Quelle loi de protection des données personnelles s’applique lorsqu’on fait de la recherche ?

Les licences Open Data Commons

L’Open Access (l’accès libre aux publications)

Une considération sous-jacente importante de l’Open Access (OA) est le fait que la recherche scientifique est financée essentiellement par des fonds publics. Or, le système qui prévaut encore aujourd’hui veut que les Etats qui financent des projets de recherche payent une nouvelle fois des abonnements ou des licences d’accès pour consulter les résultats de ces recherches, traditionnellement publiés chez des éditeurs scientifiques commerciaux. L’Open Access pour les publications scientifiques a été la première réponse à cet état de fait et s’est depuis largement répandu dans la recherche scientifique internationale. Ce mouvement veut que les publications scientifiques soient librement accessibles. Deux moyens sont principalement utilisés pour atteindre cet objectif : la publication de l’article directement en accès libre auprès d’un éditeur (il n’y aura donc pas de restriction à sa lecture) ; ou bien le dépôt du manuscrit dans un répertoire de publications avant ou après sa révision auprès d’un comité de lecture par les pairs (peer review). En Suisse, le Fonds national suisse (FNS) oblige depuis le début de l’année 2020 tous les chercheurs des projets qu’il finance à publier leurs résultats en OA, tandis que de son côté Swiss universities a fixé 2024 pour atteindre le même objectif. De plus, les principales hautes écoles de Suisse ont toutes développé un dépôt institutionnel pour archiver les publications en libre accès de leurs chercheurs.

L’Open Research Data (l’accès libre aux données de la recherche)

Dans la continuité de cette politique d’ouverture, le second aspect qui est en train d’être mis en œuvre dans le monde de la science est la disponibilité des données de la recherche avec le mouvement de l’Open Research Data (ORD).
Pour commencer, il faut expliciter ce qui est entendu par « données de la recherche ». Une des difficultés inhérentes à leur définition est leur hétérogénéité. Au vu de la multitude des domaines de recherche scientifique et de leurs différences, les données de la recherche se distinguent par la diversité de leurs objets, « la manière dont elles ont été obtenues, la forme sous laquelle elles ont été enregistrées et le traitement qu’elles ont subi pour être formatées, lisibles » (Gaillard 2014). L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a proposé une définition en 2007 qui fait depuis consensus : les données de la recherche sont « des enregistrements factuels (chiffres, textes, images et sons), qui sont utilisés comme sources principales pour la recherche scientifique et sont généralement reconnus par la communauté scientifique comme nécessaires pour valider les résultats de la recherche » (OCDE 2007). De manière plus large, il est possible de dire que ce sont « des éléments factuels nécessaires à la validation des résultats de recherche, ces derniers étant habituellement délivrés sous la forme de publications » (Marie-Madeleine Géroudet cité par Gaillard 2014).

Notions d’œuvre, d’œuvre scientifique et d’auteur

Quelques définitions s’imposent avant d’aborder la LDA sous l’angle de la recherche, afin de bien comprendre la signification des termes utilisés dans la loi.
La LDA règlemente la protection de l’auteur et des œuvres (CCDigitalLaw 2017a). Une œuvre est considérée comme « toute création de l’esprit, littéraire ou artistique, qui a un caractère individuel». Les programmes d’ordinateurs (logiciels) sont aussi des œuvres. Deux aspects sont donc essentiels à la définition d’une œuvre : la création de l’esprit et son caractère individuel. La création de l’esprit suppose que l’œuvre est le fruit d’une activité humaine, soit d’une manifestation de pensée. L’individualité, elle, résulte du travail de l’auteur, des décisions qu’il a prises et des combinaisons qu’il a effectuées. Cet état de fait veut dire que s’il y a un caractère individuel, il est impossible qu’un tiers réalisant la même tâche puisse créer une œuvre identique (Favre, Germond 2018, p. 5). Mais attention, depuis la récente révision de la loi, « les productions photographiques et celles obtenues par un procédé analogue à la photographie d’objets tridimensionnels », même dépourvues de caractère individuel, sont aussi considérées comme des œuvres (LDA art. 2, al. 3bis). En revanche, les productions de la nature ou de la technique créées sans intervention intellectuelle humaine (par exemple une photo prise par un radar) ne sont pas des œuvres au sens de la LDA. Une œuvre est protégée indépendamment de la forme de son expression (Favre, Germond 2018, p. 5), mais elle doit être exprimée d’une manière ou d’une autre pour bénéficier d’une protection (CCDigitalLaw 2020). Finalement, mentionnons qu’une œuvre qui est accessible librement n’en est pas moins protégée et que son utilisation reste soumise à l’accord de l’auteur (Métille 2017a, p. 70).

Champ d’application : quid des données ?

Est-ce que les contenus de type « données » sont protégés par la LDA ? Par précaution, la réponse est plutôt affirmative, tant la définition d’une œuvre est étendue. En réalité, plusieurs possibilités peuvent se présenter avec les données. Pour commencer, en droit suisse, il n’existe pas de protection sui generis pour les bases de données comme c’est le cas en Europe et dans quelques autres pays du monde. Ce droit protège les bases de données qui ne sont pas concernées par le droit d’auteur en raison d’un manque d’individualité. Il reconnaît l’investissement financier et l’effort lié à la création de la base de données et garanti à son créateur un droit exclusif dessus pendant 15 ans. Il interdit aussi de la réutiliser ou d’en extraire une partie substantielle (Aliprandi 2012). En Suisse, comme le droit sui generis n’existe pas, les bases de données sont considérées comme des recueils au sens de la LDA (Baggi [sans date], p. 2). Si la sélection et la mise en forme de leurs contenus est une création de l’esprit qui est individuelle, les bases de données sont protégées. A l’inverse, si les données ne sont organisées que sur une base logique, par exemple alphabétique ou chronologique, caractère individuel n’est pas présent et elles ne sont pas protégées (CCDigitalLaw 2017b). Viennent ensuite les données conservées dans ces bases de données.

Droits conférés à l’auteur

Le droit d’auteur confère deux types de droits : les droits patrimoniaux et les droits moraux. Les droits patrimoniaux d’une œuvre peuvent être cédés, ce qui n’est pas le cas des droits moraux qui sont inaliénables et indissociables de la personne de l’auteur (Almansi et al. 2010).
Les droits patrimoniaux permettent à l’auteur de recevoir une rétribution sur son œuvre (Favre, Germond 2018, p. 10), en décidant si, quand et de quelle manière elle sera utilisée (CCDigitalLaw 2017d). La LDA fournit une liste exemplative et non exhaustive de ces droits à l’article 10, comme le droit de confection d’exemplaires, de représentation, de diffusion, de reproduction ou encore de retransmission.
Les droits moraux servent, quant à eux, à protéger la personnalité de l’auteur. Deux droits moraux sont d’intérêt dans le contexte de la recherche : le droit de décider « si, quand, de quelle manière et sous quel nom » se produira la première divulgation de son œuvre (LDA art.9, al. 2) et le droit d’en revendiquer la paternité (LDA art. 9, al.1).

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Table des matières

1. Introduction
1.1 Présentation du mandat
1.2 Objectifs
1.3 Méthodologie
2. L’Open Science (la « science ouverte ») 
2.1 L’Open Access (l’accès libre aux publications)
2.2 L’Open Research Data (l’accès libre aux données de la recherche)
2.3 Le dépôt de données Yareta de DLCM
2.3.1 Choix de licences offert dans la version 1.10 de mai 2020
3. L’ouverture des données de la recherche en Suisse
3.1 Exigences des principaux bailleurs de fonds
3.1.1 Swissuniversities
3.1.2 Le Fonds national suisse
3.1.3 La Commission européenne
3.2 Aperçu de la situation dans les hautes écoles suisses
4. Cadre juridique 
4.1 Droit d’auteur
4.1.1 Loi sur le droit d’auteur – LDA (CH)
4.1.1.1 Notions d’œuvre, d’œuvre scientifique et d’auteur
4.1.1.2 Principe de territorialité
4.1.1.3 Champ d’application : quid des données ?
4.1.1.4 Droits conférés à l’auteur
4.1.1.5 Titularité des droits d’auteur
4.1.1.5.1 La propriété des données : un concept erroné
4.1.1.6 Utilisation d’œuvres protégées et régime d’exceptions
4.2 Protection des données personnelles
4.2.1 Loi sur la protection des données personnelles – LPD (CH)
4.2.1.1 Révision totale en cours
4.2.1.2 Champ d’application
4.2.1.3 Principes.
4.2.1.4 Consentement
4.2.1.5 Données sensibles
4.2.1.6 Déclaration des fichiers de données personnelles
4.2.1.7 Devoir d’information
4.2.1.8 Droits de la personne concernée
4.2.1.9 Sous-traitance et communication de données
4.2.1.10 Règlementation spécifique sur le traitement de données à des fins de recherche
4.2.2 Loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles – LIPAD (GE)
4.2.2.1 Champ d’application
4.2.2.2 Le consentement
4.2.2.3 Déclaration des fichiers de données personnelles
4.2.2.4 Droits conférés à la personne concernée .
4.2.2.5 Disposition spécifique sur le traitement de données à des fins de recherche
4.2.3 Règlement général sur la protection des données – RGPD (UE)
4.2.3.1 Champ d’application
4.2.3.2 Principes
4.2.3.3 Consentement
4.2.3.4 Données sensibles
4.2.3.5 Registre des traitements
4.2.3.6 Data Protection Officier (DPO)
4.2.3.7 Privacy Impact Assessement (PIA)
4.2.3.8 Droits conférés à la personne concernée
4.2.3.9 Sous-traitance et communication de données
4.2.3.10 Devoir d’information
4.2.3.11 Exceptions à des fins de recherche scientifique
4.2.4 Quelle loi de protection des données personnelles s’applique lorsqu’on fait de la recherche ?
4.2.5 Partager des jeux de données qui contiennent des données personnelles ou sensibles
4.3 Résumé du cadre juridique lié aux données de la recherche
5. Licences 
5.1 Enjeux
5.1.1 Pourquoi publier ses données sous licence ?
5.1.2 Des licences ouvertes pour des données ouvertes
5.1.2.1 Les licences non ouvertes
5.1.2.1.1 Les licences interdisant l’usage commercial
5.1.2.1.2 Les licences interdisant la modification
5.1.2.2 Les licences ouvertes mais néanmoins problématiques
5.1.2.2.1 Les licences demandant une attribution
5.1.2.2.2 Les licences de partage à l’identique (copyleft)
5.2 Les licences ouvertes pour les données de la recherche
5.2.1 Les licences Creative Commons
5.2.1.1 Licence CC-BY
5.2.1.2 Licence CC-BY-SA
5.2.1.3 Licence CC0 (Public Domain Dedication)
5.2.1.4 Label Public Domain Mark
5.2.2 Les licences Open Data Commons
5.2.2.1 ODC Attribution License (ODC-By)
5.2.2.2 ODC Open Database License (ODC-ODbL)
5.2.2.3 Public Domain Dedication and License (PDDL)
5.2.3 Les licences Community Data License Agreement
5.2.3.1 CDLA-Permissive-1.0
5.2.3.2 CDLA-Sharing-1.0
5.2.4 Le domaine public comme solution à l’incompatibilité des licences
6. Recommandations pour Yareta
7. Des fiches d’information et un arbre de décision à destination des chercheurs
8. Conclusion
8.1 Difficultés rencontrées
8.2 Perspectives offertes par le travail

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