Dans la majorité des cas, la grossesse se déroule sans difficulté. Mais quelques femmes présentent une pathologie antérieure à la grossesse ou en développent une. Une hospitalisation peut alors avoir lieu. Ce cas n’est pas rare, il concerne 15 à 20% des femmes enceintes françaises, soit quasiment une patiente sur cinq.
Au cours de nos études, nous avons noté que l’hospitalisation pendant la grossesse est vécue de manière très fluctuante d’une femme à l’autre, mais aussi d’un jour à l’autre. Toutes ces expectantes vivent une expérience commune : la grossesse. Pourtant, chaque femme est différente et chaque grossesse est unique. De ce fait, tous les vécus sont différents. Ainsi, les difficultés qui peuvent être rencontrées pendant l’hospitalisation sont, entre autres, femmes-dépendantes, fonction de leur histoire, de leur famille, de leurs antécédents. En tant que future professionnelle, nous nous sommes interrogées sur le ressenti de l’hospitalisation pour nous efforcer de répondre au mieux aux besoins des patientes. C’est pourquoi nous nous sommes fixées comme but d’améliorer le visage de l’hospitalisation en modifiant, par exemple, certains éléments, comme l’écoute de l’équipe, l’occupation du temps libre des patientes, le respect de moments d’intimité avec leur entourage, mais aussi l’alimentation, l’hôtellerie, l’information délivrée…
Besoins fondamentaux et hospitalisation
La première personne à aborder les besoins fondamentaux est Virginia Henderson (1897-1996), une infirmière originaire de Kansas City (USA). Elle écrit en 1955 son principal ouvrage « Les principes fondamentaux en soins infirmiers ». Elle y explique le rôle de l’infirmière qui consiste « à aider l’individu, malade ou en santé, au maintien ou au recouvrement de la santé par l’accomplissement de tâches dont il s’acquitterait lui-même s’il en avait la force, la volonté, et d’accomplir ces fonctions de façon à l’aider à reconquérir son indépendance le plus rapidement possible ». Les besoins fondamentaux sont les éléments indispensables à l’individu afin de se maintenir en vie et assurer son bien être. Henderson parle d’indépendance, aujourd’hui, le terme employé serait plutôt celui de l’autonomie, car l’indépendance est l’état de quelqu’un qui n’est tributaire de personne sur le plan matériel, moral et intellectuel. Or, de par l’hospitalisation ellemême, les patients sont dépendants, concernant les horaires de repas, de repos, les horaires de visite, de soins…
Les besoins fondamentaux
Les quatorze besoins fondamentaux que Henderson décrit peuvent être subdivisés en trois parties, les besoins primaires, secondaires et tertiaires. Abraham Harold Maslow (1908-1970) a également entrepris de classer les besoins de l’Homme. Pour les psychothérapeutes, c’est l’initiateur de la psychologie humaniste. Sa théorie est importante pour comprendre le fonctionnement de la tendance actuelle. Son principe essentiel est simple : les besoins les plus fondamentaux sont liés à la survie (motivation de déficience) alors que les besoins les plus évolués se rapportent à la satisfaction et à l’épanouissement personnel (motivation de croissance). Les besoins plus fondamentaux ont toujours préséance sur ceux qui sont plus évolués : il faut survivre pour que l’épanouissement soit une préoccupation pertinente.
Les besoins élémentaires, ou primaires, sont physiologiques et indispensables à la survie. Tout déficit à cet égard devient vite une priorité.
Ces besoins sont :
• Respirer
• Manger, Boire
• Eliminer
• Se loger
• Dormir / Se reposer
• Se vêtir / Se dévêtir
• Maintenir la température corporelle dans les limites de la normale .
Les besoins secondaires sont des besoins d’ordre psychologique et social. Lorsque les besoins primaires sont réalisables, les besoins secondaires peuvent alors être envisagés. Il s’agit de :
• Être propre / Soigner ses téguments
• Se mouvoir et maintenir une bonne posture
• Eviter les dangers .
Les besoins tertiaires sont plus nombreux, ils concernent le bien être spirituel, le développement personnel. Ces besoins ne sont pas nécessaires à la survie de l’homme, mais dans la société actuelle, ils ont un poids non négligeable :
• Communiquer
• Agir selon ses croyances et ses valeurs
• S’occuper en vue de se réaliser
• Se récréer
• Apprendre .
Concernant ce dernier groupe, Maslow le développe plus que Henderson. Il parle d’une part du besoin d’appartenance qui englobe les notions d’amour, d’amitié, de relations affectueuses, d’autre part des besoins liés à l’estime qui correspondent au respect, à l’attention, à l’appréciation des autres, l’estime de soi, la compétence, la liberté. Dans les deux cas, l’enjeu n’est plus la survie physique, mais la satisfaction, la santé et la vitalité psychique. Enfin il évoque le besoin d’actualisation. Celui-ci n’est pas ressenti à partir d’un manque. En fait, ce type de besoin tend à grandir lorsqu’on le satisfait.
Les répercussions de l’hospitalisation sur les besoins fondamentaux
Les travaux concernant les répercussions de l’hospitalisation évoquent l’altération des besoins chez le malade chronique. Ces effets sont fonction du motif d’hospitalisation et de l’état préalable du patient. Dans les unités de surveillance des grossesses à hauts risques, surviennent également des changements au niveau des besoins. L’alimentation est modifiée de plusieurs manières. Le choix du repas se fait parmi les propositions du service de l’hôpital, les horaires des repas sont imposés par le service. La présentation se fait souvent sous la forme de barquette, une présentation éloignée de l’assiette du domicile. L’hospitalisation peut également jouer un rôle sur l’appétit, le diminuant : s’observe parfois même un réel dégoût des aliments. L’inanition, les vomissements incoercibles, la diarrhée, entraînant des troubles des liquides et des électrolytes peuvent être des freins à la bonne alimentation. L’élimination est également perturbée, d’autant plus que le régime alimentaire est changé. Sachant que le transit est physiologiquement ralenti pendant la grossesse, la constipation est plus souvent constatée. Le sommeil est altéré du fait du changement d’environnement. La patiente ne se sent pas chez elle, elle peut être gênée par son corps qui prend de l’ampleur. S’ajoutent à cela, les inquiétudes, questionnements de la future mère sur son état de santé, celui de l’enfant à venir. La journée est rythmée par les soins, les repas, les visites de l’équipe médicale mais aussi des proches. Les femmes évoquent des difficultés d’endormissement, des réveils précoces et fréquents, mais également une hypersomnie. Le vêtement permet d’assurer le bien-être et de protéger l’intimité sexuelle des individus. Il représente aussi une signification d’appartenance à un groupe, à une idéologie ou à un statut social. Le vêtement peut devenir un élément de communication par l’attrait qu’il suscite entre les individus. Les patients ont souvent une perte de l’intérêt pour l’habillement, le fait de rester en tenue de l’hôpital entretien la dépersonnalisation engendrée par l’hospitalisation. Dans la mesure du possible, il faut encourager les patients à porter leurs tenues personnelles, les aider pour se vêtir ou se dévêtir, lorsque leurs gestes sont gênés notamment si une voie d’abord veineuse est en place.
Le patient peut être perturbé par le rythme du service, ses habitudes peuvent être incompatibles avec la vie à l’hôpital, ou du moins le sembler aux premiers instants. En ce qui concerne la religion, les habitudes sont également dérangées. Lorsque l’hôpital peut proposer le passage d’un représentant du culte, il est important de le signaler aux patients. Concernant les autres besoins tertiaires, ils sont liés et se recoupent. Se récréer, s’occuper en vue de se réaliser, apprendre, sont parfois plus difficiles à réaliser. Quel est l’objet récréationnel ? Comment s’occuper ? Et apprendre ? Pour cela, la communication entre en jeu. Si le patient ne peut pas communiquer avec son entourage, pas de visite ni de téléphone par exemple, c’est avec le personnel qu’une solution peut être trouvée. Différents services peuvent être proposés comme le passage de la bibliothécaire, des groupes de paroles permettant aux patients de se rencontrer, et d’échanger. Par ailleurs, les activités compatibles avec l’hospitalisation doivent être facilitées : lecture, informatique, jeux de cartes, broderie, scrapbooking… Ces besoins, réalisés, permettent au patient de se divertir par une occupation agréable dans le but d’obtenir une détente physique et psychologique. Dans le but de responsabiliser le patient, de le rendre acteur de sa prise en charge, apprendre des connaissances, des attitudes et des habiletés permet la modification des comportements ou l’acquisition de nouveaux comportements dans le but du maintien ou du recouvrement de la santé.
Parce que les besoins sont le plus souvent altérés par l’hospitalisation, le personnel doit être attentif et présent pour le patient, afin que ces besoins soient réalisés autant que possible. Un besoin qui n’est pas cité dans les deux classifications sus-décrites est la sexualité. L’assouvissement de ce besoin est altéré par l’hospitalisation, du fait de préoccupations toutes autres pendant le séjour, tels que les différents examens et surveillance des critères d’évolution d’une pathologie. De plus, les rapports sexuels dits « pénétrants » peuvent être proscrits pendant la grossesse, dans les cas de menaces d’accouchement prématuré sévère, les ruptures prématurées des membranes, ou les placenta prævia. Une autre sexualité peut alors être abordée par ces couples s’ils le souhaitent tout en sachant rester à l’écoute de la femme, de son corps et des manifestations de l’enfant qu’elle porte.
Femme, grossesse, et hospitalisation
L’état de grossesse entraine des changements physiques mais également psychologiques chez la femme. Lorsqu’une pathologie se développe et entraîne une hospitalisation, l’une et l’autre sont sources de réactions diverses liées aux mouvements psychiques qu’entraine la grossesse.
Psychologie de la femme enceinte
La grossesse est une étape importante dans la vie d’une femme, dans la vie d’un couple. Chaque grossesse est vécue différemment d’une femme à l’autre et d’une grossesse à l’autre chez une même femme. L’état psychologique de la femme enceinte est marqué par différents mouvements psychiques et ce dès le début de la grossesse, comme le note Bidlowski dans ses travaux de 1978. Il ajoute qu’un mouvement régressif, inconscient, porte la mère à retrouver chez le « bébé » qu’elle couve, celle qu’elle fut autrefois et ce que sa mère fut pour elle.
Généralités
L’enfant naît du désir, conscient ou inconscient, de ses parents. Ce désir est concrétisé par la grossesse. Cet acte peut être un acte réfléchi et volontaire ou spontané et non maitrisé. L’amour maternel peut être un sentiment complexe, ambivalent et ambigu, où se mêlent amour et agressivité. L’enfant à naître est vécu par sa mère comme autre et comme partie de soi. Il représente à la foi une réalité propre et un fantasme matérialisé. Par ailleurs, la femme peut être partagée entre le désir d’enfant et le désir de grossesse. Dans le dernier, le projet inconscient est de démontrer sa propre capacité à féconder et peut être présent chez une femme qui n’accepte pas encore de devenir mère. Le désir d’enfant est la rencontre entre le désir de la femme et le désir de l’homme. Benedek et Racamier, dans leurs études datant respectivement de 1959 et 1978, considèrent la maternité comme une phase du développement psychologique affectif de la femme. Ils parlent de la grossesse et de la naissance de l’enfant, comme d’une crise maturative comparable à l’adolescence par l’ampleur des bouleversements, à la fois somatique, hormonaux et psychologiques.
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Table des matières
Introduction
Revue de littérature
1 Besoins fondamentaux et hospitalisation
1.1 Les besoins fondamentaux
1.2 Les répercussions de l’hospitalisation sur les besoins fondamentaux
2 Femme, grossesse, et hospitalisation
2.1 Psychologie de la femme enceinte
2.1.1 Généralités
2.1.2 Vécu de la grossesse
2.2 Hospitalisation
2.2.1 Généralités
2.2.2 Vécu des complications
2.2.3 Vécu de l’hospitalisation
3 A la recherche de la qualité
3.1 Evolution de la structure hospitalière
3.2 Transformation de la place du patient à l’hôpital
3.3 Droits du malade et place de l’usager dans les textes de loi
3.4 La démarche qualité
Enquête et Résultats
1 L’enquête
1.1 Objectifs et hypothèse
1.2 Matériel et méthode
1.2.1 Modalités de l’enquête
1.2.2 Moyens d’enquête
1.3 Tests statistiques
2 Les résultats
2.1 Profil des patientes sondées
2.2 Le séjour
2.2.1 Boire et manger
2.2.2 A propos de la température ambiante
2.2.3 Dormir, se reposer
2.2.4 Se vêtir, se dévêtir
2.2.5 Pudeur, intimité
2.2.6 Hygiène, propreté
2.2.7 Religion
2.2.8 S’occuper, se récréer
2.2.9 Apprendre et communiquer
2.2.10 Satisfaction générale et commentaires libres
Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes