Google, le poids lourd de l’e-réputation des médecins français
« Votre marque n’est pas ce que vous en dites, mais ce que Google en dit » (8) voilà une assertion fréquemment citée émanant de Chris Anderson, journaliste économique, et qui reflète au fond le fait que l’usage de Google a pris une part considérable dans notre quotidien, ce qui n’est pas sans conséquence. L’entreprise se présente, en effet, comme le premier moteur de recherche pour les internautes français avec une part de marché avoisinant les 92% en octobre 2020 (9). Google est donc devenu un instrument de notre quotidien et joue ainsi un rôle que l’on peut difficilement ignorer dans la construction de nos e-réputations. Notre consommation ordinaire d’informations en ligne n’est pas sans être influencée par des algorithmes définis par l’entreprise Google (la mise en page, le PageRank qui mesure quantitativement la popularité d’une page web etc.)
La réputation en ligne est devenue un enjeu économique pour de nombreuses entreprises.
L’exemple le plus parlant est celui de l’hôtellerie et de la restauration. Il s’agit là d’une véritable « guerre des étoiles » (10) dans leur domaine. Subir une mauvaise e-réputation peut leur être délétère commercialement parlant. Bien qu’il existe plusieurs plateformes d’avis à l’instar de TripAdvisor, Google est en train de prendre le leadership tant sa visibilité est forte.
Le moteur de recherche Google fournit ainsi ses propres dispositifs de réputation souvent reconnus en un coup d’œil et bien ancrés dans nos habitudes. En effet, la présence systématique de notations en première page pour certaines entreprises est liée à la mise en place du service « Google My Business ». Lancée en juin 2014, elle a pour but de donner aux propriétaires d’entreprise davantage de contrôle sur ce qui apparaît dans les résultats du moteur de recherche. La fiche Google My Business apparaît dans le service Google Maps ainsi que dans les résultats de recherche Google sous forme de « local pack ». Situé au début de la page et apparaissant lors des requêtes liées à des entreprises locales, il est composé de trois résultats. Il s’agit d’une identité visuelle bien ancrée dans nos imaginaires et facilement reconnaissable. Il est à noter qu’une fois la fiche My Business créée, il n’est pas aisé de la supprimer, la plupart du temps il faut indiquer l’établissement comme fermé.
Il existe plusieurs façons pour Google de répertorier un médecin libéral dans sa base de données (11) :
– Le médecin lui-même, s’il a créé sa fiche
– Les recherches générées par les utilisateurs, qui via les algorithmes de Google, permettent de produire automatiquement une fiche à partir d’une certaine quantité de recherches (ville, nom, spécialité par exemple)
– Sources tierces : les informations provenant d’autres sites en ligne (Doctolib, annuaire public etc.) si Google trouve des informations sur le professionnel ou si le site transmet des informations à Google (plus de visibilité pour le site lui-même), cela peut apparaitre dans la fiche.
Régulièrement, la création d’une fiche sur Google My Business se fait donc automatiquement sans même l’aval du médecin, il n’est pas non plus prévenu de sa mise en circulation la plupart du temps.
Cependant le praticien averti de ces pratiques peut revendiquer sa fiche en s’inscrivant sur la plateforme Google My Business afin d’améliorer ou corriger la fiche, mais aussi répondre à des avis en ligne. Les avis, par ailleurs, ne peuvent être supprimés. On peut éventuellement envoyer une requête au site sans pour autant obtenir gain de cause.
Les plateformes de prise de rendez-vous en ligne
Sur la quinzaine de sites référencés en France pour la prise de rendez-vous en ligne (Keldoc, Docavenue, Allodocteur etc.), Doctolib se présente comme le leader du marché. Lancée en 2013, la start-up a rapidement conquis un large éventail de professionnels de la santé allant jusqu’à signer des contrats avec des structures hospitalières et emploie aujourd’hui plus de 1500 salariés rentrant ainsi en 2019 dans le cercle fermé des licornes françaises (une licorne étant une startup dont la valorisation est supérieure à 1 milliard de dollars). Selon le site, la plateforme comptabilise en 2020, 135 000 praticiens affiliés et 60 millions de visites par mois (12).
Le service est gratuit pour les patients, c’est une prestation payée par le médecin. La plateforme permet également au patient de donner son avis. Celui-ci reçoit un mail où il peut noter le praticien 6 sur 4 critères sur la base d’une note allant de 1 à 5, avis qui reste uniquement visible par le praticien à l’heure actuelle. Doctolib se défend en réaffirmant que ces enquêtes de satisfaction sont une option proposée par le site, le praticien peut faire le choix de l’activer ou non.
Par ailleurs, en étant le leader sur le marché, Doctolib peut être perçu comme un pourvoyeur de visibilité pour les praticiens bénéficiant de leurs prestations. Les résultats de recherche « ville + nom » sur Google permettent la plupart du temps de produire en 2 ème résultat la page Doctolib. Il apourtant été pointé du doigt que Doctolib référence la plupart des médecins qu’ils soient inscrits ou non (13). En effet, le site rappelle pour se défendre, que l’annuaire des médecins est public. Maispour certains le fait d’indexer tous les médecins peut être une manière de rabattre les patients surdes médecins ayant un agenda en ligne sur leur site. Depuis le site permet aux médecins qui lesouhaitent de désindexer leur nom.
Les Pages jaunes
Il s’agit d’une marque déposée qui existe depuis plus de deux siècles et que l’on retrouve dans de nombreux pays. Son but est de référencer les professionnels qui le souhaitent afin de répertorier leurs coordonnées et donc d’augmenter leur visibilité sur le marché. Bien que l’annuaire physique ait disparu, concurrencé par Internet, les Pages jaunes tentent de se maintenir avec leur version web. Selon le dernier baromètre santé Pages Jaunes, le site totalise 311 millions de recherches pour l’année 2018 (14), les médecins généralistes sont pour la 5 ème fois consécutive la profession la plus recherchée (38 millions de recherches) suivie des dentistes et des kinésithérapeutes. Ce site a également un service de prise de rendez-vous en ligne mais beaucoup moins utilisé. Il permet également de déposer des avis, ce qui semble être peu utilisé également. Malgré tout, les Pages jaunes arrivent la plupart du temps en 3 ème résultat sur le moteur de recherche Google.
Les forums
Un autre moyen de s’assurer de la réputation d’un médecin pour certains internautes est de passerpar un forum. Internet a libéré la parole des patients, certains se réunissent en véritablescommunautés afin de partager expériences et conseils. La réputation de tel ou tel praticien n’y échappe pas, dans certains domaines plus que d’autres, notamment la chirurgie esthétique. Doctissimo est un site dédié à la santé et au bien-être en publiant des articles sur divers sujets médicaux. Il présente la plus grande part d’audience dans son domaine. Fondé en 2000 par deux médecins, appartenant aujourd’hui au groupe TF1, le site présente un chiffre d’affaires de plus de 12 millions d’euros par an tiré de la publicité. Outre son activité de vulgarisation médicale, le site offre la possibilité d’accéder à de nombreux forums de discussion autour de la santé. Bien que traitant souvent de sujets médicaux, ces forums ne sont pas modérés par des médecins ou du personnel de santé qualifié. La parole est donc libre, à chacun de juger de la pertinence.
Parmi ces discussions, ils existent de nombreux topics ayant trait à la réputation des médecins. En effet, il est fréquent de retrouver la requête « cherche bon » spécialiste. Force est de constater que la plupart du temps il s’agit de connaître le nom d’un chirurgien. Il est évident qu’avec ce type de requête des noms circulent, et que l’e-réputation peut en être d’autant gonflée si les avis sont élogieux ou dans le cas contraire nuire à la réputation.
D’autres alternatives
Bien sûr ils existent d’autres moyens pour favoriser une bonne e-réputation mais encore assez sporadiques dans leur utilisation en France par les professionnels de santé.
Premièrement, il peut s’agir des sites professionnels que tout médecin peut créer pour présenter son cabinet. Là encore, plus il y a de résultats concordants avec des mots clés plus cela améliore le SEO du médecin et donc sa e-réputation.
Par ailleurs, certains praticiens peuvent avoir recours à des comptes Instagram ou vidéos YouTube.
Il s’agit d’une pratique très limitée et souvent réservée à la chirurgie esthétique. En effet, certains
chirurgiens n’hésitent pas à présenter leurs résultats à travers des clichés ou vidéos anonymisées,
bien sûr pour que cela reste légal, le but doit être purement informatif et non commercial (rappelons
que la publicité en France est strictement interdite pour les médecins).
Enfin, Facebook au travers de son utilisation massive est un moyen qui peut rapidement jouer sur
l’e-réputation des praticiens. Il est donc nécessaire, si le but n’est pas professionnel, de brouiller les
cartes en anonymisant ses données, en gardant ses clichés dans la sphère privée ou en évitant de
participer à des sujets portant à controverse et au contenu public, tout comme Twitter où la prise de
parole publique peut vite jouer en la défaveur de son émetteur.
L’e-réputation des médecins et la loi française
Dans la thèse soutenue par D. Gladines en 2020 traitant de l’e-réputation des médecins généralistes en région PACA (15), la moitié des médecins interrogés ne s’intéresse pas du tout à sa e-réputation tandis que seuls 10% s’y intéressent fortement. 79,9% considéraient n’avoir aucune maitrise de leur e-réputation et 75,3% des médecins souhaiteraient qu’il ne soit plus possible d’évaluer un médecin sur Internet. Deux autres thèses se sont attachées à analyser les avis en ligne dans le Var et en Isère (16) (17). Il était estimé que 61% des médecins généralistes en Isère et 57% dans le Var avaient au moins un avis sur Google My Business. 72% des médecins généralistes varois avaient une fiche Google My Business.
Face à l’ampleur du phénomène et pour aider les médecins qui semblent peu au fait de cette pratique en essor, le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) a publié en septembre 2018 un guide « Préserver sa réputation numérique ».
L’e-réputation des médecins à l’étranger : l’exemple américain, allemand et britannique
Phénomène moins élaboré en France, noter son médecin paraît monnaie courante dans certains pays notamment les Etats-Unis. La littérature au sujet de l’e-réputation est foisonnante outreAtlantique ainsi qu’outre-Rhin mais peu d’articles et d’études y ont prêté attention en France.
Dans une étude américaine parue en 2010, 88% des Américains ont utilisé Internet pour rechercher des informations liées à la santé, parmi lesquelles 47% ont recherché des informations sur leurs médecins. Jusqu’à 65% des patients qui ont utilisé des avis en ligne ont finalement choisi un médecin pour leurs soins médicaux en fonction de cette note selon certaines études (22).
Aux Etats-Unis, ils existent plus d’une dizaine de plateformes d’évaluations en ligne plus ou moins actives. Parmi les plus influentes, RatesMDs.com ou Healthgrades.com se placent parmi les plateformes d’évaluation les plus utilisées. La société Healthgrades, par exemple, a amassé des informations sur plus de 3 millions de prestataires de soins de santé américains depuis son lancement en 1998 et compte plus de 200 millions de visiteurs par an. Le site répertorie par défaut la plupart des praticiens se basant sur des données publiques pour obtenir leurs informations, les professionnels de santé sont donc invités à revendiquer leur profil gratuitement afin de gérer leur réputation. Pour avoir une bonne e-réputation, on les incite à choisir une photo de profil attrayante, à énumérer la liste de leurs qualifications, diplômes ou publications, le type d’assurance qu’ils acceptent etc. Et pour toujours mieux gérer son image numérique, des arguments commerciaux mettent en avant la possibilité de déployer un profil « premium » contre cotisation, option vendue comme donnant une meilleure visibilité et attirant plus d’avis et d’appels. Le site permet égalementla prise de rendez-vous en ligne, de consulter gratuitement les profils, de laisser des avis à l’issue de la consultation. Les patients sont invités à répondre à un sondage évaluant les compétences de communication, les qualités du personnel de bureau et s’il est facile d’obtenir un rendez-vous en urgence.
En octobre 2014, Healthgrades a lancé la première base de données complète d’évaluation et de comparaison de médecins aux États-Unis s’appuyant sur des données fédérales, des rapports publiques voire sur des rapports disciplinaires à l’encontre du médecin (23). Healthgrades a également mis en place des indicateurs comparant les hôpitaux, recueillis à partir de données gouvernementales, ceux-ci sont uniquement basés sur la mortalité ajustée au risque et aux complications hospitalières. La société délivre chaque année un classement des meilleurs hôpitaux.
Son site Web évalue environ 500 millions de données pour évaluer et classer les médecins en fonction des taux de complications dans les hôpitaux où ils pratiquent. Certaines critiques sont bien sûr énoncées à l’encontre de la fiabilité du recensement des données, le mode de comparaison des hôpitaux ou bien les difficultés pour les praticiens d’éliminer certaines critiques d’internautes abusives. Il faut également rappeler que le cadre légal encadrant ces pratiques n’est pas le même qu’en France, cadre plus permissif quant au droit de publicité.
En Allemagne, plusieurs sites de notation en ligne se sont également développés. Le site Jameda, fondé en 2007, est un des principaux sites de prise de rendez-vous en ligne permettant également de déposer des avis en ligne. Il compte environ 7 millions de visites par mois et répertorie plus de 2 millions d’avis. Selon une étude sortie en 2014, 50% de tous les médecins allemands ont été notés sur Jameda. Près de la moitié de ces médecins a été notée une fois, et moins de 2% ont été notés plus de dix fois (24). Depuis novembre 2009, le Betriebskrankenkassen ou BKK allemand (caisse d’assurance maladie des entreprises) est la première dans son domaine à proposer une recherche de médecins rassemblant des notes sur sa page d’accueil. La qualité de nombreux portails d’évaluation des médecins (utilité pour le consommateur, transparence du processus d’évaluation, indépendance vis-à-vis des intérêts financiers) est de plus en plus remise en cause en Allemagne.
L’Association médicale allemande et l’Association nationale des médecins de l’assurance maladie légale ont publié une liste de contrôle pour l’évaluation de la qualité de ces portails à l’intention des utilisateurs, des opérateurs de portail et des médecins et font évaluer les portails existants par l’Agence Allemande pour la Qualité de la Médecine (AEZQ : institut qui coopère avec d’autres organisme dans le domaine de la sécurité et l’information du patient, qualité des soins, la formation continue etc.)
Au Royaume-Uni, depuis 2008, c’est le système de santé publique lui-même, le National Health Service (NHS), qui a mis en place sur son site internet gouvernemental un annuaire des professionnels de santé avec la possibilité d’évaluer le praticien par des notes et des commentaires.
Il est également possible de consulter les évaluations des internautes sur les établissements de santé. Selon Ben Bradshaw, le ministre de la Santé de l’époque, le fait d’évaluer de façon publique concourait à l’amélioration des pratiques professionnelles créant une émulation pour améliorer sa e-réputation. Celui-ci ajouta même dans la presse britannique, qu’il voulait que le site fasse pour « les soins de santé ce qu’Amazon a fait pour le commerce du livre et Trip Advis or pour l’industrie du voyage », provoquant l’ire de la profession (25).
Résultats aux questions concernant les personnes qui regardent les avis
Au total, 172 personnes sur les 520 répondants regardent effectivement les avis en ligne portants sur les médecins.
124 personnes répondent vouloir souhaiter se renseigner sur les qualités professionnelles du médecin soit une part représentant 72% des répondants, 80 personnes souhaitent se renseigner sur la gentillesse du médecin lorsqu’ils regardent les avis soit 46,5%, 45 personnes souhaitent se renseigner sur la rapidité de prise de rendez-vous soit 26%, 25 personnes se renseignent sur l’amabilité du personnel soit 14,5% des répondants et 20 personnes énoncent d’autres raisons (grossophobie médicale, mauvais ressenti et donc voir ce que pense d’autre patient, curiosité, honoraires et surcoûts, connaitre le parcours, « par reflexe », devenu une habitude), soit 11,6% des répondants.
Influence des avis négatifs sur l’appréhension avant d’aller en consultation
104 personnes déclarent que des avis négatifs lus avant d’aller en consultation ont modifié leur appréhension avant d’aller en consultation soit une part représentant 60% et 68 personnes déclarent que cela n’a rien modifié soit 40%.
Avis donné sur un médecin spécialiste
151 personnes déclarent ne jamais avoir laissé d’avis à un médecin spécialiste soit 88% des répondants et 21 personnes déclarent avoir déjà laissé un avis soit 12%. A noter que 8 personnes ont déjà donné des avis aux 2 catégories.
Analyse univariée
Analyse de la question 11 « vous êtes-vous déjà renseigné sur la réputation d’un médecin ? »
L’analyse univariée a retrouvé une corrélation entre le fait de se renseigner sur la réputation d’un médecin et les variables suivantes pour des p < 0,001 :
– Être une femme
– Avoir entre 18 et 34 ans
– Consulter Internet plusieurs fois par jour
– Regarder souvent les avis en ligne pour d’autres domaines
– Rechercher souvent des informations d’ordre médicale en ligne
– Connaitre son médecin par le bouche-à-oreille
– Savoir que les avis en ligne sur les médecins existent
– Penser que cette pratique est une bonne chose et qu’elle devrait se généraliser
Analyse de la question 19 concernant l’importance des avis en ligne dans la sélection d’un médecin
L’importance des avis en ligne dans la sélection d’un médecin est corrélée de façon significative à certaines variables notamment :
– Le fait de regarder souvent des avis en ligne dans d’autres domaines (p = 0,0120)
– Penser que noter un médecin soit une bonne chose (p < 0,001)
– Penser que c’est une pratique qui devrait se généraliser (p< 0,001)
– Choisir un médecin généraliste parce que les avis sont positifs (p = 0, 0295)
– Choisir un médecin spécialiste parce que les avis en ligne sont positifs (p < 0, 001)
– Recaler un médecin parce que les avis sont négatifs (p < 0,025)
– Influence des avis en ligne avant d’aller en consultation (p < 0,001)
– Le fait que les avis lus soit en accord avec le ressenti de la consultation (p = 0,0010)
– Le fait de penser qu’avoir plus d’avis en ligne faciliterait le choix d’un médecin ( p< 0,001)
– Le fait de penser que s’il y avait plus d’avis en ligne cela permettrait aux médecins de se remettre en cause (p<0,001)
– Penser que les avis sont fiables en général (p<0,001)
Résultats de l’étude
Caractéristiques de l’échantillon
La majeure partie des répondants avait un usage quotidien d’Internet ce qui coïncide avec les chiffres du baromètre du numérique 2018 de l’ARCEP, qui estime, en effet, le nombre d’internautes en France à 89 %, dont 80 % ayant un usage quotidien d’Internet et on estime même à 15% des internautes qui échangent sur des forums ou des réseaux sociaux sur des sujets de santé (28).
Les trois quarts des répondants quasiment vivent en ville ou en périphérie de la ville (population urbaine française estimée à 80% en 2020 (30), la définition de « péri-urbain » pouvait s’avérer floue pour les participants soit dit en passant). Il est à noter que dans deux travaux de thèse ayant évalué les avis en ligne dans le Var et en Isère, les médecins exerçant dans les grandes villes recevaient significativement plus d’avis. Il est possible que les personnes vivant en ville aient un meilleur accès Internet que les campagnes qui subit également le vieillissement de sa population et serait donc moins connectée.
Seuls 6% des répondants ne regardent jamais les avis en ligne quel que soit le sujet. A contrario, 66% des répondants regardent fréquemment ou toujours les avis en ligne. Au total, 94% des répondants ont déjà regardé au moins une fois des avis. Selon un sondage de l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) paru en 2015, 88% des individus ont déjà consulté des avis de consommateurs, des forums ou des blogs avant de réaliser un achat (31). Les évaluations en ligne sont donc bien inscrites dans les habitudes de consommation du panel tout comme celles des français.
Nous avons également demandé si les sujets avaient déjà recherché des informations d’ordre médical sur Internet. En effet, la santé est l’un des sujets les plus recherchés en ligne. Dans une étude parue en 2011, 4 internautes adultes sur 5 aux États-Unis avaient déjà recherché des informations médicales sur Internet. Nous voulions ainsi savoir si le fait de rechercher des informations en ligne pouvait être une variable influençant la lecture d’avis. Dans cette même étude, certains groupes démographiques étaient plus susceptibles de rechercher des informations sur la santé en ligne que d’autres. Les adultes âgés de 18 à 49 ans, par exemple, étaient plus susceptibles de rechercher des informations sur la santé en ligne que les personnes âgées (32). Dans notre étude, 92% des sujets ont déjà cherché des informations selon des gradients de récurrence allant de rarement à toujours. Le fait de rechercher des informations en ligne s’est avéré être à plusieursreprises dans notre étude une variable significativement associée à la lecture d’avis.
Par ailleurs, il était intéressant de savoir comment les répondants connaissaient leur médecin traitant, le tout afin de savoir, si à l’heure actuelle, les avis en ligne avaient une grande influence sur un tel choix. Finalement c’est encore le bouche-à-oreille qui reste le vecteur privilégié. 27% ont gardé le médecin de leur parent, la plupart ayant choisi cette réponse avait entre 18 et 34 ans. Peut-être pouvons-nous envisager qu’une patientèle jeune qui normalement consulte moins ne cherche pas spécialement de médecin traitant et garde leur médecin d’enfance pour le côté pratique (consultation lors des retours en famille, manque de médecin et donc mieux vaut garder le médecin d’enfance ou bien relation de confiance ancienne). Seul 4% ont choisi leur médecin traitant après avoir été influencés par les avis en ligne.
Perception générale des avis
67% des répondants savent que l’on peut trouver des avis concernant les médecins sur le net pour autant seul 32% affirment s’être déjà renseignés sur l’e-réputation des médecins. Il s’agissait là d’une des questions fondamentales de notre sujet. Aucun chiffre n’est disponible à ce sujet dans la littérature française. Il y a donc une différence entre savoir que les avis existent et les utiliser. Ce pourquoi nous avons demandé l’opinion du panel sur ces avis. La fiabilité des avis est certainement une des raisons qui rebutent les gens à regarder les avis. Dans tous les cas, l’opinion générale sur les avis était plutôt négative.
Qu’on note un restaurant ou l’enseigne du coin ne semble plus poser de question. Mais la question de noter un médecin semble présenter encore quelques réticences. 62% estiment que ce n’est pas une bonne chose de noter un médecin et 68% considèrent que cela ne devrait pas se généraliser. L’avis général est, en revanche, partagé sur le fait que cela pénalise les médecins. Il serait intéressant, à l’avenir, d’étudier les raisons de la réticence de la population à l’usage courant de la notation des médecins. 33% de l’échantillon ne connaissent pas l’existence des avis en ligne sur les médecins. Les plus de 50 ans sont les moins avertis de leur existence, ce qui, une fois de plus, peut être associé au fait qu’ils demeurent une génération moins connectée. Certaines études suggèrent, en effet, que les patients plus jeunes ont plus d’expérience avec les systèmes d’évaluation des médecins en ligne (33).
Perception des avis par ceux qui les regardent
Le reste de l’étude s’est concentré sur les sujets ayant déjà regardé des avis en ligne sur les médecins afin d’évaluer l’impact que l’e-réputation peut avoir.
Comme attendu, Google est retenu comme la principale vitrine pour les avis par 83% des patients qui ont déjà regardé des avis. Selon une étude réalisée en 2019 analysant les avis d’un échantillon de 50 000 entreprises, le volume d’avis de Google a augmenté bien plus rapidement que celui des concurrents tels que TripAdvisor et Yelp : + 278% du volume d’avis Google sur l’année 2019 par rapport à l’année 2018 (34). Google s’impose donc comme le poids lourd des avis et il est fort probable qu’au même titre que ces entreprises, les médecins connaissent des dépôts d’avis en progression.
Pour les 172 sujets qui affirment avoir déjà regardé des avis, les commentaires en ligne sur les médecins sont jugés par 54% d’entre eux comme assez importants et 6% les considèrent même comme très importants. A la lumière de ces données, le poids des avis ne peut être anodin dans l’inconscient des patients.
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Table des matières
INTRODUCTION
I- Le regard sociologique : du bouche-à-oreille à la réputation 2.0
II- Quelles entités numériques entretiennent l’e-réputation des médecins en France ?
1- Google, le poids lourd de l’e-réputation des médecins français
2- Les plateformes de prise de rendez-vous en ligne
3- Les Pages jaunes
4- Les forums
5- D’autres alternatives
III- L’e-réputation des médecins et la loi française
IV- L’e-réputation des médecins à l’étranger : l’exemple américain, allemand et britannique
OBJECTIF
METHODE
I- Population cible et critères d’inclusion
II- Méthode de recrutement
III- Traitement des données
RESULTATS
I- Statistiques descriptives
1- Caractéristiques du panel
Les caractéristiques socio-démographiques du panel sont présentées dans le tableau suivant
a- Fréquence de l’utilisation d’Internet
b- Fréquence de l’utilisation des avis sur Internet en général
c- Fréquence de la recherche d’informations médicales sur Internet
d- Fréquence de consultation d’un médecin au cours de l’année
e- Connaissance du médecin traitant
2- Au sujet des avis sur les médecins en ligne
a- Sensibilisation du public à l’existence des avis en ligne sur les médecins
b- Proportions des répondants qui se sont déjà renseignés sur l’e-réputation d’un médecin
c- Avis sur le bénéfice apporté par le fait de noter un médecin
d- Avis sur une pratique à généraliser
e. Pratique qui pénalise les médecins ?
3- Résultats aux questions concernant les personnes qui regardent les avis
a. Raisons qui poussent à regarder les avis
b. Moyens pour trouver les avis en ligne
c. Type de médecin le plus concerné par le fait de regarder des avis en ligne
d. Importance des avis dans la sélection d’un médecin
e. Impact des avis dans le choix d’un médecin généraliste
f. Impact des avis dans le choix d’un médecin spécialiste g. Impact des avis négatifs sur le choix d’un médecin toutes spécialités confondues
h. Influence des avis négatifs sur l’appréhension avant d’aller en consultation
i. Concordance des avis lus avec le ressenti de la consultation
j. Avis donné sur un médecin généraliste
k. Avis donné sur un médecin spécialiste
l. Raisons qui poussent à donner un avis
m. Plus simple s’il y avait plus d’avis en ligne ?
n. Avis et remise en cause des médecins
o. Fiabilité des avis
II- Analyses statistiques
1- Méthodologie statistique
2- Analyse univariée
a. Analyse de la question 11 « vous êtes-vous déjà renseigné sur la réputation d’un médecin ? »
b. Analyse de la question 19 concernant l’importance des avis en ligne dans la sélection d’un médecin
c. Analyse de la question 31 « avez-vous déjà laissé un avis à un médecin ? »
3- Analyse multivariée
DISCUSSION
I- Forces et faiblesses de l’étude
II- Résultats de l’étude
1- Caractéristiques de l’échantillon
2- Perception générale des avis
3- Perception des avis par ceux qui les regardent
4- Quel est le profil type ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES