Bibliothèques danoises
Les bibliothèques danoises, face à un changement des pratiques de leurs utilisateurs dont près de 50% ne viennent plus pour emprunter des livres, ont opéré un changement dans leur conception. Si elles étaient auparavant essentiellement constituées de rayonnages, ce sont aujourd’hui des lieux consacrés à la culture, l’apprentissage et l’approfondissement des connaissances (Lauridsen et Niegaard 2014). La bibliothèque de Hjoering, inaugurée en 2004, fait figure de pionnière en la matière. Elle est conçue dans une approche « 3e lieu » et très novatrice. Située au 1er étage d’un centre commercial, elle se caractérise par un aménagement centré sur l’usager et par une volonté de stimuler ce dernier. Elle présente un aspect très visuel, avec des couleurs vives qui permettent de créer un certain nombre d’ambiances et des espaces différenciés en fonction de leurs usages. Ensuite, les fonds sont présentés de manière plus attractive, s’inspirant du modèle de la librairie avec les livres présentés de face.
En 2009, un Comité national a été chargé d’étudier les voies à suivre pour les bibliothèques danoises et celui-ci préconise cinq axes d’évolution. Tout d’abord, les espaces intérieurs doivent se transformer pour être dorénavant centrés sur l’usager. Les changements technologiques nécessitent la création de nouveaux services pour répondre aux besoins des utilisateurs, ce qui a un impact sur les locaux qu’il faut alors aménager différemment. Ensuite, pour la mise sur pied de nouveaux services, elles doivent prendre en compte les possibilités de création de partenariats, notamment avec d’autres services de la ville. La notion de «bibliothèque ouverte » est également mentionnée. Elle recoupe différents éléments, comme l’élargissement des horaires d’ouverture, une meilleure accessibilité, des espaces accueillants au service de tous, etc. La bibliothèque doit être présente autant sur le plan immatériel, en favorisant une utilisation optimale des ressources numériques, que sur le plan physique, en mettant à disposition des espaces d’échange et propices au développement de la créativité.
L’Heure Joyeuse
L’Heure Joyeuse, créée en 1924, constitue la première bibliothèque française consacrée uniquement aux enfants et est très novatrice pour l’époque : gestion assurée par des professionnels, documents en libre-accès, espace mixte et bien sûr, elle est uniquement destinée aux enfants. Diverses animations sont déjà organisées et en partie par les enfants : expositions, fêtes et journal de la bibliothèque. Très en avance sur son temps, elle va déjà à la rencontre des non-lecteurs dans les parcs et jardins, essayant de les attirer par des lectures. Cependant, l’Heure Joyeuse constitue encore une exception dans le paysage français. De nombreuses personnes, des enseignants aux professionnels de l’édition, se rendent donc en visite pour découvrir ces nouvelles pratiques et s’en inspirer. La production littéraire s’en trouve elle aussi stimulée, les auteurs et éditeurs commençant à s’intéresser au public jeune. A cette époque se pose toujours la question de la relation entre bibliothèques scolaires et bibliothèques pour enfants. Voyant les bienfaits des bibliothèques pour jeunes (aspects sociaux et éducatifs), certains en voudraient dans toutes les écoles, alors que d’autres militent en faveur d’une séparation claire entre l’aspect pédagogique et personnel. Cependant, ces bibliothèques voient le jour du fait d’initiatives isolées et non organisées au niveau de l’Etat, elles ne sont donc au final pas très nombreuses, une trentaine environ. En 1939, il y a deux bibliothèques enfantines à Paris et quatre sections jeunes dans les bibliothèques municipales. Ce n’est finalement qu’après la Seconde guerre mondiale que les moyens seront suffisants pour généraliser les bibliothèques de jeunes, qui apparaitront essentiellement dans les murs des bibliothèques municipales.
La Joie par les livres
Au début des années soixante, l’Association la Joie par les livres est créée grâce à la volonté d’une donatrice privée : Anne Gruner-Schlumberger. Elle avait pour but d’installer une bibliothèque pour enfants qui soit conçue expressément pour eux, suivant le modèle américain. L’ambition était de rassembler divers supports et moyens d’expression pour les enfants, afin de pouvoir multiplier les approches de la lecture mais aussi afin d’en faire un lieu de vie. Cette nouvelle bibliothèque, située à Clamart (région parisienne), comprend différents espaces, dont un espace d’activités, une salle dédiée à l’Heure du conte et une galerie d’exposition. Une attention particulière a été mise sur l’ambiance et l’esthétique de l’ensemble, afin d’en faire un lieu chaleureux et accueillant. Cette bibliothèque est l’occasion d’innover et mettre en place de nouveaux éléments. L’accueil et l’animation sont dès le début mis à l’honneur, avec un travail sur l’image, afin d’en faire un lieu agréable pour les lecteurs. La collaboration avec les écoles n’est pas non plus oubliée, et outre la sensibilisation à la lecture, l’Association favorise la mise en place de centres de documentation dans les écoles. Cependant, la Joie par les livres n’est pas qu’une bibliothèque : l’Association constitue, au fil de sa pratique, un centre de documentation sur la littérature enfantine, elle publie également un Bulletin d’analyse des livres pour enfants, afin de faire profiter d’autres bibliothèques du travail du comité de lecture et, face à la demande, elle organise des cours de littérature jeunesse.
Ces différents éléments devaient permettre d’atteindre un des objectifs majeurs de l’Association : favoriser le développement des bibliothèques enfantines et prouver la nécessité d’avoir une section jeunesse digne de ce nom. Durant les années 1960 et 1970, la bibliothèque de Clamart a été source d’inspiration pour les nouvelles bibliothèques jeunesse et la création de sections jeunesse. Il faut souligner que le contexte des années 1960 est très favorable, avec l’explosion de la littérature jeunesse. Les éditeurs s’intéressent, enfin, au public jeune et un véritable marché de l’édition jeunesse se développe. Il faut cependant attendre 1972 pour que l’Etat français reconnaisse les enfants comme public des bibliothèques, avec le rattachement de l’Association à l’Ecole de bibliothécaires (ancienne ENSSIB).
Résumé : rapports entre les deux types de bibliothèques On constate donc que les bibliothèques jeunesse sont issues à l’origine des bibliothèques scolaires, dont elles se sont ensuite distanciées, en raison des différences de missions entre bibliothèques publiques et scolaires. La lecture n’est plus seulement une activité destinée à l’apprentissage, elle peut également devenir un plaisir, autant pour les adultes que pour les jeunes ! Puis, les premières bibliothèques jeunesse amenées par les associations américaines permettent, grâce à leur succès, de justifier peu à peu l’existence de bibliothèques pour enfants. En effet, il n’est pas facile alors de comprendre l’existence de ces bibliothèques alors qu’il existe déjà des bibliothèques scolaires destinées spécifiquement aux enfants. L’évolution de la société dans les années 1960 et la place grandissante accordée à l’enfant contribue à le considérer comme un public à part entière, qui a sa place en bibliothèque publique. Une fois l’enfant légitimé en bibliothèque, les sections jeunesse peuvent fleurir dans les différentes bibliothèques municipales. Il n’y a plus de raison de distinguer les deux institutions. Les jeunes deviennent un public à part entière, avec ses besoins spécifiques.
Les bibliothèques offrent leurs services à tous les âges de la vie, et l’enfance en devient un parmi les autres dans ce continuum. Les bibliothèques pour enfants intègrent très tôt une dimension d’animation, notamment grâce aux apports des associations américaines. Pour intéresser les jeunes à la lecture, les bibliothécaires racontent des histoires, organisent des heures du conte, etc., et contribuent ainsi à faire de la bibliothèque un véritable lieu de vie où les enfants se sentent à l’aise. Cette conception nouvelle de la bibliothèque, qui ne se résume pas qu’à un dépôt de livres, aura une influence bénéfique sur les bibliothèques adultes, qui vont peu à peu intégrer la médiation culturelle dans leurs activités et s’ouvrir à de nouveaux usages. Au vu de cet éclairage, la séparation entre les bibliothèques adultes et jeunesse est donc avant tout historique. Il a fallu tout d’abord prouver leur utilité et ainsi justifier leur existence, raison pour laquelle elles se sont établies à l’origine en dehors des bibliothèques adultes. Cependant, aujourd’hui, aucune raison ne justifie encore une séparation des deux sections. Dans le cas de la BMD, qui se trouve répartie sur deux sites, il était intéressant et nécessaire de revenir sur ce développement pour éclairer la situation actuelle.
Revue littérature
Dans ce chapitre seront présentés les différents projets de réaménagement en bibliothèque étudiés ces dernières années, essentiellement sous forme de travaux académiques. Ils sont plus intéressants que les articles de presse, qui ne présentent généralement que le projet en surface. Plusieurs travaux ont été consacrés à la bibliothèque « 3e lieu » et la manière de développer ce concept de manière concrète dans une bibliothèque particulière. Cette tendance s’explique par le contexte d’abondance de l’information et l’accès quasi généralisé à Internet. L’existence même des bibliothèques est parfois remise en cause, et l’orientation « 3e lieu » vise à attirer les publics avec un endroit accueillant, en se recentrant sur leurs besoins. C’est notamment le cas de la Médiathèque de Sion, qui explique à travers un travail le projet de réaménagement du site des Arsenaux (Luisier 2011). Ce projet vise à réunir en un lieu les bibliothèques municipales jeunes et adultes, la bibliothèque cantonale, les archives du Valais et le Service de la culture. L’option a aussi été prise de s’orienter vers une bibliothèque de type « 3e lieu », en cherchant à un faire un lieu où il fait bon y venir et propre à satisfaire des publics différents.
Pour cela, les espaces sont diversifiés (zoning) pour satisfaire les besoins des usagers, avec des endroits dédiés à l’étude et la lecture silencieuse, et d’autres destinés à l’échange et la rencontre. Le projet s’articule autour de trois types d’espaces : espaces d’information, de formation et de culture. La Bibliothèque de Blonay-St-Légier a aussi pris cette option par le biais d’un travail de Bachelor qui étudie particulièrement la médiation culturelle sous l’angle de la bibliothèque « 3e lieu » (Martins Chaves et Werffeli 2015). La volonté est d’amener le public à rester plus longtemps en bibliothèque, et pour cela, il faut déjà l’amener à changer sa façon de se comporter. Plusieurs actions de médiation ont été développées pour mener à bien cette transition et s’ajoutent à la réflexion sur un réaménagement des espaces. Parmi ces actions de médiation, l’une s’intéressait à la valorisation de la terrasse à l’occasion des vacances, la seconde à la mise sur pied d’un atelier broderie avant Noël et la dernière à l’organisation d’un atelier de création de jeux vidéo. Cependant pour diverses raisons, la mise en place de ces projets n’a pas encore pu se faire.
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
1Introduction
2Mandat et contexte
3Les bibliothèques de demain
3.1Quel avenir pour les bibliothèques de lecture publique ?
3.1.1Contexte
3.1.2Quelles missions pour les bibliothèques ?
3.1.3Qualités des espaces
3.2Tendances actuelles : quelques exemples européens
3.2.1Pays-Bas : Bibliothèque publique de Delft
3.2.2Bibliothèques danoises
3.2.3Bibliothèques finlandaises
3.3Evolution des rapports entre bibliothèques de jeunes et d’adultes
3.3.1Les bibliothèques scolaires
3.3.2L’apport des associations américaines
3.3.3L’Heure Joyeuse
3.3.4La Joie par les livres
3.3.5Et en Suisse ?
3.3.6Récentes évolutions : 1980-2000
3.3.7Situation actuelle en Suisse romande
3.3.8Résumé : rapports entre les deux types de bibliothèques
4Etat de l’art : projets de réaménagement en Suisse
4.1Revue littérature
4.2Visites de bibliothèques
5La Bibliothèque municipale de Delémont
5.1Etat des lieux
5.1.1Historique BMD
5.1.1.1Les origines
5.1.1.2Les années 2000
5.1.1.3Naissance de la « Bibliothèque municipale de Delémont »
5.1.2Missions
5.1.3Situation géographique
5.1.3.1Quartier
5.1.3.2BmdJ
5.1.3.3BmdA
5.1.4Personnel
5.1.5Organisation actuelle : collaboration entre BmdA et BmdJ
5.1.6Collections
5.1.7Services
5.1.8Fréquentation et publics
5.1.9Synthèse
5.1.9.1Points forts
5.1.9.2Points à améliorer
5.2Locaux
5.2.1Répartition des espaces
5.2.2Normes pour les bibliothèques
5.2.3Synthèse des normes
5.2.4Coûts actuels des locaux
5.3Environnement de la BMD
5.3.1Panorama des bibliothèques jurassiennes de lecture publique
5.3.2Avenir du réseau RERO/RBNJ
5.3.3Contexte delémontain
5.3.3.1Développement de la ville
5.3.3.2Offre culturelle
5.3.3.3Anciens projets de fusion des bibliothèques
6Options d’évolutions possibles
6.1Besoins de la BMD en termes d’espaces
6.1.1Accès au public
6.1.2Back-office
6.2Evolution sur deux sites
6.2.1Statu quo
6.2.1.1Avantages
6.2.1.2Inconvénients
6.2.2Agrandissements
6.3Regroupement sur un seul site
6.3.1Avantages / inconvénients
6.3.1.1Avantages
6.3.2Rapprochement
6.3.3Déménagement
6.3.3.1Avantages
6.3.3.2Inconvénients
6.3.4Construction
6.3.4.1Avantages
6.3.4.2Inconvénients
6.4Pôle culturel ou maison du livre
6.4.1Maison du livre
6.4.2« Bâtiment multifonctions »
6.4.3Centre culturel
6.4.4Idées pour Delémont
7Recommandations
7.1Scénario retenu
7.2Aménagement de l’espace
7.3Etapes de réalisation
8Conclusion
Bibliographie
Annexe 1: Grille d’entretien
Annexe 2: Bibliothèques visitées
Annexe 3: Fréquentation du Bibliobus (Jura)
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