Quel futur pour les forêts de production en Amazonie?

Le plus grand bassin tropical au monde

       L’Amazonie est le plus grand massif tropical au monde, couvrant à lui seul 6 millions de km2 , soit plus de 50% des forêts tropicales humides au monde. Situé en Amérique du Sud dont elle représente 30% de la surface totale (Figure 1.1), l’Amazonie est aussi une entité géopolitique complexe, à cheval entre 9 pays : le Brésil (59% de la surface totale), le Pérou (12%), la Bolivie (9%), la Colombie (7%), le Venezuela (5%), le Guyana (3%), l’Équateur (2%), le Suriname (2%) et la Guyane française (1%). Le biome amazonien est caractérisé par un couvert végétal dense de type forêt tropicale humide. La pluviométrie y est de 1500 à 5000 mm par an selon les régions, et la durée de la saison sèche (moins de 100 mm par mois) ne dépasse pas 5 mois par an. Les sols sont majoritairement pauvres en nutriments car lessivés par les forts niveaux de précipitation. La végétation qui s’y développe est une forêt dense dont la canopée se trouve à 30 m de hauteur. Les forêts tropicales humides sont parmi les écosystèmes les plus riches en carbone . Le carbone des forêts tropicales est principalement contenu dans la biomasse aérienne des arbres et oscille entre 100-300 tonnes par hectare. Par son étendue et par ses niveaux élevés de biomasse, l’Amazonie est donc l’un des principaux réservoirs de carbone terrestre. Le carbone total stocké dans les forêts amazoniennes est estimé à 86 milliards de tonnes (± 20%)7 , soit environ 20% de tout le carbone contenu dans la biosphère . De plus, les suivis de forêts naturelles en Amazonie montrent une nette accumulation de carbone, bien que la représentativité de ces données soit contestée10 et que l’on observe un ralentissement de ce stockage de carbone11. Il n’est reste pas moins que dans un contexte de changements climatiques où les émissions et le stockage de carbone sont au centre des discussions politiques, l’Amazonie revêt un rôle particulièrement important dans l’atténuation de ces changements. Les forêts amazoniennes ont aussi une place importante dans d’autres cycles biogéochimiques régionaux, et notamment le cycle de l’eau. En effet, la végétation des forêts amazoniennes évapore en moyenne 1370 mm par an13, ce qui lui confère un rôle de relai des précipitations à l’échelle du continent sud-américain à travers des cycles successifs de précipitation-transpiration14. Ainsi, les forêts amazoniennes jouent un rôle tampon dans les sécheresses qui affectent le sud-ouest de l’Amazonie et les régions adjacentes du continent sud-américain. Ce rôle pourrait être encore accentué dans le futur, avec une prévision d’augmentation de la saisonnalité des précipitations particulièrement marquée dans les parties les plus occidentales de l’Amazonie.

Un réseau dense d’aires protégées

      Le principal outil de conservation des forêts en Amazonie est le status légal de protection. Les aires protégées couvrent aujourd’hui plus de la moitié de la surface totale de l’Amazonie79. Ce status d’aire protégée regroupe en fait une grande diversité de cadres légaux et de niveaux de protection. Trois grands types de protection peuvent être différenciés :
• les aires de protection intégrale, dont l’accès est plus ou moins restreint et où aucun produit (ligneux ou non-ligneux) ne peut être exploité,
• les aires de gestion durable des ressources naturelles,
• les terres indigènes dont l’usage est réservé aux populations indigènes traditionnelles.
Par les restrictions d’usages qui y sont associées, les aires protégées comme les terres indigènes ont effectivement permis un ralentissement de la déforestation. Les aires protégées ont cependant certaines limites. D’abord, la taille du territoire amazonien rend difficile leur surveillance et leur contrôle pour les autorités chargées de leur gestion. Les aires protégées ne sont donc pas des barrières absolues contre la déforestation et la dégradation des forêts : de l’exploitation et de la déforestation illégales peuvent être détectées dans des aires protégées. Les aires protégées peuvent aussi générer des fuites, dans ce cas la déforestation ne serait pas évitée, mais déplacée vers des zones adjacentes. De plus, les aires protégées sont souvent confinées aux zones les moins accessibles. Lors de l’apparition d’un conflit d’utilisation (projets miniers, de barrage, etc.), le statut de protection s’est souvent révélé vulnérable face aux pressions économiques. Un exemple marquant est le cas en Equateur du parc du Yasuni, l’une des zones où la biodiversité est la plus riche au monde. D’importantes réserves de pétrole ont été découvertes dans la zone de cœur du parc. Après des négociations pour obtenir une compensation pour le coût d’opportunité de la protection du parc, le gouvernement équatorien a finalement décidé d’exploiter les réserves de pétrole.

Les outils statistiques

      Les modèles ont été inférés dans un cadre bayésien hiérarchique. Dans ce cadre d’inférence, basé sur le théorème de Bayes les paramètres ne sont pas considérés des valeurs fixes dont on cherche à estimer la « vraie » valeur, mais comme des variables aléatoires. On estime le postérior, c’est-à-dire la distribution des valeurs prises par le paramètre, en mettant à jour une information a priori, ou prior, avec des données observées. Les liens des paramètres entre eux sont explicitement pris en compte. Ce cadre d’inférence présente plusieurs avantages pour des études en écologie, et plus particulièrement pour l’inférence des modèles développés dans cette étude. D’abord la définition du prior permet la prise en compte d’informations qui ne sont pas strictement contenues dans les données. Cela permet, par exemple, d’intégrer des contraintes physiques sur des paramètres en restreignant l’intervalle des valeurs prises par le prior ; ou encore d’expliciter une connaissance issue de l’expertise et indépendante des données. De plus, les paramètres des modèles sont souvent des entités complexes qui dépendent d’autres phénomènes, ce qui peut être explicité dans la structure hiérarchique. L’estimation dans un cadre bayésien permet de prendre en compte simplement la structure de covariance entre les paramètres du modèle, sans avoir à faire des hypothèses sur les lois sous-jacentes. Enfin, la propagation des incertitudes se fait facilement entre les différents niveaux d’un modèle : il suffit d’échantillonner les postériors et de calculer les résultats obtenus. En répétant l’opération un nombre suffisant de fois (suffisant pour stabiliser la variance des résultats) on obtient l’incertitude sur les résultats finaux du modèle. Les modèles ont été développés dans l’environnement de programmation R27 avec inférés avec un algorithme de Monte Carlo hamiltonien grâce au logiciel Stan28. Les algorithmes de chaînes de Markov par Monte Carlo génèrent des chaînes de valeurs de paramètres grâce à des processus sans mémoire (chaîne de Markov) et des règles de transition d’un pas de la chaîne à l’autre. Lorsque la chaîne se stabilise (on dit qu’elle converge), les valeurs ainsi échantillonnées doivent être représentatives du postérior des paramètres. Ces algorithmes se sont développés grâce à l’avènement d’ordinateurs puissants avec de grandes capacités de calcul, et permettent une grande flexibilité dans l’écriture des modèles, car ils ne nécessitent pas de résolution analytique. L’algorithme de Monte Carlo hamiltonien (ou Monte Carlo hybride) est un type particulier de chaîne de Markov par Monte Carlo permettant de limiter l’autocorrélation dans les chaînes de postériors et ainsi d’accélérer la convergence29, même pour des modèles avec de nombreux paramètres, ce qui est le cas dans cette étude. Ce qui permet de limiter l’autocorrélation dans la chaîne de paramètres est la capacité d’échantillonner la quasi-intégralité de l’espace des paramètres, et non simplement la fraction de l’espace des paramètres à proximité des dernières valeurs de la chaîne. Le fonctionnement de l’algorithme de proposition d’un nouveau vecteur de paramètres peut être décrit par analogie avec un système mécanique, par exemple une bille sur une surface dont la hauteur serait la vraisemblance du postérior. La bille ne subit pas de frottement : la somme de l’énergie potentielle, liée à la hauteur de la bille, et de son énergie cinétique, liée à sa vitesse, est conservée dans le temps. La position initiale du système est le dernier vecteur de paramètres de la chaîne de Markov. L’algorithme de HMC simule alors une trajectoire du système à partir d’une impulsion initiale aléatoire, et s’arrête pour une longueur de la trajectoire prédéterminée. La position du système à la fin de la trajectoire donne la nouvelle proposition d’un vecteur de paramètres.

Une récupération du bois d’œuvre trop lente

       Les valeurs de récupération des stocks de bois d’œuvre (toutes espèces commerciales confondues) estimées dans cette thèse sont relativement faibles : entre 0.1 et 0.4 m3 par ha et par an. Certaines régions semblent avoir un plus grand potentiel de récupération, notamment au nord et à l’ouest de l’Amazonie, mais même dans ces régions l’exploitation ne peut être durable (en termes de récupération de la ressource en bois) qu’avec des cycles d’exploitation longs (> 60 ans) et des prélèvements faibles (de l’ordre de 10 m3ha−1). Les cycles de rotation tels que définis aujourd’hui en Amazonie sont souvent trop courts pour permettre de récupérer la ressource (par exemple, 20 ans en Bolivie et au Pérou, 35 ans au Brésil6 ). Ces résultats ne sont pas propres à cette thèse : les études concordantes abondent, et même lorsque des techniques de réduction des dégâts sont appliquées, il est rare de retrouver le stock initial de bois à la fin du cycle. Les recommandation pour assurer la durabilité de la ressource sont souvent de minimiser les impacts tout en augmentant la durée des cycles de rotations. Dans les résultats apportés par cette thèse, il semblerait effectivement qu’en allongeant les cycles de rotation (> 60 ans), en prélevant une grande diversité d’essences, et en limitant l’intensité d’exploitation, l’exploitation puisse être durable, au moins du point de vue de la production de bois. Cependant, deux facteurs au moins restent à prendre en compte : (i) à l’échelle de la concession, exploiter à de faibles intensités et attendre aussi longtemps entre 2 cycles peut ne pas être économiquement viable, car le coût d’ouverture des pistes d’exploitation est élevé par rapport aux bénéfices engendrés, et (ii) à l’échelle régionale, la production doit approvisionner le marché local de bois d’œuvre : la surface des forêts disponibles pour la production en Amazonie n’est aujourd’hui pas suffisante pour atteindre la demande actuelle en exploitation à de faibles intensités avec de longs cycles d’exploitation.

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Table des matières

Avant-propos
Résumé
Abstract
Lexique
1 Introduction générale 
1.1 L’Homme et l’Amazonie
1.2 La notion de résilience
1.3 Quel futur pour les forêts de production en Amazonie ?
2 Données et outils méthodologiques 
2.1 L’environnement physique et biologique
2.2 Les inventaires forestiers
2.3 Quantités modélisées – approche écosystémique
2.4 Changement d’échelle (bottom up)
2.5 Les outils statistiques
2.6 Outils d’optimisation spatiale
3 Comment quantifier le bilan carbone des forêts exploitées ? 
4 Dynamiques de carbone post-exploitation en Amazonie 
5 Structuration locale des dynamiques post-exploitation
6 Une nouvelle approche pour quantifier la récupération du volume de bois 
6.1 Introduction
6.2 Methods
6.3 Results and discussion
6.4 Conclusion
6.5 Acknowledgements
6.6 Availability of data and materials
6.7 Competing interests
6.8 Funding
6.9 Author’s contributions
6.10 Appendix
7 La production de bois des forêts amazoniennes peut-elle être durable ?
7.1 What affects timber recovery ?
7.2 Would timber wood diversification make selective logging sustainable ?
7.3 Slow recovery and rising pressure on natural forests
7.4 Future timber production in integrated forest landscapes
7.5 Materials and methods
7.6 Data and code availability
7.7 Supplementary materials
8 Compromis entre services écosystémiques dans les forêts de production 
8.1 Introduction
8.2 Materials and methods
8.3 Results
8.4 Discussion
8.5 Conclusion
8.6 Supplementary material
9 Discussion générale 
9.1 Futurs défis pour la production de bois en Amazonie
9.2 Opportunités pour une transition forestière en Amazonie
9.3 Qu’entend-on par exploitation durable ?
9.4 Que peut apporter la recherche à la gestion des écosystèmes ?

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