LES POLITIQUES PUBLIQUES FORESTIERES FACE AUX QUESTIONS ENVIRONNEMENTALES
Quelle opportunité pour le partage de la rente forestière?
La décentralisation pose le problème du transfert des pouvoirs du centre vers la périphérie (Diaw et Oyono, 1998). Elle est un processus de transfert des pouvoirs (autorité, compétences, responsabilités et ressources) d’une instance centralisée aux unités des autorités locales, des collectivités et des acteurs locaux (Mahwood, 1983 ; Oyono, 2004 ; Smith, 1985), dans l’intention de leur permettre d’envisager, de planifier et de mettre en oeuvre des mesures de gestion forestière destinées à produire et partager les avantages que procurent les forêts. Le « projet » camerounais de gestion décentralisée des ressources forestières est réalisé à travers la législation forestière en vigueur, promulguée en 1994. Dans l’esprit de la loi forestière, la décentralisation de la gestion des forêts au Cameroun vise un transfert des pouvoirs et de responsabilités de gestion des forêts et des bénéfices financiers à des acteurs périphériques, dont les communautés locales (Oyono, 2005).
Elle ambitionne de réaliser une implication profonde et une responsabilisation significative des acteurs locaux dans la gestion des écosystèmes forestiers et des bénéfices qui en sont liés. Il est donc légitime de s’interroger sur la justesse ou l’opportunité de cette démarche participative. Des études conduites par Blair (1997) et Manor (1997) ont pu établir que lorsque les populations sont associées à la prise de décision ou de délibération sur la gestion locale des ressources, on assiste généralement à une meilleure redistribution des revenus et par extension à l’amélioration de leurs conditions de vie. La décentralisation de la fiscalité peut donc engendrer le développement socioéconomique des populations locales, et aussi la conservation efficace des ressources forestières (Bigombé Logo, 2000). Le constat que beaucoup de projets de développement ont échoué faute d’avoir associé les populations locales détentrices des savoirs et savoir-faire a motivé l’instauration d’un processus formel de gestion participative ou décentralisée des ressources et des externalités engendrées par celles-ci.
D’où l’opinion généralement admise selon laquelle, les collectifs locaux (commune rurale, canton, village, …) constituent les promoteurs d’une gestion durable des ressources forestières. Selon la philosophie de la Convention su la Diversité Biologique, si les éléments de la biodiversité sont parvenus jusqu’à nous, c’est que leur utilisation s’est avérée « durable » et que les pratiques et savoirs correspondants doivent être maintenus et encouragés (Roussel, 2003). Ainsi ceux qui incarnent un mode de vie « traditionnel » ne doivent plus être assimilés à de simples prédateurs de ressources sans souci de gestion, mais plutôt associés au partage équitable des externalités provenant de l’exploitation des ressources.
Caractéristiques socio-économiques générales des villages étudiés o Infrastructures scolaires et de santé : La couverture des zones de Campo et Djoum en infrastructures scolaires est relativement satisfaisante, particulièrement en ce qui concerne l’enseignement primaire. Chacun des villages étudiés dispose d’une école primaire en dépit parfois de la qualité médiocre des constructions. La plupart des bâtiments sont certes en matériaux définitifs ou en semi-dur, mais ne sont malheureusement pas réhabilités depuis plus de 10 ans (Arnaud et Carrière, 2000). Par contre, dans la zone de Mbang la carence en infrastructures scolaires est importante car 2 sur villages étudiés sont dépourvus d’une école primaire. Seul le village Djemiong est doté d’une école primaire faite en matériaux provisoires. Le déficit du personnel enseignant est partout prononcé, mais des solutions provisoires grâce à l’apport considérable des RFA viennent partiellement le combler.
La plupart des établissements sanitaires de l’ensemble des zones étudiées se retrouvent les chefs-lieux des arrondissements respectifs. Ainsi plusieurs populations des villages assez retirés doivent parcourir parfois plus de 50 kilomètres pour atteindre un centre hospitalier (Arnaud et Carrière, 2000). Mais très souvent, les villageois recourent à la médecine traditionnelle pour des raisons de pauvreté ou parfois d’efficacité des guérisseurs traditionnels. C’est lorsqu’on a un peu d’argent ou, lorsque la médecine traditionnelle ne suffit pas à guérir le mal, que la nécessité de se rendre à l’hôpital s’impose. Dans la pharmacopée traditionnelle, on utilise plus les écorces, les racines, les feuilles et quelques fois les lianes et les fruits. Les arbres les plus usés sont Le Moabi, l’Elon, l’Ekouk l’Essoussouk et l’Abang, mais ils deviennent un peu rares car ce sont des espèces commercialisables soumises à l’exploitation (Lescuyer, 2000). Cependant il existe encore des quantités suffisantes pour une utilisation en pharmacopée traditionnelle.
Ressources agricoles
Dans l’ensemble des villages étudiés, la production vivrière est essentiellement basée sur la culture de la banane plantain, du manioc, du macabo, du maïs, de l’arachide et de la courge (concombre) (Lescuyer 2000). A ces cultures de base s’ajoutent partout la patate douce, la canne à sucre, le riz et l’igname (à l’Est) ainsi que les plantes fruitières et légumières. Tous les peuples natifs des villages étudiés pratiquent l’agriculture itinérante sur brûlis qui alterne essartage (défrichage), mise en culture et jachères selon des combinaisons complexes et variables. Cette agriculture fournit la base calorique du régime alimentaire tandis que les ressources sauvages en fournissent la part protéinique. Ses productions sont autoconsommées (ERE Développement, 2001). Le cacao est la principale culture de rente dans les 9 villages. En raison de la baisse et de l’instabilité des prix du cacao, on note un intérêt croissant des populations pour la culture du palmier à huile, tant chez certains salariés élites intérieures et extérieures et autres populations urbaines que chez certains paysans.
Les peuples de la côte cultivent accessoirement le cocotier et en tirent un revenu non négligeable. La taille des exploitations agricoles, bien variant d’un village à l’autre, reste néanmoins faible : elle est d’environ 1 hectare en moyenne pour le vivrier, et de 2,5 hectares pour les cacaoyères et caféières. Les champs sont situés à des distances variables des villages mais très souvent ne vont pas à plus de 8 Km des villages à cause des difficultés d’évacuation des récoltes. Les superficies défrichées annuellement dans la forêt primaire sont extrêmement faibles. L’avancée dans la forêt existe mais demeure relativement faible. Les difficultés auxquelles les villageois font face sont les problèmes d’écoulement des produits agricoles dans le cadre d’un commerce avec l’extérieur et également la conservation des récoltes. En effet, n’ayant pas des moyens d’écoulement facile de leurs produits, ils sont contraints de vendre sur place à des revendeurs qui viennent avec des camions. Mais les ventes effectuées au village se font à des prix très bas, ce qui ne permet pas des revenus suffisants pour les besoins les plus élémentaires des populations. De plus le manque des axes routiers en bon état de circulation tout au long de l’année contribue à l’enclavement des populations pendant les saisons pluvieuses à cause des grands bourbiers qui se forment et qui entravent la circulation.
Ressources fauniques : Le gibier constitue la principale source de protéines animales et de plus en plus source non négligeable de revenus monétaires pour l’économie des ménages. La chasse et le piégeage se font toute l’année et plus régulièrement en saison des pluies. Quoiqu’elle soit pratiquée seulement par une frange de la population, l’activité représente par le niveau très élevé des prélèvements une menace réelle pour le potentiel faunique de la forêt. Le gibier devenant rare à proximité des villages, il faut aller un peu plus loin (10 à 15 km dans la forêt) pour installer des pièges et espérer attraper des animaux. Les gibiers communément attrapés sont : le porc-épic, le lièvre, le rat, le pangolin, la biche… La durée de la chasse, le matériel de chasse, le nombre de pièges et la les activités par ménage permettent de distinguer deux catégories de chasseurs : les « petits » chasseurs et les chasseurs « professionnels » (ERE Développement, 2001).
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Table des matières
INTRODUCTION
1 CONTEXTE, PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE L’ETUDE
1.1 CONTEXTE INTERNATIONAL, NATIONAL ET LOCAL DE L’ETUDE
1.1.1 De la genèse de la loi forestière de 1994 au partage de la rente forestière
1.1.2 Le code forestier de 1994 et ses innovations
1.1.3 Les gardiens de la forêt enfin associés au partage de la rente forestière ?
1.1.4 Quelle opportunité pour le partage de la rente forestière
1.2 PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE L’ETUDE
1.3 LES POLITIQUES PUBLIQUES FORESTIERES FACE AUX QUESTIONS ENVIRONNEMENTALES : LES CONCESSIONS FORESTIERES ET LEUR CONTRIBUTION ATTENDUE DU DEVELOPPEMENT SOCIOECONOMIQUE
1.3.1 De l’attribution des UFA à la génération de la rente Forestière
1.3.2 Les dispositions juridiques
2 SITES D’ETUDE ET METHODES
2.1 PRESENTATION ET JUSTIFICATION DES SITES D’ETUDES : CHOIX DES VILLAGES
2.1.1 Choix des villages d’étude
2.1.2 La commune rurale de Mbang
2.1.3 La commune rurale de Djoum
2.1.4 La commune rurale de Campo
2.1.5 Caractéristiques socio-économiques générales des villages étudiés
2.2 METHODE
2.2.1 Chronogramme de l’étude
2.2.2 Échantillonnage
2.2.3 Collecte des données
2.2.4 Analyse des données
3 RESULTATS
3.1 LES ORGANISATIONS MISES EN PLACE
3.1.1 La commune rurale de Mbang
3.1.2 La commune rurale de Djoum
3.1.3 La commune rurale de Campo
3.2 LES MONTANTS RECOUVRES PAR LE PSRF AU BENEFICE DES COMMUNES ETUDIEES DE 2000 A 2005
3.2.1 Les montants parvenus dans les villages étudiés de l’exercice 2000/2001 à la 1ère tranche de 2005
3.2.2 Les utilisations villageoises de la RFA par commune
3.2.2.1 Les villages de la commune de Mbang
3.2.2.2 Les villages de la commune de Djoum
3.2.2.3 Les villages de la commune de Campo
3.3 IMPACTS SOCIO ECONOMIQUE ET ECOLOGIQUE DES RFA DANS LES VILLAGES ETUDIES
3.3.1 Impact socio-économique
3.3.1.1 Facteurs de blocage à l’échelle locale
3.3.1.2 Dysfonctionnement à l’échelle communale
3.3.2 Impact écologique
4 ANALYSE ET DISCUSSION
4.1 UNE APPLICATION PARTIELLE ET PARTIALE DE LA LOI
4.2 UNE FAIBLE IMPLICATION DES ACTEURS INSTITUTIONNELS DANS LES CG
4.2.1 Les postes forestiers
4.2.2 La tutelle
4.2.3 Les exploitants forestiers
4.3 LES COMMUNAUTES ET L’AUTONOMIE DE GESTION : LES STRUCTURES D’ACCOMPAGNEMENT SONT-ELLES UN MAL NECESSAIRE ?
4.3.1 Les communautés ont-elles l’aptitude requise à gérer la rente forestière
4.3.2 Les structures d’accompagnement sont-elles un mal nécessaire
4.4 UNE INSUFFISANCE DES MECANISMES DE REDDITION DES COMPTES
4.5 LA RFA : UN LEVIER DE DEVELOPPEMENT OU UN SIMPLE PARTAGE DE LA RENTE? A QUI PROFITE-T-ELLE ET SOUS QUELLE FORME ?
4.6 QUEL IMPACT DE CETTE FORME DE DECENTRALISATION PAR RAPPORT A LA FORESTERIE COMMUNAUTAIRE ET/OU COMMUNALE ?
5 CONCLUSION ET RECOMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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