Quel transfert possible de la démarche projet issue de l’industrie ?
Des objectifs divergents qui posent des limites au transfert de la démarche
Les Itinéraires De Découverte (IDD), de par leur organisation et leurs objectifs s’inscrivent pleinement dans la démarche projet en contexte éducatif Les IDD sont organisés à raison de deux heures hebdomadaires. Ainsi intégrés à l’emploi du temps des élèves sur une année complète, ils permettent la réalisation de projets dont l’envergure facilite la mise en œuvre d’une démarche projet. Ils placent l’élève au cœur de ses apprentissages et visent non seulement à lui transmettre des connaissances disciplinaires, mais aussi à développer des compétences transversales, des savoir-faire et savoir-être, par la réalisation individuelle et collective d’un produit final. De ce fait, l’IDD vise également une transformation identitaire de l’élève, au travers de la réalisation d’un produit, moyen détourné d’apprentissage. Les enseignants qui ont participé au recueil de données sont professeurs au collège Paul Eluard à Gennes sur Loire. Jean-François Masson enseigne les arts plastiques. Christiane Armendinger est professeur de français. Ils reconnaissent les grandes phases d’un projet industriel dans la mise en œuvre des IDD. Ainsi, alors qu’il entend le déroulé de ces phases, les grands objectifs et les outils en support, J.F. Masson note les parallèles qu’il voit avec les IDD qu’il anime: « à chaque fois, je faisais un parallèle». (cf. annexes) Pour autant, ces enseignants pointent les différences quant au rôle du produit final, qualifié de moyen – « on sait que l’IDD (…), c’est apprendre de manière détournée ». (J.F. Masson, cf. annexes) – et non d’objectif à tout prix. Il s’agit d’un côté de s’appuyer sur les compétences d’une équipe pour développer un produit. A contrario, dans le cadre des IDD, il s’agit de s’appuyer sur la réalisation d’un produit pour faire acquérir de nouvelles compétences à un groupe d’apprenants. Cette différence fondamentale, qui fait du produit un prétexte pour l’enseignant, implique des divergences essentielles dans les phases d’expression de besoins et de bilan, où certaines difficultés se posent en contexte éducatif quant à la prise en compte des objectifs. Ceci implique aussi que dans ces deux contextes, le coordinateur du projet, enseignant ou chef de projet, aura un rapport différent à la démarche projet.
De la difficulté à déterminer les objectifs
Dans un contexte industriel, l’analyse des besoins s’appuie sur des études de marché, des remarques d’utilisateurs, des évolutions technologiques etc… Les objectifs sont déclinés en termes de spécifications du produit final, de coût, de délai et doivent pouvoir être mesurables pour piloter le projet. En effet, un objectif non quantifiable permettrait difficilement de valider dans quelle mesure le projet aura répondu au besoin initial. Le recueil de données effectué auprès d’acteurs projet en entreprise montre qu’unanimement, ils mentionnent le caractère « mesurable », « quantifiable », « factuel » des objectifs. Ainsi Virginie Papin, responsable méthodes précise qu’une quantification des objectifs est nécessaire pour ne pas « laisser d’ambiguïté dans la suite du projet et assurer la satisfaction du demandeur client » (cf. annexes)
En posant l’IDD comme un « dispositif (…) favorisant l’appropriation des programmes pour contribuer à la réussite des élèves » (Bulletin Officiel n° 16 du 10 avril 2002), les textes officiels mettent l’accent sur le développement de connaissances disciplinaires et de compétences transversales. Ils énumèrent comme objectifs l’appropriation de savoirs et de savoir-faire, l’apprentissage de l’autonomie et le développement d’aptitudes au travail collectif. Ces objectifs peuvent être déclinés en compétences transversales regroupées en quatre ordres : « intellectuel (…), méthodologique (…), personnel et social (…), et de l’ordre de la communication » (Reverdy, 2013, p. 8). En contexte éducatif, la complexité de la phase d’expression de besoins repose sur la difficulté à anticiper ces besoins, particulièrement dans le cadre des IDD qui regroupent des élèves issus de classes diverses et qui ne sont pas nécessairement connus des enseignants. Pour J.F. Masson, « on sait que le but à atteindre va être beaucoup moins quantifiable parce qu’on travaille sur de l’humain et avec des élèves qui ont des niveaux très différents » (cf. annexes). L’enseignant doit faire le lien entre les savoirs qu’il veut faire acquérir à ses élèves et la réalisation du produit. Il doit en amont penser le produit dans les grandes lignes pour pouvoir le décliner en compétences, certaines devant être des prérequis, d’autres devenant des objectifs pour un groupe d’apprenants non constitué et dont l’hétérogénéité viendra modifier cette analyse. Pour pallier à cette problématique d’anticipation des besoins, C. Armendinger assouplit les frontières entre les différentes phases du projet pour améliorer le diagnostic de ces besoins. Alors que l’IDD est déjà engagé, que la faisabilité est amorcée, elle s’appuie sur un questionnaire dans lequel l’élève répertorie les compétences qu’il estime acquises et qui peuvent servir dans le cadre de l’IDD, explique ses attentes, ses envies pour répartir ensuite les différentes tâches. Cette démarche présente également l’avantage d’associer les élèves à la définition des besoins, de rendre clair le rôle de chacun et de mettre en évidence leur contribution au projet. Pour C. Armendinger, cette démarche « est une forme de contrat » qui les responsabilise (cf. annexes). En apprenant ainsi à l’élève à formuler ses besoins, elle lui permet également de changer sa relation à la situation d’apprentissage qu’il décide de s’approprier. Cette approche permet d’avoir une définition des besoins en deux temps : une première analyse par l’enseignant qui cible les compétences à développer, puis un réajustement du besoin en fonction de ce que le groupe exprime. Dans ce cadre, la phase d’expression de besoins n’est pas nécessairement figée avant d’amorcer les étapes suivantes du projet. Elle peut faire l’objet d’ajustements ultérieurs qui seraient difficilement possibles en contexte industriel sans une certaine frustration tout au moins des équipes, et des coûts supplémentaires pour le projet.
Ainsi, la différence la plus conséquente entre les deux contextes tient à la nécessité de mesurer les objectifs d’un côté et à la difficulté de les quantifier précisément de l’autre. En contexte industriel, il apparait qu’une des clés de la réussite du projet est de pouvoir déterminer précisément la cible afin de mesurer son atteinte ou d’évaluer les écarts. De par la nature même de certains de ces objectifs, notamment le développement de compétences d’ordre social et personnel, cette approche « chiffrée » n’est guère envisageable en contexte éducatif. Pour Bordallo et Ginestet, « l’éducation répond à un besoin, une aspiration incomplètement appréhendables et pas toujours nettement formulés » (1993, p. 28). Cette différence quant à la définition d’objectifs quantifiables implique des divergences d’approche dans l’évaluation, le bilan du projet et l’appréciation d’un projet réussi.
2. … à la difficulté d’évaluer ces objectifs
Pour sécuriser l’atteinte des objectifs, la démarche projet en contexte industriel se doit de mettre en place des phases régulières d’évaluation de l’avancement du projet par rapport à ces objectifs. Dans la phase de réalisation, « la fonction de régulation est très importante. C’est elle qui permet de prendre en compte et de traiter les événements aléatoires nécessitant des modifications du scénario retenu pour atteindre les objectifs du projet » (Maders & Clet, 2005, p. 120). Ainsi, pour C. Peraudeau, responsable marketing, il faut « un pilotage permanent afin d’assurer une maitrise de l’avancée des projets » (cf. annexes). Une comparaison régulière du réalisé par rapport à l’attendu permet de mesurer les écarts et de mettre en œuvre les actions nécessaires pour, à minima les réduire, sinon y remédier. Ces évaluations de l’avancement se matérialisent sous plusieurs formes. Si les objectifs de coûts et de délai sont relativement faciles à mesurer à l’aide d’indicateurs, les objectifs de qualité du produit, c’est-à-dire les spécifications à atteindre, ne sont pas tous mesurables de manière systématique. Le produit se construit progressivement. Il est alors « utile de mettre en place des rendez-vous de concertation entre les différents partenaires afin de faciliter le contrôle du déroulement des tâches. » (Maders & Clet, 2005, p. 63). La fréquence de ces concertations dépend de l’envergure du projet. Elles peuvent être de deux types : état des lieux régulier de l’avancement du projet (revues de projet) et réunion de validation d’une sous-partie, ou lots de tâches (revues de phases). Les revues de projet doivent permettre à chacun des acteurs d’expliquer où il se situe dans le déroulé projet, les difficultés rencontrées, les risques perçus et les décisions à prendre. A partir de cette mise en commun, le chef de projet peut évaluer les conséquences sur le projet et dresser un bilan de l’avancée. L’organisation de la démarche projet est donc un facteur clé dans la réussite du projet dans la mesure où, en permettant une évaluation permanente, elle offre la possibilité de contrôler les dérives. V. Papin précise que si « on ne s’assure pas en tant que pilote du projet que les actions nécessaires pour revenir à l’objectif sont mises en place, on va (…) vers l’échec du projet » (cf. annexes) Le projet fait également l’objet d’un bilan qui intervient lorsque le produit final est disponible pour le demandeur et qu’il a suffisamment de recul pour pouvoir juger de la satisfaction de ses besoins. Ce bilan est souvent axé prioritairement sur le produit mais c’est également l’occasion de faire un point sur la démarche projet en tant que telle : par rapport à la démarche cible, quels ont été les dysfonctionnements auxquels il faudra pallier lors de prochains projets, quels sont les points sur lesquels au contraire, l’organisation pourra s’appuyer ? « Le bilan sert à analyser le résultat du projet ainsi que le processus par lequel ce résultat a été obtenu » (Maes & Debois, 2013, p. 14). A ce titre, le bilan dépasse le cadre du projet. Stéphane Caillé, ancien consultant projet, ajoute que « le bilan d’un projet, réussi ou non, est aussi une valeur pour l’entreprise » (cf. annexes). Outre les aspects liés au produit et à la démarche projet (confrontation d’objectifs produit ou du processus par rapport au réalisé), le bilan peut également couvrir des notions plus individuelles, liées à l’investissement, au ressenti de chacun des acteurs. Cette partie du bilan s’avère délicate, notamment parce qu’il s’agit d’une appréciation qui peut avoir des implications individuelles aussi bien que collectives. Le caractère délicat de cette introspection ressort du questionnaire remis par V. Papin qui emploie les mots « opprimé », « remontrances », « respect », « rancune », « animosité » (cf. annexes), d’où la nécessité de bien préparer ce bilan mais également d’en peser les apports. Si pour Maders et Clet, il s’agit d’un « processus indispensable pour que l’entreprise soit en mesure de tirer parti de ce qu’elle a de plus précieux : les expériences individuelles et collectives » (2006, p. 160), les acteurs projet insistent sur la nécessité de faire un bilan utile, dont les conclusions seront prises en compte.
En contexte éducatif, nous l’avons mentionné précédemment1, il existe plusieurs formes d’évaluations. Elles peuvent être intermédiaires ou à postériori, être sommatives ou formatives et dans ce cas, sont caractérisées par les enseignants comme des moments de bilan ou de concertation. L’évaluation peut être difficile à réaliser au même titre que l’expression de besoins. C’est d’ailleurs la conséquence directe de la difficulté à définir et surtout à quantifier les objectifs de développement de compétences. Les textes officiels précisent que dans le cadre des IDD, l’évaluation « portera non seulement sur le produit final […] mais aussi et surtout sur la démarche de l’élève, sa capacité d’initiative et de création, son investissement personnel, son implication dans un travail collectif » (Bulletin Officiel n° 16 du 10 avril 2002). Reverdy, en citant le Buck Institute, indique que « l’évaluation de la réalisation elle-même du projet peut se faire sous forme d’évaluation sommative » (2013, p. 14). Il s’agit alors de ce que Proulx appelle l’évaluation pratique qui renvoie à l’exécution des tâches et porte non seulement sur le produit final mais aussi sur le développement de compétences transversales. Selon lui, « il est impératif que l’évaluation sommative occupe une place significative dans l’évaluation pratique » (2004, p.133). Il justifie notamment cette position par le rôle moteur que l’évaluation sommative joue aux yeux des élèves dans l’effort qu’ils vont consentir à fournir. Les enseignants qui ont participé au recueil de données de ce mémoire tempèrent cette exigence d’évaluation sommative du produit. A leur sens, c’est la nature même de l’IDD de ne pas évaluer au même titre que pour les cours «classiques » et ce serait d’ailleurs ce que les élèves attendent de l’IDD : « les élèves travaillent dans un cadre où ils ne se sentent pas évalués de façon classique comme dans tous les cours normaux » (C. Armendinger, cf. annexes). Ils ne procèdent donc pas à une évaluation chiffrée dans le cadre des IDD qu’ils animent : « on a toujours pris le parti de ne jamais travailler en évaluation sommative pour ces productionslà » (J.F. Masson, cf. annexes). C. Armendinger explique pour sa part qu’elle « ne veut pas d’évaluation chiffrée », qu’il s’agit d’une « évaluation en compétences » et qu’il est « plus utile d’évaluer (…) tout ce qui s’est joué pendant» l’IDD (cf. annexes). L’appréciation dans le bulletin sert d’évaluation des compétences. De plus, selon J.F Masson, la notation reste vécue par une partie des élèves comme une sanction, alors que le but de l’IDD est bien de travailler autrement.
Guide du mémoire de fin d’études avec la catégorie De la difficulté à déterminer les objectifs |
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Table des matières
Introduction
Quelle démarche projet dans les contextes industriel et éducatif ?
Qu’est‐ce que la démarche projet ?
L’expression de besoins
L’étude de faisabilité
La phase de réalisation
Le bilan du projet
Une démarche similaire, des objectifs différents ?
Des objectifs divergents qui posent des limites au transfert de la démarche
De la difficulté à déterminer les objectifs
A la difficulté d’évaluer ces objectifs
Qu’est‐ce qu’un projet réussi ?
Chef de projet et enseignant : les différentes facettes du rôle
Les dérives possibles
Des outils pour favoriser les apprentissages ?
La note de cadrage : favoriser l’adhésion
Cahier des charges et planning : placer l’élève en situation de réussite
Le carnet de bord : mise en lumière des contributions individuelles
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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