Que sont le discret et le continu en mathématiques ?

Que sont le discret et le continu en mathématiques ?

Une petite histoire du discret et du continu en mathématiques à travers celle des nombres 

Cette petite histoire n’a pas l’ambition d’une dissertation sur l’histoire des mathématiques. C’est à travers le filtre de notre questionnement didactique que nous avons consulté des ouvrages d’historiens des mathématiques.

Nous avons revu cette histoire en y cherchant où se sont nichés le discret et le continu, la façon dont ils ont interagi, la façon dont les concepts qui leur sont liés ont évolué.

Ce faisant notre but est de :
• Mieux comprendre les enjeux conceptuels de ces deux notions ;
• Progresser dans l’analyse des raisonnements selon qu’ils font référence au discret ou au continu ;
• Observer les motivations qui ont présidé au développement des concepts liés au discret et au continu ;
• Relever les conditions qui ont été propices à ce développement ;
• Établir les freins, les difficultés épistémologiques qui y sont liés, qu’ils soient d’ordre idéologique, culturel ou conceptuel.

Nos sources principales sont les livres « Nombre, mesure et continu » de Jean Dhombres et « Histoire du concept de nombre » d’Eliane Cousquer. C’est donc à travers des textes de seconde main, et la vision de l’histoire des mathématiques qu’ont ces deux auteurs, que nous avons élaboré cette histoire du discret et du continu. Nous y avons traqué les passages dans lesquels le discret ou le continu sont en jeu, les questions des mathématiciens qui y font référence, la façon dont les idées qui y sont liées ont progressé, la nature des freins à leur développement.

Les objets dont il est question :
Pour nombre d’auteurs, Aristote est le premier à tenter de définir ce que recouvre le continu, plus exactement le continu des grandeurs, le nombre – pour les grecs de l’antiquité – étant limité aux entiers. Il s’y prend en plusieurs fois, dans les Livres IV, V, et VI de La Physique : D’après J. Dhombres, « sa définition de la continuité est mathématiquement inopérante… L’impression générale est que des notions de bon sens commun sont systématiquement malaxées avec pédantisme en vue de réfutations des paradoxes de Zénon ». En résumé, pour les grecs, les grandeurs sont continues puisque divisibles à l’infini.

Les problèmes soulevés par l’infini, mis au jour par ces paradoxes, sont ensuite évités par les mathématiciens européens pendant 2000 ans. Mais au XVIIe siècle, les besoins en mathématiques liés au développement de l’étude du mouvement continu sont pressants. Sans s’appesantir sur les problèmes théoriques soulevés par leurs nouvelles théories, Newton et Leibniz inventent le calcul différentiel et intégral et dotent les scientifiques de nouveaux outils pour traiter le mouvement continu. La définition formelle de la continuité d’une fonction sera énoncée par Cauchy.

Parallèlement, les nombres qui, dans la Grèce antique, sont les nombres entiers et relèvent de collections discrètes, s’étendent aux rationnels et aux irrationnels. Cependant il n’est nullement question d’ensemble continu de nombres jusqu’à la fin du XIXe siècle et la construction de R. Jusque-là, les mathématiciens ne tentent pas de définir le continu ; il est associé aux grandeurs et à l’espace euclidien, de façon « intuitive ». Descartes établit le lien entre le continu des nombres et la droite graduée. Cette référence au continu de l’espace euclidien est cependant mise à mal lors du développement des géométries non euclidiennes, d’autant plus que des contre exemples à des théorèmes faux relevant de la continuité sont exhibés au XIXe siècle. Cantor et d’autres mathématiciens s’attellent à la tâche de définir le continu de la droite réelle. Cantor tente ensuite de définir le continu non ordonné.

Le mot « discret » dans le sens mathématique apparait quant à lui au XIVe siècle, associé à une quantité. Il n’a pas soulevé autant de questions philosophiques ou mathématiques que le « continu ». On le trouve, dans la démarche de Leibniz, à l’origine du calcul différentiel : avant de penser ses infinitésimaux, il raisonna en termes de différences entre deux valeurs entières de la variable. Cette discrétisation de grandeurs continues variables est à la base de la modélisation de nombreux phénomènes. Le discret est dans les mathématiques d’aujourd’hui associé à des espaces topologiques.

Du dénombrement de quantités discrètes finies à la conception du continu de Cantor, nous suivrons le développement des conceptions et formalisations du discret et du continu, en deux temps : celui qui précède l’époque moderne avec une attention particulière concernant la Grèce antique, et celui de l’époque moderne en Europe.

Les mathématiques de l’antiquité, des indiens et des arabes 

Les mathématiques de l’antiquité 

En Mésopotamie et en Égypte, les mathématiques se développent essentiellement dans le but de résoudre des problèmes concrets. Les traces écrites qui nous sont parvenues montrent des tables de calcul ou des listes de problèmes traités dans des cas particuliers, sans tentative de généralisation ni de démonstration.

Ces civilisations sont déjà confrontées au problème d’exprimer des quantités dont on ne peut donner de valeur exacte en utilisant des nombres entiers : les irrationnels. π intervient dans des calculs de longueur de cercle et d’aire de disque. Il est approximé par 3 en Mésopotamie. Les égyptiens calculent l’aire d’un disque par la formule (d ⨯ 8/9)², ce qui revient à approximer π par 4⨯ (8/9)², soit environ 3,16. La méthode de Héron pour le calcul de valeurs approchées de racines carrées est déjà utilisée en Mésopotamie : une tablette énonce : pour extraire la racine carrée de A, choisir une expression arbitraire a et prendre la moyenne entre a et A/a et recommencer le processus aussi loin que l’on veut.

Les babyloniens et les égyptiens calculent des mesures de grandeurs. S’ils n’en ont pas de valeur exacte, ils utilisent une valeur approchée : ils approximent certains nombres de l’ensemble continu ℝ par des entiers ou des rapports d’entiers. En Grèce, dans la période classique (environ – 600 à – 300), les calculs concrets relèvent de la logistique et sont confiés aux esclaves. Les hommes libres ont ainsi tout loisir de réfléchir à la nature du monde… Pythagore (-580, -495) tente de l’expliquer par des principes simples : la monade est indivisible, elle constitue toute chose, en nombre fini. Ainsi, les sous-ensembles finis de l’ensemble ℕ des entiers naturels suffiraient à décrire le monde. Tout rapport de grandeurs serait un rapport de nombres entiers et donc une relation entre collections discrètes. L’étude des nombres entiers revêt une importance philosophique et forme ce que les grecs nomment l’arithmétique.

Le point chez les grecs 

Selon l’école pythagoricienne, le point est un indivisible et tout segment serait fait d’un nombre fini de points. Mais qu’est-ce qu’un point, a-t-il une étendue ? Si oui ont-ils tous la même ? Aristote (-384, -322), écrit que « un point n’est pas une grandeur ». Par là même, le point n’existerait pas. En effet, quand bien même le point existerait et, n’étant pas une grandeur, serait sans étendue, il était certainement difficile à l’époque de concevoir qu’on puisse en assembler pour former une grandeur étendue, qu’une somme d’éléments sans étendue puisse en avoir et constituer un continu. Aristote ne pensait donc pas le continu comme nous le faisons de nos jours, comme un ensemble d’éléments de mesure nulle. Un peu plus tard, Euclide (environ -300) donne une définition du point dans son Livre I des Éléments : « un point est ce qui n’a aucune partie ». Il s’agit de l’idée qu’un point est insécable. L’hypothèse que tout rapport de grandeurs est un rapport d’entiers mène, par application du théorème de Pythagore dans le carré, à l’existence d’un rapport (d’entiers) dont le carré vaut 2. Ce qui est impossible. Le dénombrable discret ne pourrait rendre compte de toutes les grandeurs. D’où la crise de l’école pythagoricienne dite « crise des irrationnels ».

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Table des matières

Introduction
I. Que sont le discret et le continu en mathématiques ?
A. Une petite histoire du discret et du continu en mathématiques à travers celle des nombres
1. Les mathématiques de l’antiquité, des indiens et des arabes
a) Les mathématiques de l’antiquité
b) Les mathématiques indiennes et arabes
2. La période moderne en Europe
a) Le réveil de l’Europe
b) Le calcul différentiel et intégral, ou l’algébrisation des grandeurs continues
c) Le retour de la rigueur
d) Les constructions des nombres réels
e) L’idée de continu dégagée de la notion d’ordre
3. Conclusion de la partie I A
B. Qu’est-ce que le discret, qu’est-ce que le continu en mathématiques aujourd’hui?
1. Du point de vue de l’étymologie et de l’intuition
2. En philosophie
3. Dans les modes de pensée
4. Quantitativement
5. Topologiquement : points isolés, points limites
6. Divisibilité à l’infini
7. Topologiquement dans un espace métrique : complétude
8. Topologiquement : connexité
9. Propriété de la borne supérieure – notion d’ensemble ordonné
10. En géométrie affine classique et euclidienne
11. En probabilités
12. En physique, quelques pistes
13. Conclusion de la partie I B
C. Conclusion de la partie I
II. Outils théoriques ; méthodologie
A. Spécificité de ce travail
B. Outils
1. Le relief
2. Discret, continu : quel(s) type(s) de notion ?
3. Outils d’analyse des contenus
4. Niveau de conceptualisation
5. Le méta
C. Problématique et méthodologie
1. La problématique
2. La méthodologie
a) Le relief – les mathématiques
b) Le relief – les aspects cognitifs
III. Fonctions, suites
A. Notions de fonction, de représentation graphique d’une fonction, en collège et en classe de Seconde
1. Dans les mathématiques à enseigner au collège et en seconde générale
a) Les programmes de Troisième et de Seconde depuis 1999
b) Quelques manuels de Troisième depuis 1999, récents énoncés de Brevet
c) Quelques manuels de Seconde depuis 2001
2. Du côté des élèves – relier les points
a) L’ « activité » « Relier les points ? » du manuel « Math’x »
b) Relier les points : de quelques points de la représentation graphique d’une suite géométrique à la courbe d’une fonction exponentielle
3. Du côté des enseignants
a) Les futurs enseignants (étudiants en Master MEEF 1)
b) Les enseignants de 3e et de 2nde en exercice
c) Quelques réponses de l’APMEP
d) Conclusion sur les enseignants
B. Fonction continue en Terminales ES, L et S
1. Dire qu’ « une courbe est continue » a-t-il un sens en mathématiques ?
2. La continuité dans les mathématiques à enseigner en Terminale
a) Les programmes officiels
b) Les manuels de 2012
3. Conclusion
C. Suites et fonctions en Première et Terminale série S
1. Dans les mathématiques à enseigner au cycle Terminal du lycée, série S
a) Dans les programmes de Première et de Terminale de la série S
b) Dans les manuels
c) Tâches relevant du discret / du continu en analyse au lycée : sujets de Baccalauréat série S
2. Du côté des élèves
a) Aspects liés aux entiers naturels : la notation indicée ; les relations de récurrence ; le travail algébrique dans ℕ
b) Suite et fonction
c) Notations discret / continu
d) Monotonie
e) Conclusion sur les élèves
3. Du côté des enseignants
a) Les futurs enseignants (étudiants en Master MEEF 1)
b) Enseignants en exercice
c) Conclusion sur les enseignants
4. Conclusion de la partie III C
D. Calculs de moyennes en Terminales ES, L et S
1. Dans les mathématiques à enseigner au collège et au lycée général
a) Quelques considérations mathématiques
b) Le programme officiel
c) Les énoncés d’exercices de manuels et du Baccalauréat
2. Du côté des élèves
3. Conclusion de la partie III D
E. L’introduction aux fonctions exponentielles en Terminales ES et L
1. Dans les mathématiques à enseigner
a) Le programme officiel
b) Étude de l’introduction aux fonctions exponentielle dans quatre manuels de Terminales ES et L
2. Du côté des enseignants
a) Une séance d’introduction aux fonctions exponentielles en Terminale ES via l’étude du prix d’un bien immobilier
b) Retours d’expérience d’enseignants
c) Conception d’une séance d’introduction des fonctions exponentielles en Terminale ES
3. Du côté des élèves
a) L’ « activité » d’introduction de novembre 2016
b) Questionnaire sur les fonctions exponentielles de décembre 2016
4. Conclusion de la partie III E
Conclusion

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