu’il pourrait faire pour la planète. Ces réflexions naissent certes chez un lecteur adulte, mais il me semble que les élèves peuvent se poser ces questions à leur niveau, suite à la lecture du livre pour quelques-uns et au cours des débats pour d’autres. Et si tout cela n’éveille rien chez certains d’entre eux, peut-être que les liens se feront plus tard dans le cadre d’une autre histoire ou d’une expérience personnelle par exemple, ce qui est tout aussi porteur.
Par ailleurs, l’école dans laquelle j’enseigne est située dans un petit village montagnard.
Il est donc facile pour les élèves d’imaginer à quoi ressemblerait leur vie dans un environnement dépourvu de végétation, avec des maisons délabrées et inhabitées pour la plupart.
Mise en œuvre de la séquence
L’étude de l’œuvre
La première séance s’est révélée compliquée pour les élèves et pour moi. Comme cela est souvent le cas avec le double niveau, les CM1 ont nécessité beaucoup plus d’attention que prévu et la gestion des deux groupes m’a demandé beaucoup d’attention : c’était à prévoir. La gestion de classe est effectivement plus compliquée quand les élèves travaillent en groupes sur des activités complexes, notamment quand les deux niveaux ont une tâche et des consignes différentes. De ce fait, je n’ai pas pu accompagner les CE1 comme je l’avais prévu et ils ont eu du mal à effectuer le travail demandé. Beaucoup me disaient ne rien comprendre. Ils ont cependant joué le jeu et tous les binômes ont dessiné le paysage. Par contre, des groupes ont rajouté dans leurs dessins des éléments qui n’apparaissaient pas dans le texte. Pour certains d’entre eux, cela constituait une surinterprétation possible, mais dans d’autres cas, cela nuisait à la cohérence de l’histoire. En effet, un binôme a par exemple ajouté un lac dans le paysage de l’épisode 1 alors qu’il est dit que le héros cherche vainement de l’eau et c’est ce qui est à l’origine de sa rencontre avec Elzéard. Un autre groupe a ajouté une voiture et des jolies maisons alors que le village est décrit comme désert et en ruines.
Les CM1 ont eu du mal à se lancer dans la lecture car ils trouvaient le texte ardu et beaucoup de mots leur posaient problème. Certains binômes lisaient à tour de rôle à mi-voix pour se rassurer ce qui gênait leurs voisins. Pour ce qui est de la tâche à effectuer, les élèves ont bien compris ce qu’ils devaient faire malgré les consignes très générales car un travail sur le résuméavait déjà été effectué au cours de la période précédente.
Lors de la 2ème séance, la lecture par les paires n’a pas fonctionné. Deux élèves ont essayé mais la complexité du texte et des formulations a rendu la tâche difficile. La lecture était hachée et monotone. Les élèves ne comprenant pas toujours ce qu’ils lisaient, les intonations n’étaient pas mises. Il était de ce fait d’autant plus difficile pour les auditeurs de comprendre l’histoire et de rester concentrés. J’ai donc lu. La sélection des dessins et des résumés a bien joué son rôle puisqu’elle a permis de simplifier l’histoire et de vérifier la bonne compréhension des évènements et des enjeux par les différents binômes mais également par toute la classe lors des moments des choix qui devaient être justifiés et argumentés au regard du texte et des éléments essentiels à sa compréhension. Ils étaient très attachés au fait qu’il n’y ait pas de phrases recopiées telles quelles et que le résumé soit simple à comprendre. Ils avaient plus de difficultés à repérer les petites incohérences, je les ai donc aidés à les mettre en évidence.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. PARTIE THEORIQUE
1.1COMMENT ENSEIGNER L’EMC AUJOURD’HUI ?
1.1.1 Rappels historiques
1.1.1.1 Le tournant opéré par la Révolution Française
1.1.1.2 L’influence des Lois Ferry
1.1.1.3 L’éphémère réaffirmation de 1945
1.1.1.4 La réintroduction de l’éducation civique dans les programmes
1.1.2 Les programmes officiels
1.1.2.1 L’instruction morale et civique à l’école primaire de 1882 à 1969
1.1.2.2 De l’éducation civique à l’instruction civique et morale
1.1.2.3 L’enseignement moral et civique
1.2 DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT
1.2.1 le constructivisme
1.2.2 Le socioconstructivisme
1.2.3 Où en est-on aujourd’hui ?
1.3 UNE METHODE SPECIFIQUE : LA DISCUSSION A VISEE PHILOSOPHIQUE
1.3.1 Qu’est-ce que la D.V.P et d’où vient-elle ?
1.3.2 Pourquoi la D.V.P à l’école ?
1.3.2.1 Construire l’identité de l’enfant
1.3.2.2 Instruire et éduquer l’élève
1.3.2.3 Former un citoyen éclairé
1.3.3 Quelles sont les caractéristiques d’une discussion à visée philosophique ?
1.3.3.1 Les processus en jeu
1.3.3.2 Déroulement d’une D.V.P
1.4 PROBLEMATISATION
2 EXPERIMENTATION
2.1 PREPARATION DES ENJEUX.
2.1.1 Choix du thème et de l’œuvre de littérature de jeunesse
2.1.1.1 Le thème de la planète
2.1.1.2 L’œuvre de littérature de jeunesse
2.1.2 Les enjeux de l’œuvre de littérature de jeunesse
2.1.3 Anticipation des débats
2.1.3.1 Les effets élèves envisagés
2.1.3.2 Les problèmes qui risquent de se poser
2.1.3.3 Les représentations qui risquent d’émerger
2.2 PRESENTATION DE LA SEQUENCE
2.2.1 Objectifs généraux
2.2.2 Les connaissances, capacités et attitudes visées
2.2.2.1 CE1
2.2.2.2 CM1
2.2.3 Déroulement prévu de la séquence
2.2.3.1 La séquence et l’anticipation des cheminements intellectuels des élèves
2.2.3.2 Le déroulement des débats
2.3 MISE EN ŒUVRE DE LA SEQUENCE
2.3.1 L’étude de l’œuvre
2.3.2 Les DVP
2.3.4 Les élèves
2.4 ANALYSE DE LA MISE EN ŒUVRE
2.4.1 : L’étude de l’œuvre
2.4.2 Les discussions à visée philosophique
2.4.2.1 Les questions à visées philosophiques posées
2.4.2.2 Le déroulement des débats.
2.4.2.3 La posture de l’enseignante
2.4.2.4 L’anticipation des débats.
2.4.2 Les élèves
2.5 PROPOSITIONS D’AMELIORATIONS
2.5.1 Propositions de remédiations générales
2.5.2 Quelques idées de prolongements
2.6 APPORTS EN TERMES DE PRATIQUE PROFESSIONNELLE.
BIBLIOGRAPHIE