Quelle première culture littéraire construire?

Quelle première culture littéraire construire ?

Les enjeux de la construction d’une première culture littéraire en maternelle

Je vais essayer de définir quels sont les enjeux de la construction d’une première culture littéraire en maternelle en m’appuyant sur les instructions officielles qui les définissent en trois axes :

– Nourrir l’imaginaire enfantin :
En effet, les albums vont permettre aux élèves de voyager. Ils vont y trouver des mondes revisités, des mondes qui leur sont inconnus. A travers la littérature, les élèves vont pouvoir s’identifier à des personnages proches de leur quotidien. Ils ont bien souvent les mêmes problèmes que ceux qu’ils rencontrent. Ces personnages vont les pousser à s’interroger sur le monde tout en se sentant dans la sécurité de la fiction.

– Faire découvrir un usage particulier de la langue :
Celui de la langue écrite. Les élèves à travers la littérature vont découvrir que l’on peut jouer avec le langage. Ils vont découvrir des structures particulières comme le récit en randonnée ou le récit enchâssé. Ils vont rencontrer de nouvelles expressions. Ils vont découvrir qu’un mot peut selon le contexte avoir plus d’un sens…

– Faire découvrir le patrimoine :
La littérature est l’occasion de créer une culture commune à tous les élèves par la rencontre avec des contes, des mythes et des classiques qui traversent les générations et les continents.

Le rôle de la littérature de jeunesse dans la construction d’une première culture littéraire

La littérature de jeunesse est aujourd’hui devenue un genre incontournable pour se construire une première culture littéraire. Chaque individu devrait pouvoir avoir la chance de rencontrer des albums au cours de son enfance. Mais on le sait tout le monde n’a pas forcément cette chance et c’est en cela que l’école peut intervenir et permettre à tous les élèves dès la maternelle de bâtir une culture commune des écrits: “Le livre de jeunesse dans toutes ses formes et sa variété est un objet culturel nécessaire au développement de l’enfant et aux apprentissages de l’élève à l’école maternelle“. Les albums vont permettre aux élèves d’enrichir leurs connaissances sur le monde, sur leur société et sur leur existence tout en nourrissant leur imaginaire. Ils vont les aider à se construire et par ailleurs à adopter une attitude de lecteur. Offrir aux élèves l’occasion de fréquenter des albums issus de la littérature de jeunesse est nécessaire mais encore faut-il les choisir avec attention. On ne peut parler de littérature que lorsque le texte sélectionné est un “texte résistant” ou un “texte proliférant”. En d’autres termes, un auteur qui écrit un texte littéraire est un auteur qui rend complice ses lecteurs en leur donnant des informations qu’ils doivent encore traiter pour comprendre l’implicite de l’œuvre. Il existe pourtant aussi un certain nombre d’ouvrages qui ne relèvent pas de la littérature et que l’enseignant devra éviter. En effet, comme l’indique Catherine Tauveron : “ Il existe des textes qui se donnent pour projet de guider au maximum le lecteur, de surcroît là où ce lecteur désire être conduit ” . Or, tout l’avantage de construire une culture littéraire réside dans l’ouverture vers ce que l’on ne connaît pas ou ce que l’on pensait connaître. Ainsi, quel lecteur n’est pas satisfait d’être surpris à la fin d’un ouvrage dont il croyait être certain de connaître le dénouement. Quel lecteur n’est pas heureux à l’idée de dénicher les indices que lui a laissé un auteur. Je pense que c’est ce principe de la littérature que l’enseignant doit transmettre à ses élèves. Il doit transmettre l’idée que la lecture est un moment de plaisir. L’acte de lecture peut être vu comme un acte de jeu. Le lecteur est un détective qui sait déjà des choses grâce à son vécu, grâce à ses lectures. Il est à la recherche d’indices, de liens qui lui permettront de reconstituer le puzzle d’une œuvre pour pouvoir la comprendre. Cette attitude de détective n’est pas innée, elle ne peut se construire qu’en multipliant les rencontres avec des œuvres présentant des formes, des genres, des thèmes et des univers différents. Ces rencontres ne doivent pas être occasionnelles mais recherchées. Il faut que l’enseignant organise des réseaux de lecture qui vont permettre aux élèves de repérer des particularités liées à la structure de l’œuvre, au type de personnage, à la typographie, à l’énonciation, aux rapports entre le texte et l’image. Les multiples relectures vont permettre aux élèves de se construire des horizons d’attentes qui pourront leur servir à anticiper le récit, à émettre des hypothèses justifiées lors de leurs prochaines lectures.

Développer des compétences spécifiques de lecteur

“La lecture littéraire est une activité à la fois cognitive et culturelle, plus exactement une activité dans laquelle le cognitif est largement piloté par le culturel” , cela suppose que pour devenir un bon lecteur, les élèves dès le plus jeune âge doivent comprendre qu’il y a des codes littéraires et des stratégies de lecture. Déchiffrer les mots et le sens littéral du texte ne suffit pas à faire de soi un bon lecteur. Il faut que les élèves comprennent qu’un texte est là pour être interprété et que toutes les interprétations sont recevables tant qu’elles ne vont pas à l’encontre de ce dernier. Il y a par ailleurs des choses que le texte ne dit pas directement, il faut bien souvent réunir plusieurs informations du texte pour faire la bonne inférence ou aller chercher des informations supplémentaires dans sa culture, dans son vécu. En effet, il arrive bien souvent dans les textes que certaines informations doivent être traitées au regard de sa culture. “Il convient de sortir momentanément du texte pour errer et fouiller dans sa mémoire “affective”, et “culturelle”, intra et extra-scolaire, mobiliser sa vie, ses souvenirs, sa culture générique et plus généralement livresque.”6Ainsi, dans L’Afrique de Zigomar de Philippe Corentin, le lecteur ne peut pas comprendre que Zigomar s’est trompé de direction s’il n’a aucune connaissance sur l’Afrique, le Pôle Nord et les animaux qu’on y trouve habituellement. La lecture littéraire est dès lors un exercice qui nécessite de tisser des liens, d’effectuer des comparaisons. Plus le lecteur se sera créé d’horizons d’attente sur les genres, les auteurs, les types de récits, les personnages, les registres plus il sera à même d’anticiper le récit. Il sera capable de repérer facilement les indices qui viendront justifier son interprétation et aussi de goûter les écarts par rapport aux attentes. Pour parvenir à accéder au texte, il est important tout d’abord d’apprendre aux élèves à se faire un film mental de l’histoire entendue: “La compréhension est indissociable de la mémorisation des idées du texte” . Pour sortir d’une compréhension littérale du texte, il est nécessaire d’inciter les élèves à reformuler les textes avec leurs propres mots : “Lire c’est toujours un peu traduire” . A l’école maternelle, où les élèves n’ont accès au texte que par l’intermédiaire de la lecture ou du contage du professeur, il conviendra d’utiliser des stratégies spécifiques pour que les élèves interprètent le texte. Il faudra ainsi une fois la lecture finie demander aux élèves leurs interprétations sur le texte, les noter en dictée à l’adulte et revenir ensuite au texte pour voir quelles interprétations sont recevables : celles qui prennent en compte les informations du texte par rapport à celles qui s’éloignent trop du texte et qui relèvent de l’invention. C’est n’est que par ce biais que les élèves pourront commencer à jouer avec le texte littéraire tout en respectant ses codes : “ Pour peu qu’elles coïncident avec les droits du texte et qu’elles soient reconnues plausibles […] toutes les interprétations sont possibles, mais il faut savoir qu’une interprétation et d’autant plus acceptable qu’elle prend en compte un grand nombre d’éléments du texte” .

Explorer un univers d’auteur

Pourquoi parler d’exploration d’un univers d’auteur ? 

Le terme d’auteur ou d’écrivain à lui seul ne suffit pas. Il est trop réducteur et trop général. Le Larousse nous indique ainsi qu’un auteur est la “personne qui fait profession d’écrire, homme ou femme de lettres” et nous renvoie à la notion d’écrivain “personne qui compose des ouvrages littéraires”. Or, l’enjeu avec les élèves n’est pas seulement qu’ils se familiarisent avec l’acte d’écrire mais plutôt qu’ils en comprennent le cheminement. C’est pour cela que je préfère parler aux élèves de l’exploration d’univers d’auteur. Exploration parce qu’il s’agit d’entrer dans l’univers singulier d’un auteur. Comme un explorateur, le lecteur entre avec un vécu et des aprioris qui lui sont propres dans un monde qui lui est totalement ou partiellement inconnu, l’album, et apprend à le comprendre en prélevant des indices, en l’analysant au regard de ce qu’il sait déjà et de ce qu’il y découvre. Il faut par ailleurs parler d’univers d’auteur parce que chaque auteur possède un univers singulier : les thèmes qu’ils choisissent d’aborder dans leurs livres, les opérations plastiques qu’ils utilisent (dans le cas d’un auteur-illustrateur), le style de leur écriture, le recours à des personnages fétiches, le rapport qu’ils font entretenir entre l’image et le texte, les références à d’autres œuvres, les genres qu’ils choisissent d’aborder, le format qu’ils choisissent d’adopter, leurs manières d’entretenir une complicité avec le lecteur, leurs façons d’émouvoir…

Qu’est-ce qu’un univers d’auteur ?

Je pense qu’il est important de souligner tout d’abord que dans le cas de la littérature de jeunesse, l’univers d’auteur est particulièrement pluriel puisque le texte et les illustrations occupent une place tout aussi importante. En effet, bien souvent dans tout bon livre de la littérature de jeunesse, un texte ne peut être entièrement interprété sans les illustrations et les illustrations sans le texte. L’un et l’autre se complètent. Voilà déjà une spécificité propre aux univers d’auteur d’album de jeunesse.

Par ailleurs, un univers d’auteur-illustrateur dépend de la complicité du lecteur. Sartre écrit ainsi : “Puisque la création ne peut trouver son achèvement que dans la lecture, puisque l’artiste doit confier à un autre le soin d’accomplir ce qu’il a commencé, puisque c’est à travers la conscience du lecteur seulement qu’il peut se saisir comme essentiel à son œuvre, tout ouvrage littéraire est un appel. Écrire, c’est faire appel au lecteur pour qu’il fasse passer à l’existence objective le dévoilement que j’ai entrepris par le moyen du langage.” Découvrir et entretenir une relation privilégiée avec un univers d’auteur, c’est aussi approfondir tout ce qui fait sa spécificité, sa singularité, ses manières de jouer avec les codes existants; c’est ce qui permettra en tant que lecteur de choisir et de repérer qu’il s’agit d’un ouvrage de cet auteur et pas d’un autre.

L’univers d’un auteur du point de vue de l’illustration :

L’auteur-illustrateur fait des choix plastiques qui nourrissent son univers. Ainsi, partir à la découverte d’un album de Christian Voltz dans lequel il utilise des matériaux rapportés et découvrir en parallèle un album de Leo Lionni tel Alexandre et la souris mécanique dans lequel il utilise le collage n’aura pas le même impact. Ceci aura un effet différent sur le lecteur parce que ces choix vont stimuler son imaginaire de différentes façons. On peut voir de la part de Christian Voltz une volonté de faire rire ses lecteurs, d’émouvoir aussi en utilisant des objets de tous les jours qu’on aurait pensé qu’à jeter et à qui il donne une nouvelle vie. On peut voir de la part de Leo Lionni une certaine douceur et du relief dans ses illustrations qui nous entraînent dans un monde empreint de poésie. Mais la spécificité des choix plastiques d’un univers d’auteur ne s’arrête pas là puisqu’un même auteur-illustrateur n’aura pas forcément dans ces livres recourt au même procédé. Ceci aura pour effet de surprendre les lecteurs qui devront questionner différemment les illustrations, essayer d’interpréter le pourquoi de ce changement et étayer leurs horizons d’attentes sur l’univers de cet auteur. Les choix plastiques qui fondent l’univers d’un auteur sont par ailleurs empreints d’Histoire. En effet, il y a fort à parier que chacun de ces artistes ait subi l’influence d’autres œuvres d’art du patrimoine. Ainsi, Christian Voltz reconnaît-il lui même son goût pour les sculptures de Calder. Ainsi, Mario Ramos nous raconte-t-il qu’il « découvre les fabuleux dessins de Saul Steinberg (le père de tous les dessinateurs), et de Tomi Ungerer; et affirme alors que l' »on s’inscrit toujours dans une continuité. » Ainsi, pouvons-nous parfois faire le lien entre les illustrations d’un auteur-illustrateur et d’un autre artiste et parfois même trouver une volonté bien tranchée de la part d’un auteur d’intégrer ou de détourner une autre œuvre dans ses albums. Pour toutes les raisons déjà évoquées et pour celle qui va suivre, il est curieux de croire parfois que les illustrations soient plus accessibles à l’enfant que le texte, l’image aussi mérite d’être analysée. Les illustrations comme le texte doivent faire l’objet d’un décodage. En effet, les illustrateurs font souvent des choix plastiques qui relèvent du symbolique. Ils intègrent à leurs albums des codes culturels. Ainsi, retrouve-t’on dans Sacré sandwich de Christian Voltz, des panneaux de signalisation « Danger » accompagnés d’un dessin effrayant du loup, « Loup féroce dernier rappel » ou encore « Attention n’allez pas par là ». Ainsi, retrouve-t-on dans de nombreux albums une symbolique des couleurs « le canard, le mouton né d’une autre couleur que celle de ses congénères » .

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Table des matières

Introduction
I- Construire une première culture littéraire à travers la littérature de jeunesse
1. Quelle première culture littéraire construire?
1.1 Les enjeux de la construction d’une première culture littéraire en maternelle
1.2 Le rôle de la littérature de jeunesse dans la construction d’une première culture littéraire
2.Développer des compétences spécifiques de lecteur
II- Explorer un univers d’auteur
1. Pourquoi parler d’exploration d’un univers d’auteur ?
2. Qu’est-ce qu’un univers d’auteur ?
2.1 Introduction
2.2 L’univers d’un auteur du point de vue de l’illustration
2.3 L’univers d’un auteur du point de vue du texte
2.4 Du point de vue du texte et de l’illustration
3. Quels sont les avantages à travailler autour d’un univers d’auteur ?
4. Quelles sont les spécificités de l’univers d’Anthony Browne ?
III- Des dispositifs pour entrer dans l’univers d’un auteur
1. La lecture en réseau
1.1 Qu’est-ce que la lecture en réseau ?
1.2 Les fonctions de la lecture en réseau
1.3 Le choix des textes
1.4 L’ordre de lecture
1.5 Des outils de comparaison d’album
1.6 Des outils pour travailler la mémorisation des textes
IV- Expérience de classe
1. Présentation de la classe et de l’école
2. La mise en œuvre
2.1 Adapter le dispositif en fonction des besoins de mes élèves
2.2 Regards sur la pratique de classe
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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