La libéralisation du transport est le moteur des politiques européennes, d’où la mise en place d’une concurrence progressive dans les différents modes de transports. Le ferroviaire n’échappe pas à la règle mais celle-ci intervient tardivement et est plus longue, due au caractère intégré des systèmes ferroviaires (DOMERGUE Philippe, 2011).
La France a entamé dès 1997 cette ouverture à la concurrence en multipliant les réformes afin de transposer ces directives européennes dans le droit français. Mais ces mesures ont des conséquences sur la gouvernance du système ferroviaire. D’autant plus, qu’en parallèle, la France a mené d’autres réformes comme la régionalisation du transport ferroviaire ou la création des TET participant ainsi à la complexification de cette gouvernance.
Un système en pleine mutation : un contexte d’ouverture à la concurrence
L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire sur le sol français a d’abord concerné le fret en 2006. Le transport de voyageurs n’a été concerné que plus tard. En effet, au 1er janvier 2010, le transport international de voyageurs a été ouvert à la concurrence et la loi relative à l’Organisation et à la Régulation du Transport Ferroviaire (ORTF) promulguée le 3 novembre 2009, fixe les conditions de cette ouverture à la concurrence pour le transport de voyageurs. Elle permet à de nouveaux opérateurs, de transporter des voyageurs sur le sol français vers une destination étrangère avec possibilité de cabotage, c’est-à-dire de desservir quelques gares sur le territoire national (KREIS Patrice, 2010). Cela ne concerne qu’un nombre de gares restreint car le transport ferroviaire intérieur n’est lui pas encore ouvert à la concurrence.
Cette ouverture à la concurrence pose de nombreuses questions, notamment la question du statut social des cheminots. Ce statut spécifique des cheminots de la SNCF n’est pas en adéquation avec les conditions d’emplois chez les autres opérateurs. L’idée est alors, dans le cadre d’une convention de branche, de tendre vers un statut intermédiaire qui permettrait à terme de remplacer l’actuel statut problématique des cheminots. De même, l’investissement dans du matériel roulant neuf est à la charge de l’autorité organisatrice, mais il reste pour l’instant la propriété de la SNCF. Ce matériel roulant devra être mis à la disposition du nouvel opérateur si à terme une AOT décidait de se tourner vers un autre opérateur que la SNCF (RIBEIL Georges, 2010).
Cette ouverture à la concurrence du transport de voyageurs demande donc de nouvelles règles du jeu, règles du jeu qui devront être respectés par l’ensemble des acteurs du monde ferroviaire et nécessite la mise en place d’instances de régulation
Une complication du système …
Cette ouverture à la concurrence est à l’origine de la complication du système car cette mutation entraîne une multiplication des acteurs et une séparation des compétences entre chacun des acteurs qui n’est pas clairement définie. « Les multiples réformes menées depuis 1997 afin de rendre possible la libéralisation, ont engendré une désintégration du système, une multiplication des acteurs et une dilution des responsabilités qui rendent l’ensemble incompréhensible » (ARF, 2012).
due à la libéralisation du monde ferroviaire qui entraîne la multiplication du nombre d’acteurs
Une organisation de la SNCF en branches distinctes qui tendent à s’autonomiser Le groupe SNCF est organisé en différentes branches qui regroupent l’ensemble des activités effectuées par la SNCF. Deux branches sont en charge de l’activité transport de voyageurs de la SNCF (la branche Proximités et la branche Voyages), une branche est en charge de l’activité logistique et transport de marchandises (la branche Géodis). Les autres branches ont attrait à la gestion et la maintenance de l’infrastructure (la branche SNCF Infra) ainsi que le développement des gares (la branche Gares&Connexions).
Cette organisation a pour but de séparer les différents domaines d’activités de la SNCF (Transport et Infrastructure notamment). Elle permet aussi de préparer l’ouverture du système à la concurrence. En effet, les composantes de la SNCF vont à l’avenir « s’autonomiser de plus en plus, car elles seront, chacune dans son activité, confrontées à la concurrence » (CROZET Yves, 2011). C’est le cas de la DCF, direction de la branche SNCF Infra en charge de l’exploitation du Réseau et de la gestion des circulations, qui a une obligation d’indépendance et d’équité envers l’ensemble des opérateurs ferroviaires (SNCF : rapprochement RFF/SNCF envisagé, Le figaro.fr, 2011). Il en est de même pour la branche Gares&Connexions, qui selon l’ARAF, doit devenir autonome pour garantir l’accès aux gares aux nouveaux entrants (ARAF veut ouvrir les gares, Le Rail, 2011).
Le groupe SNCF est donc organisé sous forme de branches, dont certaines directions tendent à devenir indépendantes et participe donc à cette multiplication du nombre d’acteurs.
Une séparation SNCF-RFF inachevée
Suite à la directive européenne de 1991, l’Etat décide de confier la propriété des infrastructures à un établissement public indépendant de la SNCF, l’opérateur étant soumis à un univers concurrentiel et ne pouvant donc être propriétaire des infrastructures. En 1997, est créé alors Réseau Ferré de France (RFF) issu d’une scission de la SNCF. Cet établissement est le propriétaire et le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire sur le territoire français, tandis que la SNCF n’exploite plus que le réseau en théorie. A ce titre, RFF se doit donc d’assurer la maintenance, la modernisation et le développement du réseau.
Or dans les faits la situation est autre. L’expérience et la qualification du personnel de la SNCF, ainsi que le décret du 5 mars 1997 portant application de la LOTI, impose à RFF de déléguer l’ensemble des missions opérationnelles de maintenance et d’étude techniques concernant l’infrastructure à la branche SNCF Infra du groupe SNCF (SETRA, 2009). RFF, le Gestionnaire de l’Infrastructure (GI) est donc le maître d’ouvrage et financeur du réseau tandis que le Gestionnaire d’Infrastructure Délégué (GID), soit SNCF Infra est maître d’œuvre de cette maintenance. En outre, la Direction des Circulations Ferroviaires (DCF) qui gère le trafic ferroviaire et l’allocation des sillons de manière effective est une direction du groupe SNCF Infra alors que cette compétence à l’origine est détenue par RFF.
La séparation de ces deux entités n’a pas entraîné un partage clair des compétences et la réforme de 1997 semble pour beaucoup encore inaboutie. Cette situation est même problématique pour l’ensemble des acteurs. La logique entre ces deux entreprises n’est pas forcément concomitante, chacune ayant ces propres intérêts. RFF, dans le but de recouvrir la dette qu’elle a hérité de la SNCF et de financer la maintenance du réseau, augmente le coût des péages ferroviaires dus par les entreprises ferroviaires. Dans le même temps, la SNCF semble vouloir hausser les coûts de maintenance et réduire les dessertes les moins rentables due notamment aux prix du péage (DUMONT François, 2011). Cela ne joue pas forcément dans une logique d’amélioration de la qualité du réseau. Selon certains syndicalistes, cette logique concurrentielle entre les deux entités serait responsable de 90% des critiques faites sur la qualité du transport ferroviaire (CARELL Gilbert, 2011). L’Etat est également pointé du doigt, actionnaire des deux EPIC et membre des deux comités d’administration, il fait parfois prendre aux deux entreprises publiques des décisions contradictoires (SAVARY Gilles, 2012).
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Table des matières
Introduction générale
Partie 1 : Quel constat aujourd’hui pour le système ferroviaire français ?
1. Un système en pleine mutation : un contexte d’ouverture à la concurrence
2. Une complication du système
3.Les assises du ferroviaire comme moyen de repenser le système ferroviaire français
4. L’offre interrégionale, source de critiques
5. Synthèse : la définition de la problématique à la méthode de recherche
Partie 2 : TET-conception de l’offre, jeu d’acteurs et objectifs
1. Les TET, une prise en main de l’Etat de l’offre interrégionale
2. La mise en place d’un nouveau jeu d’acteurs
3.La Convention Etat-SNCF : des mesures mises en œuvre par l’Etat pour répondre à ces objectifs
Partie 3 : Analyse des cas d’étude-Une volonté de l’Etat de relancer l’offre TET?
1. La ligne Paris-Orléans-Tours
2. La ligne Paris-Granville
Partie 4 : Vers une vision à long terme des TET ?
1. Bilan des cas d’étude
2. L’avis des acteurs sur l’ouverture à la concurrence des TET
3.Des échéances politiques primordiales mais qui ne semblent jouer guère en faveur des TET
Conclusion
Bibliographie
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