Quelles conséquences pour la mise en place de nouvelles filières d’assainissement dans le futur ?

L’ATPC: présentation de ses principes

L’Assainissement Total Piloté par la Communauté ou Community Led Total Sanitation, a été élaboré par le Docteur Kamal Kar dans les années 1990. Longtemps consultant indépendant en Asie du Sud Est, en Afrique et en Amérique Latine, il a travaillé pour de nombreuses organisations internationales comme la Banque Mondiale, notamment dans le cadre du programme Eau et Assainissement (WSP Water and Sanitation Program), la Banque asiatique de développement, l’UNICEF, le PNUD ou encore pour des Organisations Non Gouvernementales comme CARE, Plan International ou WaterAid. Son analyse est spécialisée sur le management en ressources naturelles et des technologies à faibles coûts dans le domaine de l’agriculture. Kamal Kar, originaire du Bengladesh, a testé en 1999 l’approche de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté. C’est d’ailleurs dans son pays natal, au sein du village de Mosmoil (district de Rajshahi) qu’a eu lieu la première expérimentation de l’approche, avec le VERC (Village Education Resource Centre), partenaire de WaterAid Bengladesh. Spécialiste des approches participatives du développement, son but est alors de concevoir une nouvelle approche des projets de développement dans le domaine de l’assainissement, non plus selon une vision descendante ou top down, délivrant des subventions, mais selon une approche bottom-up, ascendante, pour un changement émanant de la communauté. Parti du constat que l’ensemble des projets en assainissement par subvention se soldent régulièrement par des échecs, il propose donc une méthode alternative en se basant sur de nouveaux éléments comme le non-accompagnement des bénéficiaires, la fin des subventions, le principe d’auto-construction, la participation totale et la responsabilisation des bénéficiaires. Contrairement à d’autres approches, l’ATPC cherche à réduire le taux de défécation à l’air libre et non pas à augmenter le taux d’accès à un équipement amélioré en assainissement. « L’Assainissement Total Piloté par les Communautés implique la facilitation d’un processus qui inspirera les communautés et leur donnera le pouvoir de mettre fin à la défécation à l’air libre, et cela sans offrir de subventions externes pour acheter du matériel».
Pour atteindre l’objectif de fin de défécation à l’air libre dans une communauté, l’idée est donc de procéder à ce qu’on appelle le déclenchement de l’assainissement total piloté par la communauté. En fait, par l’analyse de ce que Kamal Kar appelle le profil de leur assainissement, les membres de la communauté vont auto-évaluer l’ampleur de la défécation à l’air libre et les liens fécaux-oraux qui peuvent affecter chacun d’entre eux et en tirer eux mêmes des conclusions.
A ce stade, l’idée est de comprendre la mise en pratique d’une méthode qui utilise le levier de la demande sociale pour mettre en place une stratégie en assainissement. Pour répondre à ce défi, l’approche est quelque peu radicale et cherche tout simplement à « dégoûter » la personne des effets de sa pratique et de celle de ses voisins, et de la mettre dans une position de honte. Selon Kamal Kar : « l’hypothèse de base est qu’aucun humain ne peut rester insensible lorsqu’il comprend qu’il est en train de manger les excréments de quelqu’un d’autre (…) L’approche ATPC déclenche un sentiment de dégoût et de honte au sein de la communauté. Ils réalisent ensemble l’impact terrible que peut avoir la défécation à l’air libre et qu’ils sont littéralement en train d’ingérer le « caca » des autres aussi longtemps que ça va continuer ». Clairement, la méthode repose sur une représentation négative des excréta.
En travaillant sur la fin de la défécation à l’air libre plutôt que sur l’augmentation du taux d’accès à l’assainissement amélioré, la méthode crée un atout incontestable : elle arrive à toucher tous les membres d’une communauté, même les personnes bénéficiant déjà d’un ouvrage en assainissement. En effet, l’approche de l’ATPC ne cherche pas à susciter une demande homogène de la population mais souhaite que chaque membre de la communauté exprime une contestation contre la pratique de la DAL. En effet, selon Kamal Kar, même les personnes qui possèdent un équipement individuel ou familial subissent les effets néfastes de la défécation à l’air libre des autres membres de la communauté, notamment par la contamination de l’environnement (par exemple l’eau utilisée pour la vaisselle et la cuisine) ou en recevant des personnes venant déféquer sur leurs terres ou non loin de leur maison.
L’ATPC repose également sur des aspects d’ordre plus personnels en faisant exprimer une demande chez les jeunes filles et les femmes qui sont plus enclines à souffrir du manque d’intimité du fait d’une défécation à l’air libre. La population dans sa totalité est la cible de l’approche ATPC et un objectif est donc de réunir l’ensemble de la communauté lors de la mise en place d’une telle méthode. Cette condition est parfois difficile à mettre en œuvre en pleine journée lorsque les habitants sont au champ ou à la rivière. Il est ainsi préférable de mettre en place le déclenchement soit le matin très tôt, soit le soir, éventuellement le dimanche après-midi.
Il faut signaler que le terme de communauté dans cette stratégie, fait référence à l’organisation interne mise en place par un groupe de personnes qui exprime des intérêts communs. Elle ne représente pas ici l’entité administrative. Pour Madagascar, la communauté correspond à la population résidant généralement dans ce que l’on dénomme un village.
Le choix du village d’intervention dépend de plusieurs facteurs : le fort taux de maladies diarrhéiques, le faible taux d’utilisation de toilettes, la faible protection des points d’eau et le dynamisme ambiant du quartier mobile ou du chef de village. Cette étude,
préalable et primordiale dans la mise en place de l’ATPC, est effectuée par des facilitateurs, acteurs clés de l’ATPC.

La facilitation indispensable à l’ATPC

Pour mettre en place cette méthode, l’idée est donc de faciliter le processus, c’est à dire que l’ATPC soit déclenché par la population elle-même avec un encadrement non « éducatif » de la part des facilitateurs. Le rôle du facilitateur est d’aider la population à voir par elle-même ce dont finalement elle est « responsable ». Si l’ATPC est facilité correctement, l’approche devrait déboucher sur une action menant à une baisse, voire à uneréduction totale de la défécation à l’air libre, cela sans subvention et sans prescription de modèles de toilettes.
Selon Kamal Kar, l’attitude et l’approche du facilitateur et son encadrement de qualité sont la clef du succès de l’ATPC. Il ne faut en aucun cas « éduquer » ou « faire la leçon » : la communauté doit s’approprier elle-même les problèmes auxquels elle doit faire face. « Les meilleurs facilitateurs tendent à être des gens locaux qui ont découvert l’ATPC par une expérience de terrain et qui n’ont pas développé cette habitude « d’enseigner ». Les facilitateurs communautaires constituent donc le seul et le plus approprié des personnels.
Une équipe qui pratique l’ATPC est formée au minimum de cinq membres dont chacun à un rôle bien précis : un facilitateur, un co-facilitateur qui épaule le facilitateur dans son rôle, un gestionnaire d’ambiance qui doit s’assurer que tous les membres de la communauté participent et qu’aucun n’est mis à l’écart, d’un secrétaire de séance qui est chargé de faire un compte rendus des activités mises en place et de recenser les personnes participant à la séance. Enfin un observateur a pour mission de faire le tour de la communauté pour analyser la situation et les zones de DAL et de  apporter ses conclusions au facilitateur.
Ces rôles sont primordiaux pour la mise en place effective de l’ATPC. Plusieurs personnes peuvent remplir chacun des rôles mais la taille de l’équipe ne nécessite pas d’être plus importante dans le cas de grands villages.
Les membres de l’équipe sont en général recrutés dans des villages qui ont eux-mêmes été déclenchés en ATPC. Comme cela sera expliqué, lors des deux premières phases du développement de la méthode, un ou plusieurs leaders de la communauté émergent. On identifie alors cette personne comme un leader naturel potentiel. Au moment où sa propre communauté met fin à la DAL et donc met en place les objectifs qu’elle s’est elle-même fixée, il devient alors un leader naturel. Tout leader naturel est alors identifié et peut-être recruté par n’importe quel programme travaillant sur l’ATPC pour devenir un consultant communautaire. Un poste lui est alors attribué (facilitateur, co-facilitateur, observateur, gestionnaire d’ambiance, secrétaire de séance) et la personne est rémunérée (le per diem variant en fonction du hameau). Les meilleurs éléments deviennent facilitateurs de l’approche ATPC.
Chaque consultant communautaire doit suivre une formation avant de mettre en place son premier déclenchement ATPC. Le type de formation peut-être amené à varier mais on compte très souvent deux jours de théorie, une journée de pratique avec les premières descentes dans le village et les premiers déclenchements, et une journée de retour et d’évaluation de la part du formateur pour analyser les points à améliorer.

Le pré-déclenchement ou le « cœur du débat » sur l’ATPC

Lors du pré-déclenchement, des animateurs (nommés facilitateurs dans cette approche) se rendent sur place, dans la communauté pour rencontrer la population. Le chef du village ayant préalablement introduit l’équipe, celle ci se présente et commence à animer la session. L’accord préalable de la communauté à l’intervention de cette équipe « extérieure » à la communauté doit être demandé pour que la phase de pré-déclenchement débute.
Cette phase de pré-déclenchement nécessite l’établissement d’une réelle confiance entre les facilitateurs et tous les membres de la communauté pour les inciter à effectuer une analyse sanitaire de leur territoire. Lors de cette phase, le facilitateur va tenter d’interpeller quelques membres de la communauté en leur posant des questions directement sur le terrain dans le but de susciter l’interrogation et l’intérêt de l’ensemble des personnes et faire émerger ce sentiment de honte. Ainsi, les personnes vont être directement confrontées à leur pratique et le facilitateur doit, via des questions successives, leur faire comprendre le lien qui existe entre la défécation à l’air libre, ses conséquences et les personnes elles-mêmes. Le langage employé dans le guide est assez direct, la méthode se voulant proche du terrain et des réalités sur lesquelles elle repose.
Pour que la population mette en place une « analyse compréhensive par la communauté de la situation sanitaire » et prenne conscience de la gravité de sa situation sanitaire, Kamal Kar conseille d’utiliser différents outils. Ces outils sont issus des méthodes de participation MARP (Méthode Accélérée de Recherche Participative). Ces outils ont pour objectif de renforcer l’autonomie de la population locale, en encourageant les personnes à participer, à analyser leur situation et à trouver des moyens pour l’améliorer. Le fondement même de ces outils mis en place dans la fin des années 1980 est de réduire à un rôle de facilitation tout intervenant externe au projet.
Un des outils les plus représentatifs de la méthode de l’ATPC et l’un des plus efficaces est la « marche de la honte ». « Vous pouvez commencer avec seulement quelques personnes que vous rencontrez sur votre chemin, et leur demander de marcher avec vous derrière les maisons, dans les buissons, près de la rivière ou dans les autres endroits ouverts où les gens défèquent. Un petit attroupement dans ces endroits va rapidement attirer les autres. Vous pouvez commencer à poser des questions comme : « A qui est ce caca ? ». Demandez leur de lever leur main s’ils ont déféqué dans un espace ouvert aujourd’hui, et suggérez leur de retourner à l’endroit où ils ont déféqué ce matin pour voir si le caca est toujours là. Plusieurs vont répondre que le caca ne sera plus là. Si vous leur demandez ce qui a pu se passer avec le caca, certains vont répondre que des chiens ou des cochons l’auront mangé. Demandez à qui appartiennent les chiens ? Demandez leur si les chiens sentent et lèchent les membres de leur famille ou jouent avec les enfants lorsqu’ils reviennent à la maison ? ». Cet outil permet très souvent d’appréhender rapidement le problème et de susciter l’interrogation et l’indignation chez les membres de la communauté. Lors de cette analyse de l’environnement de la communauté, le facilitateur cherche à mettre mal à l’aise les personnes en restant un certain temps sur les lieux de défécation à l’air libre pour que les personnes soient gênés d’amener un étranger à la communauté, sur un lieu malodorant et impropre : « Si les gens vous incitent à continuer la marche et quitter ces endroits, insistez pour rester là malgré leur embarras.
Sentir cette odeur d’une nouvelle façon et avoir cette vision dégoutante à travers le regard d’un visiteur peut être un facteur clé pour déclencher la mobilisation communautaire ».
La création d’une carte est un outil complémentaire qui permet aux membres de la communauté de s’impliquer dans une analyse pratique et visuelle du profil sanitaire. Cette carte est en général établie à même le sol, sur la terre, avec des matériaux locaux (bâtons, feuilles, graines, etc.). Chaque ménage doit s’identifier sur la carte en faisant une croix ou en posant un caillou et localiser sa potentielle toilette. Les zones de défécation à l’air libre, les cours d’eau et tous les éléments importants en termes de situation sanitaire sont également identifiés. Sous l’impulsion des facilitateurs, la carte doit susciter des débats pour évaluer sa signification et ses implications. Cette carte permet également de déterminer le quartier « le plus sale » de la communauté. Très souvent les membres de la communauté identifient le même lieu (celui où les zones de DAL sont les plus importantes). Cette activité a pour conséquence de déclencher une action immédiate des résidents en question qui se rendent compte des effets néfastes de la venue de leurs voisins dans leur quartier et décident alors d’agir pour mettre fin à la pratique. La carte est un outil MARP qui peut être utilisé sur une période allant au delà de la phase de pré-déclenchement. Si elle a été faite au sol, il peut être demandé aux membres de la communauté de la retranscrire sur papier et de l’afficher dans un bâtiment communautaire, visible et consultable par tous. Lorsque les ménages décident d’arrêter de déféquer à l’air libre et de construire une toilette, ils peuvent alors être représentés par une autre couleur. Le but de cet outil est de visualiser l’évolution de la situation communautaire pour que tous les acteurs décident de modifier leur comportement.

Le déclenchement : étape centrale du processus

Le passage à la seconde étape, au centre de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté, est le moment où les membres de la communauté, collectivement, en arrivent à la prise de conscience de la « saleté » de leur pratique et que tous en subissent les conséquences. Après un vote, ils acceptent donc de mettre en place des actions pour vaincre les effets néfastes de la défécation à l’air libre. Pour que cette phase de déclenchement ait lieu, très souvent un « leader » joue un rôle primordial en prenant naturellement une posture dynamique qui va permettre de stimuler la communauté dans sa réflexion et dans sa prise de décision.
Le passage au déclenchement intervient très généralement entre trente minutes et une heure et demi d’intervention au sein de la communauté. La rapidité de la méthode est très souvent énoncée par ses défenseurs. A ce moment là, pour que l’esprit de la méthode soit préservé, il est important selon le guide méthodologique de l’ATPC, que les facilitateurs rappellent aux membres de la communauté qu’ils ne sont pas là pour les obliger à arrêter leur pratique et leur distribuer des subventions.
Tout au long des étapes de pré-déclenchement et de déclenchement, des leaders naturels vont sûrement s’affirmer au cours des discussions. L’approche ATPC encourage cette prise d’initiative puisqu’elle peut permettre un effet d’entraînement et elle va souvent se révéler être un rôle moteur dans la future planification. Les enfants sont également des bons moyens de vulgarisation de certains messages d’hygiène et peuvent se révéler être les relayeurs centraux jusqu’à la mise en place réelle de la fin de la défécation à l’air libre.
Le déclenchement peut avoir du mal à émerger. Le facilitateur ne doit pas surpasser son rôle mais il est alors censé expliquer à la communauté que leur village sera maintenant enregistré en tant que village où les membres acceptent de déféquer à l’air libre et où les gens acceptent donc d’ingérer les excréta de leur voisins. La pratique montre que soit un village est déclenché très rapidement et les actions de mise à l’échelle se révèlent être un succès, soit le déclenchement ne se produit jamais et la stratégie n’est pas acceptée par la communauté.

Le post-déclenchement ou la concrétisation des engagements

Lorsque le déclenchement a lieu, les débats qui suivent sont en général assez virulents entre les membres de la communauté lors de leur concertation pour décider de trouver une solution. La phase de post-déclenchement de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté est donc l’étape de planification du déclenchement lorsque le changement de comportement des membres de la communauté va se formuler en engagements. Différentes actions sont alors planifiées par la communauté qui se concrétisent très souvent par la mise en place de plans d’actions par ménages ou groupes de ménages pour envisager de creuser des fosses et ainsi, mettre en place des premières toilettes, même si ces équipements ne sont pas tout de suite améliorés. Une entraide entre les familles est préconisée pour que les plus pauvres se voient offrir l’aide d’autres membres de la communauté en leur proposant par exemple d’utiliser provisoirement les toilettes qu’ils auraient déjà construites. Une fois le plan d’action communautaire réalisé, certains villages décident de le restituer aux autorités locales, au maire ou au chef fokontany Lors de cette phase de post-déclenchement, les facilitateurs ne doivent toujours pas donner des conseils à la population sur les meilleurs équipements à mettre en place mais ils peuvent cependant présenter à la population les différentes options en assainissement qui s’offrent à eux. La phase de post-déclenchement est donc l’initiation d’une action locale qui est censée être adaptée au contexte de la communauté.
Le facilitateur ne doit jamais interrompre une conversation et s’il est interpellé, sa posture est alors celle de la neutralité en tant qu’intervenant extérieur ne connaissant pas les us et coutumes locales. En général, les membres de la communauté déclarent ne pas avoir assez d’argent. Le rôle du facilitateur est alors de leur faire admettre que creuser une toilette à fosse simple n’est pas coûteux (tout en stipulant que cette méthode a été inventée par des personnes qui, comme eux, avaient des moyens modestes).
Pour les villages déclenchés, un suivi est important pour encadrer l’ATPC, le rendre durable et s’assurer que des améliorations seront apportées aux infrastructures sur le long terme. L’idée est que les leaders naturels s’enquièrent du suivi des plans d’actions et encadrent le changement de comportement.
L’équipe quitte la communauté quand celle ci a décidé de mettre en place des actions pour mettre fin à la défécation à l’air libre. Ainsi, les phases de pré-déclenchement, de déclenchement et de planification sont en général opérées au maximum sur une demi-journée.
A la suite de cette première visite dans la communauté, l’équipe de facilitateurs effectue une seconde descente : le « suivi du lendemain ». En fonction de la réactivité de la communauté et de la planification de ses actions, cette étape peut s’effectuer quelques jours jusqu’à un mois après la première visite. Le but est alors de vérifier que la communauté met bien en place ses engagements.

La mise à l’échelle de l’ATPC ou la réalisation de la fin de la défécation à l’air libre

La finalité de l’approche ATPC est la fin de la défécation à l’air libre sur l’ensemble du territoire du village. Récemment de nouveaux critères d’évaluation ont été établis pour certifier un « village sans défécation à l’air libre ». Pour y répondre, tous les membres de la communauté doivent utiliser une toilette même si ce n’est qu’un petit trou en terre. Tous ces systèmes d’assainissement doivent être munis d’un couvercle pour empêcher le contact des mouches avec les excréta et pour contenir les agents pathogènes (cela peut simplement consister à jeter de la terre dans le trou). Le troisième et dernier critère consiste à vérifier que l’ensemble de la communauté se lave les mains après être allé aux toilettes.
La mise à l’échelle de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté consiste à mettre fin à la DAL dans le village d’intervention tout en touchant les communautés voisines en faisant tâche d’huile. Par mimétisme et effet de mode, les villages aux alentours peuvent être incités à arrêter la défécation à l’air libre. Le choix des villages doit donc être effectué également en fonction des relations que les villages peuvent avoir entre eux et donc de la probabilité que le message se transmette. En effet, déclencher tous les villages aurait un coût trop important : par cette stratégie on tente donc d’élargir la population cible de l’ATPC. Pour se faire, le village déclenché est incité à poser une pancarte pour notifier publiquement qu’il ne pratique plus la DAL. Certaines communautés peuvent également décider de mettre en place une pénalité ou une amende destinée aux personnes ne respectant pas les engagements de la communauté.

Les institutions mettant en place l’ATPC à Madagascar

Actuellement, la méthode de l’ATPC est préconisée par un grand nombre d’institutions travaillant à Madagascar. Elle se révèle être une méthode de plus en plus développée par des acteurs bien précis.
Généralement, l’Assainissement Total Piloté par la Communauté est mis en place à Madagascar par les grands bailleurs de fonds, c’est à dire les institutions ne travaillant pas de manière opérationnelle sur le terrain mais finançant des actions menées par d’autres entités.
L’agence onusienne de l’UNICEF a été la première institution, en coopération avec l’agence de développement américaine USAID, à tester l’approche à Madagascar. Soutenue par Water Aid sur le territoire malgache, la méthode fait de plus en plus d’adeptes et est employée par des ONG comme le Catholic Relief Services.
Cette méthode est préconisée par la plateforme Diorano Wash qui reflète la vision de la stratégie WASH du WSSCC (Water Supply and Sanitation Collaborative Council ou Conseil de concertation pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement). La coalition nationale WASH inclut le Ministère de l’Eau et un travail conjoint est effectué. Les autorités suivent la lancée de la plateforme malgache WASH qui elle-même préconise l’ATPC. Tout porte à croire que cette méthode sera donc amenée à prendre de l’essor dans les années à venir.
Depuis 2010, Madagascar est bénéficiaire d’un programme nommé Fonds d’Appui à l’Assainissement (FAA), octroyé par le Fonds mondial pour l’assainissement (ou Global Sanitation Fund), fonds mondial commun établi par le WSSCC et financé par ses donateurs pour permettre à un grand nombre de personnes pauvres de bénéficier de services d’assainissement et d’adopter de bonnes pratiques en matière d’hygiène. Neuf régions ont été sélectionnées, dont la région Haute-Matsiatra, pour recevoir des fonds. Les réalisations liées à la mise en place de ces aides ne doivent en aucun cas subventionner des toilettes et la méthode choisie est donc principalement l’ATPC. Le marketing de l’assainissement et des activités de promotion de l’hygiène sont également mis en place.

Susciter la demande : le levier de la méthode ATPC

L’objectif de cette sous-partie est d’évaluer en quoi l’approche de l’Assainissement Total Piloté par la Communauté, stratégie centrée sur la stimulation d’une demande en assainissement, peut être efficace dans le contexte malgache. Pour cela, une analyse de la demande en assainissement est nécessaire. Cela nous amènera donc à réfléchir au rôle même et à la pertinence de ce type de stratégie qui tente de travailler sur des approches incitatives au changement de comportement.

Un besoin sans demande ?

Pour mieux comprendre la complexité de cet aspect de l’assainissement, il convient de faire la distinction entre les notions de besoin et de demande.
Le besoin fait référence à une notion assez objective correspondant aux types d’équipement dont la population doit disposer pour vivre dans des conditions sanitaires décentes et ainsi maîtriser le cycle de contamination. A Madagascar, avec seulement 11% de la population couverte en assainissement amélioré et avec un taux de mortalité infantile s’élevant à 58/1000 (dont 10% de ces maladies sont liées à des maladies diarrhéiques selon l’Organisation Mondiale de la Santé), le besoin en assainissement amélioré est urgent. C’est d’ailleurs l’un des pays d’Afrique où le taux d’accès à l’assainissement amélioré est le plus faible et où le besoin se révèle donc être plus important.
Ce besoin est d’autant plus important à combler, qu’il touche tant des enjeux privés (santé de la population, intimité, confort de l’espace) que des enjeux publics avec les implications en termes de santé publique et sur l’environnement que cela implique.
La demande, quant à elle, est déclenchée par la population qui d’elle-même exprime une volonté de couvrir ses propres besoins en assainissement. La demande en assainissement est donc plus subjective, parfois complexe à comprendre selon les situations et surtout très spécifique. Dans le cas de l’adduction de l’eau, les ménages expriment clairement une demande et la traduisent sans ambiguïté. L’eau étant un élément vital, les ménages expriment une demande forte. En ce qui concerne l’assainissement, la population n’a pas toujours conscience de l’importance qu’il faut accorder à son amélioration. En effet, le lien entre les excréta, leurs éléments pathogènes et leurs éventuelles conséquences sur la santé de la population sont invisibles. Sans une certaine connaissance de ces risques, il est impossible d’établir un lien de corrélation. On parle alors de l’absence de la demande lorsque les ménages n’ont pas conscience des risques sanitaires liés à une absence ou à un mauvais assainissement. A Madagascar, dans de nombreux cas on peut en effet dire que la demande sociale en assainissement est très faible, voire quasi nulle en milieu rural. Ainsi, il est rare qu’elle soit, à l’opposé de la demande en eau, une demande spontanée.
Actuellement, on peut donc affirmer sans difficulté qu’il existe un fossé entre le besoin flagrant en assainissement et la demande sociale exprimée par la population. D’ailleurs, la faible demande en assainissement est une des causes qui expliquent en partie le retard qui a été pris dans ce domaine.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
I. L’Assainissement Total Piloté par la Communauté : approche cherchant à susciter une demande en assainissement 
A. L’ATPC: présentation de ses principes
La facilitation indispensable à l’ATPC
Le pré-déclenchement ou le « cœur du débat » sur l’ATPC
Le déclenchement : étape centrale du processus
Le post-déclenchement ou la concrétisation des engagements
La mise à l’échelle de l’ATPC ou la réalisation de la fin de la défécation à l’air libre
Les institutions mettant en place l’ATPC à Madagascar
B. Susciter la demande : le levier de la méthode ATPC
Un besoin sans demande ?
Les campagnes IEC ou le discours hygiéniste
D’autres facteurs déclencheurs d’une demande ?
Des représentations multidimensionnelles de la demande
Milieu urbain, milieu rural : quels impacts sur la demande ?
II. L’Assainissement Total Piloté par la Communauté, une approche en adéquation avec l’évolution des politiques de développement ? 
A. L’ATPC dans la tendance des approches communautaires et participatives
L’émergence des approches bottom-up
La participation communautaire par le principe de zéro-subvention
L’ATPC ou l’émergence d’une action collective ?
Une illusion participative ?
Des limites à l’émergence d’une politique publique de l’assainissement ?
L’ATPC ou le transfert de responsabilités vers la communauté
B. L’ATPC : un mécanisme soft efficace pour répondre aux Objectifs du Millénaire pour le Développement ?
Le choix d’un mécanisme centré sur le soft
De la fin de la défécation à l’air libre à la mise en place d’un assainissement amélioré : l’approche graduelle de l’ATPC
Quelles conséquences pour la mise en place de nouvelles filières d’assainissement dans le futur ?
Conclusion 
Bibliographie
Annexes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *